Archive d’étiquettes pour : nucléaire

L’aberration d’une politique de rénovation indifférenciée des bâtiments

Explications à l’issue du vote sur le rapport EPBD : un amendement sur deux adopté


Intervention à la veille du vote sur le rapport EPBD

 

« Chers Collègues,

Demain, nous allons voter une directive sur l’efficacité énergétique des bâtiments. C’est très simple de voter, et ce qui compte, c’est de réfléchir aux conséquences. Ce texte impose des travaux majeurs de rénovation thermique sur 40 millions de bâtiments en Europe d’ici 2033 – 40% de tout le parc immobilier en Europe, en moins de 10 ans. Pour cela, la Commission promet 150 milliards de budget européen. Mais d’après ses propres calculs, le coût sera de 275 milliards par an. Par an, chers collègues. Et ce coût, que ce soit avec l’argent public ou privé, à la fin, nous avons bien qui le paiera : les gens ordinaires, ceux qui travaillent, qui contribuent, qui épargnent toute une vie pour acheter le lieu où ils vivent et qui vont se voir imposer les travaux dont les prix exploseront du fait de la demande brutale que ces nouvelles normes vont provoquer.

Et tout cela pour quoi ? Oui, Chers Collègues, nous voulons tous baisser les émissions de carbone. Mais toutes les données disponibles montrent l’aberration d’une politique de rénovation indifférenciée des bâtiments. Aux États-Unis, le retour d’expérience de campagnes massives montre que les économies d’énergie sont trois fois moindres qu’espérées, pour des coûts deux fois plus importants que prévus. L’Université de Cambridge a montré il y a quelques semaines que la consommation d’énergie, cinq ans après les travaux, ne baissait même pas. En Allemagne, après 340 milliards d’euros d’investissement dans la rénovation thermique, une étude montre que l’impact n’est même pas mesurable…

La seule conséquence incontestable pour l’environnement, c’est l’explosion de l’usage des matériaux nécessaires. Quel paradoxe absolu que des politiques qui se veulent écologistes veuillent mettre la moitié de tous les bâtiments européens en chantier dans les dix ans ! Derrière cela, il y a la persistance d’une obsession dépassée : tout changer, tout refaire, disqualifier l’ancien, le patrimoine, l’héritage, pour tout recommencer à neuf. C’est cette logique qui a généré la crise écologique, et nous comprenons malheureusement pourquoi de grands intérêts industriels soutiennent ce projet. Mais derrière cette situation, il y a en réalité une crise majeure, une crise sociale et politique aussi, que ce texte pourrait entraîner.

La seule vraie solution pour décarboner, c’est de passer du fioul et du gaz qui chauffent nos logements à l’électricité, et d’utiliser toutes les sources décarbonées pour en produire beaucoup plus. Mais comme par hasard, ceux qui veulent réglementer la vie des Européens dans leur espace privé sont aussi, généralement, ceux qui combattent l’énergie nucléaire. Nous avons déposé un amendement pour faire en sorte qu’un bâtiment « zéro émission » soit aussi un bâtiment qui profite de cette source d’énergie, parmi d’autres.

Demain en votant, Chers Collègues, réfléchissons aux conséquences. »

Corridor de Latchine, Présidence suédoise du Conseil de l’UE : interventions en séance plénière en Janvier 2023

Blocage du corridor de Latchine par l’Azerbaïdjan : l’Europe n’a plus le droit de cet État terroriste.

 


Relance du nucléaire, protection des frontières, maîtrise des dépenses publiques : la Suède, qui ouvre sa présidence du Conseil de l’UE, fait aujourd’hui la démonstration qu’il est possible de réparer l’Europe.

 


 

Nomination au poste de vice-président exécutif des Républicains

François-Xavier Bellamy

Cette semaine, Eric Ciotti a annoncé sa volonté de me nommer vice-président exécutif des Républicains, ainsi qu’Aurélien Pradié. Je le remercie de sa confiance, et de la responsabilité importante qu’il me donne ; il sait pouvoir compter sur mon engagement total pour l’épauler dans sa mission à la tête de notre parti. Ma volonté est toujours la même, celle de tout donner pour que la droite offre à la France l’espérance dont elle a tant besoin ; et je serai heureux d’y travailler à ses côtés.

Je voudrais bien sûr redire ma reconnaissance fidèle à Bruno Retailleau : après sa très belle campagne, il n’a rien voulu obtenir pour lui-même, cherchant seulement à assurer que son équipe, et les adhérents qui l’ont soutenu, soient pleinement représentés dans la direction du parti. Demain, avec tant d’amis qui l’ont suivi, nous travaillerons pour faire vivre au sein de notre famille politique la volonté de renouvellement profond qu’il a incarnée dans cette campagne, au service de la refondation dont la droite française a tant besoin.

Il ne s’agit pas de faire vivre des divisions, dont notre camp a déjà tellement souffert, mais au contraire d’agir tous ensemble pour reconstruire une alternative sérieuse et crédible, dans un moment critique pour la vie démocratique de notre pays. La France a besoin d’une droite claire, solide, intelligente, enracinée et inventive, qui puisse lui redonner confiance en l’avenir. Le défi est immense – non pas pour notre parti, mais pour notre pays. C’est avec chacun d’entre vous, chers amis, que nous le relèverons.

Questions à la Commission déposées en décembre 2022

Suspension des médias qatariens dans l’Union européenne à la suite du Qatargate

28.12.2022

Après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les autorités européennes ont décidé d’interdire la diffusion dans l’Union européenne des médias d’État russes Sputnik et RT (Russia Today). La raison principale de cette interdiction était que ces chaînes d’information, financées par l’État russe, constituaient un relais en Europe pour la propagande de ce pays et pouvaient interférer ainsi avec nos propres démocraties.

Dans le contexte de l’enquête en cours portant sur des faits de corruption par le Qatar au sein du Parlement européen et des soupçons d’ingérence de ce pays dans nos démocraties européennes, il est légitime de s’interroger sur les moyens mis en œuvre par ce régime pour faire valoir ses intérêts et son idéologie, notamment au travers des médias qu’il finance, comme le groupe Al Jazeera Media Network et sa filiale active dans l’Union européenne, AJ+.

Le Parlement européen a déjà demandé la suspension des titres d’accès des représentants d’intérêts qatariens, au moins durant le temps de l’enquête.

  1. La Commission européenne envisage-t-elle de prendre, par cohérence, des mesures conservatoires de suspension des médias d’État du Qatar, comme AJ+, dans le but de protéger les démocraties européennes contre un acteur tiers manifestement déterminé à les placer sous son influence?

Dépôt: 28.12.2022


Production d’hydrogène bas carbone dans la directive sur les énergies renouvelables

9.12.2022

Question prioritaire avec demande de réponse écrite  P-004036/2022 à la Commission

Dans le projet d’acte délégué de la directive sur les énergies renouvelables, la Commission pénalise la production d’hydrogène à partir d’électricité bas carbone issue du réseau.

Le texte attribue au bouquet énergétique français des émissions supérieures à la réalité (70 au lieu de 60 gCO2/kWh), car elle tient compte des régions ultrapériphériques et des territoires d’outre-mer, pourtant non connectés au réseau.

En outre, la Commission calcule les émissions de l’hydrogène électrolytique selon les émissions de la dernière centrale appelée sur le réseau, qui est presque toujours une centrale fossile. En France, ces centrales représentent 6 % de la production d’électricité, mais n’interviennent quasiment que lors de pics de consommation. L’approche alternative, qui permet de produire de l’hydrogène zéro carbone lorsque des centrales fossiles ne sont pas appelées, est positive, mais limite fortement les périodes de production.

