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Lola devient le prénom de toutes les victimes de la faillite de l’État

Entretien initialement paru dans Valeurs actuelles. Propos recueillis par Pauline Darrieus.

Le meurtre de Lola, 12 ans, fait réagir une partie de la société et du monde politique. Quelle est votre réaction face à ce drame ?

J’éprouve une infinie tristesse, mais aussi une infinie révolte : Lola devient le prénom de toutes les victimes de la faillite de l’État, de la faillite de toute une nation qui ne sait plus protéger ses propres enfants. Bien sûr, on ne sait pas encore tout de cet événement si récent, et il est hors de question d’en tirer un prétexte pour des slogans superficiels. Mais il y a bien une réalité, qu’il faut regarder en face : des milliers de personnes en France sont victimes tous les jours de la montée d’une violence que plus rien n’endigue. Rappelons que les tentatives d’homicide ont triplé au cours des dix dernières années dans notre pays : ce chiffre, publié par Alain Bauer, spécialiste de la criminalité, dit la montée de la barbarie qui a tué Lola, et dont tant d’autres sont victimes dans le silence et l’indifférence. Car pendant ce temps, le gouvernement sombre dans le déni. Eric Dupond-Moretti, qui dénonce un « sentiment d’insécurité », avait tranquillement affirmé que « la France n’est pas un coupe-gorge ». Qu’il ose redire cette phrase maintenant à la famille de Lola… Dans ce déni de réalité, il y a une faute immense.

Il est hors de question d’en tirer un prétexte pour des slogans superficiels. Mais il y a bien une réalité, qu’il faut regarder en face.

Comment nommer ce fait de moins en moins divers ?

Ce n’est pas un fait divers. Dans le premier livre que j’ai publié, pour décrire les conséquences de la rupture culturelle qui marquait notre pays, je parlais d’ensauvagement ; c’était en 2014. Le gouvernement s’est déchiré sur cette expression, quand tout est pourtant venu la confirmer depuis. Bien sûr, la gauche s’indigne qu’on emploie ce mot ; mais c’est la réalité qu’il décrit qui devrait tous nous révolter. Le problème n’est pas seulement l’augmentation rapide des tentatives d’homicide, c’est la violence globale que ce phénomène cristallise. Tout près de chez moi, un jeune fleuriste de 28 ans, Tony, a été attaqué à coups de couteau devant un restaurant, parce qu’il avait osé s’indigner que deux voyous insultent les amies avec lesquelles il était. Il en a réchappé par miracle. Cette situation est devenue quotidienne…

Doit-on dire que la principale suspecte est une algérienne en situation irrégulière ?

En démocratie, les citoyens ont droit à la vérité. Je suis toujours sidéré du silence qu’on voudrait imposer, du déni qui consiste à taire ou à maquiller des prénoms, pour faire comme si il n’y avait pas de lien entre l’incapacité de l’Etat à contrôler nos frontières et la violence que subissent les Français. Ce déni est très grave, parce qu’il ne peut qu’empêcher de remonter aux causes. On sait désormais que la suspecte est algérienne, et qu’elle était en situation irrégulière sur notre sol depuis trois ans. On ne peut pas protéger un peuple quand on ne sait pas protéger ses frontières. Cette faillite absolue de l’Etat est la conséquence du désarmement de nos institutions ; et plus profondément encore, elle résulte de cette même idéologie qui conduit trop de dirigeants et de médias à ne pas vouloir nommer la réalité.  Même le ministre de l’Intérieur a admis cet été qu’il y avait un lien entre délinquance et immigration. Mais que fait-il de ce constat ? Son gouvernement a augmenté comme jamais le nombre de titres de séjours délivrés à des étrangers non européens – 270 000 pour la seule année 2021… Il n’a rien fait non plus pour lutter contre l’immigration illégale : comme l’a rappelé Bruno Retailleau, au premier semestre 2021, sur 7731 OQTF prononcées vers l’Algérie, seules… 22 expulsions ont eu lieu. 0.2% d’exécution… Et M. Darmanin nous explique que tout va bien ! Mais s’il reconnaît le lien entre immigration et insécurité, alors comment faut-il considérer la responsabilité de son gouvernement ?

Je suis toujours sidéré du silence qu’on voudrait imposer, du déni qui consiste à taire ou à maquiller des prénoms, pour faire comme si il n’y avait pas de lien entre l’incapacité de l’Etat à contrôler nos frontières et la violence que subissent les Français.

