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Taxonomie européenne sur la finance verte : la Commission européenne commet une faute grave en excluant le nucléaire

`Tribune initialement parue sur le site de L’Opinion.

La Commission européenne vient de rendre public l’acte délégué relatif aux énergies pouvant être intégrées à la Taxonomie européenne sur la finance verte. Cette taxonomie doit sélectionner les activités d’approvisionnement énergétique qui, parce qu’elles concourent à atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050, pourront faire l’objet d’un soutien public. Elle orientera donc l’essentiel des investissements publics et privés dans toute l’Union européenne pour de nombreuses années.

Or la Commission européenne a décidé de ne pas intégrer l’énergie nucléaire dans ce premier acte délégué. Elle promet de traiter la question dans une étape ultérieure, mais un acte délégué spécifique, outre le temps qu’il prendra, n’a que très peu de chances d’être finalement approuvé.

Une faute contre la science

C’est d’abord une faute contre la science, et contre la transparence de ce processus de décision. Le groupe d’experts (Joint Research Center), constitué par la Commission européenne elle-même pour préparer la taxonomie, a publié fin mars un rapport qui démontre, sur une base scientifique incontestable, que l’énergie nucléaire ne peut être considérée comme nuisible à l’environnement ou à la santé humaine. La décision de l’exclure de la taxonomie ne peut qu’être le résultat de pressions idéologiques et d’intérêts financiers – la filière des énergies dites renouvelables ayant beaucoup à gagner de l’affaiblissement d’une source d’énergie pilotable et décarbonée… Derrière les discours anti-nucléaires, il y a des stratégies prédatrices, qui jouent contre la transparence et la loyauté de cette réglementation cruciale.

Une faute contre l’écologie

Cette aberration idéologique est aussi une faute contre l’écologie. Le GIEC a démontré, dans son rapport d’octobre 2018, la nécessité de multiplier par six les capacités nucléaires mondiales pour parvenir aux objectifs de l’Accord de Paris : sans préjuger de l’avenir à long terme, l’évolution actuelle des besoins énergétiques mondiaux et l’urgence de sortir des énergies fossiles rendent absolument indispensable le recours à cette énergie décarbonée. L’Union européenne annonçait ce matin qu’elle se fixe un objectif de réduction de 55% des émissions carbone pour 2030, et elle se retire le même jour les moyens de l’atteindre : cette hypocrisie sera sévèrement jugée par les générations futures. Au moment où la Chine et les Etats-Unis (sous une administration démocrate) choisissent d’investir massivement dans cette filière, l’Union européenne commet un contresens historique majeur.

Une faute contre la France

Enfin, cette décision est une faute contre la France : la filière nucléaire, depuis le général de Gaulle, représente un atout majeur pour notre pays sur le plan industriel, et un outil stratégique de souveraineté. Le gouvernement a commencé à communiquer à la veille de la parution de cet acte délégué : mais les négociations sur ce sujet décisif durent depuis près de trois ans. Nous n’avons cessé d’alerter, publiquement et dans nos échanges avec l’exécutif, sur la nécessité urgente d’obtenir un changement de méthode de la Commission européenne ; la France aurait pu l’obtenir, si elle n’avait pas attendu la dernière ligne droite pour intervenir. C’est un échec majeur, qui risque d’aggraver encore le décrochage déjà avancé de notre compétitivité et de notre balance commerciale. Cette faillite pèsera lourdement au bilan d’un Président de la République isolé en Europe, otage des ambiguïtés d’une majorité totalement contradictoire, concentré sur de purs effets de communication mais manifestement dépourvu de vision stratégique.

La Commission européenne, en disqualifiant l’énergie nucléaire, a préféré se soumettre au lobbying intense d’intérêts très déterminés. Les parlementaires Les Républicains poursuivront leur engagement pour corriger ce premier acte délégué au Parlement européen, et continueront le combat à l’Assemblée nationale et au Sénat, pour que les décisions engageant l’avenir de notre pays soient prises sur une base rationnelle et non idéologique. C’est la place de la France et de l’Europe qui est en jeu, mais aussi la vitalité économique comme l’équilibre social de nos pays, et la cause de l’environnement : nous ne manquerons pas à notre responsabilité.

Christian Jacob, président du parti Les Républicains
Damien Abad, président du Groupe LR à l’Assemblée nationale
François-Xavier Bellamy, président de la Délégation française du Groupe PPE
Bruno Retailleau, président du Groupe LR au Sénat

La France doit dire ce qu’elle est

Entretien initialement paru dans L’Incorrect du mois de mars 2021.

Le projet de loi actuellement en discussion devait porter sur l’islamisme. Il prétend maintenant veiller au « respect des principes de la République » par toutes les religions, de peur de « stigmatiser » l’islam. Qu’en pensez-vous ?

Ce projet de loi est totalement décalé par rapport à l’enjeu. J’ai du mal à comprendre l’erreur de diagnostic et de solutions. Il y a une erreur de fond dans le fait de croire que le problème serait lié aux religions : le sujet, c’est la rencontre à haut risque de de l’islam avec la culture française et la civilisation européenne. De ce point de vue, la réponse ne peut d’ailleurs pas se trouver contenue dans une simple loi.

Le problème fondamental est intellectuel, spirituel, civilisationnel. Il consiste à savoir si nous voulons encore défendre, préserver et transmettre notre héritage. Cet héritage inclut une certaine manière de vivre, de voir le monde, une certaine conception de la relation entre l’homme et la femme, une certaine idée de la raison, une certaine organisation politique, et en elle l’idée de la laïcité, qui est en réalité une idée européenne, parce qu’elle est une idée chrétienne — le mot même de laïcité vient de la théologie chrétienne.

Vouloir s’en prendre de manière équivalente à toutes les religions, ou vouloir revenir aux débats internes à l’esprit européen quand il s’agissait de limiter l’emprise de la religion sur le pouvoir temporel, c’est commettre une erreur majeure. Aujourd’hui, le sujet n’est plus la distinction entre le temporel et le spirituel dans un monde chrétien ; c’est la préservation du modèle hérité de la tradition judéo-chrétienne face à la montée de la culture musulmane, elle-même liée à l’immigration massive. Il peut y avoir une évolution de la loi pour améliorer notre réponse sécuritaire ou judiciaire à court terme ; mais le point central, c’est de savoir comment nous serons capables de transmettre de nouveau la France à tous ceux qui grandissent dans notre pays, et dont beaucoup ne se reconnaissent pas de cet héritage.

Ne pourrait-on pas imaginer quelque chose sur le modèle de la convocation du Grand Sanhédrin par Napoléon en 1806 ?

L’État ne réformera pas l’islam. L’État n’organisera pas l’islam. Projeter cela, ce serait se méprendre sur la nature de cette religion, qui ne connaît pas une structuration semblable à celle de l’Eglise par exemple. Par ailleurs, il y aurait un abus de pouvoir dans l’idée que l’on va intervenir de l’extérieur dans le culte musulman : nous n’avons pas à dire ce qu’un musulman a le droit de croire ou de ne pas croire, ce qu’il doit penser ou ne pas penser. Sans compter que cet abus de pouvoir ne fonctionnera pas. Je l’ai vécu comme prof et comme élu local : la montée de la radicalité chez beaucoup de jeunes musulmans fait que les responsables qui s’accordent avec les institutions se trouvent de facto discrédités. Une immense majorité des croyants refuseront logiquement d’adhérer à des dogmes négociés avec l’Etat… Nous n’avons rien à gagner à entrer dans cette logique.

Ce serait aussi décalé que, par exemple, de vouloir proscrire la kippa dans l’espace public, comme le propose depuis longtemps Marine Le Pen. Il y a depuis quinze ans une montée de la pression islamiste dont les Français de confession juive sont directement les victimes, et à la fin, quand il faut y répondre, on dit : qu’ils enlèvent leur kippa ! C’est absurde !

