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Un travail de vérité sur notre héritage, et de clarté sur notre ligne

Tribune co-signée avec Bruno Retailleau et Julien Aubert (texte initialement paru dans L’Express).

Si la droite est en passe de disparaître de l’échiquier politique, c’est parce qu’elle a perdu depuis longtemps la confiance des Français. Nous ne nous résignons pas à la fatalité ; mais un changement de nom ou de slogans ne suffira pas à enrayer notre déclin. Aux électeurs de droite, qui vont devoir désigner le prochain président des Républicains, nous disons ceci : il est temps de mener enfin, en vous rendant la parole, un travail de vérité sur notre héritage, et de clarté sur notre ligne.

Cela exige d’abord de considérer enfin lucidement le passé. Reconnaissons clairement l’évidence : la crise que traverse notre pays n’a pas commencé en 2017, ni en 2012. Ni même en 2007… Certes, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont chacun apporté à la France. Dans les crises, ils ont su maintenir son rang : le Président Chirac en refusant la guerre en Irak, le Président Sarkozy en agissant face à la crise financière de 2008. L’humanité du premier et l’énergie du second ont incontestablement marqué les Français. Et pourtant, comment ne pas le reconnaître : si la droite avait été, au pouvoir, vraiment à la hauteur de ses promesses, et de sa responsabilité, la France irait mieux aujourd’hui. Et la droite aussi…

Si la droite avait été, au pouvoir, vraiment à la hauteur de ses promesses, et de sa responsabilité, la France irait mieux aujourd’hui. Et la droite aussi…

Faire un travail d’inventaire sérieux et paisible, ce n’est ni sombrer dans une repentance stérile, ni manquer de respect à ceux qui nous ont précédés ; c’est garder toutes les leçons qui s’imposent, pour retrouver la confiance des Français.

Pendant les douze années de Jacques Chirac à l’Elysée, la droite aura manqué du courage qu’il fallait pour affronter des risques devenus depuis, à force de lâchetés accumulées, des dangers existentiels – le défi migratoire, le déclin éducatif, la déconstruction culturelle… Trop de dénis, trop d’abandons l’ont éloignée des classes populaires, comme le redoutait déjà Philippe Seguin. La fracture de Maastricht n’a pas été refermée, ni même considérée, au point que la famille gaulliste a donné l’impression d’abandonner la cause de la souveraineté nationale. Pour répondre à la montée des inquiétudes, il ne pouvait suffire de théoriser le front républicain : la vraie réponse à la défiance ne consiste pas à construire des barrages, mais à se remettre en question.

L’espoir qui s’est levé après la campagne exaltante de Nicolas Sarkozy, en 2007, a été lui aussi déçu. Beaucoup a été fait durant ces cinq années, mais rien n’a vraiment été assumé jusqu’au bout : la droite a défiscalisé les heures supplémentaires, mais elle n’a pas mis fin aux 35 heures. Elle a instauré des peines planchers, mais supprimé la double peine. Elle a diminué le nombre de fonctionnaires, tout en augmentant la bureaucratie, en créant par exemple les ARS qui ont embolisé le système de soins. La droite avait promis la rupture, elle a fait la demi-mesure. Au renoncement s’est ajouté le reniement quand avec le Traité de Lisbonne, le « non » souverain de 2005 a été contourné. La crise démocratique qui, nous en sommes convaincus, s’est cristallisée à ce moment-là ne sera pas résolue par des « conventions citoyennes » ou des « conseils de la refondation« , mais en redonnant la parole au peuple par référendum, sur l’immigration notamment, et en retrouvant le respect absolu qui est dû à cette parole.

Ces faiblesses, l’UMP devenue LR les a masquées par une communication répétitive, par des éléments de langage épuisés d’avoir été répétés depuis quinze ans. Nous refusons ce marketing médiocre qui consiste à aligner de supposés « marqueurs« . Il ne suffit plus de se payer de mots. Inventons de vraies solutions, plutôt que de répéter de vieux slogans. Puisque nous parlons sans cesse de la valeur travail, remettons-nous à travailler, sur nos idées, notre vision du monde, nos ambitions pour la France de demain, mais aussi notre manière de les proposer aux Français, nos méthodes et nos modes d’action, notre place dans un débat public qui a tellement changé, la formation des jeunes qui nous rejoindront, et surtout la démocratie dans notre formation politique.

Pour point de départ de ce travail, nous proposons une ligne reposant sur trois piliers.

Pour point de départ de ce travail, nous proposons une ligne reposant sur trois piliers. La dignité humaine d’abord. Vivre dignement, c’est vivre de son travail, et non de l’assistanat. C’est vivre du mérite et de l’effort, qui doivent redevenir les valeurs cardinales de notre école. C’est vivre en sécurité, avec la certitude que l’ordre sera assuré, que les peines seront exécutées, qu’aucune impunité ne peut être tolérée. Vivre dignement, c’est enfin vivre librement, sans la tutelle infantilisante d’un Etat qui réglemente tout et surtranspose les normes européennes ; sans l’ingérence grandissante de l’idéologie dans la vie et la conscience de nos enfants. Que l’Etat s’occupe des affaires de la France, les Français s’occuperont très bien des leurs !

Deuxième pilier : la souveraineté de la Nation. Réindustrialiser, refaire une grande filière nucléaire, protéger notre agriculture contre les accords de libre-échange, réaffirmer notre souveraineté juridique face aux juges européens : c’est tout cela qu’exige le combat pour la souveraineté. Celle-ci ne sera pas complète sans la maîtrise de nos finances publiques, car une nation qui ne tient pas ses comptes ne tient pas son rang.

