Avec les Veilleurs

Une amie m’envoie hier le texte, repris à partir d’une vidéo, d’un petit mot, complètement improvisé, devant les Veilleurs. C’était sur la pelouse des Invalides, au soir du vote de la loi Taubira ; alors que quelques dizaines de personnes, recueillant le monopole de l’attention médiatique, cherchaient bruyamment l’affrontement avec la police, des milliers de jeunes témoignaient par leur silence de leur désir sincère de paix et de justice.

Je serai ce soir encore parmi eux, à Paris. En attendant, je me permets de reproduire ici ce petit texte, en remerciant encore celle qui l’a transcrit.

« (…) J’ai eu la chance de passer quelques jours à Lyon et à Bordeaux, où j’ai rencontré les veilleurs qui se sont rassemblés dans ces deux villes ; j’ai eu la chance aussi de participer à ces veillées ici dans les derniers jours. Et je voulais vous dire un immense merci.

Merci d’être là, parce que votre présence est déjà une immense victoire. Elle est déjà toute la victoire.

Dans le débat qui s’est crée autour du mariage, en réalité, il y a eu deux camps : le camp de ceux qui voulaient provoquer, insulter, le camp de ceux qui voulaient susciter la violence. Et de l’autre côté le camp qui voulait la paix, la justice, le camp qui voulait chercher honnêtement et loyalement le bien de tous. Et ce soir encore, nous voyons ces deux camps qui se rencontrent ; et ce soir encore, vous êtes du côté de la victoire, parce que vous êtes du côté de la paix, et donc de l’espérance.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire – et je le dis d’une façon toute spéciale ce soir, je voudrais vous demander pardon au nom de tous les élus qui ont choisi le camp de la provocation. Au nom de tous les élus qui ont choisi parfois le camp de la violence, par leur parole, par le mépris dont ils ont pu parfois témoigner. Au nom de tous les élus qui ont oublié qu’ils avaient reçu leur charge pour servir.

Ce soir, je vais enlever mon écharpe, parce qu’elle ne m’appartient pas : elle nous appartient, à nous tous. Et je voudrais faire ce geste pour compenser celui de tous ces élus qui, aujourd’hui, ont servi l’intérêt partisan, l’idéologie, ou le bien et les intérêts d’une petite partie de leurs amis ou de leur clientèle, plutôt que de chercher honnêtement le bien de tous.

Cette écharpe, elle est à vous, et je vous la rends.

Je vous demande pardon pour tous ces élus qui se sont approprié leur fonction ; et je voudrais vous dire que la véritable politique, au sens le plus beau de ce mot, c’est vous qui la faites ici – c’est vous qui la vivez en ce moment. La véritable politique, elle consiste à rester unis pour fonder une société dans laquelle nous ne servons pas notre propre bien, celui qui fait de nous des individus isolés qui s’occupent d’eux-mêmes, mais une société dans laquelle nous cherchons en vérité le bien de tous, « la chose de tous », la chose publique, qui est la république ; vous êtes la république ce soir !

Je voudrais terminer en vous disant encore une fois un immense merci – et en vous disant que nous n’avons aucune raison d’avoir peur. Nous avons toutes les raisons d’espérer. Parce que vous êtes ici, et que nous tous, ensemble, nous sommes largement assez nombreux pour restaurer la politique dans notre société, pour restaurer la république dans notre pays. Nous sommes largement assez nombreux pour convertir les cœurs autour de nous à la nécessité de la paix, à l’urgence du dialogue et au sens du bien commun. Nous sommes largement assez nombreux ; et votre silence est plus puissant que le bruit que vous entendez derrière vous, il est infiniment plus puissant. Il a la force de changer l’histoire, et c’est ce que notre génération va faire demain, parce que nous en sommes capables.

Demain, après-demain, personne ne peut dire ce qui va se passer : personne n’en sait rien. Notre pays, vous le savez, traverse une grande crise, qui touche tous les pans de sa vie parce que cette crise est liée au fait que des responsables politiques et des citoyens, dans les dernières années, ont préféré leur propre intérêt de court terme au bien de la société. Mais cette crise, nous ne devons pas en avoir peur. Elle est une occasion magnifique de nous convertir – de nous convertir au sens du bien commun, et à l’exigence de la vérité.

Demain, après-demain, peut-être nous ne nous retrouverons pas, ou pas sous la même forme. Mais nous devons repartir de ces veillées que nous avons vécues ensemble avec le sentiment d’une immense fraternité et d’une grande unité. Il faut que chacun d’entre nous, dans son travail, dans ses amitiés, dans sa vie personnelle, dans sa vie associative, dans tous ses engagements, puisse vivre de cette énergie qu’il a reçue ici, pour faire ce travail secret et silencieux de conversion des cœurs. Merci à tous ! »

La vidéo ici.

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