Alors que doit-on faire ?

La seule chose que doit faire la France, c’est de dire ce qu’elle est et ce qu’elle ne négociera jamais. À partir de là, à chacun de juger s’il veut vivre dans notre pays. Oui, la France est le pays de la liberté de conscience, donc en France on a le droit d’être musulman – c’est une grande chance parce que dans les pays musulmans, on n’a pas toujours le droit d’être chrétien… Cela implique que la France est un pays où la parole est libre, avec les excès que cela peut entraîner. En France, il peut vous arriver de croiser une caricature qui heurte votre foi – je le dis comme un catholique à qui il est arrivé de se sentir parfois blessé par une caricature –, mais c‘est comme ça, c’est la France. À ceux qui trouvent ça trop pénible, à ceux qui sont trop fragiles pour le supporter, je dis qu’il y a des tas de pays dans lesquels ils seront sûrs de ne jamais voir une caricature du prophète, et qu’ils peuvent parfaitement choisir d’y vivre. Je ne peux le leur reprocher : choisissez un autre pays, une autre manière de vivre, et restons bons amis ! Mais si vous voulez vivre en France, vous devez épouser ce modèle.

Vous pensez qu’une majorité de jeunes musulmans est prête à l’accepter ?

Dans notre histoire, beaucoup de musulmans sont morts pour la France ; il n’y a aucune raison pour qu’un citoyen musulman se sente étranger à la France. Je crois profondément que beaucoup de jeunes issus de l’immigration sont prêts à estimer un pays qui s’estimerait lui-même. C’est pour cela que le vrai sujet est politique, au sens le plus fort du terme – non pas seulement sécuritaire, ou institutionnel… Au fond, il renvoie notre pays à sa propre incapacité à s’assumer et à se transmettre. Quand on élit un président de la République qui nous a dit qu’il n’y avait pas de culture française, il est évident que ça ne peut pas marcher. Vous ne pouvez pas intégrer et vous ne pouvez pas assimiler si vous partez du principe que votre pays n’a rien à proposer, qu’il n’a pas une culture à recevoir et à rejoindre.

L’islamisme des cités est d’ailleurs un adversaire idéologique d’une fragilité insigne. Il faut bien avoir conscience que la médiocrité et la superficialité de son discours ne se propagent qu’à proportion du vide que nous laissons derrière nous, quand nous refusons d’assumer ce que nous sommes et de le transmettre.

Vous dites : « On ne peut pas intégrer, on ne peut pas assimiler. » Ce n’est pas la même chose. Vous souhaitez intégrer ou assimiler ?

J’assume parfaitement l’idée de l’assimilation, un projet d’une immense générosité et qui est particulièrement français, parce que la France a toujours eu une relation particulière avec l’universel. La singularité paradoxale de la France est d’avoir toujours cru qu’elle pouvait s’adresser à tous. Le projet de l’assimilation est très français en ce sens qu’il signifie que d’où que vous veniez, quelle que soit votre histoire personnelle, si vous habitez en France, et a fortiori si vous souhaitez partager la nationalité française, vous pouvez être pleinement participant de cette histoire qui se prolonge à travers nous tous. On a fait de l’assimilation une sorte de tabou : Emmanuel Macron a récemment expliqué, dans l’Express, qu’il fallait supprimer du code civil la nécessité de “justifier de son assimilation à la communauté française” pour pouvoir être naturalisé. En réalité, comme l’a récemment montré Raphaël Doan, l’assimilation est l’exigence la plus antiraciste qui soit. Elle consiste à dire : vous n’avez pas besoin d’avoir les gênes d’une ethnie particulière pour être assimilé à la communauté de destin qui s’appelle la France. Évidemment, aujourd’hui, réussir le défi de l’assimilation suppose un préalable : mettre fin, de manière urgente, aux flux migratoires massifs qui rendent impossible la reconstitution de l’unité de la nation. Mais je crois malgré tout que le projet de l’assimilation, que la France a réussi dans son passé, comme le montrent ces Français qui le sont devenus “non par le sang reçu mais par le sang versé”, est plus nécessaire que jamais. On n’échappera pas à l’« archipellisation » de la France sans renouer avec ce projet.

Pour paraphraser de Gaulle, on peut assimiler des individus : pensez-vous que l’on puisse assimiler des peuples, et n’est-il pas déjà trop tard ? Et vous parlez de stopper les flux migratoires : est-ce qu’il faut simplement les stopper ou est-ce qu’il faut les inverser ?

Pour la première question, oui, on se demande s’il n’est pas déjà trop tard. Je l’assume sans difficulté. Cela étant dit, j’ai trente-cinq ans, je ne compte pas baisser les bras. Comme le dit Marc Aurèle : « Les batailles que je n’ai pas livrées, je me console trop facilement dans la certitude qu’elles étaient déjà perdues ». Je ne veux pas me résigner à la fracturation de la France dans une juxtaposition de communautés qui ne se connaissent plus de lien. Il me semble que la puissance de notre héritage peut encore susciter l’enthousiasme et l’adhésion.

J’ai enseigné dans des zones urbaines sensibles où il y avait 90% ou 95% de jeunes issus de l’immigration. Je n’ai jamais eu un élève qui m’ait dit : « Je ne veux pas de votre philosophie ethnocentriste, occidentale et néocoloniale ». Ça, c’étaient mes formateurs à l’IUFM qui me le disaient ! Mes élèves, quand je leur parlais de Platon et d’Aristote, étaient capables de s’y reconnaître. Quand vous arrivez devant des jeunes gens en leur disant que vous avez quelque chose à leur offrir qui vaut la peine d’être reçu, vous retrouvez en eux la soif infinie d’apprendre, et de rejoindre quelque chose de plus grand que nous qui mérite d’être partagé. Je ne nie pas qu’il y a une sorte de pari. Je ne suis pas optimiste de nature, mais je ne peux pas me résigner. Et je crois qu’il y a dans l’identité française quelque chose d’assez grand pour pouvoir surmonter la crise existentielle que nous traversons.

Pour réussir ce défi, et c’est votre deuxième question, commençons par mettre un terme aux flux migratoires qui continuent. Rappelons quand même que depuis quarante ans, on n’a jamais délivré autant de titres de séjour que depuis 2017. Je ne cesse de l’expliquer à bien des gens qui affirment qu’Emmanuel Macron mène une politique de droite. En 2019, c’est l’équivalent de la ville de Nantes qui s’est installé légalement en France, essentiellement d’ailleurs en provenance des pays du Maghreb et de la Turquie. Et je ne parle même pas de l’immigration illégale… C’est évidemment intenable.

Lorsque la région Île-de-France, durant le premier confinement, a mis en place un outil pour apprendre une langue étrangère en ligne, elle a eu la surprise de voir que la première langue demandée était le français, et de loin ! On ne peut pas continuer à accueillir quand on vit un tel échec de l’assimilation.

Votre famille politique, notamment sous le mandat de Nicolas Sarkozy, a accueilli elle aussi beaucoup de gens. Il y a même eu une explosion du nombre d’entrées. Il y a une prise de conscience au sein de LR ?

