Mayotte souffre d’abord des faiblesses de la France

Mayotte est française. Et elle souffre d’abord, en première ligne, des faiblesses de la France : le déni de réalité migratoire et ses conséquences – violence endémique, effondrement des services publics essentiels, infrastructures saturées, anémie économique, crise sociale. Mayotte souffre par ces élus qui fermeront les yeux jusqu’à ce qu’il soit trop tard, par ces ONG subventionnées qui ne défendront vos droits et votre vie que si vous n’êtes pas Français, par cette justice qui protège l’illégalité en condamnant l’Etat à l’impuissance publique.

Je suis allé à Mayotte il y a trois ans maintenant, et je n’ai cessé depuis de tenter de soutenir les élus et tous ceux qui font tenir ce territoire français malgré tout – malgré ses écoles débordées, son hôpital saturé, sa route sous thrombose, sa piste d’aéroport trop courte. Sur tout cela, nous avons travaillé depuis Bruxelles, avec le député Mansour Kamardine, le maire de Mamoudzou Ambdil Soumaila, et tant d’amis. Pour faire en sorte que le levier européen serve aux infrastructures vitales, à l’amélioration du lien aérien, au renouvellement de la flotte, au soutien du RSMA…

Moroni ne peut dicter sa loi à Paris.

Malgré tout, aucune des difficultés de Mayotte ne sera surmontable si la crise migratoire n’est pas stoppée. Je l’ai mesuré en partageant le quotidien de la Police aux frontières sur place, en organisant des échanges avec Frontex sur la situation, et en rencontrant ceux qui, comme Estelle Youssouffa, alertent depuis des années… Mais qu’en savent les beaux esprits qui, depuis Paris, font la leçon aux mahorais ? Savent-ils qu’à Mayotte un enfant doit se lever à 3 heures du matin pour aller à l’école, malgré les agressions fréquentes ? Que l’eau est coupée au moins un jour par semaine ? Qu’il faut se barricader pour un peu de sécurité ? Que 77% des gens vivent sous le seuil de pauvreté ? Mayotte est française pourtant ! Elle s’est battue et elle a voté pour cela, quand les îles des Comores choisissaient l’indépendance. Que chacun assume désormais. Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes n’est pas à géométrie variable. Moroni ne peut dicter sa loi à Paris.

Dans ce moment si inquiétant pour Mayotte et pour la France, il est clair que, dans l’océan Indien comme en métropole, c’est toutes les faiblesses du pays qu’il est urgent de réparer. Pour que Mayotte reste la France, et que la France reste capable de décider de son avenir !

Répartir l’échec ou reconstruire enfin l’école ?

Fabien Clairefond - François-Xavier Bellamy au sujet des annonces de Pap Ndiaye pour répondre à « l'évitement scolaire »

Tribune parue dans Le Figaro le 16 avril 2023

Rien n’est plus dangereux pour un patient que le médecin qui tenterait de supprimer le symptôme plutôt que la maladie. Pap Ndiaye se souvient-il de cet avertissement de Georges Canguilhem ? Il s’y prend en tous les cas à rebours pour traiter ce grand corps malade qu’est devenue l’Éducation nationale, en annonçant, dans un entretien au Figaro, qu’il se prépare à imposer des ratios de mixité sociale dans les établissements privés. Même si le ministre est trop pudique pour nommer clairement la contrainte, trouvant que « le terme de quota est un peu rigide », c’est bien de cela qu’il s’agit…

Le système scolaire français est devenu l’un des plus inégalitaires au monde

Le mal est en effet profond. Les indicateurs effarants se succèdent sur l’effondrement de notre école. D’après le ministère lui-même, à peine la moitié des élèves de sixième a le niveau de lecture requis pour le collège, et un tiers est en grande difficulté. Sur les matières scientifiques, alors que la France se classait dans le premier tiers de l’OCDE en 2000 selon le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), elle a reculé derrière la plupart des pays européens – très loin des pays asiatiques.

Mais cette faillite collective n’est pas payée au même prix par toute la société française. Les données convergent pour montrer que le système scolaire français est devenu l’un des plus inégalitaires au monde. En 2013, l’enquête Pisa révélait que « l’école française est aujourd’hui celle des pays de l’OCDE où l’origine sociale des enfants pèse le plus lourd dans les résultats scolaires ». Cette trahison absolue de la promesse du mérite, qui constituait pourtant en France le cœur même de l’aspiration démocratique, n’a cessé de s’aggraver depuis.

Punir, sous couvert de grands principes, ceux qui reçoivent encore un enseignement de qualité, c’est avouer qu’on a renoncé à enrayer le déclin de l’enseignement public.

