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Grand débat avec Alain Finkielkraut

Débat avec Alain Finkielkraut pour Le Figaro Magazine. Propos recueillis par Alexandre Devecchio et Pierre-Alexis Michau

Vous partagez le même diagnostic concernant la crise de l’école et plus largement concernant la faillite de la transmission. Tous deux, vous tentez de réhabiliter la notion d’héritage en opposition notamment aux thèses de Pierre Bourdieu…

Alain Finkielkraut – Le livre de Bourdieu et Passeron Les Héritiers, publié en 1964, a eu un retentissement énorme, et une influence qui se fait encore sentir sur l’institution scolaire, à travers les réformes qui y sont menées sans trêve depuis bientôt cinquante ans. Le titre lui-même a porté un coup terrible aux idéaux républicains. La République avait imaginé de répondre à la cooptation bourgeoise par la sélection des meilleurs, fondée sur l’égalité des chances. Or, Bourdieu est venu dire que cette égalité des chances est en vérité un leurre, le faux-nez de la hiérarchie sociale. Il affirme, statistiques à l’appui, que cette opposition entre mérite et héritage est mensongère et qu’elle permet aux dominants de légitimer leur domination par le biais des inégalités scolaires. Selon lui, ce sont les mieux lotis, les bien-nés qui réussissent à l’école ; et ceux qui viennent des milieux les plus défavorisés sont conduits à penser qu’ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes de leur destin social, car ils n’obtiennent pas de bonnes notes.

Le mot de « sélection » est dès lors devenu absolument interdit :

Bourdieu, avec cette réflexion, a traumatisé l’institution scolaire. Celle-ci, pour répondre à sa critique, a voulu bannir le processus de sélection, au moins dans l’enseignement secondaire. Le mot de « sélection » est dès lors devenu absolument interdit. Mais comme on a abandonné toute sélection, on a fini par accueillir des élèves plus faibles dans des classes plus avancées, et on a donc dû réviser les exigences à la baisse afin de s’adapter à ces jeunes. Cela explique l’effondrement de l’École que l’on connaît depuis des années. Et parce qu’on a appliqué les thèses de Bourdieu, ce sont justement les élèves des milieux les plus aisés qui parviennent à s’en sortir, car ils ont les moyens de pallier la chute du niveau scolaire qu’il a provoquée, en allant dans le privé, dans des lycées d’excellence, ou en bénéficiant du soutien scolaire. Ce livre a donc déclenché une véritable catastrophe, et mis en place le processus même qu’il prétendait critiquer. Bourdieu semblait penser que les héritiers, les enfants de la bourgeoisie, n’avaient besoin de fournir aucun effort, qu’ils trouvaient leur diplôme dans le berceau, ce qui est complètement absurde. Quelle que soit notre famille, si on veut entrer à l’ENS ou à Polytechnique, il faut travailler jour et nuit.

Il ne s’agit donc plus, aujourd’hui, d’apprendre et de transmettre, mais de mettre en examen et de déconstruire :

Après Les Héritiers, les choses ont encore empiré, car on en est venu à remettre en question l’héritage lui-même. Au départ, on a dénoncé le monopole de la bourgeoisie sur le capital culturel mais, par la suite, on a questionné la valeur même de ce capital. Bourdieu et Passeron parlaient encore de la « bonne volonté culturelle » de la petite bourgeoisie. Par la suite, dans La Reproduction, Bourdieu désignait la culture générale sous le nom « d’arbitraire culturel ». Ainsi, le contenu de la culture transmise par la bourgeoisie n’a plus de valeur particulière, ce n’est qu’une culture parmi d’autres, qui s’impose parce qu’elle est dominante. Et puis ce mouvement s’est encore radicalisé avec le phénomène woke, et la mise en cause des DWEMS (les Dead White European Males), ces représentants d’une culture non seulement dominante, mais sexiste et raciste. Il ne s’agit donc plus, aujourd’hui, d’apprendre et de transmettre, mais de mettre en examen et de déconstruire. Le malheur de notre temps est précisément cette grande répudiation de l’héritage, par un présent arrogant, qui pense avoir trouvé la solution du problème humain dans la chasse à toutes les formes de discrimination.