Enfin, les valeurs de notre civilisation judéo-chrétienne doivent redevenir l’âme de notre combat politique, pour faire échec à l’islamisme ou au wokisme, et leur opposer la générosité exigeante de l’assimilation et de la transmission. Seule une politique de civilisation peut refaire la France ; seule la reconnaissance de ses racines peut redonner sens à l’Europe : ses héritages ont fait sa grandeur, son amnésie ferait son malheur. C’est sur les singularités et les démocraties nationales que les Européens pourront trouver l’unité authentique dont nous avons besoin pour faire valoir, dans un monde instable, nos principes et nos intérêts.

Faire enfin l’inventaire, parler enfin clair : telle est notre ligne, la refondation que nous proposons. Non, rien n’est perdu pour la droite. Mais tout est à reconstruire. À nous de prouver aux Français que demain, nous pourrons être dignes de leur confiance.

Votre engagement peut tout changer.

Chers amis,

Dans quelques semaines aura lieu l’élection pour la présidence des Républicains. Allons à l’essentiel : je voudrais parler à tous ceux d’entre vous qui n’y croient plus.

Vous êtes de droite, c’est mon cas aussi. Vous croyez à la liberté et à la responsabilité, vous croyez à la nécessaire reconstruction de l’autorité de l’État et à la protection de nos frontières, vous voulez transmettre notre culture autant que transmettre la nature… Vous avez peut-être dans le passé voté pour le RPR, pour l’UMP, pour LR. Aujourd’hui, vous ne le faites plus. Vous avez été déçus, si souvent déçus.

Je comprends votre défiance. Quand j’ai rejoint LR en 2019 pour prendre la tête de liste de l’élection européenne, ce n’était pas parce que j’approuvais tout ce que ce parti avait fait dans le passé. Mais je pensais devoir faire de mes propres déceptions l’occasion d’agir, plutôt que de me lamenter. Et c’est ce qui se joue aujourd’hui encore.

Dans quelques semaines, nous aurons une occasion unique de reprendre la main. Avec Bruno Retailleau, notre projet est très simple : refonder ce parti, tout changer de fond en comble pour qu’il puisse de nouveau respecter ses électeurs, et nous représenter vraiment. Bruno Retailleau n’a jamais cessé d’appeler à cette rupture, et je l’ai vu la défendre, même à contre-courant, dans bien des débats au sein du parti. Aujourd’hui, nous voulons enfin vous redonner le pouvoir ; mais pour cela, il faut que vous veniez nous aider. Nous avons besoin de vous : ce défi qui nous concerne tous est essentiel, parce que si ce parti ne se reconstruit pas, s’il ne redevient pas fidèle à ce qu’il aurait toujours dû être, nous n’arriverons jamais à reconstruire notre pays, qui en a tellement besoin. J’en suis convaincu, et les élections de l’année passée n’ont fait que conforter cette conviction.

Avec Bruno Retailleau, nous voulons rétablir une droite qui soit fidèle à sa mission, fidèle à ce que vous attendez d’elle. C’est le moment d’agir : vous êtes nombreux à m’écrire, depuis longtemps, pour me partager votre désarroi, votre colère, et le fait que vous ne voyez pas d’où viendra la refondation que nous espérons tant.

Si vous m’avez fait confiance dans les batailles menées ces dernières années, alors j’ai besoin de vous aujourd’hui : adhérez aux Républicains – non pas pour dire que vous êtes d’accord avec tout ce que ce que ce parti a fait, mais pour que nous puissions enfin compter sur lui pour défendre ce en quoi nous croyons. Nous avons besoin de vous pour soutenir notre équipe et la refondation que nous mènerons ensemble ; je compte sur vous !

Fx Bellamy

Pour adhérer, parrainer, soutenir
→ rendez-vous sur www.avecretailleau.fr

 

Repartir du fond. Entretien au Point pour la rentrée 2022

François-Xavier Bellamy

Propos recueillis par Nathalie Schuck. Entretien initialement paru dans Le Point le 1er septembre 2022.

Les Républicains doivent désigner leur patron en décembre, après une déroute électorale. Ne faudrait-il pas saborder ce parti pour en recréer un nouveau ?

On aurait tort d’enterrer la droite. Cela peut sembler paradoxal, mais la mission de cette famille politique n’a jamais été autant d’actualité, à condition qu’elle soit entièrement refondée pour répondre aux messages que nous ont envoyés nos électeurs. Les Français n’ont jamais été si nombreux – 57,7 % au premier tour de la présidentielle selon la Fondapol pour Le Figaro – à attendre une politique de droite, que ni Emmanuel Macron ni le Rassemblement national ne sont capables de leur donner. Si nous reconstruisons un parti qui écoute enfin les attentes de ses électeurs, nous aurons toutes les chances de jouer de nouveau un rôle, pour servir notre pays qui en a tant besoin. Le paysage politique peut changer très rapidement : rappelez-vous, il y a moins d’un an, tout le monde pensait que Marine Le Pen avait déjà disparu ; elle finit l’année avec un succès inédit aux législatives… Dans les mois à venir, la situation va de nouveau beaucoup évoluer.

Quelle doit être la ligne de LR : parler aux électeurs de Macron en partant du principe qu’il ne se représentera pas, ou s’adresser aux 10,5 millions de Français qui ont voté pour Le Pen et Zemmour ?

Il faut sortir de cette fascination pour l’arithmétique électorale. Ce serait une grande erreur de choisir entre des électorats, comme on choisirait des clientèles sur un marché. Nous devons parler à tous ceux qui nous ont quittés, quels qu’aient été leurs choix, comme à ceux qui n’ont jamais voté pour nous. Il serait scandaleux d’ostraciser des électeurs. Ce qui compte, c’est de repartir du fond, de sortir enfin des calculs sondagiers, qui ne produisent que des défaites. Si nous sommes capables de proposer les idées neuves qui structureront le débat demain et de rendre une espérance à notre pays, je ne doute pas que les électeurs reviendront vers nous, d’où qu’ils viennent.