Une telle méthodologie limiterait de façon injustifiée le potentiel de production d’hydrogène par électricité décarbonée en France et en Europe.

  1. La Commission confirme-t-elle que l’intensité carbone du bouquet électrique français pourra être calculée sur le périmètre du réseau métropolitain?
  2. Les États membres déjà très décarbonés peuvent-ils utiliser une méthode fondée sur les émissions moyennes du bouquet électrique au pas horaire, plutôt que des méthodes marginales plus pénalisantes?

Dépôt: 9.12.2022


Réduction du personnel de l’Union dans les négociations des organisations régionales de gestion des pêches

7.12.2022

Question avec demande de réponse écrite  E-003977/2022 à la Commission

L’Union européenne est un acteur mondial en matière de gestion des pêches. Dans sa communication sur la gouvernance internationale des océans de l’union[1], la Commission reconnaît l’Union comme l’acteur le plus important au sein des organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) et des organismes de pêche dans le monde. D’autre part, les fonctionnaires de la Commission doivent participer à plusieurs ORGP.

Toutefois, la Commission a approuvé une réduction budgétaire substantielle[2], y compris pour la DG MARE. En outre, la communication «verdir la Commission»[3] introduit des mesures visant à limiter le nombre de membres du personnel de l’Union qui se déplacent pour assister à des événements.

  1. Le poste de directeur de la gouvernance des océans (MARE B.3) est vacant depuis près d’un an. La Commission peut-elle indiquer quand un nouveau directeur devrait prendre ses fonctions et peut-elle préciser le nombre de fonctionnaires affectés à la gouvernance des océans et aux négociations des ORGP, et comment ce nombre a évolué au cours des dix dernières années?
  2. Compte tenu des ambitions élevées de la Commission en matière de gouvernance internationale des océans, a-t-elle l’intention d’augmenter le nombre d’agents dédiés à la pêche illicite, non déclarée et non réglementée, aux accords de partenariat dans le domaine de la pêche durable et aux négociations des ORGP?
  3. Compte tenu de l’importance d’être physiquement présent lors des négociations multilatérales, la Commission appliquera-t-elle la communication sur l’écologie aux négociations des ORGP?

Dépôt: 7.12.2022

  • [1] JOIN(2022)0028
  • [2] https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/about_the_european_commission/eu_budget/db2022_wd_2_human_resources_web_0.pdf
  • [3] https://ec.europa.eu/info/sites/default/files/c_2022_2230_2_en_act_part1_v11.pdf

Provenance réelle des hydrocarbures importés d’Azerbaïdjan

2.12.2022

Question avec demande de réponse écrite  E-003913/2022/rev.1 à la Commission

Sur la période avril-juillet 2022, les données disponibles relatives aux flux du pipeline Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) indiquent une différence surprenante, de l’ordre de 242 000 barils par jour, entre les capacités de production d’hydrocarbures de l’Azerbaïdjan et ses exportations.

Atout économique majeur pour l’Azerbaïdjan en ce temps de crise, cet excédent n’est pas explicable par la fermeture du pipeline Bakou-Soupsa en mai 2022, dont les flux n’ont été redirigés vers le BTC qu’en août 2022, soit après la période de cette incohérence apparente.

Selon les chiffres disponibles relatifs aux capacités des pipelines, des points d’amarrage de navires pétroliers et des navires eux-mêmes, cette anomalie ne semble pas non plus s’expliquer par un excédent d’hydrocarbures kazakhstanais passant hypothétiquement par la mer Caspienne vers Bakou puis Ceyhan.

Il paraît en revanche plausible que le pipeline Tikhoretsk-Grozny-Makhatchkala-Bakou soit de nouveau exploité pour faire transiter des hydrocarbures russes par l’Azerbaïdjan et le pipeline BTC. Cela signifierait que les États membres de l’Union importent en réalité des hydrocarbures russes.

  1. La Commission a-t-elle demandé des explications sur ces incohérences, qui révéleraient vraisemblablement un détournement des sanctions édictées par l’Union?
  2. S’il est avéré que ces importations bénéficient à la Russie, la Commission suspendra-t-elle son accord avec l’Azerbaïdjan et proposera-t-elle des sanctions?

Dépôt: 2.12.2022


Question avec demande de réponse écrite  E-004101/2022 à la Commission

La compagnie aérienne Blue Air, établie à Bucarest, reliait la Roumanie à Paris-CDG jusqu’en septembre dernier. Depuis, confrontée à des difficultés financières, elle a suspendu ses opérations avant d’annoncer une future nationalisation en novembre.

L’entreprise s’était alors engagée par écrit auprès de ses clients à rembourser les billets des vols annulés, ou bien à leur permettre de réserver gratuitement un nouveau vol correspondant à leurs besoins.

Trois mois plus tard, en contradiction avec le règlement (CE) nº 261/2004, aucun de ces deux engagements n’a été respecté.

Cette année, Blue Air avait déjà reçu une sanction record de deux millions d’euros pour avoir, en l’espace d’un an, annulé plus de 11 000 vols sans dédommager ses clients.

  1. La Commission compte-t-elle intervenir afin de garantir un niveau élevé et uniforme de protection des passagers au sein de l’Union, comme elle s’y est engagée?
  2. Dans ce dossier récent, que compte-t-elle faire pour assurer dans les plus brefs délais l’indemnisation effective des passagers lésés?

Dépôt: 17.12.2022

Taxonomie verte : la fausse victoire du nucléaire

Texte initialement paru dans Les Echos.

La France aura commencé sa présidence européenne par une polémique sur l’Arc de Triomphe ; au même moment, à Bruxelles, se décide notre avenir énergétique pour plusieurs décennies. La Commission européenne vient de dévoiler la nouvelle version de sa « taxonomie pour la finance durable », qui orientera pour plusieurs décennies l’essentiel des investissements dans ce secteur vers les activités d’approvisionnement énergétique qui auront été considérées comme nécessaires pour la décarbonation. Soupir de soulagement à Paris : l’énergie nucléaire n’est finalement pas exclue du texte.

La France aura commencé sa présidence européenne par une polémique sur l’Arc de Triomphe ; au même moment, à Bruxelles, se décide notre avenir énergétique pour plusieurs décennies.

Depuis deux ans, nous n’avons cessé de batailler au Parlement, et d’alerter le gouvernement, silencieux pendant des mois devant un processus qui écartait pourtant a priori, de manière totalement arbitraire, cette filière vitale pour notre pays. Il est vrai que le bilan d’Emmanuel Macron en la matière n’incitait guère à l’optimisme : seul président à avoir confié l’énergie à des ministres hostiles au nucléaire, il ne laissera en cinq ans que la fermeture aberrante de Fessenheim, et une loi de programmation condamnant quatorze centrales supplémentaires à la fermeture anticipée. Le réveil tardif de Bercy aura permis d’éviter le pire ; mais derrière l’apparence d’une victoire, le texte de la taxonomie reste très inquiétant pour l’avenir.

Le nucléaire y est considéré en effet comme une « énergie de transition », et non comme une « énergie durable ». Conséquence : ce label sera remis en question tous les trois ans, une incertitude intenable pour une filière dont les investissements doivent être planifiés sur plusieurs décennies, et qui a besoin pour cela d’un cap politique constant et d’un environnement réglementaire enfin stable. Le règlement exclut la construction de nouvelles centrales à partir de 2045, et le prolongement de centrales existantes après 2040 – moment où les besoins électriques seront précisément en forte augmentation du fait de l’objectif de neutralité carbone en 2050. Enfin, problème tout aussi crucial, la taxonomie exclut d’office l’investissement dans des étapes indispensables à la production d’électricité, en amont (approvisionnement et transformation du combustible) comme en aval – au prix d’ailleurs d’un absurde paradoxe : la Commission exclut le traitement des déchets de la taxonomie, tout en en faisant une condition pour financer de nouvelles centrales… Le même règlement permet de financer des centrales à gaz, et privilégie surtout l’éolien et le solaire, dont l’intermittence impose aussi de recourir à cette énergie fossile et émettrice de carbone.

