Articles

Se tenir aux côtés des chrétiens d’Irak

« Merci Madame la Présidente,

Nous parlons des relations entre l’Europe et l’Irak, et il y aurait tant à dire, tant à dire sur les sécheresses qui se multiplient, sur ces difficultés majeures pour l’irrigation de l’agriculture irakienne qui menacent l’alimentation de tant de citoyens d’Irak. Pourquoi ? En particulier à cause, bien sûr, des retenues aux barrages qui s’opèrent au niveau de la Turquie, sur le Tigre et sur l’Euphrate. C’est la Turquie, elle aussi, qui est en jeu dans les incursions – tant de collègues l’ont rappelé – en territoire irakien, qui aujourd’hui tuent des civils irakiens. Et là encore, l’Europe pourrait agir.

L’actualité nous rappelle aussi à notre responsabilité envers toutes ces familles chrétiennes d’Irak qui sont aujourd’hui encore en train de quitter une terre qui a été la leur depuis plus de 1500 ans. Une terre que pourtant, aujourd’hui, ils sont contraints d’abandonner devant le spectre d’une violence qui ne cesse de menacer. Ces chrétiens, aujourd’hui – j’étais avec eux pour Noël à Qaraqosh – pourraient être le symbole d’une espérance : ils ont réussi à revenir, à reconstruire, sur ces terres que l’Etat islamique avait occupées. Et ils ont réussi à vaincre le mal qui les frappaient.

L’actualité nous rappelle aussi à notre responsabilité envers toutes ces familles chrétiennes d’Irak qui sont aujourd’hui encore en train de quitter une terre qui a été la leur depuis plus de 1500 ans.

Et pourtant, si nous ne sommes pas à leur côté, ils vont quitter ce pays, et avec eux, c’est ce pays tout entier qui sera défiguré. Avec leur départ, c’est le Moyen-Orient qui perdra une part de son âme. C’est sans aucun conteste la responsabilité de l’Europe de soutenir ces populations et de leur dire que, à travers elle, c’est aussi une part de nous, de notre héritage commun, qui se trouve représenté, dans ce Moyen-Orient lointain et pourtant si proche de nous par tant d’enjeux essentiels.

Merci beaucoup. »

Lettre ouverte à l’ENAR

Madame Ojeaku Nwabuzo
European Network Against Racism (ENAR)
Rue Ducale 67
1000 Bruxelles

 

Paris, le 27 mars 2023

 

Madame la Directrice, Madame Ojeaku Nwabuzo,

 

Le 16 mars 2023, vous avez adressé, avec 53 associations liées au réseau ENAR, que vous dirigez, une lettre ouverte à la Présidente du Parlement européen et à la Présidente de la Commission européenne. L’objet de ce courrier était de vous plaindre des « attaques diffamatoires » contre les « organisations de la société civile » dont je me serais rendu coupable à travers une déclaration diffusée le 23 février dernier, depuis le Parlement européen.

J’avais en effet rappelé, en découvrant que l’ENAR était associé à la « Semaine de l’Antiracisme » au sein du Parlement, que votre plateforme avait un agenda politique bien étranger à la cause de la lutte contre le racisme, et je maintiens bien sûr les faits que j’avançais pour le démontrer : le soutien que vous avez apporté, trois jours après la décapitation de Samuel Paty, à l’organisation islamiste CCIF, qui venait d’être dissoute par le gouvernement français suite à son lien avec le meurtre de ce professeur. Votre lien avec les associations FEMYSO, LALLAB ou Alliance Citoyenne, qui se sont donné pour but de banaliser le voile en Europe, quand les Iraniennes meurent pour s’en libérer – sans que ces associations qui se disent « féministes » aient un seul mot pour s’en émouvoir. Ou encore le fait que votre propre prédécesseur à la direction de l’ENAR a admis avoir été membre des Frères musulmans…

Pas le début de commencement d’une seule réponse

Mon intervention rappelait ces faits, et d’autres encore ; mais à mon grand étonnement, le courrier que vous écrivez pour vous en plaindre ne contient pas le début de commencement d’une seule réponse, sur aucun de ces points. Comment pourrait-il y avoir « diffamation », Madame la Directrice, là où il n’y a qu’un rappel de faits parfaitement avérés, et confirmés par tous les médias qui s’y sont intéressés ? Pour lancer une telle accusation, mieux vaut être capable d’expliquer en quoi ces affirmations sont fausses… Mais à mes observations simples et précises, vous répondez seulement par le registre habituel des variations indignées, déjà usées jusqu’à l’absurde : « tentatives de fragiliser le travail de la société civile », « nécessité d’une protection des espaces européens dans leur diversité », « réduction de l’espace de la société civile », « manque d’attention au racisme structurel et institutionnel », « besoin de promotion d’une meilleure culture de l’inclusivité »… Tout cela ne fait pas une seule explication pour justifier les faits que je partageais à la connaissance du public. Il faudra plus que le lexique dérisoire de vos protestations coutumières pour vous exonérer de votre responsabilité. Et vous ne vous en sortirez pas en tentant d’imposer au Parlement européen la censure dont vous semblez rêver – il faut dire que bien des pays qui financent vos associations-membres constituent des exemples plutôt performants en matière de « réduction de l’espace de la société civile ». Je suis désolé de vous l’annoncer, nous ne sommes pas prêts à suivre leur modèle…

Chercher à faire taire : une facilité, ou le symptôme d’une désolante fragilité

Car en fait de « réduction de l’espace », c’est celui de vos contradicteurs que vous cherchez à détruire : n’est-ce pas une bien étrange démarche, que celle qui consiste à écrire aux Présidentes de ces deux institutions pour dénoncer mon intervention, quand il aurait été si simple de m’écrire pour me partager les raisons de votre désaccord ? Vous vous plaignez de ce que j’ai exprimé ces inquiétudes au sein du Parlement européen ; mais, le saviez-vous, il se trouve que j’y ai été élu pour cela : deux millions de citoyens ont confié leur voix, avec la liste que je menais, pour que je fasse précisément, en leur nom, le travail d’agir sans relâche, et d’alerter sans concessions. Ce sera à eux, et à eux seuls, de juger ce mandat que je remettrai dans leurs mains. À eux seuls – ni à vous, ni à une « société civile » autoproclamée, ni même aux Présidentes de nos institutions auxquelles vous jugez utile d’adresser votre délation. Quant au réseau ENAR que vous dites terriblement « menacé » par mon intervention, il a le privilège d’intervenir au sein du Parlement, de la Commission, d’avoir manifestement porte ouverte partout à Bruxelles, et d’avoir reçu depuis près de vingt ans des millions d’euros de subventions publiques… Jouer le rôle de victimes est peut-être un registre habituel pour vous, mais je connais des militants des droits fondamentaux autrement persécutés.