François-Xavier Bellamy – Je partage absolument le diagnostic que vient de poser Alain Finkielkraut. En réalité, Pierre Bourdieu a produit l’école qu’il dénonçait : en disqualifiant l’héritage, il a fait des déshérités. Je l’ai vécu comme professeur dans le secondaire pendant une dizaine d’années : aujourd’hui, selon que l’on vient d’une famille favorisée ou d’une famille aux marges du « capital culturel », les chances de s’en sortir ne sont pas du tout les mêmes.

« Lorsqu’on est victime de l’injustice scolaire, on n’a même pas les mots pour dire, ni pour penser, la privation que l’on a vécue. »

Nous avons le système scolaire le plus inégalitaire de tous les pays de l’OCDE. Ce simple fait devrait tous nous empêcher de dormir, car c’est la plus grave des injustices. Lorsqu’on est victime d’une injustice économique, on peut s’en plaindre et demander réparation ; lorsqu’on est victime d’une injustice politique, on peut la contester publiquement ; mais lorsqu’on est victime de l’injustice scolaire, on n’a même pas les mots pour dire, et pour penser, la privation que l’on a vécue. Tant de jeunes Français sont aujourd’hui condamnés à cette relégation, qui détruit de l’intérieur le principe même de la vie civique.

 

 

Pourquoi avoir choisi de faire de la politique plutôt que de continuer à enseigner la philosophie ?

François-Xavier Bellamy – Je n’avais pas prévu de faire de la politique. Mais la vie m’a donné des occasions imprévues de m’engager, et j’ai accepté cette mission ; quand on s’inquiète d’un monde qui semble en train de se défaire, comment renoncer à une chance d’agir pour reconstruire ? En entrant dans le champ politique, j’espère prolonger mon travail de professeur d’une autre manière.

L’enseignement reste néanmoins essentiel ; et je voudrais dire toute ma reconnaissance envers mes collègues qui continuent d’enseigner, malgré le moment de délire dans lequel est plongée l’Éducation nationale, à force de déni de réalité. Le ministre Pap Ndiaye est actuellement en train de présenter son « pacte » aux enseignants, qui consiste à leur demander un travail supplémentaire incompréhensible, révélateur de l’artifice complet qu’est devenu le monde éducatif, où l’on parle de tout sauf d’enseigner. Ce « pacte » atteint un sommet de fiction tragique, ou comique, comme on voudra : il est désormais question de distribuer des « demi-pactes », ou des « pactes et demi », en fonction des choix que feront les professeurs. Tout cela n’a plus aucun sens ; et beaucoup de mes collègues sont piégés dans un douloureux sentiment d’absurde. La faillite de l’école est, à bien des égards, comparable à d’autres effondrements que nous connaissons aujourd’hui, par exemple celui de l’hôpital public. La seule différence, c’est qu’à l’école, on ne voit pas des gens mourir sur des brancards ; il est donc plus facile d’oublier la gravité de la crise qu’elle traverse. La question éducative semble toujours au dernier plan de nos préoccupations collectives. C’est dramatique, car c’est notre avenir qui se joue là.

Vous êtes tous les deux des Européens attachés à l’identité nationale. Mais l’UE est-elle aujourd’hui compatible avec la nation ?

