Repenser l’engagement politique

Le Figaro publiait dans son édition de vendredi des extraits d’un dialogue approfondi avec Gaël Brustier, docteur en sciences politiques et l’une des figures intellectuelles du Parti Socialiste. Ce débat sur la jeunesse et les reconfigurations du paysage politique contemporain est disponible in extenso sur le site Figaro Vox.

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(…) Le Figaro : Le clivage droite-gauche est-il obsolète ? 

FX-B : Le clivage gauche-droite n’est pas périmé, mais il s’exprime différemment aujourd’hui. Finalement, la question sociale n’est plus centrale pour la majorité parlementaire. Cette gauche de gouvernement trouve son identité en assumant d’autres engagements. La figure d’un Vincent Peillon, placé sur le devant de la scène à la faveur des récents débats de société, est intéressante pour comprendre ce qui constitue aujourd’hui l’un des marqueurs les plus importants pour la gauche actuelle : la volonté de terminer une révolution par la déconstruction de repères hérités de traditions antérieures, un progressisme polémique qui voudrait s’imposer au nom de la liberté de chacun de disposer de sa propre vie. Dans les débats sur le genre, par exemple, on a vu s’opposer deux visions de la société : l’une fondée sur cette liberté qui se cherche dans une déconstruction agressive, et l’autre qui affirme la nécessité de préserver les repères de l’identité, de la vie en société, de la famille.

L’année dernière, la gauche n’a pas promu le mariage : elle a voulu déconstruire une certaine idée traditionnelle du mariage. L’exposé des motifs de la loi Taubira était révélateur, de ce point de vue : le but affiché par ce texte législatif était d’accomplir une exigence de laïcité radicale. Dans la vision développée par la majorité, la Révolution aurait permis que la République reprenne en main l’institution du mariage, jusque là préemptée par l’Eglise catholique ; et le « mariage pour tous » vient accomplir ce mouvement, et laïciser définitivement le mariage en faisant disparaitre de sa définition tout ce qui était encore lié à un héritage religieux, qui nous enferme dans une norme préétablie. Il ne s’agissait donc pas d’une réforme constructive, positive, mais d’une volonté critique et négative ; c’est l’une des raisons pour laquelle cette réforme n’a pas rencontré de soutien populaire massif. Une entreprise critique suscite rarement l’enthousiasme populaire. Malgré le fait qu’elle se fasse au nom des droits égaux pour tous, la réforme du « mariage pour tous » était d’abord animée par une volonté de déconstruction. Et paradoxalement, ceux qui ont manifesté contre cette réforme étaient massivement animés par la volonté de valoriser l’institution du mariage. Finalement, le « oui » n’était pas forcément du côté où on le croyait…

Les racines philosophiques de cette déconstruction sont faciles à retrouver dans le travail de fond que la gauche intellectuelle a mené dans la deuxième moitié du XXème siècle. C’est autour de cette tentative de déconstruction que s’articule aujourd’hui le nouveau clivage politique.

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