Je ne me suis pas engagé en politique parce que tout allait bien, et je ne me suis pas engagé à droite parce que la droite avait tout réussi. Je me suis engagé justement parce que je crois qu’il est nécessaire que cette prise de conscience puisse avoir lieu à l’intérieur de la droite. La grande fragilité de la droite aujourd’hui, sa fragilité politique et électorale, vient de la profonde déception de beaucoup d’électeurs qui lui reprochent de ne pas avoir tenu ses promesses. Pendant toute la campagne des élections européennes, j’ai entendu des gens me dire : « Ce que vous dites est très bien, mais on ne se fera pas avoir une nouvelle fois ». Il y a une corrélation très claire entre le fait que la droite, lorsqu’elle était au pouvoir, n’a pas été à la hauteur des engagements qu’elle avait pris, et le discrédit qu’elle subit aujourd’hui. Cela étant dit, on ne peut pas être complètement relativiste : en matière d’immigration par exemple, la politique menée n’a pas été la même sous la droite que sous la gauche ; et Emmanuel Macron va plus loin que la gauche, en termes d’entrées légales sur le territoire national.

Y a-t-il un consensus sur ce sujet au sein de LR ? On sait à peu près ce que pense chacune de ses personnalités, mais concernant la ligne du parti, c’est nettement plus flou…

Sur les questions migratoires, la ligne de notre famille politique est parfaitement claire. Nous l’avons exposée lors des élections européennes : nous pensons qu’il faut une stratégie globale, à la fois européenne et nationale. C’est ce que nous avons appelé la« double frontière ». Je suis allé sur l’île de Lesbos, pour voir le gigantesque camp de migrants qui s’y trouve. Vu de ces îles, situées à quelques kilomètres seulement des côtes turques, il est évident que la Grèce ne pourra pas défendre toute seule ses frontières face à la pression migratoire. De plus, les gens qui entrent en Grèce ne veulent pas y rester. Ils veulent se rendre en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne : il est donc nécessaire et légitime que nous soyons aux côtés des pays de première entrée, en renforçant Frontex notamment, pour maîtriser ensemble les frontières extérieures de l’Europe. Jusque-là, ça n’a pas été fait, c’est sur cette priorité que nous travaillons. Au Parlement européen, nous sommes engagés dans une bataille politique rude pour défendre une doctrine d’emploi assumée pour Frontex : une agence de garde-frontières n’est pas là pour accueillir les gens qui entrent illégalement, mais pour les refouler. Ce travail commun est indispensable : il est vain de prétendre que l’on maîtrisera nos frontières face à la pression migratoire si les pays européens n’y travaillent pas ensemble. La position du RN sur ce sujet, qui a sans cesse voté contre tout renforcement de Frontex, est purement idéologique et me semble irresponsable. Si demain la Grèce est envahie, ça ne peut pas ne pas avoir de conséquences sur nous. Il faut donc agir ensemble, pour permettre que chaque pays garde la maîtrise de sa politique migratoire. C’est parce que nous tenons à garder à chaque Etat sa souveraineté en la matière que nous parlons de « double frontière ».

Le parti européen au sein duquel vous siégez, le Parti populaire européen (PPE), est-il en phase avec ça ? Il ne nous a pas donné l’impression de vouloir « refouler » les migrants.

Durant le précédent mandat, et particulièrement lorsque l’Allemagne a ouvert grand les frontières à l’été 2015, le PPE s’est littéralement fracturé sur la question migratoire. Deux lignes complètement opposées s’y sont affrontées : d’un côté il y avait celle d’Angela Merkel, de l’autre celle de Viktor Orbán. Or cinq ans et demi plus tard, que constate-t-on ? Que sur le fond, tout le groupe s’est rallié à la position de Viktor Orbán ! Aujourd’hui, plus personne dans le PPE ne défend l’idée d’un accueil inconditionnel des migrants. Angela Merkel elle-même ne referait plus ce qu’elle a fait en 2015… Même au-delà du PPE, les États européens se sont ralliés à la ligne de protection des frontières défendue par le Premier ministre hongrois. Ce qui est tout à fait paradoxal car Viktor Orban continue à être victime d’une forme de procès permanent, alors même que sur les questions migratoires, tout le monde parle désormais comme lui.

Concrètement, la doctrine qui prévalait jusque-là, et qui était d’ailleurs soutenue par Emmanuel Macron, était celle dite de la « relocalisation » des migrants : des gens entrent dans l’UE de façon illégale, au nom de la “solidarité” entre pays européens, on se les répartit et on oblige chaque Etat-membre à accepter son quota de migrants. C’était cela que Viktor Orbán refusait. Or la Commission européenne vient de présenter son nouveau “pacte migratoire”, et le point majeur est qu’elle renonce à la relocalisation des migrants. La solidarité européenne face à la question migratoire voudra dire que les Etats devront, selon leur choix, à à contribuer à la maîtrise des frontières ou aux reconduites hors de l’Europe des migrants illégaux C’est un changement complet de paradigme. La gauche est ulcérée, et il faut la comprendre : dans ce débat, Viktor Orbán a gagné !

Il y a encore beaucoup de travail, bien sûr, mais le débat progresse enfin. J’ai été chargé par le groupe du PPE d’écrire un texte sur l’identité de la droite en Europe : le passage sur l’immigration, qui fixe pour priorité la maîtrise de nos frontières, a été adopté par le groupe dans son ensemble après un travail d’amendements. Aujourd’hui, je pense que les choses peuvent être réorientées dans le bon sens. Avec certes toutes les pesanteurs de ces institutions – ça prend du temps, c’est lent, c’est compliqué… – mais globalement, dans la matrice européenne, quasiment plus personne ne dit, à l’exception de la Commissaire européenne aux Affaires intérieures, la social-démocrate suédoise Ylva Johansson, que les migrants sont une chance pour nos usines et pour compenser la baisse de la natalité de l’Europe…

En 2018 sur France Culture, lors d’une émission d’Alain Finkielkraut et alors que vous n’aviez pas encore été désigné tête de liste aux élections européennes mais que le JDD venait de faire état de cette probabilité, Sylvain Tesson vous avait imploré de « ne pas rentrer dans ce débat qui risque lui-même d’être un mouvement qui vous perdra ». Vous ne regrettez pas de ne pas l’avoir écouté ?

C’est une bonne question. Je ne suis pas entré en politique parce que ça m’amusait. C’est une expérience passionnante et je ne me plains pas de ce que je vis, mais si j’avais eu le sentiment que la France allait bien, je serais resté prof de philo. J’ai adoré mon métier, c’était ma vocation professionnelle, il reste mon élément naturel et j’espère le retrouver. Je suis entré en politique parce que tout ce à quoi je tiens est menacé. Je n’étais pas adhérent des Républicains, mais je me suis toujours senti de droite ; cette famille politique est venue me chercher : si j’avais décliné, je me serais senti illégitime de continuer à écrire des livres pour expliquer ce qui ne va pas.

La politique est un combat. Si vous croyez au sérieux de ce qui s’y joue, vous ne pouvez pas demeurer spectateur, ni même commentateur. Il faut entrer sur le champ de bataille.

Et vous pensez que de LR peut sortir un candidat qui ne fasse pas simplement de la figuration ?

Je crois que la droite a la responsabilité d’incarner une alternative, parce que le Rassemblement national fait objectivement partie de l’équation qui sauve Emmanuel Macron – je dis cela sans aucun jugement moral, ne détestant rien tant que tous ceux qui transforment les désaccords politiques en condamnations condescendantes. Je sais que la politique suppose des discernements difficiles dans le clair-obscur du réel, comme l’expliquait Aristote..Mais c’est un fait que la seule chose que redoute Emmanuel Macron, ce serait une droite enfin sortie de sa torpeur. Lors de l’élection européenne, j’ai espéré commencer une alternative, et nous n’y sommes pas arrivés. Notamment parce que dix jours avant le scrutin, Emmanuel Macron a brandi le risque de voir la liste du RN triompher, que Marine Le Pen lui a répondu, ce qui est normal, et que les médias se sont focalisés sur ce duel en forme de tandem. Pendant dix jours, les Français ont suivi à la télévision le troisième tour de l’élection présidentielle, et ils se sont prononcés par rapport à cette mise en scène. La politique, c’est aussi ça. On a eu beau faire une belle campagne, en tout cas une campagne que je ne renie pas sur la forme ni sur le fond, la construction de l’opinion passe encore par les journaux télévisés, qui nous ont largement ignorés.