François-Xavier Bellamy – Il ne s’agit pas de savoir s’il faudrait plus d’Europe ou plus de nation. Une union authentiquement européenne commencerait par reconnaître la singularité de son propre modèle de civilisation. L’Europe n’est pas une construction, un projet, une structure administrative ou institutionnelle, c’est une civilisation qui a commencé il y a plus de vingt-cinq siècles. Ainsi, nous sommes liés ensemble, pas seulement par une proximité géographique ou par des intérêts communs, mais d’abord par des principes que nous héritons de cette histoire millénaire. Et c’est cela qui pourrait donner son sens à l’union européenne. Mais parce qu’elle se refuse à penser cette histoire, l’Union européenne se tourne contre ses propres racines. La Commission, il y a un an, voulait interdire à ses fonctionnaires de souhaiter « joyeux Noël », pour être inclusive ; et en même temps, également au nom de l’inclusion, elle finançait une campagne de publicité affirmant que « La liberté est dans le hijab »… Cette commission mérite bien peu d’être appelée européenne.

« L’Europe n’est pas une construction, un projet, une structure administrative ou institutionnelle, c’est une civilisation qui a commencé il y a plus de vingt-cinq siècles. »

L’Europe ne peut être un grand tout uniformisateur ; nous ne serons jamais la Chine ou les États-Unis, qui sont chacun liés, par exemple, par une langue commune. Nos pays européens ont une civilisation en commun, mais chacun une culture propre. Ces singularités sont l’indice de la fécondité de notre civilisation, qui a partie liée avec la pluralité. Face à une mondialisation qui se réorganise, à des défis technologiques inédits, à la rivalité d’empires immenses en devenir, l’Europe doit être à la hauteur de sa mission historique. Fondée sur le triple héritage d’Athènes, de Rome et de Jérusalem, elle a quelque chose à dire au monde sur la raison et la liberté, sur le sens du bien commun, et sur la dignité infinie de la personne humaine.

 

 

Alain Finkielkraut – L’Union européenne s’est conçue, dès l’origine, non comme une civilisation, mais précisément comme une construction, ce qui pose des problèmes. Elle a voulu faire table rase du passé européen, du passé de guerre, de conflits nationaux exacerbés… Elle s’est donc voulue, d’entrée de jeu, post-nationale. Les bâtisseurs de l’Europe se sont pensés non comme des héritiers, mais exclusivement comme des innovateurs. Le modèle absolu de ce comportement était la culpabilité allemande. Les plus européistes des Européens sont des philosophes et sociologues allemands, tels que Jürgen Habermas qui entend substituer au patriotisme substantiel un patriotisme constitutionnel, c’est-à-dire l’amour exclusif des normes, des lois et des valeurs. On retrouve là encore le thème de la répudiation de l’héritage. Nous avons été jusqu’à envisager la candidature de la Turquie dans l’Union européenne. Pour croire que la Turquie fait partie de l’Europe, il faut que l’Europe elle-même ne fasse plus partie de l’Europe.

La convention citoyenne sur la fin de vie va rendre ses conclusions fin mars, et va sans doute ouvrir la porte à ce que certains appellent le droit de mourir dans la dignité, et d’autres, l’euthanasie. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Alain Finkielkraut – Je n’aime pas l’idée de « mourir dans la dignité ». Ceux qui choisissent de vivre jusqu’au bout, ne sont pas pour autant indignes. Mais je n’aime pas non plus qu’on adopte une position de principe au nom du serment d’Hippocrate ou du « Tu ne tueras point ». On peut prendre l’exemple d’une personne qui est au bout du bout de l’Alzheimer, de la démence sénile. Elle ne communique plus, ne parle presque plus, son visage est inexpressif, et un jour, en murmurant, elle demande à un proche de l’aider à partir. Que faire face à une demande pareille ? Pour moi, la morale n’est pas le souci de la morale, mais le souci d’autrui. Il ne faut pas se réfugier dans le cinquième commandement, mais prendre ce cas pour ce qu’il est, aider cette personne en lui accordant une mort miséricordieuse. La médecine peut tout réparer aujourd’hui, le corps est devenu un appareil, sauf le cerveau. Par conséquent, comme l’a écrit la neurologue Anne-Laure Boch, la médecine fabrique des handicapés, des nonagénaires vivants mais déments. Je crois qu’il faut se mettre à l’écoute de leurs demandes, c’est la conception que je me fais de la morale.