Derrière l’apparence d’une victoire, le texte de la taxonomie reste très inquiétant pour l’avenir. Le nucléaire y est considéré en effet comme une « énergie de transition », et non comme une « énergie durable »

En parallèle ont été publiées les nouvelles « lignes directrices » encadrant les aides d’État. Sans aucune justification, elles excluent le nucléaire, ce qui interdit a priori tout financement public pour construire une centrale : impossible d’y voir autre chose qu’un parti pris purement idéologique. Au nom du « pragmatisme » en revanche, la Commission réserve un statut d’exception au gaz naturel, qui pourra bénéficier d’aides d’État sans examen préalable…

Malgré les apparences, c’est donc l’Allemagne qui impose ses options à l’Europe, au moment où elle poursuit, en pleine crise de l’énergie, la fermeture programmée de ses centrales nucléaires en parfait état de fonctionnement. Rappelons le bilan de ce choix : au dernier trimestre 2021, l’Allemagne a produit un tiers de son électricité avec du charbon, dont la nouvelle coalition socialiste-écologiste espère sortir d’ici 2030 « dans l’idéal ». Au nom du risque nucléaire, qui n’a pas fait un mort dans l’UE, on inaugure des mines dont la pollution tue chaque année des milliers de personnes. Et pendant ce temps, les ménages allemands paient l’électricité la plus chère du continent, plus de 40% plus coûteuse en moyenne qu’en France…

Malgré les apparences, c’est donc l’Allemagne qui impose ses options à l’Europe, au moment où elle poursuit, en pleine crise de l’énergie, la fermeture programmée de ses centrales nucléaires en parfait état de fonctionnement.

La réunification européenne a commencé par la mise en commun du charbon. L’avenir de notre continent impose aujourd’hui de s’affranchir des énergies fossiles par une stratégie claire, cohérente, stable, fondée sur les faits et sur la raison. Les experts mandatés par la Commission européenne avaient logiquement conclu que le nucléaire était durable. En multipliant les réserves et les contraintes, la taxonomie pourrait, derrière un soutien de façade, fragiliser durablement cette filière, aggraver les risques majeurs de ruptures sur le réseau électrique, fragiliser notre industrie et notre modèle social, nous rendre dépendants de puissances tierces, et nous conduire à l’échec environnemental. S’il veut éviter cela, le gouvernement français ne peut se satisfaire des annonces récentes. Pour notre part, nous ne céderons rien dans ce débat essentiel.

La réunification européenne a commencé par la mise en commun du charbon. L’avenir de notre continent impose aujourd’hui de s’affranchir des énergies fossiles par une stratégie claire, cohérente, stable, fondée sur les faits et sur la raison.

Crédit photo : Raimond Spekking / Wikipedia (Centrale nucléaire de Chooz)

Si la France et l’Europe veulent pouvoir compter dans le monde de demain…

Nouvelle terrible pour notre industrie, pour Naval Group et ses sous-traitants, pour notre balance commerciale dont le déficit s’aggrave encore, pour les emplois et le savoir-faire français. Mais s’indigner ne suffit pas… Il faut en tirer les leçons.

  1. Ceux qui, en Europe, croyaient au retour d’un multilatéralisme rassurant, doivent ouvrir enfin les yeux : les États-Unis défendent leurs intérêts, comme toute puissance. Être leurs alliés ne nous dispense pas de l’effort nécessaire pour nous donner les moyens de nos objectifs. Si nous ne sommes pas capables d’assumer des rapports de force, même la signature d’un État, même l’engagement d’un pays ami, ne constituent pas une garantie. On peut le déplorer, bien sûr ; mais c’est un fait : à nous d’en tirer les conséquences. Dans ce cas, comme pour le Rafale écarté par la Suisse, l’excellence industrielle n’est pas en cause ; l’échec est donc politique. Il faudra analyser ce qui a manqué dans le suivi des contrats. Comme le dit le président, dans le haut niveau, on n’excuse pas un résultat décevant…
  2. Ce choix montre combien l’évolution de la Chine devient le paramètre majeur pour bien des États. Que valent nos garanties face à une puissance qui construit tous les quatre ans l’équivalent de notre marine ? Les pays européens n’ont pas encore conscience de l’ampleur du défi. Dans un moment crucial pour nos pays et le modèle démocratique, cette accélération montre combien les débats européens sont décalés, lents, indécis. Le fonds défense est un pas en avant ; mais il a fallu des années pour investir 8 milliards d’euros, rabotés en dernière minute… Au lieu d’entretenir le vieux rêve fédéraliste d’une « armée européenne », il faut maintenant se donner les moyens sérieux qui seront nécessaires pour que notre industrie de défense garantisse à nos démocraties leur autonomie stratégique. Personne ne nous y aidera ; à nous d’agir…
Aucune alliance ne nous exonère du travail indispensable pour retrouver les moyens de ne pas subir.
Si la France et l’Europe veulent pouvoir compter dans le monde de demain, nous allons devoir faire beaucoup plus, sur le plan militaire, industriel, diplomatique, intellectuel. Aucune alliance ne nous exonère du travail indispensable pour retrouver les moyens de ne pas subir.

Position sur le sujet de la décision des Républicains pour la région PACA

Beaucoup me demandent ma position sur le sujet de la décision des Républicains pour la région PACA. Voici en substance ce que j’ai exprimé hier en commission d’investiture.
 
Par souci de cohérence, je ne pouvais que voter contre le soutien qui nous était proposé. Comment investir un candidat qui, le jour même, remerciait pour son appui un premier ministre dont la politique est si contraire à ce que nous défendons – quand celui-ci décrivait lui-même le retrait de la liste LREM comme le début d’une recomposition nationale ? Chaque jour qui passe montre que le gouvernement qu’il dirige n’a résolu aucun des problèmes majeurs que la France traverse : c’est la raison pour laquelle nous travaillons sans relâche à combattre, avec respect mais sans concession, les erreurs de cette majorité, pour construire une alternative avec nos amis parlementaires et tant de Français restés fidèles aux engagements de notre famille politique. Comme eux, j’attendais la seule clarification nécessaire, celle qui aurait consisté à décliner ce soutien annoncé par des adversaires, à indiquer qu’il ne pouvait pas avoir été sollicité, et à le dénoncer comme une manœuvre de plus pour détruire notre famille politique et la transparence du débat démocratique.
 