Si nous reconstruisons un parti qui écoute enfin les attentes de ses électeurs, nous aurons toutes les chances de jouer de nouveau un rôle, pour servir notre pays qui en a tant besoin.[…] Nous devons parler à tous ceux qui nous ont quittés, quels qu’aient été leurs choix, comme à ceux qui n’ont jamais voté pour nous. Il serait scandaleux d’ostraciser des électeurs.

On ne sait plus où LR habite, justement ! Êtes-vous dans l’opposition au gouvernement ou sa béquille au Parlement ? Nicolas Sarkozy avait proposé un accord avec Emmanuel Macron pour le forcer à une cohabitation, n’avait-il pas raison ?

Le scénario dont il s’agissait n’était pas celui d’une cohabitation, bien sûr, mais d’une coalition, qui n’aurait consisté qu’à trahir nos combats passés et nos électeurs, en devenant les supplétifs d’une majorité dont la politique conduit la France dans l’impasse… Contrairement à ceux qui ont préféré se renier en espérant être payés d’une apparence de pouvoir, nous avons choisi de rester fidèles à ce que nous sommes, et de défendre les Français par une opposition claire et sérieuse. C’est un choix plus exigeant, mais c’est le seul qui permette de garder la tête haute et de préparer l’avenir.

Vous citiez la Fondapol. Son directeur Dominique Reynié considère que vous n’avez qu’une alternative : vous allier à LREM, ou au RN dans une Nupes de droite…

Mais Dominique Reynié ajoute aussi que cette équation est impossible puisque la moitié des électeurs de LR, de LREM comme du RN n’en veulent pas. Cela créerait plus de fractures que d’alliances… De toute façon, ce sont la constance, la clarté et la rigueur qui permettront à la droite de se reconstruire, pas l’opportunisme de courte vue qui l’inciterait à secourir une majorité présidentielle au moment même où elle va devoir affronter les conséquences de son propre bilan. Quand les Français verront leur facture d’énergie flamber, ils demanderont des comptes à Emmanuel Macron sur la fermeture de Fessenheim ! En réalité, l’étude de la Fondapol montre la discordance massive entre les attentes de l’électorat d’Emmanuel Macron, qui penche majoritairement à droite, et sa politique : 57 % pensent qu’il y a un immense problème sur l’intégration des migrants, et sa majorité veut donner le droit de vote aux étrangers. De même, 69 % de ses électeurs pensent que les chômeurs pourraient se remettre au travail s’ils le voulaient, et il accorde des indemnités chômage aux démissionnaires, désincitant ainsi au travail.

Quel est votre modèle à l’étranger en terme de refondation ?

L’ancien chancelier autrichien Sebastian Kurz est parvenu à reconstruire un parti conservateur, qui était en pleine crise, en étant extrêmement fort sur deux piliers, l’écologie et l’immigration. Il est parvenu à susciter une rupture qui fait que son parti est encore au pouvoir, même si lui a connu des difficultés personnelles.

Pour la direction de LR, vous êtes plutôt Éric Ciotti ou Bruno Retailleau ?

[NB : entretien paru avant la déclaration de candidature de Bruno Retailleau] J’espère que Bruno Retailleau sera candidat, car il peut apporter beaucoup. La refondation qui nous attend est d’abord un travail de reconstruction intellectuelle, sur les idées et les solutions que nous voulons pour l’avenir. Nos propositions en restent bien souvent à la répétition de ce qui a fait la recette du succès en 2007. J’ai beaucoup d’estime pour Éric Ciotti et le courage avec lequel il porte depuis toujours les questions régaliennes, qui sont si nécessaires ; je suis sûr que cette élection sera l’occasion d’une discussion utile, non d’une bataille d’ego.

Et vous, avez-vous songé à postuler ?

Oui, je me suis posé la question ; mais si Bruno Retailleau confirme sa candidature [NB: c’est désormais le cas], il a toutes les qualités nécessaires, et plus que cela, pour permettre à notre famille politique d’écrire à nouveau de belles pages de l’histoire de notre pays. Il peut susciter une dynamique collective, il le montre chaque jour au Sénat. Et c’est un bosseur, quand le défi qui attend notre parti n’est pas seulement de renouveler sa ligne et ses visages, mais de se remettre au travail. La droite passe son temps à parler de la valeur travail, il serait bon qu’elle s’y mette ! Nous devons retrouver le professionnalisme indispensable pour gagner.

La droite passe son temps à parler de la valeur travail, il serait bon qu’elle s’y mette ! Nous devons retrouver le professionnalisme indispensable pour gagner.

Vous avez porté les couleurs de LR aux européennes de 2019. Retenter l’aventure en 2024, ça vous tente ?

Ce qui compte pour moi, c’est d’être au service des idées autour desquelles il faudra réunir les Français. Je suis convaincu que la droite n’a aucune chance de remporter la présidentielle en 2027 si on ne commence pas par faire un vrai score aux européennes de 2024. L’alternance commence dans deux ans. Ce sera la grande élection de la recomposition, et un scrutin fondamental pour l’Europe ; et j’y engagerai toute mon énergie. Est-ce que ce sera comme tête de liste ? Je me sens beaucoup mieux préparé qu’en 2019, bien sûr. Je travaille d’arrache-pied au Parlement européen depuis plus de trois ans maintenant, et cela m’a permis de vérifier et d’approfondir beaucoup des intuitions que nous avions défendues dans notre campagne.

Certains mettent en avant votre score de 8,5 % pour contester cette hypothèse.

Je rappelle que LR était crédité de 6 % des intentions de vote au moment où j’ai été investi. La déception du résultat final est à la mesure de l’espoir que la campagne avait suscité. J’ai toujours assumé ma responsabilité comme tête de liste dans cette élection ; mais si je l’ai fait, c’est sans doute précisément parce que cette responsabilité était difficile à prendre…

Laurent Wauquiez a renoncé à briguer le parti pour se concentrer sur 2027. Faut-il désigner sans attendre votre champion pour l’Élysée pour l’installer dans l’opinion ?