Un jeune majeur sur cinq en grande difficulté de lecture

Il me semble d’ailleurs évident que cette distribution inégalitaire des conséquences de l’effondrement scolaire explique largement l’étrange inertie qu’il suscite. Les milieux dirigeants sachant leurs enfants globalement protégés du naufrage éducatif – voire avantagés par le fait que les élèves issus des milieux défavorisés, et même de la classe moyenne, n’ont plus les moyens de leur contester les places dans les filières les plus valorisées de l’enseignement supérieur. Comment ne sombreraient-ils pas dans un confortable déni ? Combien de ministres, d’élus, de patrons, de journalistes, ont crié au scandale quand, en 2020, l’enquête TIMMS a classé nos élèves derniers d’Europe en mathématiques ?

Ces chiffres, parmi tant d’autres, auraient dû provoquer un électrochoc national. S’il n’en a rien été, c’est parce que nos décideurs ne se représentent pas ce qu’ils veulent dire concrètement pour tant de Français, qui voient leurs enfants condamnés à la relégation scolaire. Toutes nos statistiques en matière d’éducation doivent être lues avec ce prisme : quand le ministère compte chaque année un jeune majeur sur cinq en grande difficulté de lecture, il faut comprendre qu’ils sont en réalité majoritaires dans certains établissements, et totalement absents dans d’autres.

Évitement scolaire : les contraindre ou les comprendre ?

Pap Ndiaye ne peut éviter ce problème, mais il le prend à l’envers. Il dénonce « l’évitement scolaire » qui conduit ceux qui le peuvent à rejoindre l’enseignement privé. Mais plutôt que de les contraindre, l’urgence serait de les comprendre – d’avoir enfin le courage de reconnaître ce qui fait que tant de Français sont prêts à tout pour « éviter » à leurs enfants l’enseignement public. Monsieur le Ministre, cela ne devrait pas être trop difficile pour vous, qui scolarisez vos propres enfants dans l’établissement sans doute le plus sélectif et le plus élitaire qui soit dans l’enseignement privé parisien… Inutile de chercher trop loin : dans le collège de vos enfants, le latin est par exemple obligatoire en cinquième – vous savez, cette langue ancienne qui a été supprimée de l’enseignement public par la gauche dont vous vous revendiquez. Un exemple parmi bien d’autres.

L’enseignement privé est devenu un refuge

Ironie de l’histoire, l’un des rares soutiens qu’avait reçu la réforme de Mme Vallaud Belkacem qui décidait cette suppression, ainsi que la diminution des cours par discipline au profit d’« enseignements pratiques » incertains, avait été l’enseignement catholique – quand toutes les organisations éducatives et les syndicats enseignants combattaient ce nouveau recul. Si l’enseignement privé est devenu un refuge, ce n’est pas parce qu’il cultiverait par lui-même une vision bien plus solide. L’engagement des équipes éducatives y est tout aussi méritoire que dans l’enseignement public, mais les structures n’y sont pas moins défaillantes, et la formation des professeurs y est souvent plus désastreuse encore.

Le privé tire profit de son statut d’oasis scolaire essentiellement parce qu’il réunit majoritairement des foyers plus aisés, plus familiers de la culture scolaire, plus attentifs et exigeants, plus susceptibles de donner un cadre de travail favorable à leurs enfants et de financer les cours de soutien garantissant leur maintien à flot. La France est d’ailleurs, on le comprendra aisément, championne d’Europe de ce business. C’est d’abord pour cette raison qu’il reste plus de chances qu’un enfant y reçoive des connaissances que l’on devrait pouvoir apprendre dans toutes les écoles de France.

Imposer à tous de prendre part au naufrage ? 

Car là est le vrai choix à faire, une fois posé l’aveu d’échec absolu qu’est le constat de « l’évitement scolaire » : décider s’il faut imposer à tous de prendre part au naufrage, ou s’il faut refonder l’enseignement public pour que plus personne ne cherche à le fuir. Bourdieu avait attaqué le principe même de la transmission exigeante d’une culture commune comme moyen offert aux élèves de s’élever au-delà de leur milieu social. Mais par son oeuvre et sa réception presque unanime, il a produit exactement l’école qu’il dénonçait, la plus injuste de toutes. En condamnant l’héritage, l’Éducation nationale a fait tant de déshérités – et notre classe dirigeante s’est si longtemps accommodée de ce scandale moral absolu.

Pap Ndiaye poursuit exactement dans cette voie, en s’attaquant à ceux qui reçoivent encore le plus au lieu de s’inquiéter de ceux qui n’ont plus rien.