Durant toute cette campagne, Emmanuel Macron n’a eu qu’une obsession : éviter que la droite ne se reconstruise à l’occasion de ce scrutin. Il y est parvenu. Nathalie Loiseau a refusé tous les débats que les médias lui proposaient avec moi. Et elle n’a accepté de discuter qu’avec Jordan Bardella. Il suffit de bien vouloir ouvrir les yeux pour voir que le macronisme a besoin du RN, qui pour bien des raisons reste très éloigné d’une victoire à l’élection présidentielle – bien des gens autour de Marine Le Pen le savent parfaitement, d’ailleurs… Le parti au pouvoir n’aurait aucune chance de s’y maintenir si nous étions dans une configuration politique normale. C’est la raison pour laquelle la vraie inquiétude pour Emmanuel Macron, c’était qu’un nouvel élan reprenne à droite et que les électeurs se remettent à y croire.

Parmi les faiblesses de la droite, ne pensez-vous qu’il lui manque d’avoir une ligne claire sur l’écologie ? Elle est globalement considérée comme libérale, donc comme anti-écologiste.

La droite s’est occupée d’écologie quand elle était au pouvoir et qu’on en parlait infiniment moins que maintenant, mais il est vrai qu’elle n’a pas de discours construit sur les sujets écologiques. Le travail à faire est d’autant plus important qu’il est urgent de proposer une écologie qui ne porte pas atteinte à nos libertés fondamentales.

Je suis inquiet quand j’entends Barbara Pompili nous dire que ce qui compte maintenant, ce n’est pas de changer notre manière de consommer, mais de changer notre manière de vivre et même, de changer notre civilisation ! Là, il y a une véritable idéologie, qui se préoccupe d’ailleurs assez peu de l’environnement – je le vois au Parlement par exemple sur le sujet de l’éolien, à terre ou en mer, qui est défendu par ces militants malgré son impact écologique désastreux. . Cette écologie a simplement trouvé une occasion de recycler un vieux fonds totalitaire hérité du marxisme et de l’antilibéralisme de gauche. Si la politique est faite pour sauver ce qui doit l’être, et je crois que c’est ce qui définit la droite, cela suppose évidemment de se préoccuper de transmettre, à la fois notre culture, et une nature qui permette que le monde reste vivable. C’est à cette cohérence qu’il faut travailler.

Vous voulez sauver et transmettre ce qui doit l’être, et, « en même temps », vous avez parlé d’« épuisement du modèle dont nous héritons ». Qu’est-ce qui reste à sauver ? Est-ce qu’on n’en est pas au stade de la décadence de l’Empire romain ?

Vous posez la question la plus difficile qui soit, savoir si la politique peut quelque chose à une forme de crise intérieure. Au fond, est-ce que la politique peut sauver un pays si ce pays ne veut plus se sauver lui-même – si ce pays a perdu le goût de continuer à exister ? Je dirais qu’on n’a pas le droit de se résigner. Aujourd’hui, comme dans certaines périodes de l’histoire, le levier de l’engagement politique pourrait être : « Et si jamais… » Et si jamais il y a une chance, même infime, que la France retrouve le goût d’exister, alors cette chance vaut la peine qu’on engage sa vie là-dessus.

J’imagine que quand Hans et Sophie Scholl ont créé La Rose blanche, en 1942, ils ne devaient pas avoir beaucoup d’espoir que la situation s’améliore. Et pourtant ! J’ai été profondément bouleversé par le dernier film de Terrence Malick, Une vie cachée, sur ce paysan autrichien, Franz Jägerstätter, qui avait refusé de prêter le serment de loyauté à Hitler. D’une certaine manière, ça ne servait à rien, la partie était perdue. Jägerstätter a donné sa vie sans voir la victoire à laquelle il espérait pourtant contribuer de manière presque infime. Et pourtant, ça valait la peine. Même si nous ne sommes pas dans une situation aussi dramatique, la question se pose de savoir si l’on peut quelque chose à un processus qui donne le sentiment d’être intérieur et donc irréversible, en tout cas par des moyens politiques. Mais si jamais il y a encore une chance, elle vaut la peine d’être vécue.

Cette chance, on la tente comment ?

La réponse politique la plus importante, qui devrait être la seule et unique priorité de la droite si elle parvenait à retrouver la confiance des Français, c’est l’éducation. Tout se joue dans l’éducation, tout, et il y a urgence. Un pays qui n’a pas transmis sa culture est un pays qui se perd de manière définitive. Beaucoup d’erreurs politiques sont rattrapables : vous pouvez avoir été laxiste en matière de sécurité avant de vous rendre compte que c’est devenu le désordre et de remettre des policiers dans les rues ; vous pouvez avoir été trop dépensier et avoir accumulé de la dette, et un jour décider qu’il faut remettre les finances d’équerre. Mais si vous manquez la transmission de la culture, alors où trouverez-vous ceux qui, demain, deviendront les professeurs qui l’enseigneront à nouveau ?

C’est pour cela qu’il y a une urgence éducative absolue. C’est quasiment le seul sujet politique dont on devrait s’occuper, parce que si on ne se transmet plus, nous perdrons jusqu’à la conscience des trésors qui se seront dissipés. Ceux qui n’auront pas reçu notre culture ne pourront même pas mesurer la valeur de ce qu’ils auront perdu.

Face à la situation sanitaire, les Français demandent semble-t-il toujours plus de sécurité et de restriction de leurs libertés.

Ce qui m’inquiète profondément, c’est le risque de ne plus sortir de la situation que nous vivons aujourd’hui. Emmanuel Macron disait récemment que le principe de la réponse sanitaire est que rien n’est plus important que de sauver une vie humaine. En un sens, je partage son point de vue : la vie humaine a une valeur absolue et ce principe mériterait d’être rappelé sur le terrain des questions de bioéthique… Le problème de cette affirmation, c’est que si elle est valable éthiquement dans l’appréciation que l’on fait de l’action de chaque personne, elle ne peut pas servir de fondement à une conception politique. Sinon, il faut tout de suite interdire la circulation en voiture, parce qu’il y a des accidents de la route et que certains sont mortels. Et même, il est impératif de confiner les gens de façon définitive parce que c‘est le plus sûr moyen qu’il ne leur arrive rien en marchant dans la rue ou en rencontrant d’autres personnes…

Encore que les accidents domestiques sont une cause importante de mortalité…

[rires] On voit bien que la société du risque zéro est une société invivable. Si notre seul et unique objectif est d’éviter la mort, alors nous n’arriverons qu’à empêcher la vie. C’est la vie que nous perdons en la construisant seulement pour éviter de mourir. C’est exactement le monde auquel il faut tenter d’échapper. De ce point de vue, il y a un problème majeur dans notre rapport à la liberté. C’est pourquoi je crois que notre famille politique doit embrasser de nouveau la cause de la liberté. Je suis très inquiet de voir que parce que nous nous élevons,, à raison, contre la folie de la mondialisation néolibérale, certains en viennent à jeter la liberté avec l’eau du bain néolibéral. Rien n’est plus nécessaire que de défendre la cause de la liberté.

Lors d’un débat au Parlement européen sur les applications de traçage, je me suis opposé à celles-ci, au nom de la liberté. J’étais quasiment le seul dans ce cas. Dans le débat qui nous a opposés, un de mes collègues parlementaires a dit littéralement : « Je préfère vivre encadré plutôt que mourir libre ». La formule est incroyable ! Je lui ai répondu: « Je te conseille d’aller faire un tour sur le plateau des Glières. » « Vivre libre ou mourir », c’est ce qui a structuré notre civilisation.

