Organiser la décroissance en Europe aboutirait à une catastrophe environnementale.

Vote restauration de la nature au Parlement européen

Tribune collective des parlementaires Les Républicains au sujet de l’examen du règlement « Restauration de la nature » au Parlement européen, initialement publiée dans Le Figaro.

Pour sauver l’environnement, suffit-il de contraindre toujours plus toute production en Europe ? Voilà la réalité de la question posée au Parlement européen à l’occasion d’un vote majeur sur une proposition de règlement pour la « restauration de la nature ». Publié en juin 2022 par la Commission européenne, ce texte prévoit une série de nouvelles normes écologiques, avec pour ambition de reconstituer l’environnement aujourd’hui en danger. Il s’ajoute à une longue série de nouvelles normes votées dans le cadre du pacte vert européen : taxe carbone à l’entrée du marché intérieur, taxonomie sur les énergies, réglementation sur les émissions industrielles, normes de rénovation énergétique des bâtiments et sur la sortie du moteur thermique…

Après ces nombreux textes, la loi sur la restauration de la nature ajoute à l’inflation normative en cours de nouvelles contraintes qui toucheront tous les secteurs d’activité, organisant une véritable politique de décroissance en Europe. Cette stratégie nous semble absolument déraisonnable, alors que les crises récentes, liées au Covid ou à la guerre en Ukraine, auraient dû nous apprendre l’impérative nécessité de renouer au contraire avec la production dans nos pays des biens les plus stratégiques. Pour « restaurer » des espaces naturels, le texte fixe par exemple un objectif de 10 % de terres agricoles rendues non productives d’ici à 2030, doublé d’une exigence chiffrée pour la remise en eau de tourbières.

Une réduction de la production alimentaire en Europe

Les promoteurs du texte, au premier rang desquels Pascal Canfin, député macroniste et président de la commission de l’environnement, tentent de dissiper les inquiétudes en expliquant qu’il s’agit là d’une moyenne européenne, qui ne s’appliquera pas à chaque exploitation agricole ; reste que les États membres devront soumettre à Bruxelles un « plan de restauration » les engageant à cet effort de diminution des surfaces agricoles utiles. L’étude d’impact de la Commission européenne elle-même prévoit que cette loi aura pour conséquence, en même temps qu’un surcoût chiffré entre 600 et 900 millions d’euros pour le secteur agricole, sans aucune perspective de financement, une réduction de la production alimentaire en Europe.

Le même résultat vaut pour la pêche, qui se verrait interdire l’accès à des espaces maritimes, avec pour effet une nouvelle baisse d’activité. Après avoir mesuré ces derniers mois combien nos dépendances industrielles ou sécuritaires nous ont rendus vulnérables, organiser maintenant notre décroissance alimentaire est une folie. Depuis 2019, faiblesse inédite dans notre histoire récente, la France importe plus de produits agricoles qu’elle n’en exporte… Cela joue d’ailleurs déjà dans l’inflation des prix alimentaires qui pèse lourd sur tant de foyers. Le gouvernement français, qui soutient énergiquement ce texte, n’en tire-t-il aucune conséquence ?

Plus de vingt textes concernent déjà la protection et la restauration des écosystèmes naturels : pourquoi ne pas améliorer ce qui doit l’être, plutôt que d’ajouter encore une couche de complexité au droit applicable, en lui surimposant de nouvelles normes et des concepts réglementaires inédits, parfois ambigus ou contradictoires ?

Ces contraintes sont d’autant plus surprenantes qu’elles viendraient se superposer à des exigences déjà en vigueur : la politique agricole commune (PAC) n’a cessé de porter l’effort sur la transition environnementale des exploitations. La politique commune des pêches (PCP) a permis, par les quotas et les contraintes qu’elle ajuste continuellement, de sortir la quasi-totalité des espèces de la surpêche qui menaçait la biodiversité. Plus de vingt textes concernent déjà la protection et la restauration des écosystèmes naturels : pourquoi ne pas améliorer ce qui doit l’être, plutôt que d’ajouter encore une couche de complexité au droit applicable, en lui surimposant de nouvelles normes et des concepts réglementaires inédits, parfois ambigus ou contradictoires ?