Dans le même temps, Emmanuel Macron a rappelé les 61 ans de la répression d’une manifestation d’indépendantistes algériens. Il parle de “crimes inexcusables pour la République”. Le président a-t-il eu raison de s’exprimer ainsi ?

On aimerait que le président de la République consacre moins de temps à se repentir du passé, et qu’il se concentre maintenant sur les tragédies dont l’Etat par son incurie se rend complice au présent.

Quel est l’avenir d’un pays où les petites filles de 12 ans sont massacrées en bas de chez elles ?

Lorsque j’ai fait ma première rentrée comme professeur, un jeune a été tué à la porte de mon lycée, dans une violence sidérante ; là où on ne défend plus la culture, il est logique que la barbarie resurgisse. Et les victimes de cette barbarie, ce sont les plus vulnérables. Ce sont les enfants – les violences contre les enfants n’ont cessé d’augmenter ces dernières années. Ce sont aussi les femmes, et les jeunes filles : parmi tous les chiffres de la délinquance, l’un des plus terribles, dans une époque qui se rêve féministe et se croit à la pointe du progrès, c’est le nombre de viols, qui est monté l’an dernier jusqu’à 25 000 : 70 viols chaque jour. Chaque jour… Ce qui est arrivé à Lola est terrible ; et il est terrible que ce qui lui est arrivé, tant de jeunes filles et de femmes le subissent chaque année. Si ce chiffre n’est pas plus élevé, c’est parce que beaucoup de victimes n’osent pas porter plainte, mais aussi parce que beaucoup de femmes s’imposent des contraintes pour se protéger de cette violence. Des applications proposent maintenant aux femmes des itinéraires spécifiques, sur leurs trajets à pied, pour contourner des rues trop isolées : il est dramatique qu’on en arrive à s’accomoder du fait qu’une femme seule n’est plus en sécurité. Et que certaines soient ainsi de fait, dans bien des quartiers, à Nantes, à Grenoble, à Marseille, forcées de rester chez elles… Où sont les féministes ? Que disent les progressistes à ce sujet ? Où est la gauche qui dit défendre la cause des femmes ? Quand on leur parle de Lola, ils crient à l’instrumentalisation, pour pouvoir rester silencieux…

Là où on ne défend plus la culture, il est logique que la barbarie resurgisse. Et les victimes de cette barbarie, ce sont les plus vulnérables.

Quelle réponse adopter face à cette violence ?

Les réponses sont multiples ; mais la plus importante, c’est qu’il faudra enfin du courage. D’abord pour reconstruire notre justice… La meilleure prévention, c’est la certitude de la sanction. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on vit plutôt l’inverse… Je vous parlais de ce jeune fleuriste, qui a failli mourir poignardé, pour rien. Les coupables étaient deux multirécidivistes, dont l’un connu pour plus de trente délits. Ils ont été condamnés à moins de deux ans de prison, dont il est probable qu’ils n’exécuteront qu’une partie… Il faut redonner à nos forces de l’ordre les moyens de leur mission – et quand on voit que ce gouvernement démantèle la PJ, il y a de quoi s’inquiéter. Il faut refonder toute notre politique migratoire avec une exigence absolue, celle de maîtriser nos frontières, et de garantir enfin ce principe simple : tout individu qui entre illégalement sur le sol français n’a aucune chance d’y rester. Cela suppose de changer la politique européenne en la matière, c’était notre engagement il y a trois ans et nous menons ce combat sans relâche, avec de vrais résultats. Cela supposera aussi de nous affranchir de la CEDH si elle prétend nous empêcher d’y parvenir. Reste un dernier point, qui me paraît essentiel : si nous ne voulons pas que cet ensauvagement se poursuivre, nous devons reconstruire notre école. C’est aussi notre faillite éducative qui laisse se propager cette violence gratuite, anomique, qui est la marque du vide de la pensée, de l’effondrement intérieur, de l’abandon de tout repère moral. Partout où nous avons accepté de négocier notre civilisation, la violence a trouvé son avantage. La réponse décisive est donc éducative, par l’enseignement retrouvée de la parole, de la raison, par le réveil des intelligences et des cœurs, par la transmission de notre civilisation.

Il faut redonner à nos forces de l’ordre les moyens de leur mission. […] Il faut refonder toute notre politique migratoire avec une exigence absolue. […] Cela supposera aussi de nous affranchir de la CEDH si elle prétend nous empêcher d’y parvenir. Reste un dernier point, qui me paraît essentiel : si nous ne voulons pas que cet ensauvagement se poursuivre, nous devons reconstruire notre école.