Le quinquennat précédent avait déjà vu reculer comme jamais le principe de la liberté scolaire ; celui-ci prend donc le chemin d’une coercition supplémentaire. Avec une telle logique, il faudra finir de détruire tout ce qui tient encore debout pour faire semblant de ne plus voir que l’enseignement public est à terre. Mais de cet effondrement auquel personne ne veut enfin faire face, c’est l’avenir de la France qui ne se relèvera pas.

 

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Fin de vie, loi de programmation militaire, pêche : invité de France Info

Renouement avec le travail, protection du secteur de la pêche, augmentation du budget de l’industrie de défense, convention citoyenne sur la fin de vie… François-Xavier Bellamy était l’invité de France Info le 4 avril 2023.

 

Renouer avec le travail

 

Crise existentielle du secteur de la pêche

 

Augmentation du budget de l’industrie de défense

 

Convention citoyenne sur la fin de vie

Violences dans les manifestations : réponse à l’extrême-gauche au Parlement européen

Les élus LFI ont tenté d’obtenir une condamnation des forces de l’ordre françaises par le Parlement européen, oubliant la violence que l’extrême gauche ne cesse d’attiser. François-Xavier Bellamy s’exprime face à cette revendication.

 

 

Oui, bien sûr, les Français traversent un moment éprouvant ; et bien sûr, dans ce moment de tension en particulier, tout policier qui faute doit être sanctionné. Cela n’autorise pour autant ni les amalgames ni les ingérences, et notre Parlement n’a pas à se substituer à la justice, qui peut être librement saisie par tout citoyen en France.

Mais nous ne refusons pas pour autant un débat. Cet après-midi, nous avons entendu quelque chose d’extraordinaire, Chers Collègues : nous avons entendu l’extrême gauche condamner la violence. Mais pourquoi n’avez-vous pas été jusqu’au bout, Chère Collègue ? Pourquoi n’avez-vous pas parlé de la pluie de pierres et de feu qui est tombée sur les policiers et les gendarmes samedi, dans une manifestation interdite par la justice, à laquelle vous participiez ?

La violence est incompatible avec la démocratie, et jamais – jamais – nous ne devons la tolérer. Et c’est la seule chose que nous devrions avoir à dire tous ensemble ; tous ensemble, autour des policiers et des gendarmes qui sont là pour défendre la force publique qui nous préserve de la violence.

Depuis plusieurs semaines ils sont plus de 800 à avoir été blessés gravement, et j’espère que vous aurez honte de les avoir insultés ici. J’espère que vous aurez honte devant eux, devant leurs familles, devant ce jeune gendarme qui aujourd’hui est sur un lit d’hôpital pour avoir été grièvement blessé il y a quelques jours. J’espère que nous saurons dire tous ensemble que nous sommes avec les forces de l’ordre pour défendre la liberté.

Merci.

La conséquence destructrice du « En même temps »

François-Xavier Bellamy était l’invité de Public Sénat le mardi 21 mars.

 

Ne pas sauver notre agriculture, c’est détruire la planète.

Agriculture, réforme des retraites, politique française et européenne, avenir de la droite… François-Xavier Bellamy était l’invité de l’émission « Questions politiques » dimanche 26 février 2023 sur France Inter, pour une heure d’entretien mené par Thomas Snégaroff, avec Nathalie Saint-Cricq, Françoise Fressoz et Carine Bécard.


Replay de Questions politiques avec François-Xavier Bellamy

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Nomination au poste de vice-président exécutif des Républicains

François-Xavier Bellamy

Cette semaine, Eric Ciotti a annoncé sa volonté de me nommer vice-président exécutif des Républicains, ainsi qu’Aurélien Pradié. Je le remercie de sa confiance, et de la responsabilité importante qu’il me donne ; il sait pouvoir compter sur mon engagement total pour l’épauler dans sa mission à la tête de notre parti. Ma volonté est toujours la même, celle de tout donner pour que la droite offre à la France l’espérance dont elle a tant besoin ; et je serai heureux d’y travailler à ses côtés.

Je voudrais bien sûr redire ma reconnaissance fidèle à Bruno Retailleau : après sa très belle campagne, il n’a rien voulu obtenir pour lui-même, cherchant seulement à assurer que son équipe, et les adhérents qui l’ont soutenu, soient pleinement représentés dans la direction du parti. Demain, avec tant d’amis qui l’ont suivi, nous travaillerons pour faire vivre au sein de notre famille politique la volonté de renouvellement profond qu’il a incarnée dans cette campagne, au service de la refondation dont la droite française a tant besoin.