François-Xavier BellamyLa question de l’euthanasie ne peut appeler simplement des réponses de principe, qui feraient l’économie de la grande difficulté des situations vécues. L’essentiel me semble être de se demander, comme l’a fait Alain Finkielkraut, ce que nous devons répondre lorsque s’exprime auprès de nous, personnellement ou comme société, la demande de la mort. Il y a bien sûr ces fins de vie extrêmement difficiles – mais l’appel de la mort ne se limite pas à ces situations : en Belgique, l’euthanasie est possible pour les souffrances physiques comme psychologiques ; pourquoi la douleur de jeunes atteints de dépression ne serait-elle pas prise au sérieux ? Mais en réalité, quand quelqu’un demande à mourir, il y a deux manières de réagir : la première consiste à l’aider à partir. La deuxième consiste à se demander où nous avons échoué pour qu’elle en arrive là… Si un ami me demande de l’aider à en finir, je crois que mon devoir n’est pas de le tuer, mais de tout faire pour qu’il retrouve la vie. Quand la médecine accompagne vraiment ceux qui souffrent, la demande de la mort disparaît, parce que le vivant, par nature, ne veut pas mourir. Pour qu’il en arrive à vouloir mourir, il faut un immense échec de la société, qui a manqué d’entourer et de soigner comme il le faudrait.

« Quand la médecine accompagne vraiment ceux qui souffrent, la demande de la mort disparaît, parce que le vivant, par nature, ne veut pas mourir. »

C’est trop souvent le cas aujourd’hui, dans notre système de soins tellement fragilisé. Vingt-six départements en France n’ont aucun service de soins palliatifs ; si on apprenait qu’il y avait un seul département en France sans commissariat de police, il serait construit dans la semaine ! Comment accepte-t-on qu’il y ait autant de lieux où l’on meurt mal en France ? Ce n’est pas les mourants qu’on abandonne qui perdent leur dignité, mais la société qui préfère encore leur offrir de mourir au lieu de se donner les moyens d’accompagner, d’entourer, de soulager la vie, jusqu’au bout.

En Arménie, à l’entrée du Corridor de Latchine bloqué par l’Azerbaïdjan

Parce que nous n’avons pas le droit de laisser le peuple arménien seul face à une nouvelle menace d’épuration ethnique ; et parce que, en réalité, c’est aussi la sécurité de nos pays qui se joue ici.

Déplacement au Liban et Noël en Irak

Long déplacement, si nécessaire pour mieux comprendre la situation de ces pays du Moyen-Orient. Nous sommes attachés à eux, non seulement par l’histoire, mais aussi par l’avenir : le destin de notre continent sera toujours relié à ce qu’ils deviendront.

Rendre aux Libanais la maîtrise de leur destin : entretien à Nida’ al Watan

Entretien initialement paru en arabe dans le quotidien libanais Nida’ al Watan, propos recueillis par Aline Boustani. Photo : devant le port de Beyrouth, le 22 décembre 2022.

 

Aline Boustani : Monsieur Bellamy, il s’agit de votre première visite au Liban, mais vous vous y êtes déjà beaucoup intéressé ; comment avez-vous trouvé le pays ?

François-Xavier Bellamy : Il s’agit en effet de ma première visite, mais ce n’est bien sûr pas la première fois que je m’intéresse à ce que vit le Liban. Comme beaucoup de Français, je suis avec une attention toute particulière l’actualité du pays. Nous avons tous le Liban au cœur ; et pour ma part, je repars surtout avec le cœur serré de voir ce peuple si profondément inquiet pour son avenir.

Quel message souhaitez-vous porter aux responsables et au peuple Libanais, à l’issue de votre déplacement ?