La vie politique suppose que chacun assume une ligne claire, pour que les électeurs puissent faire un vrai choix. Le deuxième tour perpétuel qu’on cherche à imposer à la France est dévastateur, pas seulement pour les partis politiques, dont LREM n’aura finalement gardé que les pires travers, mais pour notre démocratie et pour notre pays. Le scénario des derniers jours ne sert que la tactique à courte vue d’Emmanuel Macron, prêt à tous les calculs pour s’imposer en unique recours l’an prochain ; aucune alliance contre nature ne conduira à une victoire de la droite, dans cette élection régionale en premier lieu. Le premier bénéficiaire du soutien annoncé par Jean Castex à Renaud Muselier est Thierry Mariani, vers qui se tourneront probablement de trop nombreux électeurs opposés à LREM et écoeurés par ces manoeuvres – ce qui me révolte, car j’ai pu mesurer, encore dans des débats très récents au Parlement européen, le cynisme de ce candidat qui prétend incarner un renouveau.
Tout cela est bien sûr désolant, et inquiétant. Une décision a été prise hier, je ne m’exprimerai plus sur cette élection en région PACA. Je ne peux cependant que pressentir que la suite des événements sera difficile. Comme Eric Ciotti et Bruno Retailleau, j’ai alerté sur le risque existentiel que les derniers événements représentaient pour notre famille politique. Je suis bien placé pour mesurer ce que les compromissions, les reniements et les trahisons de certains ont coûté de confiance à la droite au cours des dernières années. Et si je me soucie de l’avenir de la droite, c’est que je reste convaincu qu’elle a aujourd’hui le devoir de reconquérir sa place dans le débat public, non pour elle-même, mais pour la France, qui a plus que jamais besoin d’une alternative solide et crédible. Cela ne pourra se faire sans clarté, sans constance, et sans le courage de la fidélité.
François-Xavier Bellamy

Taxonomie européenne sur la finance verte : la Commission européenne commet une faute grave en excluant le nucléaire

`Tribune initialement parue sur le site de L’Opinion.

La Commission européenne vient de rendre public l’acte délégué relatif aux énergies pouvant être intégrées à la Taxonomie européenne sur la finance verte. Cette taxonomie doit sélectionner les activités d’approvisionnement énergétique qui, parce qu’elles concourent à atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050, pourront faire l’objet d’un soutien public. Elle orientera donc l’essentiel des investissements publics et privés dans toute l’Union européenne pour de nombreuses années.

Or la Commission européenne a décidé de ne pas intégrer l’énergie nucléaire dans ce premier acte délégué. Elle promet de traiter la question dans une étape ultérieure, mais un acte délégué spécifique, outre le temps qu’il prendra, n’a que très peu de chances d’être finalement approuvé.

Une faute contre la science

C’est d’abord une faute contre la science, et contre la transparence de ce processus de décision. Le groupe d’experts (Joint Research Center), constitué par la Commission européenne elle-même pour préparer la taxonomie, a publié fin mars un rapport qui démontre, sur une base scientifique incontestable, que l’énergie nucléaire ne peut être considérée comme nuisible à l’environnement ou à la santé humaine. La décision de l’exclure de la taxonomie ne peut qu’être le résultat de pressions idéologiques et d’intérêts financiers – la filière des énergies dites renouvelables ayant beaucoup à gagner de l’affaiblissement d’une source d’énergie pilotable et décarbonée… Derrière les discours anti-nucléaires, il y a des stratégies prédatrices, qui jouent contre la transparence et la loyauté de cette réglementation cruciale.

Une faute contre l’écologie

Cette aberration idéologique est aussi une faute contre l’écologie. Le GIEC a démontré, dans son rapport d’octobre 2018, la nécessité de multiplier par six les capacités nucléaires mondiales pour parvenir aux objectifs de l’Accord de Paris : sans préjuger de l’avenir à long terme, l’évolution actuelle des besoins énergétiques mondiaux et l’urgence de sortir des énergies fossiles rendent absolument indispensable le recours à cette énergie décarbonée. L’Union européenne annonçait ce matin qu’elle se fixe un objectif de réduction de 55% des émissions carbone pour 2030, et elle se retire le même jour les moyens de l’atteindre : cette hypocrisie sera sévèrement jugée par les générations futures. Au moment où la Chine et les Etats-Unis (sous une administration démocrate) choisissent d’investir massivement dans cette filière, l’Union européenne commet un contresens historique majeur.

Une faute contre la France

Enfin, cette décision est une faute contre la France : la filière nucléaire, depuis le général de Gaulle, représente un atout majeur pour notre pays sur le plan industriel, et un outil stratégique de souveraineté. Le gouvernement a commencé à communiquer à la veille de la parution de cet acte délégué : mais les négociations sur ce sujet décisif durent depuis près de trois ans. Nous n’avons cessé d’alerter, publiquement et dans nos échanges avec l’exécutif, sur la nécessité urgente d’obtenir un changement de méthode de la Commission européenne ; la France aurait pu l’obtenir, si elle n’avait pas attendu la dernière ligne droite pour intervenir. C’est un échec majeur, qui risque d’aggraver encore le décrochage déjà avancé de notre compétitivité et de notre balance commerciale. Cette faillite pèsera lourdement au bilan d’un Président de la République isolé en Europe, otage des ambiguïtés d’une majorité totalement contradictoire, concentré sur de purs effets de communication mais manifestement dépourvu de vision stratégique.

La Commission européenne, en disqualifiant l’énergie nucléaire, a préféré se soumettre au lobbying intense d’intérêts très déterminés. Les parlementaires Les Républicains poursuivront leur engagement pour corriger ce premier acte délégué au Parlement européen, et continueront le combat à l’Assemblée nationale et au Sénat, pour que les décisions engageant l’avenir de notre pays soient prises sur une base rationnelle et non idéologique. C’est la place de la France et de l’Europe qui est en jeu, mais aussi la vitalité économique comme l’équilibre social de nos pays, et la cause de l’environnement : nous ne manquerons pas à notre responsabilité.

Christian Jacob, président du parti Les Républicains
Damien Abad, président du Groupe LR à l’Assemblée nationale
François-Xavier Bellamy, président de la Délégation française du Groupe PPE
Bruno Retailleau, président du Groupe LR au Sénat

La France doit dire ce qu’elle est

Entretien initialement paru dans L’Incorrect du mois de mars 2021.

Le projet de loi actuellement en discussion devait porter sur l’islamisme. Il prétend maintenant veiller au « respect des principes de la République » par toutes les religions, de peur de « stigmatiser » l’islam. Qu’en pensez-vous ?

Ce projet de loi est totalement décalé par rapport à l’enjeu. J’ai du mal à comprendre l’erreur de diagnostic et de solutions. Il y a une erreur de fond dans le fait de croire que le problème serait lié aux religions : le sujet, c’est la rencontre à haut risque de de l’islam avec la culture française et la civilisation européenne. De ce point de vue, la réponse ne peut d’ailleurs pas se trouver contenue dans une simple loi.

Le problème fondamental est intellectuel, spirituel, civilisationnel. Il consiste à savoir si nous voulons encore défendre, préserver et transmettre notre héritage. Cet héritage inclut une certaine manière de vivre, de voir le monde, une certaine conception de la relation entre l’homme et la femme, une certaine idée de la raison, une certaine organisation politique, et en elle l’idée de la laïcité, qui est en réalité une idée européenne, parce qu’elle est une idée chrétienne — le mot même de laïcité vient de la théologie chrétienne.

Vouloir s’en prendre de manière équivalente à toutes les religions, ou vouloir revenir aux débats internes à l’esprit européen quand il s’agissait de limiter l’emprise de la religion sur le pouvoir temporel, c’est commettre une erreur majeure. Aujourd’hui, le sujet n’est plus la distinction entre le temporel et le spirituel dans un monde chrétien ; c’est la préservation du modèle hérité de la tradition judéo-chrétienne face à la montée de la culture musulmane, elle-même liée à l’immigration massive. Il peut y avoir une évolution de la loi pour améliorer notre réponse sécuritaire ou judiciaire à court terme ; mais le point central, c’est de savoir comment nous serons capables de transmettre de nouveau la France à tous ceux qui grandissent dans notre pays, et dont beaucoup ne se reconnaissent pas de cet héritage.

Ne pourrait-on pas imaginer quelque chose sur le modèle de la convocation du Grand Sanhédrin par Napoléon en 1806 ?

