Politique agricole commune : c’est notre avenir qui est en jeu (tribune)

Tribune co-signée par Arnaud Danjean, Agnès Evren et François-Xavier Bellamy, parue sur le site du JDD, février 2019. Présentation de la vision stratégique et des orientations du programme « agriculture » pour l’élection européenne 2019.

A moins de cent jours des élections européennes, le Salon International de l’Agriculture s’ouvre dans le contexte d’une réforme de la Politique agricole commune (PAC) sur laquelle les élections du 26 mai auront un impact déterminant. Conséquence budgétaire directe du départ annoncé des britanniques et de l’émergence de nouvelles priorités au niveau européen (sécurité, migration et défense), la Commission européenne propose en effet de diminuer le budget alloué à la PAC de 15% pour la période allant de 2021 à 2027, soit un manque à gagner de près de 7 milliards d’euros pour les agriculteurs français. Ce serait en moyenne 20 000 euros de moins pour chaque exploitation. On mesure l’impact qu’aurait une telle baisse pour les agriculteurs, leurs familles, et le tissu rural qu’ils font vivre, dans un contexte déjà très difficile que Michel Houellebecq décrivait comme « un plan social secret, invisible, où les gens disparaissent individuellement, dans leur coin, sans jamais donner matière à un sujet pour BFM… »

Cette baisse, fruit des tergiversations du gouvernement français, qui pendant des mois a refusé de jouer son rôle de premier défenseur de la PAC, est inacceptable. Que traduit-elle comme vision? Que l’agriculture est un marché comme un autre ; que les agriculteurs doivent se débattre seuls dans l’économie mondiale ; que les exploitations n’ont plus qu’à augmenter de taille et industrialiser leurs activités pour rester compétitives ; et qu’en même temps la transition vers une agriculture écologiquement responsable se fera spontanément.

La PAC doit demeurer l’un des piliers stratégiques pour préserver notre modèle agricole

Pourtant, l’agriculture n’est pas un marché comme les autres. Voilà la vision que les gouvernements de François Hollande et Emmanuel Macron n’ont pas su défendre en Europe au cours des dernières années : au moment où la démographie mondiale explose, la PAC doit demeurer l’un des piliers stratégiques pour préserver notre modèle agricole et préparer l’avenir de notre continent. Toute autre option serait une folie.

Car notre agriculture, ce sont les produits qui se trouvent chaque jour dans les assiettes de millions d’enfants, et garantissent à chacun d’accéder à une alimentation sûre et saine. La sécurité alimentaire ne doit rien à un coup de chance : conditions météo, changement climatique, volatilité des cours mondiaux… les agriculteurs font face à des risques auxquels aucun autre secteur économique n’est exposé. Le rôle de la puissance publique en France et en Europe est de les soutenir et de les protéger pour assurer notre sécurité.

Notre agriculture, c’est aussi 7 milliards d’excédents commerciaux pour la France. L’Argentine, la Nouvelle-Zélande, l’Australie, le Brésil, les Etats-Unis et la Chine font tout pour concurrencer nos producteurs : giga-fermes industrielles, normes sanitaires inférieures, subventions massives aux entreprises agrochimiques. On trouve déjà en supermarché des produits frais venus de Nouvelle-Zélande… Des milliers d’hectares agricoles et des dizaines de vignobles passent sous pavillon chinois. Ce serait une naïveté coupable que de baisser la garde dans un tel contexte.

Notre agriculture, enfin, ce sont des missions que l’on ne peut monétiser : valorisation du monde rural, sauvegarde et entretien des paysages, aménagement de nos territoires dans une cohérence entre activité économique et géographie, que nous appelons, en France, le terroir – un mot qui n’a d’équivalent dans aucune autre langue.

En 2016, le revenu moyen des agriculteurs est inférieur au Smic pour 54 heures travaillées par semaine

Maintien des budgets, des droits de douane et vigilance sur les négociation d’accords de libre-échange

Pour permettre à nos agriculteurs de survivre et de faire rayonner encore longtemps les savoir-faire qu’ils représentent, nous exigeons un maintien du budget de la PAC ; un maintien des droits de douane qui protègent notre marché, et de la préférence européenne qui expriment notre exigence de sécurité alimentaire et de responsabilité écologique ; et une vigilance absolue sur toute future négociation d’accords de libre-échange.

Bien sûr, les aides publiques doivent être mieux orientées ; les agriculteurs doivent pouvoir vivre dignement de leur travail : en 2016, leur revenu moyen est inférieur au Smic pour 54 heures travaillées par semaine. Dans les négociations commerciales, ils font face à des distributeurs et des industriels peu nombreux, davantage en mesure d’imposer leurs conditions, alors que le monde agricole reste très atomisé et peine à se structurer de manière suffisante, ou en est même empêché.

A cela s’ajoutent des normes toujours plus complexes, décidées bien loin des réalités locales, aboutissant à des absurdités réglementaires, et la gestion administrative calamiteuse des aides européennes par l’État français : travailleurs acharnés, défenseurs de la diversité et de la richesse de nos terroirs, les agriculteurs n’ont pas de temps à dédier à des procédures toujours plus lourdes.

Grâce notamment au travail persévérant des eurodéputés LR sur ces sujets, des réorientations nécessaires sont déjà achevées ou en cours : réforme du droit de la concurrence et de l’organisation agricole, création d’un cadre européen de lutte contre les pratiques commerciales déloyales, avancées sur les outils de lutte contre la volatilité des prix, mise en place d’outils de soutien des filières agricoles, et enfin simplification de la PAC.

La sécurité alimentaire, l’aménagement de notre territoire et la transition écologique

A partir de mai prochain, nous nous engageons à maintenir cette exigence et à porter une réforme ambitieuse de la PAC, pour permettre demain le renouvellement des générations et l’installation des jeunes agriculteurs, défendre un équilibre entre le développement économique et la transition écologique du secteur agricole ; ou encore mettre en place des outils permanents de protection et de gestion des crises.

La politique agricole commune avait permis de combattre efficacement la pénurie alimentaire et de moderniser le secteur agricole : ce fut un des grands succès économiques et politiques de l’histoire de l’Europe. Il n’y a pas de fatalité à sa dégradation. Sur ce sujet, nous ne croyons ni à une renationalisation illusoire, qui nous laisserait isolés dans un marché morcelé ; ni à une ouverture aveugle, qui abandonnerait ce pan essentiel de notre économie, de notre modèle social et de notre mode de vie à une concurrence mondiale faussée et très éloignée de notre exigence environnementale.

La sécurité alimentaire, l’aménagement de notre territoire et la transition écologique, qui sont des conditions essentielles de notre avenir, passent d’abord par ce chemin.

 

« La distorsion de concurrence n’est plus tenable pour nos agriculteurs »

 

"La distorsion de concurrence n'est plus tenable pour nos agriculteurs" FX Bellamy sur Franceinfo (06.04.19)

Nous proposons une barrière écologique, qui impose nos standards écologiques à tout produit entrant sur notre territoire.

Publiée par François-Xavier Bellamy sur Lundi 8 avril 2019

 

« Je regrette qu’on ne parle de l’agriculture que pour parler des pesticides. »