Cette augmentation de la fréquence et du caractère de la violence marque-t-elle un tournant anthropologique ?

Oui, pour la raison que j’évoquais à l’instant. Celui qui a entendu parler, même sans vouloir connaître aucun détail, des actes de barbarie que Lola a subis, ne peut que comprendre que ce qui est menacé aujourd’hui en l’homme, c’est l’humanité même. Le premier défi, la première responsabilité politique, c’est toujours de garantir que l’homme reste humain ; et cela n’a rien d’une évidence acquise pour toujours… L’homme se police et s’humanise par le travail de la civilisation en lui, par ce travail qui le discipline et lui apprend la maîtrise de ses propres instincts, la domination sur les pulsions destructrices qui éprouvent toujours la nature humaine. Partout où la force du droit abdiquera, nous verrons s’imposer la même brutalité. Ce qui est en jeu aujourd’hui, ce n’est pas seulement de rétablir la sécurité, ou de protéger le « vivre-ensemble », comme le disent les mièvres incantations du temps ; ce qui est en jeu, c’est la survie de l’humain en l’homme.

« Un État tracassier avec les citoyens paisibles, et faible avec les délinquants : jusqu’à quand ? »

David Lisnard Hervé Morin François-Xavier BellamyTribune publiée avec David Lisnard et Hervé Morin dans Le Figaro du 8 mars 2021.

L’État recule face aux émeutes quotidiennes, aux trafics, aux violences meurtrières de bandes – mais évacue les promeneurs du dimanche et inflige 135 euros à qui sort après 18h. Révolte et propositions.

Alors que l’État régalien recule face à ceux qui nuisent, il multiplie les interdits qui pénalisent la majorité silencieuse et civique. Cette situation est une source grave d’injustice dont chacun sait qu’elle est le ressort de la révolte. À Noisiel où des feux d’artifice ont été tirés en pleine nuit et en plein couvre-feu au beau milieu des habitations, à Lyon, à Rilleux-la-Pape, à Amiens, à Beauvais, où des émeutes ont lieu depuis plusieurs jours, et dans tant d’autres communes, de tels faits se multiplient et l’ordre républicain n’est plus respecté.

Ce n’est pas la présence sur place au lendemain d’une nuit de guérilla urbaine du Premier ministre ou du ministre de l’Intérieur qui changera quoi que ce soit à cet état de fait.

Aucune ville française n’est aujourd’hui à l’abri de ces troubles, de ces débordements, des violences de bandes pouvant entraîner la mort d’adolescents de 14 ou 15 ans, d’agressions gratuites, de rodéos sur la voie publique, de trafics, d’habitants contrôlés par des dealers pour pouvoir rentrer chez eux, de commissariats pris pour cibles. Et ce n’est pas la présence sur place au lendemain d’une nuit de guérilla urbaine du Premier ministre ou du ministre de l’Intérieur qui changera quoi que ce soit à cet état de fait. Ces opérations de communication ne font même qu’amplifier l’image d’un pouvoir impuissant.

Dans le même temps, il est demandé aux riverains qui subissent ces troubles récurrents à l’ordre public de respecter des contraintes sanitaires rappelées par tous les moyens les plus infantilisants et de rentrer chez eux à 18 heures, sous peine de se voir infliger une amende de 135 euros. Ceux qui les empêchent de dormir et de vivre normalement s’en dispensent sans être inquiétés.

Cela fait bien longtemps en effet que l’État s’en prend souvent aux plus faibles avec des manières confinant parfois à l’autoritarisme tandis qu’il se montre pusillanime avec les plus forts, ceux qui ne le craignent pas. Comme trop souvent en France, quand le pouvoir est incapable de sanctionner l’abus de quelques-uns, il contraint l’usage pour tous. Il ne sait visiblement plus comment agir avec efficacité, dépassé par des événements qu’il a lui-même alimentés depuis tant d’années, du fait d’un laxisme judiciaire avéré et d’un abandon presque méthodique de certains quartiers à la loi des bandes.

Les exemples pullulent de cas dans lesquels les forces de l’ordre n’interviennent pas, soit par manque de consignes qui résulte des renoncements hiérarchiques et de lâchetés politiques, soit par manque de cadre juridique le permettant. Même pour des discothèques sauvages dans des villas ou appartements loués, qui perturbent des quartiers entiers en pleine ville – nous en savons quelque chose à Cannes, – les forces de l’ordre ne peuvent faire cesser le trouble, et sont limitées en droit à dresser des amendes de troisième classe d’un montant dérisoire (68 euros). Que dire aux riverains légitimement exaspérés?