L’État ne réformera pas l’islam. L’État n’organisera pas l’islam. Projeter cela, ce serait se méprendre sur la nature de cette religion, qui ne connaît pas une structuration semblable à celle de l’Eglise par exemple. Par ailleurs, il y aurait un abus de pouvoir dans l’idée que l’on va intervenir de l’extérieur dans le culte musulman : nous n’avons pas à dire ce qu’un musulman a le droit de croire ou de ne pas croire, ce qu’il doit penser ou ne pas penser. Sans compter que cet abus de pouvoir ne fonctionnera pas. Je l’ai vécu comme prof et comme élu local : la montée de la radicalité chez beaucoup de jeunes musulmans fait que les responsables qui s’accordent avec les institutions se trouvent de facto discrédités. Une immense majorité des croyants refuseront logiquement d’adhérer à des dogmes négociés avec l’Etat… Nous n’avons rien à gagner à entrer dans cette logique.

Ce serait aussi décalé que, par exemple, de vouloir proscrire la kippa dans l’espace public, comme le propose depuis longtemps Marine Le Pen. Il y a depuis quinze ans une montée de la pression islamiste dont les Français de confession juive sont directement les victimes, et à la fin, quand il faut y répondre, on dit : qu’ils enlèvent leur kippa ! C’est absurde !

Alors que doit-on faire ?

La seule chose que doit faire la France, c’est de dire ce qu’elle est et ce qu’elle ne négociera jamais. À partir de là, à chacun de juger s’il veut vivre dans notre pays. Oui, la France est le pays de la liberté de conscience, donc en France on a le droit d’être musulman – c’est une grande chance parce que dans les pays musulmans, on n’a pas toujours le droit d’être chrétien… Cela implique que la France est un pays où la parole est libre, avec les excès que cela peut entraîner. En France, il peut vous arriver de croiser une caricature qui heurte votre foi – je le dis comme un catholique à qui il est arrivé de se sentir parfois blessé par une caricature –, mais c‘est comme ça, c’est la France. À ceux qui trouvent ça trop pénible, à ceux qui sont trop fragiles pour le supporter, je dis qu’il y a des tas de pays dans lesquels ils seront sûrs de ne jamais voir une caricature du prophète, et qu’ils peuvent parfaitement choisir d’y vivre. Je ne peux le leur reprocher : choisissez un autre pays, une autre manière de vivre, et restons bons amis ! Mais si vous voulez vivre en France, vous devez épouser ce modèle.

Vous pensez qu’une majorité de jeunes musulmans est prête à l’accepter ?

Dans notre histoire, beaucoup de musulmans sont morts pour la France ; il n’y a aucune raison pour qu’un citoyen musulman se sente étranger à la France. Je crois profondément que beaucoup de jeunes issus de l’immigration sont prêts à estimer un pays qui s’estimerait lui-même. C’est pour cela que le vrai sujet est politique, au sens le plus fort du terme – non pas seulement sécuritaire, ou institutionnel… Au fond, il renvoie notre pays à sa propre incapacité à s’assumer et à se transmettre. Quand on élit un président de la République qui nous a dit qu’il n’y avait pas de culture française, il est évident que ça ne peut pas marcher. Vous ne pouvez pas intégrer et vous ne pouvez pas assimiler si vous partez du principe que votre pays n’a rien à proposer, qu’il n’a pas une culture à recevoir et à rejoindre.

L’islamisme des cités est d’ailleurs un adversaire idéologique d’une fragilité insigne. Il faut bien avoir conscience que la médiocrité et la superficialité de son discours ne se propagent qu’à proportion du vide que nous laissons derrière nous, quand nous refusons d’assumer ce que nous sommes et de le transmettre.

Vous dites : « On ne peut pas intégrer, on ne peut pas assimiler. » Ce n’est pas la même chose. Vous souhaitez intégrer ou assimiler ?

J’assume parfaitement l’idée de l’assimilation, un projet d’une immense générosité et qui est particulièrement français, parce que la France a toujours eu une relation particulière avec l’universel. La singularité paradoxale de la France est d’avoir toujours cru qu’elle pouvait s’adresser à tous. Le projet de l’assimilation est très français en ce sens qu’il signifie que d’où que vous veniez, quelle que soit votre histoire personnelle, si vous habitez en France, et a fortiori si vous souhaitez partager la nationalité française, vous pouvez être pleinement participant de cette histoire qui se prolonge à travers nous tous. On a fait de l’assimilation une sorte de tabou : Emmanuel Macron a récemment expliqué, dans l’Express, qu’il fallait supprimer du code civil la nécessité de “justifier de son assimilation à la communauté française” pour pouvoir être naturalisé. En réalité, comme l’a récemment montré Raphaël Doan, l’assimilation est l’exigence la plus antiraciste qui soit. Elle consiste à dire : vous n’avez pas besoin d’avoir les gênes d’une ethnie particulière pour être assimilé à la communauté de destin qui s’appelle la France. Évidemment, aujourd’hui, réussir le défi de l’assimilation suppose un préalable : mettre fin, de manière urgente, aux flux migratoires massifs qui rendent impossible la reconstitution de l’unité de la nation. Mais je crois malgré tout que le projet de l’assimilation, que la France a réussi dans son passé, comme le montrent ces Français qui le sont devenus “non par le sang reçu mais par le sang versé”, est plus nécessaire que jamais. On n’échappera pas à l’« archipellisation » de la France sans renouer avec ce projet.

Pour paraphraser de Gaulle, on peut assimiler des individus : pensez-vous que l’on puisse assimiler des peuples, et n’est-il pas déjà trop tard ? Et vous parlez de stopper les flux migratoires : est-ce qu’il faut simplement les stopper ou est-ce qu’il faut les inverser ?

Pour la première question, oui, on se demande s’il n’est pas déjà trop tard. Je l’assume sans difficulté. Cela étant dit, j’ai trente-cinq ans, je ne compte pas baisser les bras. Comme le dit Marc Aurèle : « Les batailles que je n’ai pas livrées, je me console trop facilement dans la certitude qu’elles étaient déjà perdues ». Je ne veux pas me résigner à la fracturation de la France dans une juxtaposition de communautés qui ne se connaissent plus de lien. Il me semble que la puissance de notre héritage peut encore susciter l’enthousiasme et l’adhésion.

J’ai enseigné dans des zones urbaines sensibles où il y avait 90% ou 95% de jeunes issus de l’immigration. Je n’ai jamais eu un élève qui m’ait dit : « Je ne veux pas de votre philosophie ethnocentriste, occidentale et néocoloniale ». Ça, c’étaient mes formateurs à l’IUFM qui me le disaient ! Mes élèves, quand je leur parlais de Platon et d’Aristote, étaient capables de s’y reconnaître. Quand vous arrivez devant des jeunes gens en leur disant que vous avez quelque chose à leur offrir qui vaut la peine d’être reçu, vous retrouvez en eux la soif infinie d’apprendre, et de rejoindre quelque chose de plus grand que nous qui mérite d’être partagé. Je ne nie pas qu’il y a une sorte de pari. Je ne suis pas optimiste de nature, mais je ne peux pas me résigner. Et je crois qu’il y a dans l’identité française quelque chose d’assez grand pour pouvoir surmonter la crise existentielle que nous traversons.

Pour réussir ce défi, et c’est votre deuxième question, commençons par mettre un terme aux flux migratoires qui continuent. Rappelons quand même que depuis quarante ans, on n’a jamais délivré autant de titres de séjour que depuis 2017. Je ne cesse de l’expliquer à bien des gens qui affirment qu’Emmanuel Macron mène une politique de droite. En 2019, c’est l’équivalent de la ville de Nantes qui s’est installé légalement en France, essentiellement d’ailleurs en provenance des pays du Maghreb et de la Turquie. Et je ne parle même pas de l’immigration illégale… C’est évidemment intenable.