Je ne voudrais pas faire comme si je connaissais tout du Liban – ce pays a connu trop de responsables politiques venus d’ailleurs, et notamment de France, qui prétendaient lui dire ce qu’il devait faire, et tout savoir sur son avenir… Je suis d’abord venu pour écouter et pour comprendre.

Qu’avez-vous entendu ?

Le peuple libanais demande la justice et la responsabilité. Il est aujourd’hui pris en otage par des dirigeants irresponsables, qui refusent de faire fonctionner normalement les institutions du pays, qui refusent que le Parlement joue son rôle… Comment qualifier des parlementaires qui quittent l’hémicycle pour ne pas avoir à voter, au moment où ils doivent élire le président de la République ? Comment admettre que, dans un tel moment de crise, le Liban ne puisse pas compter sur un président pour discuter avec le monde, et sur un gouvernement exécutif capable d’agir ? Ceux qui bloquent l’élection présidentielle se rendent coupables de l’enlisement terrible que les Libanais subissent tous ; ces élus agissent pour servir des intérêts qui ne sont pas ceux du Liban.

L’autre institution qui doit aujourd’hui fonctionner absolument – et l’Europe doit l’exiger, et en faire immédiatement une condition de son soutien au Liban, c’est la justice. L’Union européenne parle beaucoup d’état de droit : le premier élément de l’état de droit, c’est une justice qui permette d’identifier et de condamner les responsables quand une faute ou un crime a été commis.

L’explosion du port de Beyrouth, c’est un crime sans précédent envers le peuple libanais, envers ces 230 victimes, ces milliers de blessés, ces dizaines de milliers de familles touchées. Comment est-il possible que ce crime ait tant de victimes, mais qu’il n’ait aucun coupable ? L’effondrement du système financier est lui aussi un crime : il a fait et continue de faire des morts. Et il laisse aujourd’hui dans l’impasse des millions de Libanais qui ont travaillé dur pendant longtemps, et qui se sont fait voler le travail de toute leur vie. Comment un tel crime peut-il ne pas avoir de coupable ? La première des mesures à prendre pour que le Liban retrouve confiance en son avenir, c’est la fin de cette irresponsabilité générale.

L’enquête est bloquée, et une enquête internationale est demandée. Est-ce que vous soutenez cette demande ?

Il est normal qu’on ait souhaité faire confiance à la justice libanaise dans un premier temps. Je ne suis favorable à aucune espèce d’ingérence : le Liban a une Constitution démocratique – c’est un miracle dans cette région – et il aurait été évidemment préférable que ses institutions fonctionnent normalement.

Mais puisqu’aujourd’hui, manifestement, rien n’avance, qu’aucun responsable n’a été identifié, et que dans un pays dont la justice est défaillante ou bloquée les phénomènes de corruption les plus complets peuvent se développer, c’est toute la communauté internationale qui doit prendre sa responsabilité. Nos pays sont aussi concernés par cette explosion, dans un port international toujours en activité. Je crois qu’il est aujourd’hui nécessaire que soit au moins conduite une mission internationale pour établir les faits. De ce point de vue-là, encore une fois, l’Europe a le devoir de réagir. Nous parlons souvent de défendre l’état de droit : quand des dirigeants – et nous les connaissons – ne se rendent pas aux convocations d’un juge, ils font entrave à la justice. Il est temps que l’Union européenne prenne des sanctions explicites contre ces gens qui détruisent de l’intérieur la Constitution démocratique du Liban et le fonctionnement de ses institutions. Il se n’agit pas de faire ingérence dans le système libanais ; les Libanais souffrent justement de l’ingérence d’une milice armée, financée et pilotée par une puissance étrangère, qui prétend remplacer leur État. Nous n’avons pas à ajouter une ingérence de plus, mais au contraire à agir concrètement pour aider le Liban à s’en libérer.

Quelles sont les pistes pour aider le Liban à résoudre ses problèmes ?