Il y a une obsession française pour la présidentielle. L’année qui vient sera très difficile et éprouvante pour les Français : ce n’est pas le moment de donner le sentiment qu’on se préoccupe déjà de répartir les postes pour la prochaine présidentielle… Laurent Wauquiez a choisi un autre chemin pour la période qui s’ouvre, et je respecte profondément ce choix ; personne, parmi les postulants à la présidence du parti, n’imagine qu’il ne soit pas un candidat potentiel très important pour 2027.

Virginie Calmels estime qu’on veut l’empêcher de postuler car la Haute autorité du parti lui reproche d’avoir réadhéré trop tardivement. Vous coupez les cheveux en quatre, non ?

Je comprends bien sûr sa déception, mais le calendrier était clair. C’est difficile de commencer une compétition en expliquant que les règles du jeu sont un complot contre ceux qui veulent y participer.

Macron a-t-il encore les moyens de réformer le pays ?

Il dispose d’une majorité relative qui lui permet malgré tout d’avancer, charge à lui d’organiser la discussion. Si ce quinquennat est un quinquennat pour rien, ce sera sa responsabilité… Prenez la loi sur l’immigration : si elle a été reportée aux calendes grecques, ce n’est pas du fait de l’opposition, mais parce qu’il l’a lui-même décidé, à cause des contradictions de sa propre majorité…

Votre parti doit-il voter le budget pour éviter un blocage des institutions ?

Le vote du budget, dans un conseil municipal comme au sommet de l’État, signifie la participation à une majorité. Voter le budget, c’est assumer les orientations politiques qu’il implique. Nous avons suffisamment dénoncé les choix budgétaires incohérents et irresponsables de ce gouvernement pour nous retrouver à le soutenir aujourd’hui – au moment où nous allons en subir le plus durement les conséquences.

Que vous inspire la sortie du président sur « la fin de l’abondance » ?

Cette formule est très frappante, mais elle en dit plus sur Emmanuel Macron que sur la réalité… Qui a cru à l’abondance, sinon lui ? Dans mon livre Demeure (NDLR : 2018, Grasset), j’expliquais que le principe politique premier n’est pas, comme le dit Adam Smith, leur richesse des nations, mais leur pauvreté. Le fait majeur qui structure la géopolitique et les débats internationaux, c’est la rareté, le fait que les ressources ne sont pas infinies. Quand Emmanuel Macron nous dit qu’on ne pourra plus trouver d’argent gratuit sur les marchés, qui d’autre que lui avait imaginé que cela durerait éternellement ? Sa formule sur l’abondance explique beaucoup des erreurs du quinquennat passé. Le problème est qu’entre temps, cette naïveté nous a placés dans une situation de grande vulnérabilité.

La majorité débat de la régulation des jets privés, c’est à la hauteur de l’enjeu ?

Sur le sujet environnemental, nos débats sont tellement éloignés de l’ordre de grandeur du problème… Passer du temps sur ce sujet, c’est une façon de parler au ressentiment des Français, comme dirait Nietzsche. Que LFI joue à ce jeu, c’est normal, c’est son fonds de commerce ; mais que le ministre des Transports s’y mette est plus préoccupant. Les enjeux environnementaux sont des enjeux globaux. La totalité du secteur aérien français pollue autant qu’une centrale à charbon en Allemagne. Le sujet n’est pas d’interdire les jets privés dans notre petit hexagone, mais d’arriver à ce que la France retrouve sa place en Europe et l’Europe dans le monde pour imposer une décarbonation mondiale. Ma plus grande fierté, c’est qu’on ait abouti au Parlement européen sur la taxe carbone à l’entrée du marché unique : ce sera un levier majeur pour rompre avec la mondialisation dérégulée qui nous a conduits à la crise environnementale.

Le ministère de l’Education est passé de Jean-Michel Blanquer à Pap Ndiaye, dont les lignes politiques sont radicalement différentes. Ça vous heurte ?

Voilà l’essence du macronisme : dans le monde d’avant, on appelait cela des contradictions ; maintenant on parle de « en même temps ». De telles incohérences témoignent pourtant d’une inquiétante absence de cap. Pap Ndiaye a parfaitement le droit de défendre ses convictions, mais il est stupéfiant qu’Emmanuel Macron en fasse un ministre de l’Éducation nationale : il défend une ligne obsédée par les quotas, au motif que la France serait « structurellement raciste », alors que le seul chemin pour intégrer et faire grandir tous les élèves, c’est de transmettre de nouveau la culture française à chacun, quelle que soit son milieu social. Là encore, Emmanuel Macron impose à ses électeurs le contraire de ce qu’ils attendent…

En tant qu’enseignant, que pensez-vous de la possibilité annoncée de former des professeurs en mode express ?

Je ne sais pas si les Français se rendent compte de l’ampleur de l’effondrement de notre système éducatif. Mon premier engagement public a été d’écrire Les déshérités (NDLR : Plon, 2014) pour alerter sur cette faillite collective, et ses conséquences. La crise était là, mais le système parvenait encore à sauver les apparences. Même les fictions s’écroulent désormais. La crise des vocations enseignantes est le symptôme le plus clair de cet effondrement. Le recrutement des contractuels était une solution d’appoint, c’est devenu un processus de recrutement à part entière. La communication ministérielle revient à expliquer aux Français qu’on va confier leurs enfants à des gens recrutés avec une demi-heure de « job-dating » – comme dans mon académie de Versailles – et quelques heures de formation. Pour les professeurs qui ont étudié cinq ou six ans avant de passer des concours et de suivre un an de formation, le signal est vertigineux ! Quand Pap Ndiaye assure qu’il y aura un professeur devant chaque élève à la rentrée, c’est un mensonge. Dans le meilleur des cas, il y aura un adulte…

Face à la crise, les ressources de la France

« Face à la crise, les ressources de la France » : conférence-débat organisée par La Croix avec Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie et des Finances, chargée de l’Industrie.