Nous parler, en public ?

Vous savez, Madame la Directrice, nous avons tous deux la chance de vivre en démocratie. S’engager dans le débat public suppose généralement d’accepter la possibilité d’une contradiction ; si j’avais écrit un courrier de dénonciation aux autorités pour chaque critique que j’ai reçue, j’aurais perdu bien du temps pour des travaux plus utiles. Quand quelqu’un vous pose des questions, chercher une administration qui puisse le faire taire est au mieux une facilité – et au pire, le symptôme d’une désolante fragilité. Pour affronter un désaccord politique, pardonnez ce réflexe peut-être un peu désuet, le mieux est encore de parler. Vous m’avez dénoncé, et gravement accusé ; c’est la raison pour laquelle je vous propose de nous parler, et de le faire en public : je serais très heureux d’une discussion avec vous, que nous pourrions partager, sans filtre ni montage, soit sur le média de votre choix, soit sur les réseaux sociaux. Je ne doute pas que dans nos pays, la société civile à laquelle vous êtes si attachée serait curieuse d’entendre vos réponses aux questions que je posais, et très intéressée de mieux comprendre les enjeux d’une conversation, qui, au-delà de nos personnes, engage réellement notre avenir commun.

En restant à votre disposition pour trouver une date pour cet échange, je vous prie de croire en mon engagement déterminé, franc, et libre.

François-Xavier Bellamy

Député au Parlement européen
Président de la délégation française du PPE


Débat sur « la place de la laïcité dans les institutions européennes » dans les studios de Marianne TV

Échange avec Emmanuel Maurel (député du groupe « La Gauche » au Parlement européen) sur « la place de la laïcité » et l’entrisme islamiste dans les institutions européennes.

 

Promotion de l’activisme d’extrême-gauche et du voile : lettre ouverte à la présidente du Conseil économique et social européen

 

Mme la Présidente du Comité économique et social européen
Christa Schweng

Copie : Mme la Présidente du Parlement européen
Roberta Metsola

 

Strasbourg, le 21 novembre 2022

Madame la Présidente,

Une campagne de communication est actuellement diffusée en ligne par le Conseil économique et social européen pour conclure l’Année européenne de la jeunesse. Accompagnée du hashtag #ThankYOUth, elle est composée de plusieurs vidéos visant à « remercier » les mouvements de jeunesse pour leur implication dans la vie citoyenne des pays européens.

Sur fond de slogans lénifiants et de musique commerciale, le tout exclusivement en anglais, ces vidéos assument en réalité un biais politique absolument inacceptable. Car en fait de mouvements de jeunesse, ceux que vous remerciez sont d’abord, et à sens unique, des militants liés à des organisations de gauche ou d’ultra-gauche, ainsi qu’à l’islam politique.

Un exemple parmi d’autres, la dernière vidéo en date, publiée ce lundi 21 novembre, qui s’ouvre sur ce message : « Nous remercions la jeunesse pour… » ; l’image qui l’accompagne est une manifestation d’Extinction Rebellion à Paris… De quel droit les services de communication que vous supervisez peuvent-ils mettre des moyens publics au service d’un mouvement politique, qui se caractérise, qui plus est, par l’usage de la violence ? Blocages de voies de communication ou de moyens de transport aux conséquences parfois dramatiques, dégradations de bâtiments ou de biens publics, occupations illégales de lieux publics ou privés… : ces délits répétés partout dans les pays européens sont la caractéristique de ce mouvement, qui revendique son choix de mener des actions illégales, et son refus de reconnaître la légitimité des élections et les règles du débat démocratique. De telles dérives méritent des sanctions fermes, non les « remerciements » de nos institutions.

En tout état de cause, il est injustifiable qu’une institution publique comme celle que vous dirigez assume ainsi de promouvoir, par sa communication officielle, des causes idéologiques ou militantes. Mettre des moyens publics au service d’un combat politique partisan est absolument contraire à l’état de droit. Cette situation est d’autant plus révoltante que ces engagements manquent singulièrement de pluralisme : dans d’autres vidéos sont mis en valeur l’organisation Greenpeace, l’activisme trans, le militantisme intersectionnel, ou encore le voile islamique – qui apparaît au moins cinq fois dans une seule vidéo publiée le 25 octobre dernier, alors même qu’aucune autre image ne montre pourtant le moindre signe confessionnel évoquant la religion chrétienne, ou juive… Est-ce volontaire ? Aucune image ne met en scène les mouvements de jeunesse, pourtant nombreux, engagés pour d’autres causes, ou tout simplement pour une autre manière de défendre l’écologie, l’unité de nos pays, ou la dignité humaine.

Votre institution, Madame la Présidente, est financée exclusivement par les moyens publics que vous confient les citoyens de nos pays, qui attendent que vous les représentiez. Vous n’avez pas le droit de laisser leur contribution être détournée au profit d’activistes dans lesquels bien peu se reconnaîtraient. Si vous tenez à « remercier » les promoteurs de l’illégalité, de l’obsession communautariste, de l’islam politique, faites-le si vous voulez ; mais pas en notre nom ! Et pas avec les moyens de communication d’une institution publique, qui n’appartient qu’aux citoyens, ne vit que du résultat de leur travail, et ne devrait en retour travailler que pour le bien commun.

Depuis des années, nos institutions se sont manifestement liées à des organisations politiques radicales, qui veulent les mettre au service d’une propagande bien peu respectueuse des règles élémentaires de la démocratie – et surtout bien peu fidèle aux principes qui ont fondé l’Europe, comme le respect du droit, l’attachement à la démocratie, ou encore l’égalité entre les femmes et les hommes. Il est temps de mettre fin à cette dérive coupable. Vous savez sans doute que le Parlement européen a voté un amendement imposant à la Commission européenne de ne plus jamais financer de campagne de promotion du hijab. Cette règle devrait valoir, bien sûr, pour toutes les institutions européennes, et pour toute communication contraire à l’esprit européen. J’espère que vous ferez retirer rapidement cette campagne si préoccupante à cet égard.