Ce ne sont là que des exemples. Bien d’autres domaines sont concernés par ce projet : la Commission européenne veut créer des normes pour le couvert arboré en ville, la part des forêts et la gestion de leur âge, la destruction de barrages sur 25 000 kilomètres de cours d’eau… Avec la logique que traduit la règle française du « zéro artificialisation nette », usine à gaz qui asphyxie en ce moment même toute perspective de réindustrialisation verte ou de construction de logements, elle enfreint manifestement le principe de subsidiarité : ce texte sera une nouvelle réglementation opposée demain aux maires et aux élus dans leurs projets d’aménagement ; imposant des contraintes uniformes au mépris de la diversité des besoins environnementaux de chaque territoire, il contribuera aussi à l’impuissance politique qui nourrit la crise démocratique actuelle.

Un avantage compétitif offert aux modèles de production les plus néfastes à sa préservation.

Mais plus grave encore : cette logique aboutirait à une nouvelle catastrophe environnementale. Non seulement parce que les nouvelles règles créées, presque toujours sans base scientifique, sont en réalité contreproductives – comme la diminution de l’entretien des forêts, emblématique du rêve rousseauiste d’un retour à la nature, mais dont l’expérience montre déjà combien elle favorise la propagation des incendies… Si cette multiplication de contraintes menace le climat, c’est d’abord parce qu’elle constitue un immense avantage compétitif offert à des modèles de production qui, hors de France ou d’Europe, sont les plus néfastes à sa préservation.

Lorsque nous aurons organisé la décroissance de notre production agricole, nous consommerons des aliments produits sur les autres continents avec des techniques et des intrants bannis de longue date en Europe pour leur dangerosité. La pêche en est un autre exemple : plus de 70 % des produits de la mer consommés dans nos pays sont importés. Aurons-nous sauvé la biodiversité quand nous aurons sacrifié, avec nos pêcheurs, le modèle de production le plus durable au monde, pour offrir encore plus d’espace à une pêche asiatique en pleine expansion, qui ne s’embarrasse pas de scrupules pour dévaster les fonds marins ?

Si cette multiplication de contraintes menace le climat, c’est d’abord parce qu’elle constitue un immense avantage compétitif offert à des modèles de production qui, hors de France ou d’Europe, sont les plus néfastes à sa préservation. Lorsque nous aurons organisé la décroissance de notre production agricole, nous consommerons des aliments produits sur les autres continents avec des techniques et des intrants bannis de longue date en Europe pour leur dangerosité.

Derrière la restauration de la nature, c’est son effondrement qui menace : avec le groupe PPE, nous choisissons aujourd’hui une autre voie. Certains voudraient n’y voir qu’une querelle politicienne : c’est en réalité d’un choix politique fondamental qu’il est question ici. L’idéologie soutenue par les Verts, la gauche et la majorité macroniste, par une myopie confondante, prétend qu’il suffit que nos pays sabordent leur économie, leur industrie, leur agriculture et leur modèle social, pour que la nature soit sauvée. Quant à nous, nous savons être devant une responsabilité globale, qui impose d’entraîner tous les producteurs mondiaux dans la décarbonation. Nous continuerons d’apporter des solutions, en rendant la taxe carbone aux frontières complète et efficiente, pour parvenir concrètement à cet objectif historique.