 

 

Un peu de sobriété et d’efficacité

Présidence française du l'Union européenne 2022

Entretien paru dans Le Figaro le 24 mars 2021.

LE FIGARO – Comment les eurodéputés LR du PPE appréhendent-ils l’installation d’Emmanuel Macron à la présidence de l’Union européenne le 1er janvier ?

François-Xavier BELLAMY – Nous l’abordons sans esprit partisan, en espérant qu’elle puisse être utile au rayonnement de la France. J’ai eu l’occasion de participer à une première réunion de concertation organisée par Clément Beaune (secrétaire d’Etat chargé des Affaires européennes). Avant chaque présidence tournante, le pays concerné produit une feuille de route pour six mois. Ce n’est pas Emmanuel Macron, ni LREM mais la France qui doit assumer cette présidence européenne, au-delà des clivages politiciens. Représentant la France au sein du plus grand groupe du Parlement, notre délégation est prête à travailler pour que ce moment important aboutisse à des résultats utiles pour l’avenir de notre pays.

Ce n’est pas Emmanuel Macron, ni LREM mais la France qui doit assumer cette présidence européenne, au-delà des clivages politiciens.

Au-delà de la droite, comment le Parlement européen attend-il cette présidence ?

Il ne faut pas que le calendrier électoral conduise l’exécutif à instrumentaliser cette présidence en la réduisant à un exercice de communication. Le grand danger est une présidence aussi bavarde et ambitieuse dans les mots qu’elle sera isolée et inefficace dans les résultats. Fragilisée dans le débat européen, la France est confrontée à des sujets cruciaux et sa voix risque d’être marginalisée car nous sommes en plein décrochage économique. Notre situation actuelle nous classe désormais parmi les pays du sud, lourdement déficitaires sur le plan budgétaire et commercial. Nous ne sommes pas en mesure de donner des leçons. C’est pourquoi il est d’autant plus important que cette présidence française se concentre sur quelques priorités concrètes et essentielles, avec un souci de pédagogie et de résultats.

Pour certains macronistes, Emmanuel Macron devrait en profiter en récoltant les fruits de son interventionnisme européen sur plusieurs sujets, de l’environnement au numérique. Qu’en pensez-vous ?

Objectivement, le bilan européen d’Emmanuel Macron reste très éloigné de ses promesses. Sa facilité pour les discours est inversement proportionnelle à son efficacité dans l’action. Dans le paysage européen, l’essentiel est de convaincre, de se faire comprendre en faisant la pédagogie des positions que l’on défend. Le président français procède plutôt par déclarations fracassantes mais contre-productives. Par exemple, ses mots sur l’Otan « en état de mort cérébrale » ont profondément crispé. Cela a fait reculer la possibilité concrète d’une ambition commune en matière d’autonomie stratégique, et de résultats concrets pour l’industrie de défense. Pour la présidence française, la clef de la réussite serait d’identifier deux ou trois priorités précises et d’en faire la pédagogie : on semble malheureusement se diriger vers une énumération de déclarations et de souhaits qui ressemble à une liste de cadeaux de Noël, et ne peut permettre de vrai progrès. Il serait tragique que cette présidence, qui ne revient que tous les treize ans, soit une occasion manquée.

Pour la présidence française, la clef de la réussite serait d’identifier deux ou trois priorités précises et d’en faire la pédagogie : on semble malheureusement se diriger vers une énumération de déclarations et de souhaits qui ressemble à une liste de cadeaux de Noël, et ne peut permettre de vrai progrès.

Les Marcheurs veulent croire que cette position européenne permettra à leur candidat d’en tirer profit en 2022, notamment en s’affichant comme rempart aux populismes. Quel est votre avis ?

J’espère que le président et son exécutif seront capables de se hisser à la hauteur de l’enjeu. L’Allemagne a remarquablement utilisé cette occasion, en obtenant par exemple la finalisation du traité UE/Chine. Si je suis contre la ratification de cet accord, je constate que les Allemands, sans se mettre en scène, sans poursuivre des intérêts politiciens, ont obtenu un résultat qui constituait une priorité pour eux. Un peu de sobriété et d’efficacité feraient beaucoup de bien à la France. Quant à la mise en scène d’un clivage entre progressistes et populistes, c’est le rêve d’Emmanuel Macron, pas du tout la réalité du débat politique : au parlement européen, les deux plus grands groupes sont ceux de la droite et de la gauche. Emmanuel Macron voudrait exporter à Bruxelles le schéma qui lui a permis d’être élu à Paris, et qu’il décrit depuis le début comme la seule alternative politique possible ; mais il se retrouvera bien seul s’il essaye de raconter cette histoire aux pays européens : au moment où par exemple les Italiens de la Lega cherchent à quitter le RN pour se rapprocher du PPE, le récit d’un affrontement avec un bloc populiste fort n’a pas de sens. Le sujet n’est pas d’être pro ou anti-européen, mais de savoir quelle Europe construire.

Au moment où par exemple les Italiens de la Lega cherchent à quitter le RN pour se rapprocher du PPE, le récit d’un affrontement avec un bloc populiste fort n’a pas de sens. Le sujet n’est pas d’être pro ou anti-européen, mais de savoir quelle Europe construire.

Quel sera l’effet de cette présidence européenne sur la présidentielle en France ?

Si elle parvient à placer l’Europe dans le débat français, ce sera une bonne nouvelle car les décisions discutées en ce moment au sein des institutions européennes sont déterminantes pour l’avenir de notre pays : il est urgent que les Français, informés sur ces enjeux, aient l’occasion de se prononcer.

Photo : Oleg Mityukhin / Pixabay

Sur la fermeture du site de Bridgestone à Béthune

La naïveté européenne et la passivité de la France dans la mondialisation ont provoqué le délitement de notre tissu industriel. A Béthune, 867 emplois sont menacés. Oui, il est possible et urgent d’agir : nous n’avons pas le droit de baisser les bras.

