Sur la « journée de la jupe »

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Entretien paru dans le Figaro de ce jour à propos du projet mené au sein de plusieurs établissements scolaires de l’Académie de Nantes, invitant des lycéens à porter une jupe.

« Que vous inspire l’initiative « Ce que soulève la jupe » ?

Comme enseignant, je suis écœuré de voir que l’on ne cesse de détourner l’enseignement de sa mission. L’école devrait aider les élèves à se construire : elle est aujourd’hui mise au service d’une entreprise de déconstruction systématique, par laquelle on nie leur identité et leur liberté. Car derrière l’aspect d’un canular, nous sommes devant une oppression politique très grave : s’ils veulent être acquittés de tout soupçon de sexisme, les jeunes hommes sont tenus de nier, par leur tenue vestimentaire, leur identité sexuelle. Sous couvert de bons sentiments, on engage donc les lycéens à contribuer à ce « trouble dans le genre » que voudraient semer partout les expérimentateurs irresponsables d’une postmodernité devenue folle. Pour nos gouvernants, l’école ne doit plus éduquer les élèves, mais les rééduquer – avec toute la part de violence que cela comporte. Cette initiative serait risible, si elle n’était pas un exemple visible parmi des dizaines d’autres actions ; il faut qu’elle puisse au moins réveiller la conscience des parents. Comme citoyens, nous devons refuser la prise en otage de l’école à des fins idéologiques, ce à quoi conduirait par exemple la généralisation des ABCD de l’égalité, prévue pour l’année prochaine.

Reconnaître laIMG_3455[1] différence des sexes empêche-t-il d’affirmer leur égalité ?

Bien sûr que non, au contraire ! Avec ce projet apparaît toute la contradiction d’un féminisme qui finit par nier l’existence même de la femme, son droit à être respectée même lorsqu’elle est différente des hommes par sa façon d’agir, de vivre, d’aimer, de travailler ou… de s’habiller ! Par exemple, nous savons qu’il est devenu difficile pour les femmes, dans bien des situations, de porter une jupe sans risquer d’être insultées ou agressées. Le vrai féminisme consisterait à se battre pour que les femmes puissent être acceptées et estimées telles qu’elles sont, telles qu’elles veulent être, avec leur singularité ! Aurons-nous fait une place plus juste aux femmes quand l’école, quand notre société auront cédé à cet uniforme d’un nouveau genre, en refusant toute différence par la confusion forcée des sexes ?

Comment lutter contre le sexisme et les discriminations ?

Il faudrait commencer par retrouver le sens des priorités… La priorité éducative absolue, dans notre pays, devrait être d’apprendre l’ABCD, tout simplement : près de 20 % des jeunes majeurs en France sont en situation d’illettrisme, 50 000 jeunes quittent chaque année notre système scolaire sans aucune qualification… Et pendant ce temps, nos académies s’intéressent aux clichés vestimentaires ! Cherchez l’erreur. L’école peut aider chacun à se construire dans le respect d’autrui et la connaissance de soi, mais elle le fera par le moyen qui lui est propre : la transmission du savoir. De la déconstruction de la culture, nous ne pouvons attendre que plus de violence et d’exclusion. Cette exclusion, les femmes sont les premières à la vivre aujourd’hui, elles qui paient l’essentiel du coût social de la fragilisation des familles. Mères isolées ou jeunes filles en grande précarité, elles sont massivement touchées par l’explosion de la pauvreté, plus exposées que les hommes aux conséquences de la crise. N’avons-nous rien de mieux à leur offrir que le bavardage facile et condescendant de ces projets de sensibilisation ? Où est le féminisme authentique dont notre société a tant besoin ? »

Propos recueillis par Stéphane Kovacs

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