L’Union européenne empêchée in extremis de nommer un «anarcho communiste», obsédé par la «race», au sein d’une instance surveillant Europol

Article initialement paru dans Le Figaro

Sans l’intervention de l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, ce membre d’une association proche des Frères musulmans, et pourtant subventionnée à hauteur de millions d’euros, aurait pu influer sur l’organisation d’Europol et avoir accès à des données de police ultrasensibles.

L’affaire est aussi tentaculaire que représentative des errances qui entravent le bon fonctionnement de l’Europe. Après avoir perdu la trace de 7,4 milliards d’euros de subventions à des ONG, et après avoir financé à hauteur de millions d’euros des associations poussant l’application de l’islam radical au sein des sociétés européennes, l’Union européenne a été empêchée in extremis de nommer un «anarcho communiste» au sein d’un forum chargé de surveiller et de contrôler les agissements d’Europol. Selon nos informations, le profil de cet individu, Emmanuel Achiri, a été mis au jour grâce à une mobilisation lancée par l’eurodéputé LR François-Xavier Bellamy.

Pour tout comprendre au dossier, il faut revenir à ses prémices. Depuis 2016, l’agence européenne de police criminelle, qui coordonne et soutient les services de police des 27 États membres de l’UE dans leur lutte contre le crime organisé, est surveillée par le GCPC, le «groupe de contrôle parlementaire conjoint».

Dépendant du Parlement européen, ce groupe «assure le contrôle politique des activités d’Europol dans l’accomplissement de sa mission, y compris en ce qui concerne leur incidence sur les libertés et les droits fondamentaux des personnes physiques», d’après le règlement officiel. L’objectif? «Assurer le juste équilibre entre la sécurité et les droits de l’homme», peut-on lire dans un autre document. Il est constitué de membres du Parlement européen mais aussi de parlements nationaux, comme les députées françaises à l’Assemblée nationale Marietta Karamanli (groupe Socialistes et apparentés) et Liliana Tanguy (Ensemble pour la République), ou la présidente de la commission des Lois du Sénat Muriel Jourda (Les Républicains).

Impact sur le budget et les missions d’Europol

Pour mener à bien ses contrôles, le GCPC peut être amené à consulter divers documents sensibles et à entendre des hauts fonctionnaires. Il peut également établir des recommandations adressées à Europol, et soumettre des conclusions sur les activités de l’agence au Parlement européen et aux parlements nationaux.

Le GCPC doit également être consulté pour établir le programme multi-annuel d’Europol, un document de quelque 200 pages qui liste en détail les missions prioritaires à accomplir dans les années à venir, dénombre les agents service par service, et établit le budget dont l’agence a besoin pour fonctionner. Par exemple, Europol indique dans son dernier programme que 15,7 millions d’euros ont été alloués en 2025 à la lutte contre le trafic de migrants. L’agence estime que ce budget devra atteindre les 19,6 millions d’euros en 2026, puis redescendre à 13,4 millions d’euros en 2027.

Le GCPC peut-il contraindre Europol à abaisser son budget et faire en sorte qu’il délaisse certaines missions pour d’autres? En théorie, non, puisque les recommandations du GCPC sont «non contraignantes». En pratique, le groupe de contrôle peut exercer suffisamment de pression sur l’agence pour qu’elle modifie ses priorités.

Un forum «consultatif» sur les «droits fondamentaux»

Pour assister l’organisme qui surveille Europol, le Parlement européen s’est mis en tête en 2023 qu’il fallait aussi créer un «forum consultatif». Composé d’un maximum de 11 personnes issues de la société civile, d’ONG ou d’agences, ce forum a pour mission de rendre des «avis» sur le respect ou non «des droits fondamentaux» par les forces de police, explique un document dédié. Il peut être «sollicité» à tout moment par le GCPC. Le forum peut ainsi avoir accès à des informations ou documents d’Europol relatifs au respect de la vie privée ou sur la protection des données à caractère personnel, ainsi qu’à d’autres types de données sensibles.