 

Une semaine après l’annonce brutale de la fermeture programmée du site de Bridgestone à Béthune, j’ai passé un long…

Publiée par François-Xavier Bellamy sur Jeudi 24 septembre 2020

Lire aussi la tribune publiée dans Marianne : « Bridgestone : « La France ne retrouvera sa vitalité industrielle qu’à condition de renouer avec le travail » »

 

 

 

Ce plan ne prépare pas l’avenir de l’Europe

« Ce plan ne prépare pas l’avenir de l’Europe, il exploite un moment de panique pour sauver par effraction une idéologie périmée depuis longtemps. »

Tribune sur le projet d’emprunt européen, parue le 26 juillet 2020 dans le JDD.


Au terme d’une longue négociation sur le plan de relance européen, les 27 ont accepté de créer le premier emprunt commun en réponse à la crise. Un problème, une dette : la France aura donc réussi à exporter à Bruxelles ses pires réflexes ; et l’Europe est sans doute aujourd’hui le seul endroit où l’on considère comme une victoire politique le fait d’encombrer l’avenir d’un emprunt supplémentaire. Bien sûr, toute crise suppose de dépenser, et toute relance d’investir ; mais les Etats européens ont déjà grâce à la politique de la BCE un accès facile aux marchés avec des taux historiquement bas. Conduire la commission européenne à emprunter à leur place, malgré une base légale très faible et des perspectives incertaines (comme l’a récemment montré le Brexit), c’est se tromper de problème. En réalité, cet emprunt commun n’est pas tant une réponse à la crise économique qui vient, qu’une manière d’utiliser cette crise pour faire avancer un agenda politique : cette nouvelle solidarité budgétaire signe le retour à la vieille illusion d’une « Europe toujours plus intégrée ». Elle offre une résurrection inattendue aux tenants du fédéralisme européen, auxquels les citoyens ont dit non depuis longtemps, mais qui s’offrent l’éphémère ivresse du « moment hamiltonien ».

Le retour au réel sera rude. Le succès apparent que représente cet accord repose sur une somme de malentendus, et il est particulièrement irresponsable de laisser l’ardoise à la génération future, au nom de laquelle cet emprunt est pourtant ironiquement contracté. Pourquoi ne dit-on rien des contreparties en termes de réformes imposées par Bruxelles aux Etats bénéficiaires des fonds, au contrôle budgétaire renforcé qui est nécessairement attaché à cette solidarité financière ? Comment a-t-on pu valider cet emprunt sans arbitrer sur les modalités de son remboursement, en se fondant simplement sur l’hypothétique création de ressources propres – sujet que chacun sait si controversé que le Conseil s’est bien gardé d’en débattre, même s’il était directement lié à l’emprunt qu’il confirmait ? Pourtant, il faudra bien rembourser. « Il n’y a pas d’argent magique », affirmait Emmanuel Macron, et cette formule n’a rien perdu de sa pertinence : pour 37 milliards d’euros, c’est-à-dire une somme très faible eu égard à son poids en terme d’économie comme de population, insignifiante aussi au regard de l’ampleur des moyens nécessaires pour faire face à la crise (le déficit public français sera de 220 milliards d’euros pour la seule année 2020), la France aura donc accepté une tutelle budgétaire renforcée et des engagements financiers disproportionnés pour l’avenir, au risque d’aggraver de façon irréversible le malaise démocratique profond qui touche déjà l’Union européenne.

Le paradoxe de cette triste histoire, c’est que pour arracher un accord sur l’emprunt européen, il a fallu sacrifier au passage l’Europe dont nous avions réellement besoin. Le budget pluriannuel de l’UE sort essoré par les coupes et les rabais concédés pour obtenir le totem de la mutualisation des dettes. Politique agricole, Fonds européen de défense, programmes de recherche et même investissement dans la santé sortiront durablement fragilisés, parfois supprimés ou presque, de ce compromis aberrant. Ce plan ne prépare pas l’avenir de l’Europe, il exploite un moment de panique pour sauver par effraction une idéologie périmée depuis longtemps. Le Parlement européen s’est montré très sévère dans son vote sur cet accord ; il nous reste quelques semaines maintenant pour tenter de remettre où nous le pourrons un peu de raison dans sa mise en oeuvre, au service d’un vrai effort de relance.


Un vrai accord historique aurait consisté, au lieu de s’enthousiasmer parce que nous avons réussi à creuser encore nos…

Publiée par François-Xavier Bellamy sur Jeudi 23 juillet 2020

Pour reconstruire, sortir du mensonge.

Tribune écrite avec Bruno Retailleau et Damien Abad, parue* dans Le Figaro le 6 juin 2020.


Avec la fin du confinement, vient le moment de reconstruire. La France n’est pas sortie de l’épreuve, au contraire. Et comme souvent dans notre histoire, cette épreuve est d’abord une épreuve de vérité. Ce n’est pas tant le virus qui nous a terrassés, que le poids des mensonges accumulés depuis tant d’années. Nous ne surmonterons pas cette crise sans regarder la réalité en face.

La première vérité, c’est que dans la crise sanitaire, ce sont les derniers de cordée qui ont tenu le pays à bout de bras. Le « vieux monde » a permis à la France de tenir. De la caissière au médecin généraliste, de l’agriculteur au gendarme ou au policier, du chauffeur routier au maire rural, ils étaient les oubliés et parfois les réprouvés du macronisme : pas assez mobiles, disruptifs, pas assez “start-up nation”… Ces oubliés sont pourtant ceux qui ont assuré l’essentiel dans l’épreuve, quand tout semblait menacé.

