Repenser la politique migratoire européenne

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Propositions de changements majeurs dans la politique migratoire européenne, pour que l’Europe garantisse à nos pays les moyens de maîtriser nos frontières. Texte signé avec le président du PPE Manfred Weber, initialement paru dans Le Figaro.

À lire les chiffres, nul besoin d’être devin pour pressentir l’imminence d’une prochaine crise migratoire d’ampleur en Europe. Rien que l’année dernière, au moins 330.000 migrants illégaux sont arrivés sur le continent – près de 60% de plus qu’en 2021 et un chiffre inédit depuis 2016. Le constat est clair: notre politique migratoire ne fonctionne pas et il est temps de la refonder. Le sommet européen extraordinaire sur le sujet qui s’ouvre ce jeudi sera déterminant et nous attendons des chefs d’État et de gouvernement des décisions fortes qui doivent reposer sur deux piliers.

Premièrement, nous avons besoin de protéger efficacement nos frontières extérieures. Il est urgent de rendre le corps de gardes-frontières et de gardes-côtes (Frontex) pleinement opérationnel et de renforcer ses effectifs. Face à l’immigration illégale, son rôle est de soutenir nos États ; c’est eux, et non la mafia des passeurs, qui doit décider qui vient en Europe et qui n’y vient pas. Si nous voulons maintenir la libre circulation au sein de l’UE, les citoyens doivent savoir que nos frontières sont protégées.

Cela sous-entend également de permettre aux États membres qui le souhaitent de pouvoir ériger avec des fonds européens des barrières gardées en cas de crise. En 2021, 12 pays avaient demandé à Bruxelles de l’aide pour financer la construction de protections à leurs frontières pour répondre au chantage indécent du dictateur biélorusse Loukachenko. À l’époque, ce dernier utilisait des milliers de malheureux comme arme géostratégique dans une guerre hybride pour faire pression sur les Occidentaux. La Commission était restée sourde aux appels des États. Ce refus est intenable.

Par ailleurs, nous devons enfin réussir à renvoyer les personnes qui n’ont pas le droit de rester sur le sol européen. La grande majorité des migrants qui traversent la Méditerranée ne sont pas des réfugiés fuyant la guerre, mais des immigrants illégaux qui cherchent du travail. Une fois leur demande d’asile ou de titre de séjour rejetée, très peu d’entre eux sont expulsés, notamment du fait d’une jurisprudence européenne qui paralyse l’application normale du droit. Est-ce une situation acceptable? Malheureusement, la Commission européenne n’a proposé aucun progrès en la matière au cours des dernières années…

Il en va de même concernant les opérations de recherche et de sauvetage. Il n’est pas viable de laisser aux ONG le soin de patrouiller, sans encadrement aucun, à la frontière maritime méridionale. Il est bien entendu hors de question de transiger avec le principe du sauvetage en mer, mais nous avons besoin d’un règlement clair, défini au plan européen. Nous demandons en particulier la création de règles communes pour les ONG effectuant des missions de recherche et de sauvetage, qui leur imposent enfin de respecter le droit de la mer et de reconduire effectivement les personnes rescapées dans le port sûr le plus proche, et non de les accompagner jusque sur les côtes européennes.

Le deuxième pilier sur lequel les chefs d’État et de gouvernement doivent s’appuyer, repose sur la solidarité européenne et l’aide apportée à ceux qui ont besoin de protection. Avec les réfugiés d’Ukraine, l’Europe a prouvé qu’elle était capable et désireuse de faire preuve d’une solidarité massive dans une situation d’urgence effective. Des millions de personnes ont généreusement offert leur aide aux Ukrainiens. Si nos concitoyens savent que la frontière extérieure est gardée, ils sont prêts à soutenir ceux qui en ont besoin.

La crise migratoire est un défi européen que nous devons relever ensemble. Nous avons besoin d’une stratégie de résolution des problèmes à long terme et à 27 plutôt que de vaines polémiques qui n’apportent que déshonneur et divisions, comme celle de l’Ocean Viking.

Nous rappelons au passage que l’Allemagne et la France avaient promis à l’Italie d’accueillir plus de 7000 migrants dans le cadre du mécanisme de solidarité volontaire. Ont-elles tenu parole? Pas du tout! Seules 202 personnes originaires d’Italie ont été relocalisées en Allemagne et en France. C’est une preuve supplémentaire que la promesse contre-productive de relocaliser des migrants illégaux n’est rien d’autre qu’une solidarité de papier envers les pays les plus exposés.

Enfin, nous devons reconsidérer la manière dont l’Europe peut prévenir les drames en mer en dissuadant les migrants d’entreprendre leur traversée. La politique de développement économique et le commerce international ont en ce sens un rôle déterminant à jouer. Nous devrions également reconsidérer la possibilité de centres européens de préfiltrage hors de nos frontières, afin de traiter des demandes d’asile avant que des personnes qui n’y sont pas éligibles ne se mettent en danger. Cette procédure exclusive mettrait fin aux tragédies qui endeuillent la Méditerranée, tout en changeant de manière décisive la lutte contre l’immigration illégale. C’est le seul moyen pour aider ceux qui ont vraiment besoin de protection, pour faire preuve de fermeté et d’humanité.

Le sommet européen de ces 9 et 10 février sera une étape cruciale.