Naturellement, je me tiens à votre disposition si vous le souhaitez pour échanger avec vous sur ce sujet ; je serais très heureux de vous rencontrer en particulier pour mieux comprendre comment ces campagnes de communication sont conçues. Nous avons beaucoup de progrès à faire pour la transparence des décisions prises par nos institutions en la matière.

Je vous prie de croire, Madame la Présidente, en l’assurance de mon entier dévouement.

 

François-Xavier Bellamy

Député au Parlement européen
Président de la délégation française du PPE

Questions à la Commission déposées en octobre et novembre 2022

Intégration du pernambouc à l’annexe 1 de la CITES, mettant en péril l’archèterie européenne

10.11.2022

L’intégration du pernambouc (Paubrasilia echinata) à l’annexe 1 de la CITES sera soumise au vote lors de la prochaine conférence des parties de la CITES.

Cette intégration, jugée inopportune par le secrétariat général de la CITES lui-même, empêchera le renouvellement des stocks des artisans archetiers, alors même que leur impact est minime (la consommation européenne annuelle représente 14 arbres) et qu’ils participent à la gestion responsable de l’espèce en replantant des centaines de milliers d’arbres[1], dans le respect de normes strictes.

Les modalités de transposition européenne conduiront à considérer le pernambouc exclusivement comme sauvage (selon l’annexe A du règlement 338/97), même s’il est issu de plantations durables, ce qui rend quasiment impossible son importation.

Cette menace inédite pour un artisanat séculaire compromet l’activité des luthiers et des musiciens ainsi que la transmission d’un savoir-faire unique.

  1. Puisque le secrétariat général de la CITES recommande le rejet de cette proposition et étant donné les mesures prises pour la préservation de l’espèce, la Commission s’engage-t-elle à s’y opposer et à inviter les États membres à faire de même?
  2. En cas d’adoption, la Commission demandera-t-elle une nouvelle modification à la COP20?
  3. Envisage-t-elle de différencier pernambouc sauvage et pernambouc issu d’agroforesterie dans sa transposition?

Dépôt: 10.11.2022

[1] International Pernambuco Conservation Initiative


Politique de l’Union européenne sur le port du voile islamique dans ses campagnes

17.10.2022

La semaine dernière, le Parlement a adopté en séance plénière une résolution condamnant la répression à l’encontre des femmes en Iran. La question du voile islamique (ou hijab) a été longuement débattue.

Après avoir subi de vives critiques, notamment de la part de la France, le Conseil de l’Europe a décidé de retirer sa campagne «WE CAN for human rights speech», cofinancée par la Commission et accompagnée du message: «la beauté est dans la diversité comme la liberté est dans le hijab». De telles campagnes banalisent le port du voile, en particulier chez les jeunes filles. Il s’agit d’un problème très sérieux, car dans beaucoup de pays, y compris en Iran, les femmes luttent chaque jour pour leur liberté et le droit de ne pas porter le hijab. Cette campagne risque également d’accroître la pression qui pèse sur les femmes et les jeunes filles pour qu’elles portent le hijab en Europe.

À cet égard, la Commission pourrait-elle répondre aux questions suivantes:

  1. Pourquoi la Commission a-t-elle retiré la campagne susmentionnée?
  2. À l’avenir, comment compte-t-elle éviter de banaliser le port du voile?
  3. Envisage-t-elle de mettre en œuvre des mécanismes de diligence raisonnée afin de garantir que la communication de l’Union ne fasse pas la promotion de politiques discriminatoires, comme le «port obligatoire du voile»?

Disponibilité des matières premières et aspects géopolitiques du pacte vert pour l’Europe

17.10.2022 (co-signature)

La transition énergétique, en général, et la fabrication de véhicules électriques et de leurs batteries, en particulier, requièrent une quantité bien plus élevée de matières premières que les options traditionnelles. Selon une étude réalisée par la KU Leuven en avril 2022, si l’Union n’investit pas dans des mines et des raffineries situées sur son territoire et respectueuses de normes européennes strictes, et tant qu’une filière de recyclage n’aura pas vu le jour, elle restera entièrement dépendante des importations. Cela concerne des matières premières pour lesquelles les besoins sont urgents, telles que le lithium, le nickel, le cobalt et les terres rares comme le dysprosium, le néodyme et le praséodyme.

Dans sa conclusion, l’étude indique qu’à défaut d’augmentation des investissements miniers au niveau mondial, les goulets d’étranglement dans les chaînes d’approvisionnement de ces matières premières et du cuivre sont susceptibles de s’intensifier. À l’échelle internationale, ces goulets d’étranglement pourraient perdurer jusqu’en 2030, voire 2040 dans le cas de certaines matières premières.

  1. Quelle incidence l’interdiction des moteurs à combustion interne et la transition vers l’électromobilité auront-elles sur la dépendance géostratégique de l’Union?
  2. Comment les prix des véhicules électriques devraient-ils évoluer en fonction de la disponibilité des matières premières ou de l’existence de goulets d’étranglement?
  3. Dans le cadre du paquet «Ajustement à l’objectif 55» et du plan REPowerEU, une étude détaillée a-t-elle été menée sur la disponibilité des matières premières et la dépendance géostratégique qui en découle pour les 27 États membres? Comment la Commission compte-t-elle diversifier son approvisionnement et limiter sa dépendance?

Sanctions de l’Union européenne contre l’Azerbaïdjan après l’agression contre l’Arménie

04.10.2022 (co-signature)

Le 13 septembre 2022, l’Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie, a relancé les hostilités dans l’enclave du Haut-Karabagh. À ce jour, 135 soldats arméniens ont été tués, contre 75 du côté azerbaïdjanais.

De plus, et dans un silence complice des médias et des politiques, l’Azerbaïdjan fait preuve d’une barbarie sans nom envers la population arménienne. Anush Apetyan, soldate arménienne, a été torturée à mort par des soldats azerbaïdjanais. Elle a été violée, ses doigts et ses jambes ont été coupés, ses yeux ont été arrachés et la scène a été filmée.

Le mois dernier, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a signé un protocole d’accord avec Ilham Aliyev, président de l’Azerbaïdjan, qui vise à accéder aux réserves de gaz naturel du pays et à combler la diminution des approvisionnements de gaz russe en Europe.