La seconde vérité, c’est que l’Etat a failli. Malgré les énergies et les efforts exceptionnels déployés sur le terrain, il n’a pas su garantir les masques et les tests en quantité suffisante pour endiguer l’épidémie. Nos aînés dans les maisons de retraite sont morts, de la maladie, dans la solitude, et parfois même de la solitude elle-même à laquelle cette pénurie les a contraints. Alors que d’autres pays européens avaient déjà repris une vie normale, notre économie est longtemps restée figée – et chaque jour de cette glaciation va se payer en précarité, en chômage, en faillites. L’Etat s’est révélé incapable d’anticiper, de réagir, d’organiser, bref : de faire ce qu’on attend d’un Etat. L’hypertrophie administrative a asphyxié depuis trop longtemps les priorités régaliennes.

La vérité enfin, c’est que notre nation s’est affaiblie. Pour le malheur des Français, on leur a longtemps expliqué que la mondialisation était forcément heureuse. Qu’on pouvait se passer de fabriquer des médicaments chez nous, puisqu’il y en avait en Chine. Qu’il n’y avait plus besoin de frontières pour nous protéger. Que le progrès perpétuel et la technologie sans frein nous dispensaient de prendre nous-mêmes notre destin en main. Les Français ont été bercés d’illusions, et ces illusions nous ont entraînés sur la pente du déclin.

L’hypertrophie administrative a asphyxié depuis trop longtemps les priorités régaliennes.

Maintenant, il nous faut réagir. Nous avons besoin d’un sursaut national. Car notre salut ne dépendra que de nous.
Quel parent, quel professeur, quel chef oserait dire qu’on peut sortir d’une épreuve par la facilité ? Jamais un peuple n’a surmonté une crise sans un surcroît d’effort.

Ces efforts, c’est d’abord d’en haut qu’ils doivent venir. Nous pouvons faire le constat de faillite de ce millefeuille administratif qui a dispersé les moyens tout en compliquant la décision et en décourageant l’initiative. Notre Etat, qui prélève plus sur le travail des Français qu’aucun autre au monde, n’a même plus les moyens d’assumer ses missions élémentaires. Il est urgent que la puissance publique arrête de compliquer le quotidien des Français, et se concentre enfin sur l’essentiel. L’essentiel, c’est retrouver notre capacité d’agir, au lieu de subir une compétition perpétuellement déséquilibrée avec le reste du monde ; c’est construire une stratégie de long terme au lieu de céder continuellement aux calculs tactiques du moment. C’est reconquérir notre souveraineté. C’est pourquoi notre famille politique devra imposer un profond changement des règles européennes sur la concurrence, mais aussi des réformes audacieuses sur la simplification administrative et la fiscalité. Il faudra enfin redonner aux Français la liberté et la responsabilité sans lesquelles il n’est pas de grand peuple. Toute cette crise l’a démontré : l’Etat doit fixer la stratégie et veiller à l’équité, mais il doit aussi encourager, déléguer, libérer. Il faudra un nouvel acte de décentralisation vers la société civile et vers les collectivités. Désormais, nous ne ferons plus confiance à l’Etat qu’à la mesure de la confiance qu’il nous accordera.

Ceux qui parlent de relocalisations et de réindustrialisation parlent dans le vent s’ils ne disent pas clairement aux Français que cela implique de remettre le travail au cœur de notre société.

Ce sursaut dépend aussi de chacun d’entre nous. Ceux qui parlent de relocalisations et de réindustrialisation parlent dans le vent s’ils ne disent pas clairement aux Français que cela implique de remettre le travail au cœur de notre société. Depuis longtemps, notre pays consomme plus qu’il ne produit et s’offre l’illusion d’un maintien de son niveau de vie au prix d’un déficit chronique qui pèsera sur nos enfants. Nous devons rompre avec ce modèle, qui nous a laissés si démunis face à la crise. Mais cela ne se fera pas sans effort. Il ne peut y avoir de modèle plus solidaire, plus écologique, plus durable, sans retrouver notre capacité de produire ce dont nous avons besoin, et donc sans renouer avec le travail que cela implique. Rappeler cette vérité est plus exigeant que de proclamer de grands principes bavards et consensuels pour le rêve d’après ou de signer des chèques en blanc sur l’avenir. Mais nous prenons le pari que les Français attendent ce sursaut. Ils voient bien que toutes les fictions s’effondrent. Que nous sommes toujours moins prospères et moins heureux, dans un pays qui décroche et s’efface toujours plus.

Nous devons faire de cette crise l’occasion de sortir du mensonge pour sortir de la léthargie.

Et pourtant, nous voyons partout des trésors d’énergie et d’inventivité qui ne demandent qu’à jaillir. Qui ne demandent qu’à être mobilisés. Nous devons faire de cette crise l’occasion de sortir du mensonge pour sortir de la léthargie. Retrouver par notre travail l’espoir de vivre mieux, et de transmettre un pays plus solide aux enfants qui nous relaieront demain. Une plus grande sécurité matérielle, mais aussi et surtout le sentiment d’une confiance, d’une fierté retrouvée. Le sentiment d’être un peuple, qui a encore de grandes choses à faire en commun ! C’est donc maintenant qu’il faut choisir entre le déclin et le renouveau. Si nous savons être courageux et être unis – si nous savons être Français, alors nous saurons reconstruire.


* dans une version condensée | Photo : CC0 Public Domain / G.Hodan (modifiée)

Débat chez « Zemmour et Naulleau » avec la secrétaire d’État aux affaires européennes

François-Xavier Bellamy était l’invité d’Anaïs Bouton sur Paris Première dans l’émission Z&N le 3 juin 2020, avec Eric Zemmour et Eric Naulleau. Il débattait notamment avec Amélie de Montchalin, secrétaire d’État aux Affaires européennes. Extraits.

François-Xavier Bellamy chez Zemmour et Naulleau – Extrait n°1

« Il faut dire la vérité aux Français : pendant qu’Emmanuel Macron parle de souveraineté, il veut créer une dette commune européenne, qui n’est qu’une manière de transférer notre responsabilité budgétaire. »

#ZENPP • Débat entre François-Xavier Bellamy et Amélie de Montchalin chez Zemmour et Naulleau (1)

Il faut dire la vérité aux Français : pendant qu'Emmanuel Macron parle de souveraineté, il veut créer une dette commune européenne, qui n'est qu'une manière de transférer notre responsabilité budgétaire.