Il ne s’agit pas de faire vivre des divisions, dont notre camp a déjà tellement souffert, mais au contraire d’agir tous ensemble pour reconstruire une alternative sérieuse et crédible, dans un moment critique pour la vie démocratique de notre pays. La France a besoin d’une droite claire, solide, intelligente, enracinée et inventive, qui puisse lui redonner confiance en l’avenir. Le défi est immense – non pas pour notre parti, mais pour notre pays. C’est avec chacun d’entre vous, chers amis, que nous le relèverons.

Déplacement au Liban et Noël en Irak

Long déplacement, si nécessaire pour mieux comprendre la situation de ces pays du Moyen-Orient. Nous sommes attachés à eux, non seulement par l’histoire, mais aussi par l’avenir : le destin de notre continent sera toujours relié à ce qu’ils deviendront.

Rendre aux Libanais la maîtrise de leur destin : entretien à Nida’ al Watan

Entretien initialement paru en arabe dans le quotidien libanais Nida’ al Watan, propos recueillis par Aline Boustani. Photo : devant le port de Beyrouth, le 22 décembre 2022.

 

Aline Boustani : Monsieur Bellamy, il s’agit de votre première visite au Liban, mais vous vous y êtes déjà beaucoup intéressé ; comment avez-vous trouvé le pays ?

François-Xavier Bellamy : Il s’agit en effet de ma première visite, mais ce n’est bien sûr pas la première fois que je m’intéresse à ce que vit le Liban. Comme beaucoup de Français, je suis avec une attention toute particulière l’actualité du pays. Nous avons tous le Liban au cœur ; et pour ma part, je repars surtout avec le cœur serré de voir ce peuple si profondément inquiet pour son avenir.

Quel message souhaitez-vous porter aux responsables et au peuple Libanais, à l’issue de votre déplacement ?

Je ne voudrais pas faire comme si je connaissais tout du Liban – ce pays a connu trop de responsables politiques venus d’ailleurs, et notamment de France, qui prétendaient lui dire ce qu’il devait faire, et tout savoir sur son avenir… Je suis d’abord venu pour écouter et pour comprendre.

Qu’avez-vous entendu ?

Le peuple libanais demande la justice et la responsabilité. Il est aujourd’hui pris en otage par des dirigeants irresponsables, qui refusent de faire fonctionner normalement les institutions du pays, qui refusent que le Parlement joue son rôle… Comment qualifier des parlementaires qui quittent l’hémicycle pour ne pas avoir à voter, au moment où ils doivent élire le président de la République ? Comment admettre que, dans un tel moment de crise, le Liban ne puisse pas compter sur un président pour discuter avec le monde, et sur un gouvernement exécutif capable d’agir ? Ceux qui bloquent l’élection présidentielle se rendent coupables de l’enlisement terrible que les Libanais subissent tous ; ces élus agissent pour servir des intérêts qui ne sont pas ceux du Liban.

L’autre institution qui doit aujourd’hui fonctionner absolument – et l’Europe doit l’exiger, et en faire immédiatement une condition de son soutien au Liban, c’est la justice. L’Union européenne parle beaucoup d’état de droit : le premier élément de l’état de droit, c’est une justice qui permette d’identifier et de condamner les responsables quand une faute ou un crime a été commis.

L’explosion du port de Beyrouth, c’est un crime sans précédent envers le peuple libanais, envers ces 230 victimes, ces milliers de blessés, ces dizaines de milliers de familles touchées. Comment est-il possible que ce crime ait tant de victimes, mais qu’il n’ait aucun coupable ? L’effondrement du système financier est lui aussi un crime : il a fait et continue de faire des morts. Et il laisse aujourd’hui dans l’impasse des millions de Libanais qui ont travaillé dur pendant longtemps, et qui se sont fait voler le travail de toute leur vie. Comment un tel crime peut-il ne pas avoir de coupable ? La première des mesures à prendre pour que le Liban retrouve confiance en son avenir, c’est la fin de cette irresponsabilité générale.

L’enquête est bloquée, et une enquête internationale est demandée. Est-ce que vous soutenez cette demande ?

Il est normal qu’on ait souhaité faire confiance à la justice libanaise dans un premier temps. Je ne suis favorable à aucune espèce d’ingérence : le Liban a une Constitution démocratique – c’est un miracle dans cette région – et il aurait été évidemment préférable que ses institutions fonctionnent normalement.