«Les membres du forum doivent posséder des qualifications attestées, une expertise ou être forts d’une expérience professionnelle dans le domaine des droits fondamentaux et de l’application des lois», poursuit le document. Ils doivent également être neutres, impartiaux, indépendants, et n’avoir aucune affiliation politique. Un appel à candidatures reprenant l’ensemble de ces principes a été lancé auprès de multiples organismes en 2024. Douze candidatures ont été reçues, et onze d’entre elles ont donc été retenues par le GCPC, décisionnaire des membres du forum.

Une candidature proposée par l’ENAR, «focalisée sur l’islamophobie»

Parmi ces candidatures retenues, celle d’Emmanuel Achiri, proposé par l’ENAR (Réseau européen contre le racisme), un organisme à l’agenda politique particulièrement trouble. Dans un précédent article, nous révélions que l’ENAR avait soutenu sans commune mesure le Collectif contre l’islamophobie en France – dissous par Gérald Darmanin pour «propagande islamiste» – et l’Alliance citoyenne, qui avait milité en 2022 pour le port du burkini dans les piscines de Grenoble. L’ENAR, ONG antiraciste «focalisée sur l’islamophobie et dont plusieurs cadres sont associés aux Frères musulmans» d’après la sénatrice de l’Oise Nathalie Goulet au Figaro, a aussi participé en 2023 à l’organisation de la «Semaine de l’antiracisme et de la diversité», au sein du Parlement européen. Plusieurs conférences portant sur l’«héritage raciste de la langue» ou la «justice raciale» y avaient été tenues. L’ENAR a également mené au fil des années plusieurs travaux de recherches, censés démontrer que les politiques de lutte antiterroristes de l’UE avaient renforcé les discriminations ethniques et religieuses, ou que la pandémie avait aggravé les discriminations «islamophobes» en Europe.

Tout un programme financé par l’Europe: entre 2014 et 2023, l’ENAR a reçu près de 12,5 millions d’euros de subventions, virés notamment par l’Agence exécutive de recherche européenne ou par la Direction générale de la justice et des consommateurs, selon nos informations. Rappelons que l’ancien dirigeant de l’ENAR, l’universitaire Michaël Privot, a un temps été membre de la Société des Frères musulmans – considérée comme terroriste par plusieurs pays dans le monde -, et que l’on a compté dans les rangs de l’organisation Intisar Kherigi, fille de Rached Ghannouchi, fondateur du parti tunisien islamiste Ennahda.

L’Europe «obsédée» par «une blancheur synthétique»

Sur le papier, Emmanuel Achiri a de nombreux atouts. Né au Cameroun en 1992, il est titulaire d’un doctorat en «politique et migration», obtenu à l’Eastern Mediterranean University de Chypre. Il est le co-fondateur de VOIS Cyprus, une organisation d’aide aux migrants à Chypre, et a siégé au sein d’un groupe de travail de l’EPIM (Initiation philanthropique européenne pour la migration), entre 2022 et 2023.

Mais lorsque l’on creuse son profil, l’on va de découverte en découverte: son université de Chypre propose, sur sa page d’accueil, des frais d’inscription réduits pour tous les étudiants de nationalité palestinienne ; dans l’un de ses anciens CV, il dit s’intéresser dans le cadre de ses recherches aux droits des réfugiés, aux droits de l’homme, à «la politique étrangère américaine au Moyen-Orient» et… au «terrorisme moderne et (au) rôle de l’Occident dans son émergence».

Sur le site de l’ENAR, qu’il a rejoint en tant qu’expert de la migration et de la sécurité, il est écrit dans son portrait que son travail porte sur «le maintien de l’ordre et le système pénal, à travers le prisme de la justice raciale, intersectionnelle et décoloniale ». On peut également lire: «Achiri affirme qu’il n’existe pas de “crise migratoire” à proprement parler; selon lui, la véritable crise réside dans la difficulté de l’Europe à se confronter à sa propre identité et dans son obsession pour une blancheur synthétique.» 