Publiée par François-Xavier Bellamy sur Jeudi 4 juin 2020

François-Xavier Bellamy chez Zemmour et Naulleau – Extrait n°2

« Si l’Union européenne ne change pas son rapport à la mondialisation, si nous continuons d’imposer à nos entreprises une concurrence déloyale permanente, alors cette nouvelle dette que vous faites peser sur les générations futures ne servira qu’à aider la relance chinoise. »

#ZENPP • Débat entre François-Xavier Bellamy et Amélie de Montchalin chez Zemmour et Naulleau (2)

Si l'Union européenne ne change pas son rapport à la mondialisation, si nous continuons d'imposer à nos entreprises une concurrence déloyale permanente, alors cette nouvelle dette que vous faites peser sur les générations futures ne servira qu'à aider la relance chinoise. #ZENPP

Publiée par François-Xavier Bellamy sur Jeudi 4 juin 2020

François-Xavier Bellamy chez Zemmour et Naulleau – Extrait n°3

« Il y a de quoi être révolté par ce double discours permanent : derrière les belles postures d’aujourd’hui, vous créez les grands problèmes de demain, y compris pour l’Europe que vous dites défendre. »

#ZENPP • Débat entre François-Xavier Bellamy et Amélie de Montchalin chez Zemmour et Naulleau (3)

Il y a de quoi être révolté par ce double discours permanent : derrière les belles postures d'aujourd'hui, vous créez les grands problèmes de demain, y compris pour l'Europe que vous dites défendre. #ZENPP

Publiée par François-Xavier Bellamy sur Jeudi 4 juin 2020

Sur le projet de plan de relance de la Commission européenne

Projet de plan de relance de la commission européenne

…pour les générations futures ?

« Bonjour à tous, heureux de vous retrouver depuis Bruxelles à la fin de cette semaine particulièrement importante, car elle a été l’occasion de discuter du plan de relance proposé par la Commission européenne.

Ce plan de relance correspond à une nécessité car, bien sûr, l’Europe doit agir face à la crise économique devant laquelle nous sommes placés. Mais il me semble pourtant que ce plan pose un problème majeur. Il est fondé sur le fait que, pour la première fois, l’Union européenne va s’endetter en notre nom à tous. Et cela pose au moins deux grandes questions.

La première, c’est : qui va rembourser cette dette ? Personne de sérieux ne pense qu’on peut créer de l’argent gratuitement. Ce qui est emprunté aujourd’hui doit être remboursé demain. Or l’Union européenne n’a pas, dans son budget, les moyens de rembourser cet emprunt. On nous explique que ce remboursement commencera en 2028 et qu’il s’achèvera probablement autour de 2060, mais sans nous expliquer comment. C’est tellement facile d’obliger ceux qui nous suivrons à payer nos propres problèmes… L’ironie de l’histoire, c’est que ce plan de relance s’appelle « Next Generation EU » : pour « l’Europe de la nouvelle génération ». Mais pour moi, c’est très clair : applaudir – comme beaucoup le font – que l’on vote une dette sans même savoir comment elle sera remboursée, c’est évidemment trahir les générations futures, et je ne veux pas m’en rendre complice.

C’est encore plus vrai si l’Union européenne n’assume pas de sortir de sa naïveté dans la mondialisation, et de changer enfin les règles du jeu. Aujourd’hui nous le voyons bien : nous fixons des règles très exigeantes à nos entreprises européennes sans imposer les mêmes règles à celles qui viennent sur le marché européen en important. Si nous investissons à travers cette dette commune pour pouvoir financer notre activité d’aujourd’hui sans changer ce rapport à la mondialisation, alors il est parfaitement clair qu’en réalité, nous financerons avec cette dette la relance de l’activité chinoise ou de l’activité de pays asiatiques à moindre coût. Et c’est ce qui est en train de se passer dans la nouvelle étape de la tragédie qui frappe par exemple Renault, et qui touche notre industrie depuis tellement longtemps maintenant.

Le deuxième problème que pose ce plan de relance à travers cet endettement commun, c’est que, qui dit endettement commun dit aussi responsabilité budgétaire commune. Aujourd’hui, le budget de l’Union européenne est construit à partir de la contribution des États : chacun apporte les moyens qui correspondent à ses ressources à cette action collective. SI demain l’Union européenne, pour la première fois, va sur les marchés pour s’endetter, cela veut dire qu’elle assume une responsabilité budgétaire qui nous lie les uns aux autres d’une manière beaucoup plus forte que ce n’est le cas aujourd’hui. Et je crois que nous ne sommes pas légitimes pour, à la faveur d’une crise majeure qui préoccupe nos concitoyens, imposer une nouvelle étape de l’intégration vers une responsabilité budgétaire qui ne correspond pas à un véritable échelon de la responsabilité démocratique.

Il me semble qu’il est catastrophique que certains profitent de cet épisode pour faire avancer un agenda qui ne dit pas son nom. Et je crois qu’il y a là, évidemment, probablement un potentiel de désamour encore plus fort pour l’Union européenne dans les années qui viendront, lorsqu’elle nous demandera, au nom de cette responsabilité budgétaire commune, de faire des réformes ou de changer nos attributions budgétaires à l’intérieur de nos pays. Non parce que ce serait bon pour nos pays ou parce que nous l’aurions décidé, mais parce que ce serait nécessaire du point de vue de cette responsabilité budgétaire que constituerait cet emprunt. Il y a là donc un débat fondamental. Nous allons nous y impliquer évidemment avec beaucoup d’énergie et je reviendrai vers vous très bientôt pour vous donner plus de nouvelles. Merci beaucoup. »

Pour aller plus loin

Responsabilité budgétaire et souveraineté

Débat avec la secrétaire d’État aux affaires européennes