Dans Zarathoustra, Nietzsche écrit : « Formule de mon bonheur : un oui, un non, une ligne droite, un but. » Bellamy, quel but ?

Cette formule est magnifique. Je l’ai souvent citée à mes étudiants…

Si un seul mot pouvait définir l’engagement, ce serait sans aucun doute servir. Je pense que ce qui compte le plus dans une existence, c’est qu’elle puisse être engagée au service de quelque chose de plus grand qu’elle. Je me sentirais heureux si, la veille de ma mort, je pouvais me dire que j’ai pu servir à quelque chose de plus grand que moi. Et, en particulier, que j’aie pu servir à la transmission de cet héritage qui a fait de moi ce que je suis, auquel je dois tout, et qui, j’en suis sûr, peut encore être une promesse de vie et de liberté pour d’autres que moi à l’avenir.

Un peu de sobriété et d’efficacité

Présidence française du l'Union européenne 2022

Entretien paru dans Le Figaro le 24 mars 2021.

LE FIGARO – Comment les eurodéputés LR du PPE appréhendent-ils l’installation d’Emmanuel Macron à la présidence de l’Union européenne le 1er janvier ?

François-Xavier BELLAMY – Nous l’abordons sans esprit partisan, en espérant qu’elle puisse être utile au rayonnement de la France. J’ai eu l’occasion de participer à une première réunion de concertation organisée par Clément Beaune (secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes). Avant chaque présidence tournante, le pays concerné produit une feuille de route pour six mois. Ce n’est pas Emmanuel Macron, ni LREM mais la France qui doit assumer cette présidence européenne, au-delà des clivages politiciens. Représentant la France au sein du plus grand groupe du Parlement, notre délégation est prête à travailler pour que ce moment important aboutisse à des résultats utiles pour l’avenir de notre pays.

Ce n’est pas Emmanuel Macron, ni LREM mais la France qui doit assumer cette présidence européenne, au-delà des clivages politiciens.

Au-delà de la droite, comment le Parlement européen attend-il cette présidence ?

Il ne faut pas que le calendrier électoral conduise l’exécutif à instrumentaliser cette présidence en la réduisant à un exercice de communication. Le grand danger est une présidence aussi bavarde et ambitieuse dans les mots qu’elle sera isolée et inefficace dans les résultats. Fragilisée dans le débat européen, la France est confrontée à des sujets cruciaux et sa voix risque d’être marginalisée car nous sommes en plein décrochage économique. Notre situation actuelle nous classe désormais parmi les pays du sud, lourdement déficitaires sur le plan budgétaire et commercial. Nous ne sommes pas en mesure de donner des leçons. C’est pourquoi il est d’autant plus important que cette présidence française se concentre sur quelques priorités concrètes et essentielles, avec un souci de pédagogie et de résultats.

Pour certains macronistes, Emmanuel Macron devrait en profiter en récoltant les fruits de son interventionnisme européen sur plusieurs sujets, de l’environnement au numérique. Qu’en pensez-vous ?

Objectivement, le bilan européen d’Emmanuel Macron reste très éloigné de ses promesses. Sa facilité pour les discours est inversement proportionnelle à son efficacité dans l’action. Dans le paysage européen, l’essentiel est de convaincre, de se faire comprendre en faisant la pédagogie des positions que l’on défend. Le président français procède plutôt par déclarations fracassantes mais contre-productives. Par exemple, ses mots sur l’Otan « en état de mort cérébrale » ont profondément crispé. Cela a fait reculer la possibilité concrète d’une ambition commune en matière d’autonomie stratégique, et de résultats concrets pour l’industrie de défense. Pour la présidence française, la clef de la réussite serait d’identifier deux ou trois priorités précises et d’en faire la pédagogie : on semble malheureusement se diriger vers une énumération de déclarations et de souhaits qui ressemble à une liste de cadeaux de Noël, et ne peut permettre de vrai progrès. Il serait tragique que cette présidence, qui ne revient que tous les treize ans, soit une occasion manquée.

Pour la présidence française, la clef de la réussite serait d’identifier deux ou trois priorités précises et d’en faire la pédagogie : on semble malheureusement se diriger vers une énumération de déclarations et de souhaits qui ressemble à une liste de cadeaux de Noël, et ne peut permettre de vrai progrès.

Les Marcheurs veulent croire que cette position européenne permettra à leur candidat d’en tirer profit en 2022, notamment en s’affichant comme rempart aux populismes. Quel est votre avis ?

J’espère que le président et son exécutif seront capables de se hisser à la hauteur de l’enjeu. L’Allemagne a remarquablement utilisé cette occasion, en obtenant par exemple la finalisation du traité UE/Chine. Si je suis contre la ratification de cet accord, je constate que les Allemands, sans se mettre en scène, sans poursuivre des intérêts politiciens, ont obtenu un résultat qui constituait une priorité pour eux. Un peu de sobriété et d’efficacité feraient beaucoup de bien à la France. Quant à la mise en scène d’un clivage entre progressistes et populistes, c’est le rêve d’Emmanuel Macron, pas du tout la réalité du débat politique : au parlement européen, les deux plus grands groupes sont ceux de la droite et de la gauche. Emmanuel Macron voudrait exporter à Bruxelles le schéma qui lui a permis d’être élu à Paris, et qu’il décrit depuis le début comme la seule alternative politique possible ; mais il se retrouvera bien seul s’il essaye de raconter cette histoire aux pays européens : au moment où par exemple les Italiens de la Lega cherchent à quitter le RN pour se rapprocher du PPE, le récit d’un affrontement avec un bloc populiste fort n’a pas de sens. Le sujet n’est pas d’être pro ou anti-européen, mais de savoir quelle Europe construire.

Au moment où par exemple les Italiens de la Lega cherchent à quitter le RN pour se rapprocher du PPE, le récit d’un affrontement avec un bloc populiste fort n’a pas de sens. Le sujet n’est pas d’être pro ou anti-européen, mais de savoir quelle Europe construire.

Quel sera l’effet de cette présidence européenne sur la présidentielle en France ?

Si elle parvient à placer l’Europe dans le débat français, ce sera une bonne nouvelle car les décisions discutées en ce moment au sein des institutions européennes sont déterminantes pour l’avenir de notre pays : il est urgent que les Français, informés sur ces enjeux, aient l’occasion de se prononcer.

Photo : Oleg Mityukhin / Pixabay

L’avenir de la droite en Europe : pour une politique de la transmission

Ce texte est le fruit d’un travail de réflexion et d’auditions auquel ont contribué les députés du Groupe du Parti populaire européen (PPE) Isabel Benjumea (délégation espagnole), Christian Doleschal (délégation allemande), György Hölvényi (délégation hongroise), Miriam Lexmann (délégation slovaque), Lukas Mandl (délégation autrichienne), Roberta Metsola (délégation maltaise), et Karlo Ressler (délégation croate), sous la direction de François-Xavier Bellamy (délégation française). Le texte a été adopté par le Groupe PPE à la fin de l’année 2020, suite à sa présentation à l’automne.

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Reniements sur le nucléaire : qui peut croire un seul instant que c’est la cause du climat qui progresse ?

Tribune co-signée par Bernard Accoyer, ancien président de l’Assemblée nationale, initialement parue dans le Journal du Dimanche.

En France comme en Europe se multiplient les décisions qui condamnent à moyen terme la source de plus de 70% de notre alimentation électrique.