En juin 2024, lors d’un déplacement en Croatie, il est brièvement arrêté par les autorités du pays à l’aéroport de Zagreb. D’après l’ENAR qui raconte l’événement dans un article, il fait alors l’objet d’une «interpellation arbitraire»«Emmanuel, qui est noir, est la seule personne qui subit ce traitement, qui s’avère être un acte de profilage racial.» L’événement n’a été relaté que par l’organisation et Emmanuel Achiri, sur LinkedIn. «Ce n’est pas la première fois que je suis confronté au profilage racial. C’est malheureusement assez courant pour les personnes racisées en Europe», écrit-il sur le réseau social. «En général, j’ignore ce comportement raciste et je présente mes papiers. Mais cela fait deux jours que les horribles résultats des élections européennes sont tombés. La veille encore, je réfléchissais à comment résister à la montée de l’extrême droite et du fascisme en Europe. Je sais que c’est un cas de profilage racial».

Série de tweets anti-France

Une obsession pour la race et l’identité qui ne date pas d’aujourd’hui. Sur son compte X, Emmanuel Achiri se présente comme un «anarcho communiste anti raciste». Dans d’anciens tweets, il multiplie les sorties provocantes et controversées. En août 2016, en pleine polémique sur le burkini, il écrit en anglais: «Je ne comprends pas en quoi bannir le burkini aide. Les musulmans vont être aliénés encore un peu plus. La France et ses lois. Ils ont toujours été des gens stupides»«Nous devons avoir une discussion sérieuse sur les actes de la France durant les guerres coloniales», renchérit-il en 2018.

En octobre 2024, alors que l’Allemagne annonce la reprise de ses livraisons d’armes à Israël, il assure encore: «C’est toute l’histoire de l’Allemagne. Malheureusement, les fantômes du nazisme sont toujours vivants – (l’Allemagne) déshumanise les vies qu’elle considère moins humaines. C’est ce qui justifie la posture de l’Allemagne sur Gaza. Ce n’est pas à cause de leur “culpabilité” pour leur rôle dans l’Holocaust, mais parce que pour l’Allemagne, les Palestiniens ne sont pas humains.»

En janvier dernier, tandis qu’Emmanuel Macron évoque la situation africaine et estime que les pays du continent ont «oublié de dire merci»  à l’armée française pour ses opérations de sécurisation, Achiri écrit: «Pourquoi devrions-nous être reconnaissants envers la France déjà? Quelle audace de revendiquer que nos pays ne seraient pas souverains aujourd’hui sans l’armée française. Notre souveraineté est constamment entravée à cause de la France». Récemment, le doctorant partage à foison les publications de l’eurodéputée Rima Hassan, dont l’une qui estime que «ce que fait Israël à la Palestine n’est pas très différent de ce que la France faisait à l’Algérie ». Des publications qui s’avèrent bien lointaines de la «neutralité» nécessaire à une intégration au sein du forum consultatif.

Empêché in extremis

Ce qui n’a pas empêché la candidature d’Achiri d’être soutenue la semaine du 20 février dernier lors d’un vote informel par les groupes politiques de gauche du Parlement européen, à savoir l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D), les Verts, et le Groupe de la Gauche (dont LFI fait partie), soit 235 des 720 sièges de l’organe politique.

Son nom a toutefois été rejeté par l’ensemble des groupes de droite et par Renew, grâce à la mobilisation de François-Xavier Bellamy, qui fait partie de la commission chargée de nommer les membres du forum. «Quand j’ai vu que l’ENAR avait déposé une candidature, j’ai immédiatement réagi, prévenu mon groupe (le Parti populaire européen, PPE, NDLR) et cherché le soutien des autres formations», précise-t-il auprès du Figaro. Et de tacler: «On a beau avoir alerté les socialistes, ça ne les a pas empêchés de maintenir leur vote. Et Renew a pas mal hésité.» Face à la bronca, le GCPC a finalement écarté la candidature d’Emmanuel Achiri, très récemment, selon nos informations.

«Il fallait 11 membres, et il y avait 11 candidatures retenues. Il aurait été nommé» sans l’intervention de la droite au Parlement européen, continue François-Xavier Bellamy. «Le fait est qu’il existe énormément de structures comme (le forum consultatif). Choisir les membres qui les intègrent ne paraît pas être une grande décision stratégique. Pourtant, nombre de cercles d’influence, qui connaissent les règlements, cherchent» à les infiltrer. «Et quand les décisionnaires voient sur le papier à signer que le candidat fait partie d’un réseau contre le racisme, ils ne se posent pas de question, et signent.»