Puisque nous sanctionnons la Russie pour avoir envahi l’Ukraine, il serait inconcevable d’appliquer deux poids deux mesures face à l’invasion azerbaïdjanaise.

1. Le Conseil condamne-t-il l’invasion du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan ainsi que ses actes de barbarie?
2. Comme pour la Russie, décidera-t-il d’appliquer des sanctions contre l’Azerbaïdjan et cessera-t-il d’accepter du gaz azéri? Dans le cas contraire, juge-t-il cette agression moins importante que celle reprochée à la Russie, et si oui, sur quel fondement?

Il reste quelques heures pour saisir une occasion unique d’agir.

Chers amis,

Il reste quelques heures pour saisir une occasion unique d’agir, et de préparer l’avenir.

Depuis plusieurs semaines, je parcours la France pour venir vous rencontrer et parler avec vous de la campagne que nous menons, avec Bruno Retailleau et toute son équipe, pour la présidence des Républicains.

Vous êtes nombreux à me partager votre espoir, et à vous engager. Mais parmi vous, nombreux sont aussi ceux qui doutent, ceux qui n’y croient plus. C’est à vous que je voudrais parler une fois encore.

Vous avez voté pour la droite dans le passé ; mais ces derniers mois, ces dernières années, vous avez été de déception en déception. Et nous héritons ensemble, vous comme moi, de cette situation de défiance accumulée depuis des années. Les électeurs de droite se sont divisés, d’autres partis se sont crées, la confusion s’est installée ; et le bilan de tout cela, c’est que nous n’avons cessé de perdre des batailles pourtant essentielles.

J’en suis profondément convaincu, et je crois que nous pouvons tous partager ce constat, quel que soit notre regard sur la situation actuelle : la France irait mieux si tous les électeurs de droite pouvaient enfin se sentir représentés par le parti politique qui devait les rassembler, et qui a manqué à sa responsabilité. Aujourd’hui, nous ne redonnerons pas une majorité à nos convictions si ce parti ne retrouve pas le sens de sa mission. Vous pouvez lui faire beaucoup de reproches, et vous aurez raison ; mais maintenant nous avons besoin de reconstruire ce parti politique, en nous appuyant sur les forces uniques qu’il garde – des milliers d’élus, le plus important ancrage local, la majorité au Sénat, des dizaines de parlementaires, un groupe central au Parlement européen… Quoiqu’il arrive, ce socle sera indispensable pour pouvoir, demain, construire la majorité qui relèvera notre pays.

C’est pour cela que je me suis engagé derrière Bruno Retailleau. Il appelle depuis toujours à cette nécessaire refondation. Il a gardé, dans bien des batailles difficiles, la fidélité à nos convictions. Et aujourd’hui, il veut vous rendre ce parti, qui n’a pas d’autre sens que de vous appartenir et de vous ressembler.

Il ne suffira pas pour cela de slogans et de belles promesses ; il faut s’en donner concrètement les moyens. Nous voulons réformer les statuts du parti pour que demain vous décidiez des grandes orientations politiques qu’il suivra – pour qu’il cesse de dériver parce que quelques dirigeants préfèrent suivre leurs propres calculs que de représenter leurs électeurs. Nous voulons que vous puissiez arbitrer sur les candidats que le parti désignera pour les prochaines élections, pour qu’obtenir votre confiance soit une condition absolue pour défendre nos couleurs. Nous voulons refaire un parti de droite qui respecte ses électeurs ; et nous avons présenté depuis plusieurs semaines les changements concrets que nous proposons pour le garantir.

Nous voulons vous redonner ce parti. Mais pour cela, il faut que vous veniez nous aider. Il vous reste quelques heures pour adhérer aux Républicains. Ne le faites pas parce que vous approuvez tout ce que ce parti a fait ; adhérez pour venir dire ce que vous attendez de lui, de nos institutions, pour l’avenir de notre pays.

Je sais : certains d’entre vous se sont promis de ne plus jamais prendre leur carte chez LR. D’autres parmi vous n’y ont jamais adhéré, et peut-être n’imaginaient pas le faire un jour. C’était mon cas aussi : en 2019, j’ai rejoint les Républicains, non parce que tout m’y convainquait, mais parce qu’il me semblait nécessaire de faire de mes déceptions une raison de s’engager plutôt que de commenter les reculs successifs de nos convictions, et de notre pays. Vous êtes nombreux à m’écrire, à me dire votre soutien, et je ne vous dirai jamais assez ma reconnaissance pour votre confiance, qui me touche profondément, dans ce temps de défiance généralisée. Si vous avez partagé parfois les batailles que j’ai pu mener, alors venez relever avec nous le grand défi qui nous attend, celui de la refondation qui, avec Bruno Retailleau, redonnera enfin à ce parti sa mission, et qui nous permettra d’y croire à nouveau.

N’hésitez pas à partager largement ce message à tous vos amis. Plus nous serons nombreux, plus nous aurons de chances de retrouver un cap clair. Nous avons une occasion unique, dans l’histoire de la droite française, de reprendre ensemble la main, pour préparer l’espérance dont la France a tant besoin. Aidez-nous. Adhérez.

Je compte vraiment sur vous.

Fx Bellamy

 

Pour pouvoir voter pour Bruno Retailleau en décembre, il vous faut adhérer aux Républicains d’ici jeudi 3 novembre.

Promotion du hijab : lettre ouverte aux coprésidents de la Conférence sur l’avenir de l’Europe

Mme la Vice-présidente Dubravka Šuica
Commission européenne

M. le Secrétaire d’État Clément Beaune
Présidence française du Conseil de l’Union européenne

M. le Député Guy Verhofstadt
Parlement européen

 

Bruxelles, le 14 février 2022

Madame la Vice-présidente,
Monsieur le Secrétaire d’État,
Monsieur le Député,

Une campagne actuellement diffusée par les institutions européennes pour promouvoir la participation à la Conférence sur l’avenir de l’Europe est accompagnée de visuels divers dont un en particulier me paraît poser un problème majeur.

Il met en scène une jeune femme portant un hijab, qu’accompagne le message « Faites entendre votre voix, l’avenir est entre vos mains ». En tant que co-présidents de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, vous avez la responsabilité éditoriale de la communication qu’elle produit. À ce titre, il me semble nécessaire de vous poser plusieurs questions précises.