Mais puisqu’aujourd’hui, manifestement, rien n’avance, qu’aucun responsable n’a été identifié, et que dans un pays dont la justice est défaillante ou bloquée les phénomènes de corruption les plus complets peuvent se développer, c’est toute la communauté internationale qui doit prendre sa responsabilité. Nos pays sont aussi concernés par cette explosion, dans un port international toujours en activité. Je crois qu’il est aujourd’hui nécessaire que soit au moins conduite une mission internationale pour établir les faits. De ce point de vue-là, encore une fois, l’Europe a le devoir de réagir. Nous parlons souvent de défendre l’état de droit : quand des dirigeants – et nous les connaissons – ne se rendent pas aux convocations d’un juge, ils font entrave à la justice. Il est temps que l’Union européenne prenne des sanctions explicites contre ces gens qui détruisent de l’intérieur la Constitution démocratique du Liban et le fonctionnement de ses institutions. Il se n’agit pas de faire ingérence dans le système libanais ; les Libanais souffrent justement de l’ingérence d’une milice armée, financée et pilotée par une puissance étrangère, qui prétend remplacer leur État. Nous n’avons pas à ajouter une ingérence de plus, mais au contraire à agir concrètement pour aider le Liban à s’en libérer.

Quelles sont les pistes pour aider le Liban à résoudre ses problèmes ?

Il faut d’abord prendre des sanctions ciblées à l’encontre de ceux qui bloquent ces enquêtes, qui menacent les juges, ou qui tentent de les contourner. Des sanctions efficaces permettraient de libérer le Liban d’un système parallèle qui l’asphyxie.

Début décembre, l’Association des déposants au Liban et le groupe Accountability Now ont soumis une pétition au Conseil de l’Union européenne, exigeant l’imposition de sanctions aux politiciens libanais. Quel regard portez-vous sur ce message ?

J’ai eu l’occasion de prendre connaissance de cette pétition et j’échangerai bientôt avec les représentants d’Accountability Now. Je partage totalement leur sentiment : il faut des sanctions claires, explicites et fortes contre les politiciens libanais qui minent de l’intérieur leur démocratie. Bien sûr, l’état de droit, c’est aussi le fait que les parlementaires ne sont pas juges : je ne vais pas faire une liste de noms moi-même ; mais nous pouvons au moins nous donner un cadre : tous ceux qui ne se présentent pas à une convocation de justice – et tous les Libanais connaissent leurs noms – doivent être ciblés par des sanctions, de même que ceux qui empêchent aujourd’hui l’élection d’un président de la République en quittant la Chambre quand il faudrait voter, ou en empêchant le Parlement de fonctionner, alors même qu’on en est le président – je pense que c’est assez clair…

En parlant de l’élection présidentielle, est-ce qu’il y a un candidat en particulier que la France soutient ?

Le rôle de la France n’est pas de dicter au peuple libanais le nom de son prochain président, mais de l’aider à faire en sorte que la démocratie libanaise puisse réellement fonctionner. Cela suppose de ne pas se cantonner à une prétendue neutralité, qui revient en fait à confondre le problème et la solution. Comme vous le savez, je ne suis pas dans la majorité du président de la République [française] ; je ne suis pas venu ici faire de la politique intérieure française, mais il est vrai que j’ai parfois du mal à comprendre que notre président n’ait pas une vision claire à partager avec les Libanais pour leur avenir, non pas au sens où il faudrait que la France impose des candidats – encore une fois, ce n’est pas son rôle –, mais au sens où la France devrait avoir une véritable stratégie politique dans son lien avec le Liban. Nous ne pouvons pas venir uniquement pour faire de la communication, et dire que nous « parlons avec tout le monde » – ce qui signifie parler avec les coupables autant qu’avec les victimes, et mettre sur le même plan ceux qui bloquent, et ceux qui voudraient avancer… La réalité, c’est que toutes les puissances régionales, et certaines puissances mondiales, ne se privent pas d’avoir une vision politique très affirmée quant à l’avenir du Liban, quand la France et l’Europe sont peut-être les acteurs qui s’interdisent le plus d’avoir une stratégie forte pour que la démocratie reste vivante dans ce pays.

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La semaine dernière, le sud du Liban a été témoin d’un douloureux incident, qui a entraîné la mort d’un soldat irlandais. Êtes-vous préoccupé par la sécurité des personnels de la FINUL au Liban ?

Il est impossible aujourd’hui de faire une déclaration certaine sur l’origine de ce crime. J’espère que la FINUL avancera rapidement dans son investigation, pour établir les responsabilités. Ce qui est sûr, c’est que nous entendons de plus en plus un discours hostile à la FINUL, notamment de la part du Hezbollah. Ce discours-là ne peut que conduire à des tensions de plus en plus fortes. Cette situation montre le danger majeur que représente pour le Liban le fait d’avoir non pas un État, mais des États dans l’État – et en l’occurrence de ne pas avoir une armée, mais une armée et une milice parallèle, qui prétend faire la loi et contrôler le pays.