Il faut d’abord prendre des sanctions ciblées à l’encontre de ceux qui bloquent ces enquêtes, qui menacent les juges, ou qui tentent de les contourner. Des sanctions efficaces permettraient de libérer le Liban d’un système parallèle qui l’asphyxie.

Début décembre, l’Association des déposants au Liban et le groupe Accountability Now ont soumis une pétition au Conseil de l’Union européenne, exigeant l’imposition de sanctions aux politiciens libanais. Quel regard portez-vous sur ce message ?

J’ai eu l’occasion de prendre connaissance de cette pétition et j’échangerai bientôt avec les représentants d’Accountability Now. Je partage totalement leur sentiment : il faut des sanctions claires, explicites et fortes contre les politiciens libanais qui minent de l’intérieur leur démocratie. Bien sûr, l’état de droit, c’est aussi le fait que les parlementaires ne sont pas juges : je ne vais pas faire une liste de noms moi-même ; mais nous pouvons au moins nous donner un cadre : tous ceux qui ne se présentent pas à une convocation de justice – et tous les Libanais connaissent leurs noms – doivent être ciblés par des sanctions, de même que ceux qui empêchent aujourd’hui l’élection d’un président de la République en quittant la Chambre quand il faudrait voter, ou en empêchant le Parlement de fonctionner, alors même qu’on en est le président – je pense que c’est assez clair…

En parlant de l’élection présidentielle, est-ce qu’il y a un candidat en particulier que la France soutient ?

Le rôle de la France n’est pas de dicter au peuple libanais le nom de son prochain président, mais de l’aider à faire en sorte que la démocratie libanaise puisse réellement fonctionner. Cela suppose de ne pas se cantonner à une prétendue neutralité, qui revient en fait à confondre le problème et la solution. Comme vous le savez, je ne suis pas dans la majorité du président de la République [française] ; je ne suis pas venu ici faire de la politique intérieure française, mais il est vrai que j’ai parfois du mal à comprendre que notre président n’ait pas une vision claire à partager avec les Libanais pour leur avenir, non pas au sens où il faudrait que la France impose des candidats – encore une fois, ce n’est pas son rôle –, mais au sens où la France devrait avoir une véritable stratégie politique dans son lien avec le Liban. Nous ne pouvons pas venir uniquement pour faire de la communication, et dire que nous « parlons avec tout le monde » – ce qui signifie parler avec les coupables autant qu’avec les victimes, et mettre sur le même plan ceux qui bloquent, et ceux qui voudraient avancer… La réalité, c’est que toutes les puissances régionales, et certaines puissances mondiales, ne se privent pas d’avoir une vision politique très affirmée quant à l’avenir du Liban, quand la France et l’Europe sont peut-être les acteurs qui s’interdisent le plus d’avoir une stratégie forte pour que la démocratie reste vivante dans ce pays.

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La semaine dernière, le sud du Liban a été témoin d’un douloureux incident, qui a entraîné la mort d’un soldat irlandais. Êtes-vous préoccupé par la sécurité des personnels de la FINUL au Liban ?

Il est impossible aujourd’hui de faire une déclaration certaine sur l’origine de ce crime. J’espère que la FINUL avancera rapidement dans son investigation, pour établir les responsabilités. Ce qui est sûr, c’est que nous entendons de plus en plus un discours hostile à la FINUL, notamment de la part du Hezbollah. Ce discours-là ne peut que conduire à des tensions de plus en plus fortes. Cette situation montre le danger majeur que représente pour le Liban le fait d’avoir non pas un État, mais des États dans l’État – et en l’occurrence de ne pas avoir une armée, mais une armée et une milice parallèle, qui prétend faire la loi et contrôler le pays.

Allez-vous exiger de modifier les prérogatives de la FINUL, ou de raccourcir son mandat après cet incident ?

Non, il ne faudrait surtout pas céder à ceux qui voudraient écourter cette mission, et qui sont prêts à l’imposer par la violence. Ce serait donner raison aux criminels que de tirer un telle conclusion de cette attaque.