Français si vous saviez… En ce début d’année 2021, des choix décisifs se jouent, à Bruxelles comme à Paris, qui engagent tout l’avenir de notre approvisionnement énergétique – sans susciter le moindre débat, au milieu du fracas des polémiques liées à la crise sanitaire actuelle. Si celle-ci doit nous enseigner une leçon essentielle, c’est bien l’impératif de garantir sur le long terme notre autonomie dans des secteurs stratégiques, condition de notre résilience face aux crises de demain. Mais nos dirigeants l’ont-ils compris ? Il y a quelques jours, France Stratégie, agence liée à Matignon, indiquait que les choix énergétiques actuels conduiraient à des « pénuries d’électricité permanentes » dès 2030. En France comme en Europe, se multiplient en effet les décisions qui, à contresens de l’histoire, condamnent à moyen terme la source de plus de 70% de notre alimentation électrique, l’industrie nucléaire. En sacrifiant notre indépendance énergétique, nos dirigeants sont d’autant plus coupables que, à travers ce choix irréfléchi, ils oublient ce que notre impuissance actuelle sur le front sanitaire aurait dû au moins leur apprendre…

Avec l’énergie nucléaire, nous héritons pourtant d’un atout majeur : le parc de centrales existant produit une électricité pilotable, dont le coût faible constitue un rare élément de compétitivité pour notre industrie, et alimente les ménages sans peser sur leur pouvoir d’achat – autant de critères qui devraient être déterminants à la veille d’une crise économique majeure. C’est aussi un atout crucial pour relever le défi climatique, comparativement à des énergies renouvelables qui restent actuellement intermittentes, et ne peuvent être déployées sans le complément de centrales à gaz, ou à charbon. Le GIEC lui-même, référence en la matière, affirme qu’il n’y a aucun scénario pour limiter le réchauffement sans recours à l’énergie nucléaire ; et, des démocrates américains jusqu’à une partie des écologistes allemands, cette prise de conscience n’a cessé de progresser.

Que se passera-t-il quand nos voisins, eux aussi engagés dans des transitions absurdes, ne pourront plus nous fournir ?

Tout cela, le Président de la République l’a reconnu dans son discours du 8 décembre dernier, lors de sa visite à l’usine Framatome du Creusot. Mais, comme souvent dans le « en même temps » macronien, il n’y a que bien peu de rapport entre les mots et les actes… Avec la fermeture de Fessenheim, Emmanuel Macron restera le premier président à avoir condamné une centrale que l’Autorité de Sûreté Nucléaire considérait comme apte à fonctionner, et « l’une des plus sûres de France ». Après s’être félicitée de cet arrêt, la ministre de l’écologie (car nous n’avons plus de ministre chargé de l’énergie, symptôme de ce vide stratégique) prévenait sur un plateau de télévision que des coupures d’électricité pourraient désormais survenir ; et de fait, RTE a formellement demandé aux Français, en cette période de froid hivernal, de réduire leur consommation pour éviter une surcharge… Entre-temps, nous avions pourtant remis en fonctionnement quatre de nos vieilles centrales à charbon – charbon qui, rappelons-le, doit être importé, tout comme l’électricité que nous achetons désormais à l’Allemagne, quand nous l’exportions jusque-là. Que se passera-t-il quand nos voisins, eux aussi engagés dans des transitions absurdes, ne pourront plus nous fournir ? L’Allemagne perdra encore 15% de sa production énergétique dans les deux prochaines années ; nous entrerons alors en terre inconnue… Dépendance énergétique, perte de résilience, inflation des coûts, retour au charbon : le naufrage est total. Un tel suicide n’a qu’une seule raison : Emmanuel Macron a choisi de persévérer dans la voie tracée par François Hollande, qui avait sacrifié Fessenheim par pur calcul politicien, marchandant le soutien des verts au prix de cette aberration. Le président a beau railler les Amish, il poursuit une politique qui, pour sauver la gauche plurielle, condamnait toute la France au déclassement inévitable que ne peut manquer d’entraîner cette idéologie aveugle.

C’est cette même idéologie qui conduit au scandale scientifique majeur de la taxonomie européenne sur la finance verte : chargé de répertorier les énergies durables, ce règlement, supposément orienté par une évaluation neutre fondée sur le critère essentiel des émissions de carbone, réussit la performance improbable d’exclure le nucléaire, et d’inclure… le gaz. Loin d’être une évaluation sans incidence, ce texte conditionnera les investissements publics et privés pour de nombreuses années : la France laisse donc, sans réagir, condamner son principal outil énergétique. Il faut dire qu’Emmanuel Macron a signé sans sourciller les conclusions du dernier Conseil européen, qui déjà citaient le gaz pour seul exemple d’énergie verte. Avec une remarquable cohérence, les députés LREM du Parlement européen, comme ceux du RN, ont voté pour que le Fonds européen de transition écologique puisse financer de nouveaux projets gaziers… tout en excluant, une fois de plus, le nucléaire. Le discours de Framatome n’était décidément qu’une fiction.

Avec de tels reniements, qui peut croire un instant que c’est la cause du climat qui progresse ? La disqualification de l’énergie nucléaire est le résultat du lobbying intense d’intérêts très déterminés, et de concurrents de la France qui rêvent de lui retirer sa dernière carte maîtresse. Derrière les belles publicités pour les énergies renouvelables, il y a les fournisseurs de gaz qui se rendent indispensables pour pallier leur intermittence – et tant pis pour le carbone qu’ils émettront, s’ils y trouvent leur profit… Il y a nos dépendances accrues à l’égard de ses producteurs, la Russie au premier rang, et des exportateurs de terres rares, nouveau terrain d’assujettissement à la Chine. Il y a l’impact dévastateur de l’éolien et du solaire, désormais bien mesuré, sur la santé, l’environnement, la biodiversité. Il y a des paysages vandalisés et des filières sacrifiées, comme la pêche, victime de l’effondrement des espèces marines constatée partout où l’éolien en mer a été développé – on frémit en imaginant que notre gouvernement compte multiplier par dix nos installations actuelles en la matière. Et tout cela pour quoi, en fait ?

La disqualification de l’énergie nucléaire est le résultat du lobbying intense d’intérêts très déterminés, et de concurrents de la France qui rêvent de lui retirer sa dernière carte maîtresse.

Il faudra encore bien des Fessenheim pour qu’Emmanuel Macron tienne sa promesse absurde de faire baisser à 50% la part du nucléaire dans le mix énergétique français. Rarement dans l’histoire, on aura vu des dirigeants organiser avec autant de constance l’affaiblissement de leur propre pays. Il n’est pourtant pas trop tard : si le président ne prend pas au sérieux les mots de son propre discours, il est urgent que toutes les forces vives de la France se mobilisent à sa place, pour gagner en particulier la bataille cruciale de la taxonomie verte en Europe. Nous le devons à notre avenir, et à l’équilibre à retrouver pour le monde de demain.

Crédit photo : A.Morin/A.Soubigou/EDF

Des éoliennes géantes dans l’estuaire de la Gironde ?

Le site naturel de l’estuaire de la Gironde, dans lequel se trouve le Phare de Cordouan, est actuellement menacé par un projet d’installation de 40 éoliennes géantes de 160 mètres de haut. Des marais uniques, lieux de biodiversité et refuges pour oiseaux migrateurs et animaux, classés « Natura 2000 » risquent d’être détruits définitivement.

Une pétition citoyenne a été lancée pour attirer l’attention des pouvoirs publics sur cette entreprise. Vous pouvez y accéder à ce lien pour la soutenir :

 

ACCÉDER À LA PÉTITION

 

Trois cartes montrant l’emplacement et l’évolution du projet entre 2014 et 2019.

Ecologie, institutions, recomposition politique, tensions communautaristes… Entretien au Point.

Photo de François-Xavier BellamyCrédit photo : Le Point / Élodie Grégoire

Entretien au Point paru le 6 juillet 2020. Propos recueillis par Jérôme Cordelier.