Dans un autre registre, comment donner tort à ceux qui estiment que « ce sont toujours les mêmes qui trinquent » quand chaque jour des crimes et délits sont commis par des multirécidivistes à maintes reprises interpellés par la police et trop souvent remis en liberté? L’exemple la semaine dernière à Reims d’un étranger de 21 ans, arrivé en France en 2018, déjà condamné à huit reprises pour vols, trafics de stupéfiants et violence, ayant agressé un journaliste dont le pronostic vital est engagé, est symptomatique.

Comment également admettre que plus de 90 % des déboutés du droit d’asile et tant d’immigrés en situation illégale ne soient pas expulsés et demeurent sur le territoire national ? C’est le cas de ce clandestin soudanais qui a tué le directeur d’un centre d’accueil de demandeurs d’asile en février ou encore celui de l’assaillant islamiste qui a assassiné trois personnes dans la basilique Notre-Dame de l’Assomption de Nice en octobre dernier. Comment enfin donner tort à ceux qui, implacablement sanctionnés pour avoir protesté lors d’un contrôle routier, crient à l’iniquité devant les images de policiers reculant face à des hors-la-loi les insultant et les menaçant sans risquer la moindre réponse judiciaire ?

Rétablir cette justice de la sanction systématique et proportionnée va créer des troubles face à des populations qui sont habituées à l’impunité. Nous en acceptons l’augure.

Nous payons lourdement des années de contradictions entre les paroles spectaculaires devant les caméras et l’absence d’actes méthodiques, fermes, constants et évalués sur le terrain. Cette démission des pouvoirs publics et ce deux poids deux mesures découragent l’esprit civique de nos compatriotes ou les renvoient vers l’extrémisme. Il en résulte une réelle crise de la confiance dans la capacité de l’État à nous protéger et à agir pour le bien commun. Afin de la rétablir, l’impunité de ceux qui se sont approprié l’espace public doit cesser.

Pour cela, commençons par donner davantage de moyens à la justice et exigeons qu’elle fasse respecter les lois existantes. Engageons une « radiographie » très fine de la chaîne pénale pour éliminer tous les grains de sable qui nuisent à l’efficacité du couple police-justice. Construisons enfin les nécessaires places de prison supplémentaires ainsi que des centres éducatifs fermés pour les mineurs afin de faire réellement exécuter les peines: 45% des peines de prison ne sont toujours pas exécutées six mois après avoir été prononcées. La France demeure le 18e pays en Europe pour le nombre de prisonniers rapporté à sa population, alors qu’elle est le 7e pour les tentatives de meurtres et le 2e pour les coups et blessures volontaires.

Il faut sanctionner, bien sûr de façon proportionnée, dès la première infraction, dès la première incivilité car le retour à une spirale vertueuse dans le domaine du civisme commence par ne pas accepter que l’on tague les murs de sa ville ou que l’on fasse des rodéos sauvages dans son quartier.

D’autres mesures essentielles doivent être mises en œuvre, comme le rétablissement des peines planchers en cas de multirécidive ou d’agression contre des dépositaires de l’autorité publique, la fin de l’aménagement quasi automatique des peines pour les condamnations à moins de deux ans de prison ferme d’individus dangereux, la suppression des crédits de réduction de peines fonctionnant comme un droit acquis du détenu ou encore le renvoi systématique dans leur pays d’origine des délinquants et criminels étrangers condamnés.

Il faut sanctionner, bien sûr de façon proportionnée, dès la première infraction, dès la première incivilité car le retour à une spirale vertueuse dans le domaine du civisme commence par ne pas accepter que l’on tague les murs de sa ville ou que l’on fasse des rodéos sauvages dans son quartier. Mais plus que tout, il faut une volonté et du courage. Si la France ne se dote pas enfin d’une véritable politique de sécurité tournée vers la protection de la société, l’arbitraire résultant de l’impuissance régalienne continuera de se faire au détriment des honnêtes gens. C’est notre démocratie qui est en jeu. Rétablir cette justice de la sanction systématique et proportionnée va créer des troubles face à des populations qui sont habituées à l’impunité. Nous en acceptons l’augure. Nous saurons y faire face. Le devoir politique est de l’assumer, d’y préparer l’opinion et de faire le travail.