La liberté d’expression est-elle en recul en France ?

« Présent à la Sorbonne pour l’hommage national à Samuel Paty : l’unité de notre pays est nécessaire pour faire face à l’islamisme. Mais elle ne peut signifier le silence devant les reniements qui nous ont rendus vulnérables. »

Extrait d’un entretien initialement paru sur lepoint.fr, propos recueillis par Jérôme Cordelier.

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En tant que professeur, avez-vous eu à subir du terrorisme communautaire face à vos enseignements ?

J’ai eu l’occasion d’enseigner dans des quartiers où la population musulmane était majoritaire. e n’ai jamais eu l’occasion de me sentir en insécurité ; mais il est vrai que j’enseigne en terminale, et que les difficultés se situent essentiellement à l’échelle du collège, du fait de l’obligation scolaire. Comme beaucoup de collègues, j’ai cependant constaté comment une forme de conditionnement religieux pouvait organiser chez des élèves une défiance de principe à l’égard de l’école de la République. Cette attitude est manifeste quand on aborde l’histoire, la biologie et la philosophie.

Le professeur de philosophie est réputé susceptible de chercher à propager l’athéisme. En abordant des points d’enseignements qui peuvent paraître anodins, vous voyez surgir chez vos élèves des réflexes conditionnés. Dans un sondage récent de l’Ifop, 40 % des professeurs déclarent qu’ils s’autocensurent. Ils savent que, s’ils sont accusés d’islamophobie, l’institution ne les soutiendra pas. La consigne du « pas de vague » fait des ravages. L’idée « d’islamophobie » a fait son œuvre. Beaucoup de professeurs préfèrent baisser les yeux face aux intimidations religieuses.

La liberté d’expression est-elle en recul en France ?

Indéniablement, elle l’est, et elle le sera de plus en plus par la peur qu’installent ces attentats répétés. On ne pensait pas qu’un jour quelqu’un puisse mourir en enseignant. Mais le plus inquiétant est que cette liberté d’expression recule aussi à cause de nos propres règles et lois. Anastasia Colosimo l’a très bien démontré dans son livre Les Bûchers de la liberté en soulignant comment nous avions déstabilisé la belle architecture de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Depuis 1972, étape par étape, une succession de textes, comme la loi Taubira sur la mémoire de l’esclavage, a démantelé cette liberté. Au motif de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et le négationnisme, on a multiplié les corsets et les restrictions. Aujourd’hui, ces belles intentions se retournent contre nous. L’accusation d’islamophobie est une manière de rétablir le délit de blasphème. L’université al-Azhar, autorité suprême de l’islam sunnite, juste après la mort de Samuel Paty, tout en feignant de regretter cet attentat, rappelle son souhait de voir s’instaurer une régulation mondiale afin « d’incriminer la diffamation des religions ». L’islamisme reprend le vocabulaire de l’antiracisme pour s’en prendre à notre liberté ! Je suis sidéré, le mot est faible, que l’on veuille ressusciter en France la loi Avia dite contre la haine, qui voulait pénaliser explicitement les propos islamophobes. Le cours de Samuel Paty aurait pu tomber sous le coup de cette loi ! Elle aurait été utilisée pour instruire les accusations contre lui.

Comment proposer comme remède une loi qui restreint la liberté d’expression et n’est rien d’autre qu’un acte de complaisance à la censure que l’islamisme essaie de nous imposer ? Cette loi Avia a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle enfreignait la liberté d’expression, et certains beaux esprits maintenant proposent de modifier la Constitution pour mettre en place ce nouveau carcan ! Cela reviendrait à pénaliser la jeune Mila, Zineb El Rhazoui, Samuel Paty… Critiquer une religion n’a rien à voir avec le racisme. Mettre le doigt dans cet engrenage, c’est renoncer à notre liberté de penser.

Vous qui ne faites pas mystère de votre foi catholique, craignez-vous une stigmatisation des croyants ?

C’est un risque et une inquiétude, en effet. On ferait une erreur en parlant des religions de façon générale, comme si elles posaient un problème global. Le concept de laïcité est né du christianisme, et on ne pourra lui donner sa pleine validité qu’en reconnaissant nos racines chrétiennes. En réalité, notre problème, c’est la rencontre de l’islam avec un monde pétri de christianisme. Notre défi majeur est de lutter contre l’islamisme en associant à ce combat une grande partie des musulmans paisibles qui cherchent à vivre leur foi en étant respectueux de nos lois. C’est pour cela qu’il faut respecter notre liberté d’expression.