Emmanuel Macron a-t-il suffisamment tiré les leçons de la crise ?

L’avenir le dira. De façon générale, et avec Emmanuel Macron en particulier, seuls les actes comptent et les paroles fluctuantes ne permettent pas toujours d’établir des convictions. Le projet du macronisme était d’adapter la France à la mondialisation. A l’inverse, la ligne que nous avons défendue pour l’élection européenne, c’était la nécessité vitale de réorienter la mondialisation, pour réapprendre à produire ce dont nous avions besoin. Ce message a été tragiquement confirmé par la crise sanitaire, qui a révélé combien nous étions démunis. Aujourd’hui, le président qui a cédé Alstom énergie, Technip ou Alcatel, et qui vient de fermer Fessenheim, parle de retrouver notre autonomie nationale : peut-on le croire ? Le « nouveau monde » s’est dissous dans l’épreuve d’une crise qui nous a rappelé brutalement à l’essentiel : comme je l’avais écrit dans Demeure, la première vertu politique n’est pas le rêve de tout changer, mais la prudence, l’effort nécessaire pour préserver ce qui doit l’être, et pour protéger les personnes face aux chocs de l’histoire. Protéger était le mot interdit pour le macronisme 2017 : « le protectionnisme, c’est la guerre », affirmait Emmanuel Macron. Maintenant, il explique que la délocalisation « a été une folie ». Que faut-il croire ? Nous sommes à un moment décisif, et il faudrait un cap enfin clair et courageux pour les deux années qui viennent ; mais il est difficile de l’espérer.

Le nouveau Premier ministre Jean Castex peut-il changer les choses ?

Je lui souhaite bon courage ! Mais tout le monde sait que la politique menée à Matignon ne s’est jamais autant décidée à l’Elysée ; les inconsistances du macronisme ne disparaîtront pas dans l’agitation d’un remaniement, quel qu’il soit.

La France se trouve-t-elle à un moment charnière de son histoire ?

Je fais partie d’une génération qui a découvert le monde à travers le mot de crise : économique, sociale, éducative, écologique… Partout où notre regard se pose, nous trouvons une crise. Le mot « Krisis », en grec, ne veut pas dire « catastrophe », mais « décision ». En ce sens, même si la France a bien sûr connu des moments plus dramatiques, elle a sans doute vécu peu de moments aussi critiques : nous sommes vraiment à un point de bifurcation. Notre pays est en voie de déclassement sur tous les plans. Cette crise a révélé la grande faiblesse de l’État, qui est apparu démuni. L’image que nous avons de la puissance publique est comme la persistance rétinienne d’un pouvoir désormais disparu. Nous touchons du doigt la faiblesse de nos capacités dans le domaine de la santé, de l’industrie, de la défense, de la sécurité, ou encore de l’éducation. Je le dis comme beaucoup de collègues enseignants depuis des années, et cette crise le confirme : malgré l’engagement de bien des professeurs et des élèves, cette improbable session 2020 restera dans notre histoire comme une preuve de ce que nous savions tous déjà, le bac est devenu une immense fiction collective.

Les taux d’abstention record au deux tours des élections municipales sont-ils le signe d’une crise politique structurelle ?

L’abstention est clairement le fait le plus marquant de ce scrutin. Entre les votants du second tour de 2014 et ceux du second tour de 2020, près de cinq millions d’électeurs se sont volatilisés. Il est difficile de comparer les deux scrutins, bien sûr, car il faut le rapporter au nombre de communes concernées par un second tour. Mais entre les deux scrutins, cela représente 20 points d’abstention en plus : c’est considérable. De plus en plus de Français se sentent totalement détachés de ce qui se passe dans la vie politique, jusqu’à l’échelon local qui suscitait encore la confiance des Français. Avec une si faible participation, se sentiront-t-il encore représentés par leurs élus locaux ? La désaffection des urnes est préoccupante. Elle traduit une sécession démocratique. Beaucoup de Français ne croient plus que la politique puisse agir, et leur permettre de maîtriser leur destin. Elle semble simplement devenue un théâtre d’ombres, un jeu de miroirs entre des communicants et des observateurs. Et cet artifice de communication permanente leur paraît n’avoir aucune prise sur le réel. De ce point de vue, les contradictions du « en même temps » macronien, y compris dans la gestion de la crise, auront contribué à abîmer plus que jamais la crédibilité de la parole publique.

Tout le monde a salué votre indulgence, dans une interview à Sud Radio, à l’égard de la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye pour des propos qui ont fait polémique, mais qui avait été déformés, ce que vous avez souligné. Avez-vous été surpris par ces réactions ?

Ce n’était pas de l’indulgence, simplement la vérité : je ne soutiens pas Sibeth Ndiaye, mais elle était attaquée pour ce qu’elle n’avait pas dit, même si beaucoup critiquaient de bonne foi ce qu’un extrait tronqué laissait croire. En répondant simplement cela, je n’aurais jamais imaginé susciter autant d’écho. J’ai été touché par les nombreux messages positifs que cela m’a valu, bien sûr, mais en même temps j’en ai été catastrophé. Si l’on y réfléchit bien, ce qui s’est passé est même terrifiant : un responsable politique ne s’engouffre pas dans la brèche d’une polémique infondée, et cela suffit à provoquer une sorte de stupéfaction ! C’est le symptôme d’une situation très inquiétante : la conversation civique s’est transformée en une cascade d’indignations successives, et il semble admis que le débat politique n’a normalement plus de rapport avec la vérité. Des gens dans le métro ou dans la rue m’arrêtent pour me dire : « On vous aime bien parce que vous pensez ce que vous dites. » Mais comment se fait-il que la sincérité apparaisse comme une rareté ? Le principe même de la démocratie suppose que chacun dise ce qu’il pense, sans quoi tout dialogue est par principe impossible. Nous sommes devant le problème décrit par Kant : une action mauvaise n’est pas universalisable. On peut penser une conversation dans laquelle tout le monde dit la vérité ; mais dans une société où tout le monde ment, le mensonge même devient impossible. Le mensonge n’est efficace en effet que s’il est cru. S’il est admis que tout le monde ment, alors mentir n’a plus d’effet. Notre démocratie est aujourd’hui en état de quasi-impossibilité, puisque un politique est réputé mentir. Quand Emmanuel Macron affirme : « Je vais me réinventer », cela ne sert plus à rien : il n’y a plus que les éditorialistes parisiens pour s’y intéresser. Les Français sont devenus indifférents, et cette indifférence est un immense problème.

Je vois qu’au Parlement européen vous n’avez rien perdu de votre candeur…

Il est quand même incroyable qu’affirmer la nécessité de la sincérité soit perçu comme de la candeur. Le fait de croire à ce que vous dites ne vous empêche pas d’ailleurs de vous révéler bon manœuvrier, habile tacticien, de mener des batailles et d’engager des rapports de force. C’est ce que je fais tous les jours à Bruxelles. Il ne s’agit pas d’être un bisounours. Mais pour que l’action politique ait un sens, il faut qu’elle soit orientée par ce que l’on croit vrai et juste. Le divorce de la politique avec la vérité est tel qu’elle y a perdu son essence même.

On peut chercher la vérité en politique ?