Lorsque la région Île-de-France, durant le premier confinement, a mis en place un outil pour apprendre une langue étrangère en ligne, elle a eu la surprise de voir que la première langue demandée était le français, et de loin ! On ne peut pas continuer à accueillir quand on vit un tel échec de l’assimilation.

Votre famille politique, notamment sous le mandat de Nicolas Sarkozy, a accueilli elle aussi beaucoup de gens. Il y a même eu une explosion du nombre d’entrées. Il y a une prise de conscience au sein de LR ?

Je ne me suis pas engagé en politique parce que tout allait bien, et je ne me suis pas engagé à droite parce que la droite avait tout réussi. Je me suis engagé justement parce que je crois qu’il est nécessaire que cette prise de conscience puisse avoir lieu à l’intérieur de la droite. La grande fragilité de la droite aujourd’hui, sa fragilité politique et électorale, vient de la profonde déception de beaucoup d’électeurs qui lui reprochent de ne pas avoir tenu ses promesses. Pendant toute la campagne des élections européennes, j’ai entendu des gens me dire : « Ce que vous dites est très bien, mais on ne se fera pas avoir une nouvelle fois ». Il y a une corrélation très claire entre le fait que la droite, lorsqu’elle était au pouvoir, n’a pas été à la hauteur des engagements qu’elle avait pris, et le discrédit qu’elle subit aujourd’hui. Cela étant dit, on ne peut pas être complètement relativiste : en matière d’immigration par exemple, la politique menée n’a pas été la même sous la droite que sous la gauche ; et Emmanuel Macron va plus loin que la gauche, en termes d’entrées légales sur le territoire national.

Y a-t-il un consensus sur ce sujet au sein de LR ? On sait à peu près ce que pense chacune de ses personnalités, mais concernant la ligne du parti, c’est nettement plus flou…

Sur les questions migratoires, la ligne de notre famille politique est parfaitement claire. Nous l’avons exposée lors des élections européennes : nous pensons qu’il faut une stratégie globale, à la fois européenne et nationale. C’est ce que nous avons appelé la« double frontière ». Je suis allé sur l’île de Lesbos, pour voir le gigantesque camp de migrants qui s’y trouve. Vu de ces îles, situées à quelques kilomètres seulement des côtes turques, il est évident que la Grèce ne pourra pas défendre toute seule ses frontières face à la pression migratoire. De plus, les gens qui entrent en Grèce ne veulent pas y rester. Ils veulent se rendre en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne : il est donc nécessaire et légitime que nous soyons aux côtés des pays de première entrée, en renforçant Frontex notamment, pour maîtriser ensemble les frontières extérieures de l’Europe. Jusque-là, ça n’a pas été fait, c’est sur cette priorité que nous travaillons. Au Parlement européen, nous sommes engagés dans une bataille politique rude pour défendre une doctrine d’emploi assumée pour Frontex : une agence de garde-frontières n’est pas là pour accueillir les gens qui entrent illégalement, mais pour les refouler. Ce travail commun est indispensable : il est vain de prétendre que l’on maîtrisera nos frontières face à la pression migratoire si les pays européens n’y travaillent pas ensemble. La position du RN sur ce sujet, qui a sans cesse voté contre tout renforcement de Frontex, est purement idéologique et me semble irresponsable. Si demain la Grèce est envahie, ça ne peut pas ne pas avoir de conséquences sur nous. Il faut donc agir ensemble, pour permettre que chaque pays garde la maîtrise de sa politique migratoire. C’est parce que nous tenons à garder à chaque Etat sa souveraineté en la matière que nous parlons de « double frontière ».

Le parti européen au sein duquel vous siégez, le Parti populaire européen (PPE), est-il en phase avec ça ? Il ne nous a pas donné l’impression de vouloir « refouler » les migrants.

Durant le précédent mandat, et particulièrement lorsque l’Allemagne a ouvert grand les frontières à l’été 2015, le PPE s’est littéralement fracturé sur la question migratoire. Deux lignes complètement opposées s’y sont affrontées : d’un côté il y avait celle d’Angela Merkel, de l’autre celle de Viktor Orbán. Or cinq ans et demi plus tard, que constate-t-on ? Que sur le fond, tout le groupe s’est rallié à la position de Viktor Orbán ! Aujourd’hui, plus personne dans le PPE ne défend l’idée d’un accueil inconditionnel des migrants. Angela Merkel elle-même ne referait plus ce qu’elle a fait en 2015… Même au-delà du PPE, les États européens se sont ralliés à la ligne de protection des frontières défendue par le Premier ministre hongrois. Ce qui est tout à fait paradoxal car Viktor Orban continue à être victime d’une forme de procès permanent, alors même que sur les questions migratoires, tout le monde parle désormais comme lui.

Concrètement, la doctrine qui prévalait jusque-là, et qui était d’ailleurs soutenue par Emmanuel Macron, était celle dite de la « relocalisation » des migrants : des gens entrent dans l’UE de façon illégale, au nom de la “solidarité” entre pays européens, on se les répartit et on oblige chaque Etat-membre à accepter son quota de migrants. C’était cela que Viktor Orbán refusait. Or la Commission européenne vient de présenter son nouveau “pacte migratoire”, et le point majeur est qu’elle renonce à la relocalisation des migrants. La solidarité européenne face à la question migratoire voudra dire que les Etats devront, selon leur choix, à à contribuer à la maîtrise des frontières ou aux reconduites hors de l’Europe des migrants illégaux C’est un changement complet de paradigme. La gauche est ulcérée, et il faut la comprendre : dans ce débat, Viktor Orbán a gagné !

Il y a encore beaucoup de travail, bien sûr, mais le débat progresse enfin. J’ai été chargé par le groupe du PPE d’écrire un texte sur l’identité de la droite en Europe : le passage sur l’immigration, qui fixe pour priorité la maîtrise de nos frontières, a été adopté par le groupe dans son ensemble après un travail d’amendements. Aujourd’hui, je pense que les choses peuvent être réorientées dans le bon sens. Avec certes toutes les pesanteurs de ces institutions – ça prend du temps, c’est lent, c’est compliqué… – mais globalement, dans la matrice européenne, quasiment plus personne ne dit, à l’exception de la Commissaire européenne aux Affaires intérieures, la social-démocrate suédoise Ylva Johansson, que les migrants sont une chance pour nos usines et pour compenser la baisse de la natalité de l’Europe…

En 2018 sur France Culture, lors d’une émission d’Alain Finkielkraut et alors que vous n’aviez pas encore été désigné tête de liste aux élections européennes mais que le JDD venait de faire état de cette probabilité, Sylvain Tesson vous avait imploré de « ne pas rentrer dans ce débat qui risque lui-même d’être un mouvement qui vous perdra ». Vous ne regrettez pas de ne pas l’avoir écouté ?

C’est une bonne question. Je ne suis pas entré en politique parce que ça m’amusait. C’est une expérience passionnante et je ne me plains pas de ce que je vis, mais si j’avais eu le sentiment que la France allait bien, je serais resté prof de philo. J’ai adoré mon métier, c’était ma vocation professionnelle, il reste mon élément naturel et j’espère le retrouver. Je suis entré en politique parce que tout ce à quoi je tiens est menacé. Je n’étais pas adhérent des Républicains, mais je me suis toujours senti de droite ; cette famille politique est venue me chercher : si j’avais décliné, je me serais senti illégitime de continuer à écrire des livres pour expliquer ce qui ne va pas.

La politique est un combat. Si vous croyez au sérieux de ce qui s’y joue, vous ne pouvez pas demeurer spectateur, ni même commentateur. Il faut entrer sur le champ de bataille.