1) Souhaitez-vous que la Conférence sur l’avenir de l’Europe soit l’occasion d’une nouvelle étape dans la promotion du voile islamique par les institutions européennes ? Après le co-financement par la Commission européenne d’une campagne indiquant que « la joie est dans le hijab », ce nouveau visuel concourt à la légitimation institutionnelle, par des instances officielles, au moyen de financements publics, d’une norme religieuse prescrite aux femmes par des autorités musulmanes. Sur cette photographie, le hijab apparaît d’ailleurs porté conformément aux exigences rigoristes de l’islam radical, de manière à ne pas laisser apparaître une seule mèche de cheveux. Comment ne pas voir là une absolue confusion des genres ?

2) La présidence de la Conférence sur l’avenir de l’Europe est-elle indifférente aux problèmes graves posés par ce symbole ? Contre le principe, fondamental dans notre civilisation, de l’égalité de l’homme et de la femme, le port du voile est aujourd’hui imposé, y compris par la contrainte et la violence, dans bien des pays musulmans, et trop souvent hélas dans de nombreux territoires au sein même de nos pays européens. La revendication de « liberté » qui sert de prétexte à la banalisation du voile ne peut masquer cette réalité : des femmes sont agressées, menacées, condamnées parfois aux peines les plus lourdes, pour avoir osé retirer le voile. Citons seulement le cas de l’iranienne Nasrin Sotoudeh, lauréate du Prix Sakharov, qui a été une nouvelle fois condamnée en 2019 à douze ans de prison et 148 coups de fouet pour être apparue tête nue, et pour avoir défendu des femmes refusant de porter le hijab – ce même hijab que mettent ensuite en valeur nos institutions européennes… Comme co-présidents de cette Conférence, considérez-vous que votre responsabilité soit de normaliser ce qui reste un signe d’oppression pour des millions de femmes dans le monde ?

3) La Conférence sur l’avenir de l’Europe souhaite-t-elle mobiliser spécifiquement la participation d’une communauté religieuse, en lui promettant que « l’avenir est entre ses mains » ? Avec quels partenaires un tel visuel a-t-il été conçu ? Des universitaires et chercheurs reconnus ont mis au jour, au cours des dernières années, les stratégies déployées par des organisations islamistes comme les Frères musulmans pour bénéficier de fonds européens, orienter des programmes de recherche, agir sur les institutions et leur communication – à l’instar de l’association Femyso ou de différents comités nationaux « contre l’islamophobie », porteurs d’un agenda politico-religieux clairement identifié. Des organisations de ce type touchent-elles des subventions dans le cadre de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, ou de la part d’institutions européennes ? Il est clair qu’un tel processus peut être instrumentalisé par des groupes de pression d’horizons variés ; la présidence de la Conférence s’est-elle donné les moyens de se prémunir notamment de l’entrisme d’organisations islamistes, dans le contexte du combat actuel à travers toute l’Europe pour la sécurité de nos pays, la défense de nos principes et la préservation du mode de vie européen ? Existe-t-il des lignes rouges qui disqualifient certaines organisations dans le cadre de ce débat ?

Compte tenu de la gravité de ce sujet, une dernière question se pose enfin : dans quel délai cette affiche sera-t-elle retirée ?

En vous remerciant par avance pour l’attention que vous porterez à ces questions, et sûr que vous aurez, en tant que co-présidents de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, un message à adresser à toutes les femmes pour qui retirer le voile consiste à risquer sa liberté, sa sécurité ou sa vie, je vous prie d’agréer, Madame la Vice-Présidente, Monsieur le Secrétaire d’État, Monsieur le Député, l’expression de ma haute considération.

François-Xavier Bellamy

Député au Parlement européen
Président de la délégation française du PPE

 


La campagne pro-hijab du Conseil de l’Europe n’a rien d’un fait isolé.

Tribune initialement parue dans Le Figaro.

C’est une courte vidéo promotionnelle comme on en voit tant sur les réseaux sociaux. Une jeune femme vous regarde, souriante. Une ligne balaie l’écran de gauche à droite : cette fois, le visage est voilé. L’opération se répète plusieurs fois, avec des visages différents, et un message : « La liberté est dans le hijab ». Ce message publicitaire est relayé sur les réseaux sociaux, accompagné d’un slogan : « Joy in hijab », « la joie dans le hijab ».

Contre toute apparence, cette campagne n’est pas diffusée par une organisation islamique, mais par le Conseil de l’Europe, avec le cofinancement de la Commission européenne. C’est une courte vidéo, qui aura en quelques heures fait couler beaucoup d’encre. Pourtant, elle n’est qu’un symptôme parmi bien d’autres, qui ensemble permettent d’établir le constat d’une dérive de grande ampleur.

Depuis des années, des hauts fonctionnaires, des universitaires, des chercheurs alertent sur les stratégies d’entrisme qu’ils observent de la part d’une nébuleuse islamiste qui, sous couvert d’antiracisme, prend place dans l’environnement des institutions européennes : des associations, des fédérations, des organisations non gouvernementales proposent des projets et obtiennent des financements p européens.

Elles utilisent les mots-clés en vogue : défendre l’inclusion, promouvoir la diversité, contrer les « discours de haine »… Et, au nom de la « lutte contre l’islamophobie », elles parviennent à imposer leurs thèses. Ainsi du projet « dialogue sur la radicalisation et l’égalité » (DARE), financé dans le cadre du programme de recherche européen Horizon 2020, qui a conclu au fait que la « radicalisation » (le mot islamisme n’est jamais cité) s’expliquait par les « discriminations structurelles » en Europe. Improbable retournement : les pays victimes d’une série d’attentats en deviennent soudain les coupables…

Le Parlement européen lui-même ne manque plus une occasion de relayer ce type d’accusation : quelques jours après la mort de George Floyd, il votait une résolution dénonçant « l’oppression et le racisme structurel en Europe », ainsi que « le recours excessif ou létal de la force par la police dans l’Union européenne », sans qu’on voie bien où pouvait se trouver la responsabilité des forces de l’ordre européennes dans la mort d’un citoyen américain au Minnesota.

Un exemple de plus du mélange de naïveté et de complaisance qui explique la vulnérabilité de l’Europe, sommée au nom de ses principes d’ouvrir la voie à l’idéologie qui veut les détruire.