Allez-vous exiger de modifier les prérogatives de la FINUL, ou de raccourcir son mandat après cet incident ?

Non, il ne faudrait surtout pas céder à ceux qui voudraient écourter cette mission, et qui sont prêts à l’imposer par la violence. Ce serait donner raison aux criminels que de tirer un telle conclusion de cette attaque.

La France, l’Europe et beaucoup de pays ont toujours exprimé leur volonté d’aider le Liban à sortir de sa crise actuelle, à condition qu’il commence des réformes. Mais à la lumière de sa crise économique, est-il encore en mesure de mettre en œuvre des réformes ?

Non seulement la crise économique n’empêche pas de faire des réformes, mais elle l’impose. C’est plutôt la crise politique qui rend les réformes difficiles. Et cette crise politique, elle n’a pas d’autre responsable que les responsables politiques eux-mêmes. C’est à eux de sortir de cette impasse. Les réformes sont indispensables. L’Union européenne n’a pas à dicter au peuple libanais ce qu’il doit faire ; mais puisque la communauté internationale apporte une aide importante, la moindre des choses est d’avoir autour de la table des responsables politiques dignes de ce nom, et de pouvoir échanger avec des interlocuteurs capables de rendre au Liban sa crédibilité, et la confiance de ses partenaires internationaux. L’aide internationale ne peut pas servir continuellement de palliatif à une classe politique qui ne veut pas faire de réformes, et qui se repose à bon compte sur le fait que la crise sera toujours atténuée par l’argent qui vient de l’étranger – de la diaspora, ou de l’UE et des ONG… Ce serait évidemment une folie, et ce serait trahir le peuple libanais, que d’offrir à l’État un répit qui lui évite d’avoir à affronter sa responsabilité.

Vous avez parlé, au début de votre visite, de la crise des réfugiés syriens au Liban. Certains demandent qu’ils retournent dans des zones sûres dans leur pays. Soutenez-vous cette demande ?

C’est un grand tort de la communauté internationale, notamment à travers les Nations unies, d’avoir financé la crise au lieu de la résoudre ; la place des réfugiés syriens au Liban est évidemment un immense enjeu pour le peuple libanais aujourd’hui, à cause de la manière dont cette population très nombreuse pèse sur les ressources pourtant limitées du pays en électricité, en alimentation… Tout cela ne peut que nourrir des tensions très graves. Mais c’est surtout un immense problème pour demain. Parce que l’architecture si fragile, si singulière, si riche de la société libanaise, cet équilibre de confessions et de communautés qui fait la diversité du Liban, sera déstabilisée de manière irrémédiable par le maintien sur son sol d’un tel nombre de réfugiés syriens. Je crois qu’il faut que nos Etats le mesurent enfin avec lucidité : aucun pays au monde n’accueille une proportion aussi importante de réfugiés sur son propre sol. La communauté internationale, en maintenant des financements qui incitent ces réfugiés à rester au Liban, bloque aujourd’hui une situation qui déstabilisera tout le pays demain.

Lors de votre rencontre avec le patriarche maronite, vous avez parlé de l’importance de la présence chrétienne. Craignez-vous pour le sort des chrétiens dans ce pays et au Moyen-Orient ?

Je crains pour la diversité libanaise. Je crains pour cet équilibre magnifique qui est consubstantiel à l’identité du Liban. Si les chrétiens, demain, sont empêchés de rester au Liban et se retrouvent contraints de se tourner vers l’émigration pour pouvoir survivre et donner une chance à leurs enfants, l’Europe sera fortement responsable de cet échec. Le Liban perdrait ce qui fait la clé de son modèle millénaire : il perdrait une part de son âme, de sa culture, de son essence – mais aussi, très concrètement, toute une population dont le rôle est majeur pour la vie du pays et de toutes ses communautés. J’ai eu la chance de visiter un hôpital tenu par une congrégation à Beyrouth, qui a été directement touché par l’explosion ; j’ai visité plusieurs écoles chrétiennes… Ces hôpitaux, ces écoles, accueillent tous les Libanais, chrétiens, druzes, musulmans chiites ou sunnites. J’ai visité la Cuisine de Marie, fondée par un prêtre, qui distribue plus de mille repas gratuits par jour, à tous ceux qui en ont besoin, sans leur demander leur identité, leur confession, leur origine. Je crois que tous les Libanais, quelle que soit leur communauté, sont conscients que si les chrétiens quittent le Liban, ce dernier y perdra ce qui fait son équilibre, la richesse de son tissu social, et une part importante de ce qui le fait vivre aujourd’hui.