Mais… on ne devrait faire que ça ! Chercher la vérité et la justice, y compris dans les débats que la politique suscite. Je ne suis bien sûr pas seul à percevoir ainsi cet engagement : pendant douze ans comme adjoint au maire dans ma ville, j’ai été frappé de voir l’intégrité et la générosité de tant d’élus locaux qui, avec patience et discrétion, travaillent pour leur collectivité : c’est par leur constance que la France tient debout. Au Parlement européen, je côtoie aussi bien des politiques qui s’engagent avec abnégation et rigueur. En politique, comme dans toute société, et comme en soi-même bien sûr, on rencontre ce qu’il y a de plus médiocre mais aussi de meilleur en l’humain. La configuration du débat politico-médiatique a généralement pour postulat implicite que le politique suit seulement ses intérêts et ceux de sa clientèle. Cette représentation est à la fois fausse, et inquiétante : elle signifie que la délibération collective n’est qu’une fiction, qui ne permet jamais d’échapper réellement à la guerre de tous contre tous.

Le vote écologiste est-il un vote de contestation ou d’adhésion ?

Indéniablement, un peu des deux. La question écologique est majeure. La droite a été fautive de ne pas la travailler plus tôt. Elle a longtemps considéré que c’était une question périphérique ; or elle est centrale : l’un des défis essentiels de la politique est aujourd’hui la préservation des conditions de la vie humaine pour les générations futures – et la préservation de la beauté du monde et de la condition humaine en font d’ailleurs partie. Le mot de conservatisme m’a été souvent attribué, peut-être pour mieux m’y enfermer ; mais l’écologie est un conservatisme. Et dans la tradition intellectuelle et philosophique de la droite, elle aurait dû être une évidence. Pour l’avoir trop longtemps délaissée, nous voyons progresser aujourd’hui une écologie politique qui est à l’inverse l’expression d’un rejet : contestation d’un système économique, de notre capacité à inventer et à produire et, au final, de la place même de l’humain dans la nature. C’est d’ailleurs le talon d’Achille de cette écologie politique : elle peine à dessiner un avenir plutôt qu’à désigner des coupables. En recyclant la vieille passion marxiste pour la révolution, elle refuse la société dont il s’agirait de prendre soin.

Ne trouvez-vous pas curieux qu’Emmanuel Macron se présente à la fois comme un apôtre de la décentralisation et se soit totalement désintéressé des élections municipales ?

Mais Emmanuel Macron n’est pas du tout un apôtre de la décentralisation ! Tout le monde l’a décrit comme un libéral. En réalité, il est très étatiste, jacobin, centralisateur. Pour moi, il incarne moins le libéralisme qu’une forme de technocratie qui rêvait de dépolitisation. La fin des clivages, le « en même temps », c’était une manière de remplacer la politique par la gestion, de dissoudre l’autonomie du politique dans la centralisation bureaucratique. Le rapport d’Emmanuel Macron aux communes est à ce titre très intéressant. La suppression de la taxe d’habitation, par exemple, c’est une rupture historique avec la libre administration des communes, principe qui date de bien avant la révolution française. Cette vision est totalement anti-libérale. Pour ma part, je crois que la renaissance de la France passera par la liberté et la responsabilité. Cela inclut l’Union européenne, bien sûr : si l’on soutient la décentralisation, pour retrouver une décision politique ancrée dans la proximité et la subsidiarité, il est absurde de s’enferrer dans un mythe fédéraliste périmé. C’est pourtant ce que fait Emmanuel Macron quand il parle de souveraineté européenne, et quand il met en œuvre un emprunt commun européen : cet emprunt va conférer une autorité budgétaire inédite à la commission européenne, éloignant encore la décision politique du terrain.

Sur quels combats votre parti, Les Républicains, doit-il fonder son projet politique ?

La question de l’organisation de l’action publique est importante mais elle ne peut être centrale. Nous ne convaincrons pas les Français en leur parlant de réformes institutionnelles, mais des défis politiques concrets qui nous attendent. Il s’agit maintenant de sauver la possibilité de vivre et de bien vivre en France. De rétablir l’autorité de l’Etat, tellement défaillant quand on voit que les bandes rivales maghrébines et tchétchènes qui s’affrontent dans le centre de Dijon signent la paix dans une mosquée sous le regard impuissant des forces de l’ordre – ce qui s’est passé là devrait être un sujet de sidération nationale ! Il faut retrouver notre capacité de produire et de travailler, ce qui veut dire réorienter en profondeur l’Union européenne, pour qu’elle redéfinisse son rapport à la mondialisation, qu’elle sorte de sa naïveté. Un immense travail nous attend pour retrouver notre autonomie dans tous les domaines, pas seulement dans la santé. Prenez, par exemple, la question de l’alimentation : notre balance commerciale en matière agricole est déficitaire, pour la première fois depuis longtemps. La France, malgré sa tradition rurale exceptionnelle, importe désormais plus de produits agricoles qu’elle n’en exporte. C’est le symptôme d’un échec politique majeur, et une vraie menace pour notre souveraineté à l’avenir. Il ne faut pas agir pour éviter la crise passée, mais pour éviter la prochaine… Enfin, et l’essentiel est sans doute dans l’urgence du long terme, si la droite est fidèle à son identité, elle fera tout pour rétablir la transmission entre les générations, pour offrir à nos enfants à la fois la nature et la culture que nous avons reçues et qui sont toutes deux conditions de leur avenir commun.

Dans les polémiques actuelles que charrient les déboulonnages des statuts ou les manifestations « racialistes », voyez-vous un « mémoricide », selon l’expression de Philippe de Villiers ?

C’est une question sur laquelle j’ai tenté d’alerter avec mon livre « Les déshérités », en 2014, soulignant qu’une génération s’était abstenue de transmettre à la suivante ce qu’elle avait reçu. Aujourd’hui, de cette rupture, on paie le prix politiquement. La crise éducative aura un coût démocratique majeur. Etre citoyen suppose de maîtriser la langue commune pour prendre part à la délibération : un Français sur cinq a des difficultés dans la lecture à 18 ans. Etre citoyen nécessite aussi d’avoir des éléments de référence, de comparaison dans le temps, dans l’espace. Je ne sais pas s’il faut parler de « mémoricide », mais il y a une réalité très concrète : les jeunes Français n’ont plus de mémoire, et on voudrait détruire dans leur conscience tout attachement à une mémoire collective, toute capacité à se relier à une histoire qui dure. On veut leur imposer d’être les enfants de personnes. Il ne s’agit pas d’engager une discussion critique sur l’histoire : elle a toujours existé, et c’est une nécessité absolue. Mais des mouvements essaient là de rompre tout lien à une mémoire commune, une mémoire partagée. Quand on met sous cloche la statue de Churchill au cœur de Londres ou que l’on dégrade celle de de Gaulle, c’est que l’on a choisi d’organiser dans les cœurs et dans les esprits une rupture radicale. Et celle-ci prospère sur l’ignorance et ce que cette ignorance produit de pire : une absence totale d’humilité, une arrogance hallucinante à l’égard de l’histoire. Celui qui a appris la complexité de notre passé, celui qui a reçu de ses aînés ne peut pas se comporter avec une telle condescendance et suffisance. On a envie de dire à ceux qui déboulonnent les statues, commencez par donner au monde un peu de ce que ceux que vous attaquez ont su lui offrir. Vous aurez alors conquis le droit de parler.

Transition écologique et Europe : débat devant les étudiants de l’ENA

Conférence-débat à l’ENA à Strasbourg, avec Aurore Lalucq et Philippe Lamberts, députés au Parlement européen (extraits).

Retour sur la session plénière de janvier 2020 au Parlement européen

‘Green Deal’ européen, autonomie stratégique des pays d’Europe, état de droit

Retour sur les textes examinés durant cette première séance plénière de l’année 2020 au Parlement européen.

 

Situation au Nigeria

Revoir l’intervention de François-Xavier Bellamy en séance plénière : « Derrière un conflit ethnique, il y a dans ce pays une bataille menée par l’islamisme dont les chrétiens sont les premières victimes. »

Retour sur la session plénière de novembre 2019 au Parlement européen

 

Voir aussi :