S’indigner d’un racisme « structurel » permet de toute façon d’éviter toute objection : il n’est plus nécessaire de fonder l’accusation sur des faits précis, il suffit d’évoquer une ambiance. Il y a quelques jours seulement, à l’occasion d’un événement réunissant des centaines de jeunes européens à Strasbourg, une jeune fille voilée a pris la parole dans l’hémicycle du Parlement pour dénoncer « l’islamophobie » au sein de nos institutions : son intervention a été soutenue par un courrier signé de nombreux parlementaires, de la gauche à LREM. Or cette jeune fille était présente au titre de l’association Femyso, émanation du réseau des Frères musulmans… Un exemple de plus du mélange de naïveté et de complaisance qui explique la vulnérabilité de l’Europe, sommée au nom de ses principes d’ouvrir la voie à l’idéologie qui veut les détruire.

La campagne du Conseil de l’Europe n’a donc rien d’un fait isolé. La stratégie est constante : entretenir l’accusation d’un « racisme structurel » dans nos pays ; définir ensuite ce racisme comme une « islamophobie », ce qui permet de criminaliser toute critique de cette religion ; pour lutter contre cette critique dénoncée comme « islamophobe », promouvoir positivement cette religion, ses pratiques et ses injonctions. Le même mouvement avait conduit à l’organisation du « Hijab Day » à Sciences Po il y a quelques années, qui consistait à proposer aux étudiantes de se voiler au nom de la « lutte contre l’islamophobie ».

Alors que tant de femmes, dans le monde et dans nos pays mêmes, subissent menaces, pressions et violences pour leur imposer de porter le voile, voir l’Europe affirmer que la liberté est dans le hijab est un reniement désespérant. Et, lorsque ce message est porté par des institutions qui ne cessent de se réclamer d’un progressisme intransigeant, cette contradiction confine à la folie : les mêmes institutions qui reprochent aux pays d’Europe de l’Est d’être réactionnaires au motif qu’ils n’adhèrent pas pleinement à l’agenda de réformes sociétales fixé à l’Ouest publient sans sourciller que « la joie est dans le hijab »…

Une telle dérive appelle des questions, et une réponse.

Des interrogations d’abord : comment une telle campagne a-t-elle pu être mise en œuvre ? Qui a pris la décision de la concevoir, de la diffuser ? Quel budget a-t-elle mobilisé ? En démocratie, nous ne finançons pas les institutions pour qu’elles nous réforment ou nous endoctrinent ; les responsables qui engagent des moyens publics doivent en revanche rendre des comptes devant les citoyens. C’est la raison pour laquelle il faut maintenant que toute la lumière soit faite sur les conditions dans lesquelles cette vidéo a été publiée.

Mais, sans attendre, apportons-lui une réponse. Le véritable racisme est à l’évidence dans l’assignation identitaire que de tels messages relaient. Il y a quelques jours, la même « unité antidiscriminations » du Conseil de l’Europe diffusait la photo d’une femme voilée, avec ce commentaire : « Ce que ce foulard veut dire pour moi : c’est la possibilité d’être moi-même, sans avoir à me cacher ni à faire semblant d’être ce que je ne suis pas ». Paradoxe absolu : on se cacherait en se dévoilant, on se montre en se dissimulant. Aucune femme ne se définit par le fait que, derrière un voile, elle montre ce qu’elle est.

Le véritable racisme est à l’évidence dans l’assignation identitaire que de tels messages relaient.

En Europe, la liberté de conscience est effectivement respectée – et c’est une chance, car très peu de pays musulmans se montrent aussi tolérants à l’égard des chrétiens ou des incroyants… Mais, si cette liberté est permise, il doit être clair pour tous les enfants de la civilisation européenne, d’héritage ou d’adoption, que personne ne se définit par le fait de se voiler. Le Conseil de l’Europe manque à l’idée même de l’Europe quand il fait croire le contraire.

Ce vide où l’islamisme trouve l’espace pour prospérer

Tribune initialement publiée dans Le Figaro.

Mourir d’avoir enseigné. Qui aurait cru cela possible, qui aurait cru cela pensable. Et pourtant c’est arrivé – et cela devait arriver ; car la liste désormais longue des victimes de l’islamisme montre combien leur arrêt de mort ne devait rien au hasard. Les bourreaux sont décérébrés, mais l’idéologie qui les a suscités est d’une lucidité très sûre dans sa haine de ce que nous sommes. Comment ne pas voir qu’il s’agit bien d’une guerre totale ? Il suffit de relier les crimes pour voir combien ils dessinent le visage même de la France : un concert et des terrasses de café, des soldats, policiers et gendarmes, une fête du 14 juillet, la rédaction d’un journal, une école juive, un vieux prêtre, et un jeune professeur… Retracer le chemin de la mort ouvert à Toulouse il y a bientôt dix ans, c’est comprendre qu’il cible sans relâche ce qui a constitué ce pays au fil des siècles – la liberté de son peuple, la force de son État, le goût des choses de l’esprit, nos anciennes querelles même, une douceur de vivre et un courage rebelle, tous ces traits qui font la France. Si nous étions tentés de céder au déni de nous-mêmes, d’oublier ce que notre pays incarne de singulier, la litanie de nos deuils saurait nous le rappeler. Dans sa répétition du massacre des innocents, l’islamisme a dessiné en lettres de sang le portrait d’une nation qu’il est fermement décidé à éteindre par la terreur. Comment aurait-il pu ne pas s’en prendre à son école ?

Mourir d’avoir enseigné, pour réduire au silence tous les professeurs de France. La mort de Samuel Paty ne révèle pas seulement le projet de l’islamisme, mais aussi la faiblesse de notre réponse. Faiblesse de l’Etat, empêché d’appliquer ses propres décisions en matière migratoire : alors que la famille du terroriste avait été déboutée du droit d’asile en Pologne, puis de nouveau en France par l’OFPRA, la décision de la Cour nationale du droit d’asile avait empêché son expulsion, symbole de ce maquis administratif et judiciaire paralysant toute possibilité de maîtrise de nos frontières. De Paris à Nice en passant par Conflans-Sainte-Honorine, combien de fois l’impuissance de l’Etat face à l’immigration illégale aura-t-elle servi le terrorisme islamiste ?

Toute la crise de notre école se condense dans la mort de Samuel Paty.