En septembre 2020, un mois après l’attentat du port de Beyrouth, vous avez appelé à la nécessité de « libérer le Liban des milices, sanctionner la corruption qui brade sa souveraineté, et soutenir la neutralité qui lui rendra la paix ». Pensez-vous toujours que ces trois points soient la priorité pour la stabilité du pays ?

Je n’ai pas changé d’avis, et je crois qu’il est vraiment fondamental de rendre aux Libanais leur souveraineté, de leur rendre la maîtrise de leur destin, de faire en sorte qu’ils ne soient plus les jouets de puissances étrangères qui voudraient leur imposer un avenir écrit pour eux. Il est temps que les Libanais soient enfin respectés par leurs propres institutions, par leurs voisins, par les autres pays du monde. Les Libanais veulent retrouver les moyens de survivre, ils veulent retrouver la possibilité d’accéder à leurs propres économies, ils veulent retrouver la liberté de travailler et la possibilité de vivre dignement du produit de leur travail, ils veulent retrouver une monnaie stable, ils veulent retrouver des institutions fonctionnelles. Mais au cœur de cette crise économique et sociale majeure, il y a aussi, je crois, une crise démocratique, une crise politique, qui est aussi une crise morale et spirituelle. Il faut rendre aux Libanais leur fierté, le respect qui leur est dû.

Certains Libanais ont perdu l’espoir de résoudre tous ces problèmes. Gardez-vous espoir ?

L’optimisme vient quand on a des bonnes raisons de penser que tout ira bien. C’est quand on n’a pas de raison d’être optimiste qu’il faut montrer de l’espérance. Ce n’est pas quand on est en bonne santé et quand on est riche qu’on a besoin d’espérance, c’est quand on est au contraire confronté à d’immenses épreuves ; et de ce point de vue-là, le Liban est aujourd’hui le pays de l’espérance… Il y a peu de raisons d’être optimiste aujourd’hui, en effet, mais je serais prêt à faire malgré tout le pari de l’espérance avec le peuple libanais, qui, lui, d’ailleurs, montre ce courage incroyable.

Si j’ai une raison d’espérer, je la trouve en particulier dans l’éducation. Je suis professeur de philosophie de métier ; c’était important pour moi de passer du temps dans les écoles, au contact du monde éducatif. Au Liban, je suis allé visiter des écoles dans des endroits très différents : à Beyrouth, une école très connue et très ancienne de la ville, mais aussi une autre à Tripoli, à Bab el-Tebbaneh, dans un quartier très pauvre qui a été marqué jusqu’à une période très récente par un affrontement armé entre communautés sunnite et alaouite. J’ai été vraiment impressionné par la joie, la vitalité, l’intelligence de la jeunesse libanaise, par l’élan magnifique qui se prépare dans ces écoles. J’ai été très marqué par ce que j’ai pu percevoir de la qualité de l’enseignement, et notamment celui de la langue française qui nous est commune. Nous sommes à la veille de Noël, cette fête qui nous rappelle que c’est au milieu de la nuit la plus noire que peut survenir la bonne nouvelle… C’est sans doute le bon moment pour se dire que oui, le Liban a des raisons d’espérer.

Qu’allez-vous dire au Parlement européen à propos de cette visite ?

Fort des échanges que j’ai pu avoir ici, je rappellerai l’urgence de changer complètement d’approche dans la crise des réfugiés syriens, pour que l’on cesse d’inciter les gens à vivre indéfiniment du statut de réfugié, car ce serait enkyster dangereusement le problème. L’urgence d’aider les Libanais à retrouver l’accès à leurs propres économies – et il y a des moyens juridiques pour le faire. C’est quand même le seul pays au monde où les gens sont tentés d’aller voler leur propre argent à la banque ! La justice de nos pays doit pouvoir y contribuer. La décision récente de la justice américaine est à ce titre importante.

Je crois qu’il y a aussi beaucoup à faire pour aider le secteur privé à se relever, en l’aidant à accéder à des financements. Aujourd’hui le secteur bancaire libanais est détruit, et il est difficile pour des entrepreneurs de financer leurs projets, alors que le Liban a des atouts économiques considérables. Et avant même que les institutions ne soient réformées, et que le pays n’avance sur le plan politique, il est déjà possible d’aider le secteur privé à se reconstruire – ce qui permettra aussi de recréer de l’activité et de l’emploi pour les jeunes, de leur permettre de rester, de faire venir des devises, et par là de donner de l’oxygène à la société libanaise. Pour cela, il faut faciliter l’accès au crédit ; on peut certainement travailler là-dessus sur le plan juridique et technique. Le Liban est confronté à tant de problèmes : la meilleure manière de les aborder est peut-être de traiter chacun de ces problèmes les uns après les autres, d’apporter des solutions concrètes, plutôt que d’attendre une solution globale éternellement, laquelle est évidemment nécessaire mais n’est pas dans nos cordes aujourd’hui.