Et vous pensez que de LR peut sortir un candidat qui ne fasse pas simplement de la figuration ?

Je crois que la droite a la responsabilité d’incarner une alternative, parce que le Rassemblement national fait objectivement partie de l’équation qui sauve Emmanuel Macron – je dis cela sans aucun jugement moral, ne détestant rien tant que tous ceux qui transforment les désaccords politiques en condamnations condescendantes. Je sais que la politique suppose des discernements difficiles dans le clair-obscur du réel, comme l’expliquait Aristote..Mais c’est un fait que la seule chose que redoute Emmanuel Macron, ce serait une droite enfin sortie de sa torpeur. Lors de l’élection européenne, j’ai espéré commencer une alternative, et nous n’y sommes pas arrivés. Notamment parce que dix jours avant le scrutin, Emmanuel Macron a brandi le risque de voir la liste du RN triompher, que Marine Le Pen lui a répondu, ce qui est normal, et que les médias se sont focalisés sur ce duel en forme de tandem. Pendant dix jours, les Français ont suivi à la télévision le troisième tour de l’élection présidentielle, et ils se sont prononcés par rapport à cette mise en scène. La politique, c’est aussi ça. On a eu beau faire une belle campagne, en tout cas une campagne que je ne renie pas sur la forme ni sur le fond, la construction de l’opinion passe encore par les journaux télévisés, qui nous ont largement ignorés.

Durant toute cette campagne, Emmanuel Macron n’a eu qu’une obsession : éviter que la droite ne se reconstruise à l’occasion de ce scrutin. Il y est parvenu. Nathalie Loiseau a refusé tous les débats que les médias lui proposaient avec moi. Et elle n’a accepté de discuter qu’avec Jordan Bardella. Il suffit de bien vouloir ouvrir les yeux pour voir que le macronisme a besoin du RN, qui pour bien des raisons reste très éloigné d’une victoire à l’élection présidentielle – bien des gens autour de Marine Le Pen le savent parfaitement, d’ailleurs… Le parti au pouvoir n’aurait aucune chance de s’y maintenir si nous étions dans une configuration politique normale. C’est la raison pour laquelle la vraie inquiétude pour Emmanuel Macron, c’était qu’un nouvel élan reprenne à droite et que les électeurs se remettent à y croire.

Parmi les faiblesses de la droite, ne pensez-vous qu’il lui manque d’avoir une ligne claire sur l’écologie ? Elle est globalement considérée comme libérale, donc comme anti-écologiste.

La droite s’est occupée d’écologie quand elle était au pouvoir et qu’on en parlait infiniment moins que maintenant, mais il est vrai qu’elle n’a pas de discours construit sur les sujets écologiques. Le travail à faire est d’autant plus important qu’il est urgent de proposer une écologie qui ne porte pas atteinte à nos libertés fondamentales.

Je suis inquiet quand j’entends Barbara Pompili nous dire que ce qui compte maintenant, ce n’est pas de changer notre manière de consommer, mais de changer notre manière de vivre et même, de changer notre civilisation ! Là, il y a une véritable idéologie, qui se préoccupe d’ailleurs assez peu de l’environnement – je le vois au Parlement par exemple sur le sujet de l’éolien, à terre ou en mer, qui est défendu par ces militants malgré son impact écologique désastreux. . Cette écologie a simplement trouvé une occasion de recycler un vieux fonds totalitaire hérité du marxisme et de l’antilibéralisme de gauche. Si la politique est faite pour sauver ce qui doit l’être, et je crois que c’est ce qui définit la droite, cela suppose évidemment de se préoccuper de transmettre, à la fois notre culture, et une nature qui permette que le monde reste vivable. C’est à cette cohérence qu’il faut travailler.

Vous voulez sauver et transmettre ce qui doit l’être, et, « en même temps », vous avez parlé d’« épuisement du modèle dont nous héritons ». Qu’est-ce qui reste à sauver ? Est-ce qu’on n’en est pas au stade de la décadence de l’Empire romain ?

Vous posez la question la plus difficile qui soit, savoir si la politique peut quelque chose à une forme de crise intérieure. Au fond, est-ce que la politique peut sauver un pays si ce pays ne veut plus se sauver lui-même – si ce pays a perdu le goût de continuer à exister ? Je dirais qu’on n’a pas le droit de se résigner. Aujourd’hui, comme dans certaines périodes de l’histoire, le levier de l’engagement politique pourrait être : « Et si jamais… » Et si jamais il y a une chance, même infime, que la France retrouve le goût d’exister, alors cette chance vaut la peine qu’on engage sa vie là-dessus.

J’imagine que quand Hans et Sophie Scholl ont créé La Rose blanche, en 1942, ils ne devaient pas avoir beaucoup d’espoir que la situation s’améliore. Et pourtant ! J’ai été profondément bouleversé par le dernier film de Terrence Malick, Une vie cachée, sur ce paysan autrichien, Franz Jägerstätter, qui avait refusé de prêter le serment de loyauté à Hitler. D’une certaine manière, ça ne servait à rien, la partie était perdue. Jägerstätter a donné sa vie sans voir la victoire à laquelle il espérait pourtant contribuer de manière presque infime. Et pourtant, ça valait la peine. Même si nous ne sommes pas dans une situation aussi dramatique, la question se pose de savoir si l’on peut quelque chose à un processus qui donne le sentiment d’être intérieur et donc irréversible, en tout cas par des moyens politiques. Mais si jamais il y a encore une chance, elle vaut la peine d’être vécue.

Cette chance, on la tente comment ?

La réponse politique la plus importante, qui devrait être la seule et unique priorité de la droite si elle parvenait à retrouver la confiance des Français, c’est l’éducation. Tout se joue dans l’éducation, tout, et il y a urgence. Un pays qui n’a pas transmis sa culture est un pays qui se perd de manière définitive. Beaucoup d’erreurs politiques sont rattrapables : vous pouvez avoir été laxiste en matière de sécurité avant de vous rendre compte que c’est devenu le désordre et de remettre des policiers dans les rues ; vous pouvez avoir été trop dépensier et avoir accumulé de la dette, et un jour décider qu’il faut remettre les finances d’équerre. Mais si vous manquez la transmission de la culture, alors où trouverez-vous ceux qui, demain, deviendront les professeurs qui l’enseigneront à nouveau ?

C’est pour cela qu’il y a une urgence éducative absolue. C’est quasiment le seul sujet politique dont on devrait s’occuper, parce que si on ne se transmet plus, nous perdrons jusqu’à la conscience des trésors qui se seront dissipés. Ceux qui n’auront pas reçu notre culture ne pourront même pas mesurer la valeur de ce qu’ils auront perdu.

Face à la situation sanitaire, les Français demandent semble-t-il toujours plus de sécurité et de restriction de leurs libertés.

Ce qui m’inquiète profondément, c’est le risque de ne plus sortir de la situation que nous vivons aujourd’hui. Emmanuel Macron disait récemment que le principe de la réponse sanitaire est que rien n’est plus important que de sauver une vie humaine. En un sens, je partage son point de vue : la vie humaine a une valeur absolue et ce principe mériterait d’être rappelé sur le terrain des questions de bioéthique… Le problème de cette affirmation, c’est que si elle est valable éthiquement dans l’appréciation que l’on fait de l’action de chaque personne, elle ne peut pas servir de fondement à une conception politique. Sinon, il faut tout de suite interdire la circulation en voiture, parce qu’il y a des accidents de la route et que certains sont mortels. Et même, il est impératif de confiner les gens de façon définitive parce que c‘est le plus sûr moyen qu’il ne leur arrive rien en marchant dans la rue ou en rencontrant d’autres personnes…

Encore que les accidents domestiques sont une cause importante de mortalité…

[rires] On voit bien que la société du risque zéro est une société invivable. Si notre seul et unique objectif est d’éviter la mort, alors nous n’arriverons qu’à empêcher la vie. C’est la vie que nous perdons en la construisant seulement pour éviter de mourir. C’est exactement le monde auquel il faut tenter d’échapper. De ce point de vue, il y a un problème majeur dans notre rapport à la liberté. C’est pourquoi je crois que notre famille politique doit embrasser de nouveau la cause de la liberté. Je suis très inquiet de voir que parce que nous nous élevons,, à raison, contre la folie de la mondialisation néolibérale, certains en viennent à jeter la liberté avec l’eau du bain néolibéral. Rien n’est plus nécessaire que de défendre la cause de la liberté.