Faiblesse de la société française ensuite, désarmée intellectuellement et moralement par des décennies de déconstruction. Les idéologies ne sont pas un jeu de l’esprit, elles sont les causes les plus fortes des glissements de terrain très réels qui transforment un pays. Quand Samuel Paty est désigné comme cible par les milieux islamistes, c’est avec des arguments qui lui sont servis par les courants glacés de la mauvaise conscience occidentale : la liberté est offensante, la laïcité est discriminatoire, critiquer l’islamisme est raciste, transmettre la France est colonial. Ces accusations, patiemment instillées, expliquent l’incroyable inhibition d’un pays d’esprits libres face au totalitarisme qui l’attaque ; c’est avec les mots de ce renoncement que certains collègues ont critiqué Samuel Paty quand il était menacé, et que, même après sa mort, l’inspection générale lui reproche une « maladresse ». C’est avec ces mots que l’une des plus grandes fédérations de parents d’élèves a laissé entendre que le cours de ce professeur, que l’école de la République, étaient responsables du meurtre, n’ayant pas permis « des échanges pacifiés dans la communauté éducative ». Comment ne pas voir que, si l’école a souvent été un lieu de débats conflictuels, seul l’islamisme décide de décapiter le professeur qui lui tient tête ? Il aura fallu des décennies de renoncements progressifs pour en venir à lâcher un professeur à son bourreau.

Faiblesse de l’école, enfin et surtout, qui résulte de toutes les autres. Faiblesse connue, documentée depuis des années, la plus dangereuse pour notre avenir, et qui semble pourtant depuis longtemps presque indifférente à nos élites, dont les enfants sont scolarisés bien loin de ces territoires perdus de la République sur lesquels alertaient des collègues il y plus de vingt ans déjà. Toute la crise de notre école se condense dans la mort de Samuel Paty. Le mensonge d’une élève y pèse plus que la parole d’un professeur. L’aberration des accusations qui le visent, symptôme d’un effondrement de la rationalité, montre combien notre incapacité à transmettre les savoirs les plus fondamentaux a laissé dans les esprits un vide atterrant, où l’islamisme et bien d’autres délires encore trouvent l’espace pour prospérer. La violence atroce, que fait naître chez les plus jeunes ce désert intérieur absolu causé par l’effacement de la culture, se lit dans ce détail sordide du crime de Conflans, la complicité vénale de quelques collégiens prêts à guetter la sortie de leur professeur, pour le désigner à un évident projet d’agression, en échange de quelques billets…

Comment ne pas comprendre la peur et le sentiment d’abandon qui touchent tant d’enseignants ? La moitié d’entre eux, indique une étude de la Fondation Jean Jaurès, dit s’être déjà auto-censurée pour éviter un conflit dans leur cours. Tant d’entre eux voient monter la multiplication des interdits religieux, des revendications constantes, de la surenchère victimaire. Tous connaissent l’injonction que leur opposera l’administration en cas de problème, même grave. « Pas de vagues ». L’intimidation que subissent les professeurs, la violence qui les atteint trop souvent, nous ne les connaissons que quand leurs auteurs ou leurs complices nous les montrent… Qui aurait entendu parler de cette professeur de collège, violemment frappée il y a quelques jours par un de ses élèves, si la scène n’avait pas été filmée par un collégien amusé ? Aperçu brutal de l’une de ces situations que redoutent tant de professeurs : « Eh le Coran, poussez-vous madame », enjoint l’élève décidé à sortir au milieu du cours. A quoi l’enseignante, qui ne s’efface pas, fait cette belle réponse : « Yassine, vous êtes à l’école ». Il y a malheureusement bien longtemps que l’école n’est plus un sanctuaire : l’élève la projette à terre.

En ce jour d’hommage national, il faut dire notre estime et notre reconnaissance à tous les professeurs qui, comme Samuel Paty, n’ont pas baissé les bras, malgré les difficultés. À tous ceux qui hier, parmi ses collègues et les personnels de direction, l’ont soutenu dans la tempête. À ceux qui prolongent aujourd’hui son engagement, en ayant pourtant parfois tant de mal à y croire encore. L’école ne tient plus qu’au fil ténu de ceux qui, parce qu’ils tiennent à ce qu’ils ont à transmettre, continuent de faire leur métier, en manquant tellement de soutien. Rendre hommage à Samuel Paty, c’est dire à travers lui ce que la France doit à ses professeurs. Il y a un an, en apprenant avec stupeur qu’un homme était mort d’avoir enseigné, bien des Français ont compris que le front du combat le plus vital pour la survie de notre pays se trouve dans les salles de classe, pour les élèves, pour notre avenir, et pour l’avenir de la liberté.

Ce qui s’est passé dans ce collège du Bois d’Aulne, et qui se joue dans tant de salles de classe en France, cela nous concerne tous. Il y a un siècle déjà, Péguy avertissait : « Les crises de l’enseignement ne sont pas des crises de l’enseignement ; elles sont des crises de vie ; les crises de vie sociales s’aggravent, se ramassent, culminent en crises de l’enseignement, qui en réalité sont totales. Quand une société ne peut pas enseigner, c’est que cette société ne peut pas s’enseigner ; c’est qu’elle a honte, c’est qu’elle a peur de s’enseigner elle-même ; pour toute humanité, enseigner, au fond, c’est s’enseigner ».

Ce qui se joue en Arménie

François-Xavier Bellamy au cimetière militaire de Yerablur en Arménie

Tribune initialement parue dans Le Figaro le 13 avril 2021. Traduction parue dans le quotidien arménien Aravot.

C’est le soir de Pâques. Le soleil couchant jette une lumière douce sur Yerablur, où de nombreuses familles, dans un silence impressionnant, sont venues se recueillir. Le cimetière militaire, à flanc de colline, a été agrandi à la hâte il y a quelques mois : sur chaque tombe nouvelle, quelques souvenirs, des fleurs, de l’encens, parfois un jouet d’enfant ; une plaque avec un nom, un visage souvent, et une date de naissance : 2000 ou 2001, pour beaucoup… Et pour veiller chacun de ces jeunes soldats tombés, un drapeau arménien. Il y en a des centaines, à perte de vue, qui flottent dans le soleil et la brise du soir.