La dernière chose que je dirai, en revenant en Europe, c’est que nous avons le devoir de nous tenir aux côtés du peuple libanais, pour l’aider de toutes nos forces, mais aussi pour nous laisser aider par lui. Je suis vraiment venu écouter – je ne veux pas ajouter mon nom à la liste déjà longue des hommes politiques venus d’Europe pour donner des leçons aux Libanais. Il nous faut d’abord écouter les leçons de courage, d’énergie, de lucidité que les Libanais nous donnent, parce que tous les problèmes qu’ils affrontent aujourd’hui sont aussi en germe dans nos pays européens. Nous ne sommes en rien supérieurs au Liban : au regard de la succession de mensonges que les Libanais ont subi sur les questions migratoires, économiques, budgétaires, monétaires, nous ne pouvons que constater que nous ne sommes pas davantage immunisés contre ces illusions dangereuses. Nous devons d’abord écouter les Libanais nous parler de la nécessité de faire face à ces défis, avant qu’il ne soit trop tard.

Allez-vous revenir au Liban ?

Bien sûr ! Aucun résultat ne s’obtient en un seul jour. C’est dans la durée que nous devons travailler ensemble.

Message à la veille de l’élection du président des Républicains

Nous voilà arrivés à la veille de cette élection pour la présidence des Républicains. Ces semaines de campagne auront été intenses : au milieu d’une activité parlementaire toujours soutenue à Strasbourg et à Bruxelles, nous avons parcouru la France, pour rencontrer les électeurs de droite, ceux qui croient encore à ce parti et ceux, nombreux, qui n’y croient plus. Partout, je vous ai entendu partager les mêmes déceptions, les mêmes doutes. Comment ne pas vous comprendre ? Et pourtant, nous avons encore des raisons d’y croire.

La raison d’être de notre parti, c’est de réunir tous les Français de droite, ceux qui croient à la transmission, à la liberté, à l’autorité de l’Etat, à la dignité de la personne. Ils n’ont jamais été aussi nombreux à partager nos convictions, nos aspirations, nos inquiétudes ; ils n’ont jamais été aussi peu nombreux à voter pour le parti qui devrait les représenter. Ce discrédit profond est au cœur de la crise démocratique que traverse notre pays. Nous n’en sortirons pas sans que ce parti ne se remette en question, et ne soit enfin solidement refondé. Pour cela il faudra d’abord revenir aux idées, et retrouver l’essentiel – l’exigence dans la vision, la clarté dans les convictions, la fidélité dans les combats. Il faudra reconstruire un parti travailleur, inventif, méthodique, uni. Et pour commencer, il faudra vous redonner la parole, parce que tout cela n’existe que pour relayer votre voix ; et parce que, pour le dire simplement, vous aurez toujours le courage et la lucidité qui ont souvent fait défaut à ceux qui parlent en votre nom.

C’est ce renouvellement profond que propose Bruno Retailleau – non pas depuis quelques mois, mais depuis des années. En faisant campagne avec lui, avec Julien, Othman, Laurence, Antoine, Pierre, et tant d’autres, j’ai pu mesurer chaque jour encore plus la force de conviction qui l’anime, la liberté et la ténacité avec lesquelles il s’est engagé dans cette bataille. Et sa certitude profonde que ce qui compte d’abord, ce n’est pas de maintenir notre parti, mais de relever notre pays, qui a tant besoin d’une alternative politique crédible, cohérente, enthousiasmante, pour rompre enfin avec la spirale du déclin.

Les statistiques, écrivait Vaclav Havel dans son premier discours présidentiel, sont souvent utiles pour mesurer la gravité d’une crise. Mais, ajoutait-il, nos résultats inquiétants ne sont pas le plus grave : « Le principal, c’est que nous traversons une crise intérieure, car nous nous sommes habitués à dire une chose tout en pensant autrement. » Avec Bruno et toute son équipe, mais aussi avec vous tous, quel qu’ait été votre choix au premier tour, nous avons devant nous la tâche immense de redonner tout son sens à la parole et à l’action de notre parti, pour réunir demain une majorité de Français et reconstruire notre pays. « Il est permis d’espérer », écrivait encore Havel. C’est pour ce renouvellement et cette espérance que je voterai pour Bruno Retailleau demain.

François-Xavier Bellamy