Lors d’un débat au Parlement européen sur les applications de traçage, je me suis opposé à celles-ci, au nom de la liberté. J’étais quasiment le seul dans ce cas. Dans le débat qui nous a opposés, un de mes collègues parlementaires a dit littéralement : « Je préfère vivre encadré plutôt que mourir libre ». La formule est incroyable ! Je lui ai répondu: « Je te conseille d’aller faire un tour sur le plateau des Glières. » « Vivre libre ou mourir », c’est ce qui a structuré notre civilisation.

Dans Zarathoustra, Nietzsche écrit : « Formule de mon bonheur : un oui, un non, une ligne droite, un but. » Bellamy, quel but ?

Cette formule est magnifique. Je l’ai souvent citée à mes étudiants…

Si un seul mot pouvait définir l’engagement, ce serait sans aucun doute servir. Je pense que ce qui compte le plus dans une existence, c’est qu’elle puisse être engagée au service de quelque chose de plus grand qu’elle. Je me sentirais heureux si, la veille de ma mort, je pouvais me dire que j’ai pu servir à quelque chose de plus grand que moi. Et, en particulier, que j’aie pu servir à la transmission de cet héritage qui a fait de moi ce que je suis, auquel je dois tout, et qui, j’en suis sûr, peut encore être une promesse de vie et de liberté pour d’autres que moi à l’avenir.

Un peu de sobriété et d’efficacité

Présidence française du l'Union européenne 2022

Entretien paru dans Le Figaro le 24 mars 2021.

LE FIGARO – Comment les eurodéputés LR du PPE appréhendent-ils l’installation d’Emmanuel Macron à la présidence de l’Union européenne le 1er janvier ?

François-Xavier BELLAMY – Nous l’abordons sans esprit partisan, en espérant qu’elle puisse être utile au rayonnement de la France. J’ai eu l’occasion de participer à une première réunion de concertation organisée par Clément Beaune (secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes). Avant chaque présidence tournante, le pays concerné produit une feuille de route pour six mois. Ce n’est pas Emmanuel Macron, ni LREM mais la France qui doit assumer cette présidence européenne, au-delà des clivages politiciens. Représentant la France au sein du plus grand groupe du Parlement, notre délégation est prête à travailler pour que ce moment important aboutisse à des résultats utiles pour l’avenir de notre pays.

Ce n’est pas Emmanuel Macron, ni LREM mais la France qui doit assumer cette présidence européenne, au-delà des clivages politiciens.

Au-delà de la droite, comment le Parlement européen attend-il cette présidence ?

Il ne faut pas que le calendrier électoral conduise l’exécutif à instrumentaliser cette présidence en la réduisant à un exercice de communication. Le grand danger est une présidence aussi bavarde et ambitieuse dans les mots qu’elle sera isolée et inefficace dans les résultats. Fragilisée dans le débat européen, la France est confrontée à des sujets cruciaux et sa voix risque d’être marginalisée car nous sommes en plein décrochage économique. Notre situation actuelle nous classe désormais parmi les pays du sud, lourdement déficitaires sur le plan budgétaire et commercial. Nous ne sommes pas en mesure de donner des leçons. C’est pourquoi il est d’autant plus important que cette présidence française se concentre sur quelques priorités concrètes et essentielles, avec un souci de pédagogie et de résultats.

Pour certains macronistes, Emmanuel Macron devrait en profiter en récoltant les fruits de son interventionnisme européen sur plusieurs sujets, de l’environnement au numérique. Qu’en pensez-vous ?

Objectivement, le bilan européen d’Emmanuel Macron reste très éloigné de ses promesses. Sa facilité pour les discours est inversement proportionnelle à son efficacité dans l’action. Dans le paysage européen, l’essentiel est de convaincre, de se faire comprendre en faisant la pédagogie des positions que l’on défend. Le président français procède plutôt par déclarations fracassantes mais contre-productives. Par exemple, ses mots sur l’Otan « en état de mort cérébrale » ont profondément crispé. Cela a fait reculer la possibilité concrète d’une ambition commune en matière d’autonomie stratégique, et de résultats concrets pour l’industrie de défense. Pour la présidence française, la clef de la réussite serait d’identifier deux ou trois priorités précises et d’en faire la pédagogie : on semble malheureusement se diriger vers une énumération de déclarations et de souhaits qui ressemble à une liste de cadeaux de Noël, et ne peut permettre de vrai progrès. Il serait tragique que cette présidence, qui ne revient que tous les treize ans, soit une occasion manquée.

Pour la présidence française, la clef de la réussite serait d’identifier deux ou trois priorités précises et d’en faire la pédagogie : on semble malheureusement se diriger vers une énumération de déclarations et de souhaits qui ressemble à une liste de cadeaux de Noël, et ne peut permettre de vrai progrès.

Les Marcheurs veulent croire que cette position européenne permettra à leur candidat d’en tirer profit en 2022, notamment en s’affichant comme rempart aux populismes. Quel est votre avis ?

J’espère que le président et son exécutif seront capables de se hisser à la hauteur de l’enjeu. L’Allemagne a remarquablement utilisé cette occasion, en obtenant par exemple la finalisation du traité UE/Chine. Si je suis contre la ratification de cet accord, je constate que les Allemands, sans se mettre en scène, sans poursuivre des intérêts politiciens, ont obtenu un résultat qui constituait une priorité pour eux. Un peu de sobriété et d’efficacité feraient beaucoup de bien à la France. Quant à la mise en scène d’un clivage entre progressistes et populistes, c’est le rêve d’Emmanuel Macron, pas du tout la réalité du débat politique : au parlement européen, les deux plus grands groupes sont ceux de la droite et de la gauche. Emmanuel Macron voudrait exporter à Bruxelles le schéma qui lui a permis d’être élu à Paris, et qu’il décrit depuis le début comme la seule alternative politique possible ; mais il se retrouvera bien seul s’il essaye de raconter cette histoire aux pays européens : au moment où par exemple les Italiens de la Lega cherchent à quitter le RN pour se rapprocher du PPE, le récit d’un affrontement avec un bloc populiste fort n’a pas de sens. Le sujet n’est pas d’être pro ou anti-européen, mais de savoir quelle Europe construire.

Au moment où par exemple les Italiens de la Lega cherchent à quitter le RN pour se rapprocher du PPE, le récit d’un affrontement avec un bloc populiste fort n’a pas de sens. Le sujet n’est pas d’être pro ou anti-européen, mais de savoir quelle Europe construire.

Quel sera l’effet de cette présidence européenne sur la présidentielle en France ?

Si elle parvient à placer l’Europe dans le débat français, ce sera une bonne nouvelle car les décisions discutées en ce moment au sein des institutions européennes sont déterminantes pour l’avenir de notre pays : il est urgent que les Français, informés sur ces enjeux, aient l’occasion de se prononcer.

Photo : Oleg Mityukhin / Pixabay