Personne ne peut voir Yerablur sans comprendre que se jouent, dans ce Caucase oublié, trois événements essentiels

Le 27 septembre 2020, l’Azerbaïdjan, appuyé par la Turquie, membre de l’OTAN, attaquait le Haut-Karabagh, enclave rattachée par Staline à l’Azerbaïdjan, mais où les Arméniens vivent depuis des siècles. Commençaient quarante-quatre jours d’un conflit meurtrier, interrompu par un cessez-le-feu précaire : au moment où les forces russes entraient en jeu pour s’interposer, les Arméniens avaient perdu de larges territoires, et des milliers de soldats, engagés ou volontaires, dont le courage ne pouvait suffire seul face à une telle adversité. Le monde occidental avait largement détourné le regard – la voix de la France restant bien seule pour dénoncer cette agression.

Pourtant, personne ne peut voir Yerablur sans comprendre que se jouent, dans ce Caucase oublié, trois événements essentiels. Le premier, c’est bien sûr la tragédie vécue par l’Arménie, un siècle après un génocide que la Turquie s’obstine à nier. En promettant au début de sa guerre qu’il « chasserait les arméniens comme des chiens », le président Aliev a montré qu’il ne s’agissait pas pour lui de reprendre un territoire et sa population, mais bien de mener une véritable épuration ethnique – et de nombreux crimes de guerre ont depuis confirmé cette intention, à commencer par les décapitations de prisonniers ou de civils arméniens, jusqu’à des vieillards, filmées par leurs auteurs au cri de Allah Akbar. Une nouvelle fois, l’Arménie, premier pays chrétien depuis qu’il a adopté cette confession en l’an 301, paie le fait que sa seule existence est un obstacle à l’ivresse de domination totale avec laquelle ses voisins renouent aujourd’hui explicitement.

La victime collatérale de cette guerre, c’est le droit international établi précisément pour éviter que ne recommencent les pires drames du XXème siècle.

La victime collatérale de cette guerre, c’est le droit international établi précisément pour éviter que ne recommencent les pires drames du XXème siècle. Bien sûr, le statut du Haut-Karabagh était l’objet d’une contestation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan (et ce problème reste ouvert, quoiqu’en dise M. Aliev) ; mais il était discuté dans le cadre du groupe de Minsk, co-présidé par la Russie, les Etats-Unis et la France. En soutenant une attaque subite et unilatérale, la Turquie a voulu montrer que la violence est finalement un meilleur moyen que le dialogue pour résoudre un désaccord. Et en la laissant faire, le monde occidental admet un dangereux précédent… Où sont passés nos principes ? L’Azerbaïdjan et la Turquie avaient soigneusement planifié leurs opérations ; tous deux adhèrent pourtant à l’ONU, qui impose que « les membres règlent leurs différends par des moyens pacifiques, [et] s’abstiennent de recourir à la menace ou à l’emploi de la force », sauf face à une agression ou sous mandat international. En acceptant que des Etats violent ces règles fondamentales, utilisent des armes interdites, se rendent coupables de crimes de guerre et en retirent un bénéfice stratégique durable, nous admettons que la force prime le droit. Bien sûr, le recours à la violence n’a jamais disparu ; mais le fait que ce soit la Turquie, deuxième armée de l’OTAN, qui assume délibérément de franchir toutes les lignes rouges, constitue une rupture d’une échelle inédite. J’avais dénoncé notre passivité dans l’hémicycle du Parlement dès octobre 2020. À Yerablur, j’ai perçu presque physiquement combien ce silence avait tué ; et je n’oublierai jamais cet instant. Il faut ajouter à ce terrible bilan les nombreux blessés de guerre rencontrés au centre de soins d’Erevan, les milliers de victimes azéries bien sûr, et tous ceux qui à l’avenir, bien souvent parmi les plus vulnérables, paieront pour le primat que nous avons laissé donner à la violence sur le dialogue.

Un jeune arménien me confiait sa désillusion : si ses amis de vingt ans tombés face à cette attaque avaient été des bébés pandas, les médias européens en auraient bien plus parlé. Une chaise manquante à Ankara aura suscité plus d’émoi qu’une année de violations des droits fondamentaux partout autour de la Turquie…

Nous ne cessons pourtant de parler d’état de droit, de principes, de valeurs… La conséquence logique d’une telle incohérence ne peut être que l’effondrement de l’influence de l’Europe – non seulement dans cette région, mais pour tous les pays du monde qui seraient tentés de nouer un lien fort avec nous. Depuis plusieurs années, l’Arménie, pays démocratique auquel nous lie l’héritage d’une même civilisation, n’avait cessé de se tourner vers l’Union européenne, jusqu’à un accord de partenariat global signé en 2017. Mais pendant ces quarante jours meurtriers, le Parlement européen produisait des résolutions sur « l’égalité des genres dans la politique étrangère et de sécurité de l’Union », « l’incidence de la COVID-19 sur l’état de droit » ou « l’année européenne des villes plus vertes » : dans les centaines de pages votées pendant cette période, l’Arménie n’apparaît pas une seule fois… Un jeune arménien me confiait sa désillusion : si ses amis de vingt ans tombés face à cette attaque avaient été des bébés pandas, les médias européens en auraient bien plus parlé. Une chaise manquante à Ankara aura suscité plus d’émoi qu’une année de violations des droits fondamentaux partout autour de la Turquie…

Il est encore temps pour l’Europe d’agir, si elle saisit les urgences absolues que vit le peuple arménien. La première d’entre toutes, c’est le sort des prisonniers de guerre encore retenus en otage par l’Azerbaïdjan, au mépris des droits de l’homme et de ses propres engagements : l’Arménie a tenu parole en libérant ses prisonniers. Elle attend le retour des siens, et des milliers de familles vivent encore dans l’angoisse de savoir si leurs fils sont morts, ou retenus en otage. Un tel chantage, inhumain et gravement contraire au droit international, ne peut durer : si nos pays s’engageaient résolument à exiger leur libération, ils l’obtiendraient ; ils montreraient ainsi que l’Arménie n’est pas complètement isolée – et que l’Europe n’a pas complètement perdu le sens de sa responsabilité, de ses principes, et des intérêts qu’elle partage avec ce pays ami de toujours. Nous devons cette espérance aux endeuillés qui nous regardent, depuis la lumière silencieuse d’un soir de Pâques à Yerablur.

Il est encore temps pour l’Europe d’agir, si elle saisit les urgences absolues que vit le peuple arménien. La première d’entre toutes, c’est le sort des prisonniers de guerre encore retenus en otage par l’Azerbaïdjan, au mépris des droits de l’homme et de ses propres engagements

Un compte-rendu photo du déplacement sera bientôt disponible en ligne.