Intervention en hémicycle après l’adoption du texte

Décryptage du vote dans Ça Vous Regarde


Signataires : François-Xavier Bellamy, président de la délégation française du PPE; Olivier Marleix, président du groupe LR à l’Assemblée nationale; Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat; Éric Ciotti, président des Républicains; Anne Sander, députée au Parlement européen (PPE/LR) et rapporteur du texte pour le PPE en commission de l’agriculture du Parlement européen; Pascal Allizard, sénateur; Jean Bacci, sénateur; Philippe Bas, sénateur; Jérôme Bascher, sénateur; Thibault Bazin, député; Valérie Bazin-Malgras, députée; Nadine Bellurot, sénatrice; Catherine Belrhiti, sénatrice; Martine Berthet, sénatrice; Jean-Baptiste Blanc, sénateur; Anne-Laure Blin, députée; Émilie Bonnivard, députée; Jean-Yves Bony, député; Alexandra Borchio-Fontimp, sénatrice; Ian Boucard, député; Jean-Luc Bourgeaux, député; Jean-Marc Boyer, sénateur; Valérie Boyer, sénatrice; Xavier Breton, député; Hubert Brigand, député; Max Brisson, sénateur; Alain Cadec, sénateur; François Calvet, sénateur; Jean-Noël Cardoux, sénateur; Anne Chain-Larche, sénatrice; Patrick Chaize, sénateur; Marie-Christine Chauvin, sénatrice; Dino Cineri, député; Éric Ciotti, président des Républicains; Nathalie Colin-Oesterlé, députée au Parlement européen (PPE/LC); Pierre Cordier, député; Pierre Cuypers, sénateur; Marie-Christine Dalloz, députée; Arnaud Danjean, député au Parlement européen (PPE/LR); Marta de Cidrac, sénatrice; Dominique de Legge, sénateur; Catherine Deroche, sénatrice; Vincent Descoeurs, député; Chantal Deseyne, sénatrice; Fabien Di Filippo, député; Geoffroy Didier, député au Parlement européen (PPE/LR); Francis Dubois, député; Catherine Dumas, sénatrice; Pierre-Henri Dumont, député; Françoise Dumont, sénatrice; Laurent Duplomb, sénateur; Dominique Estrosi Sassone, sénatrice; Jacqueline Eustache-Brinio, sénatrice; Agnès Evren, députée au Parlement européen (PPE/LR); Gilbert Favreau, sénateur; Nicolas Forissier, député; Christophe-André Frassa, sénateur; Laurence Garnier, sénatrice; Fabien Genet, sénateur; Annie Genevard, députée; Justine Gruet, députée; Michel Herbillon, député; Patrick Hetzel, député; Brice Hortefeux, député au Parlement européen (PPE/LR); Jean-Raymond Hugonet, sénateur; Micheline Jacques, sénatrice; Muriel Jourda, sénatrice; Mansour Kamardine, député; Christian Klinger, sénateur; Florence Lassarade, sénatrice; Marc Le Fur, député; Antoine Lefevre, sénateur; Henri Leroy, sénateur; Vivette Lopez, sénatrice; Véronique Louwagie, députée; Alexandra Martin, députée; Frédérique Meunier, députée; Nadine Morano, députée au Parlement européen (PPE/LR); Laurence Muller Bronn, sénatrice; Yannick Neuder, député; Sylviane Noël, sénatrice; Jérôme Nury, député; Philippe Paul, sénateur; Cédric Perrin, sénateur; Christelle Petex-Levet, députée; Kristina Pluchet, sénatrice; Rémy Pointreau, sénateur; Alexandre Portier, député; Catherine Procaccia, sénatrice; Jean-François Rapin, sénateur; Nicolas Ray, député; Damien Regnard, sénateur; Olivier Rietmann, sénateur; Stéphane Sautarel, sénateur; René-Paul Savary, sénateur; Elsa Schalck, sénatrice; Nathalie Serre, députée; Bruno Sido, sénateur; Laurent Somon, sénateur; Michèle Tabarot, députée; Jean-Louis Thieriot, député; Claudine Thomas, sénatrice; Anne Ventalon, sénatrice; Antoine Vermorel-Marques, député; Jean-Pierre Vogel, sénateur; Jean-Claude Anglars, sénateur; Pascale Gruny, sénatrice; Stéphane Piednoir, sénateur; Else Joseph, sénatrice.