La France, l’Europe et beaucoup de pays ont toujours exprimé leur volonté d’aider le Liban à sortir de sa crise actuelle, à condition qu’il commence des réformes. Mais à la lumière de sa crise économique, est-il encore en mesure de mettre en œuvre des réformes ?

Non seulement la crise économique n’empêche pas de faire des réformes, mais elle l’impose. C’est plutôt la crise politique qui rend les réformes difficiles. Et cette crise politique, elle n’a pas d’autre responsable que les responsables politiques eux-mêmes. C’est à eux de sortir de cette impasse. Les réformes sont indispensables. L’Union européenne n’a pas à dicter au peuple libanais ce qu’il doit faire ; mais puisque la communauté internationale apporte une aide importante, la moindre des choses est d’avoir autour de la table des responsables politiques dignes de ce nom, et de pouvoir échanger avec des interlocuteurs capables de rendre au Liban sa crédibilité, et la confiance de ses partenaires internationaux. L’aide internationale ne peut pas servir continuellement de palliatif à une classe politique qui ne veut pas faire de réformes, et qui se repose à bon compte sur le fait que la crise sera toujours atténuée par l’argent qui vient de l’étranger – de la diaspora, ou de l’UE et des ONG… Ce serait évidemment une folie, et ce serait trahir le peuple libanais, que d’offrir à l’État un répit qui lui évite d’avoir à affronter sa responsabilité.

Vous avez parlé, au début de votre visite, de la crise des réfugiés syriens au Liban. Certains demandent qu’ils retournent dans des zones sûres dans leur pays. Soutenez-vous cette demande ?

C’est un grand tort de la communauté internationale, notamment à travers les Nations unies, d’avoir financé la crise au lieu de la résoudre ; la place des réfugiés syriens au Liban est évidemment un immense enjeu pour le peuple libanais aujourd’hui, à cause de la manière dont cette population très nombreuse pèse sur les ressources pourtant limitées du pays en électricité, en alimentation… Tout cela ne peut que nourrir des tensions très graves. Mais c’est surtout un immense problème pour demain. Parce que l’architecture si fragile, si singulière, si riche de la société libanaise, cet équilibre de confessions et de communautés qui fait la diversité du Liban, sera déstabilisée de manière irrémédiable par le maintien sur son sol d’un tel nombre de réfugiés syriens. Je crois qu’il faut que nos Etats le mesurent enfin avec lucidité : aucun pays au monde n’accueille une proportion aussi importante de réfugiés sur son propre sol. La communauté internationale, en maintenant des financements qui incitent ces réfugiés à rester au Liban, bloque aujourd’hui une situation qui déstabilisera tout le pays demain.

Lors de votre rencontre avec le patriarche maronite, vous avez parlé de l’importance de la présence chrétienne. Craignez-vous pour le sort des chrétiens dans ce pays et au Moyen-Orient ?

Je crains pour la diversité libanaise. Je crains pour cet équilibre magnifique qui est consubstantiel à l’identité du Liban. Si les chrétiens, demain, sont empêchés de rester au Liban et se retrouvent contraints de se tourner vers l’émigration pour pouvoir survivre et donner une chance à leurs enfants, l’Europe sera fortement responsable de cet échec. Le Liban perdrait ce qui fait la clé de son modèle millénaire : il perdrait une part de son âme, de sa culture, de son essence – mais aussi, très concrètement, toute une population dont le rôle est majeur pour la vie du pays et de toutes ses communautés. J’ai eu la chance de visiter un hôpital tenu par une congrégation à Beyrouth, qui a été directement touché par l’explosion ; j’ai visité plusieurs écoles chrétiennes… Ces hôpitaux, ces écoles, accueillent tous les Libanais, chrétiens, druzes, musulmans chiites ou sunnites. J’ai visité la Cuisine de Marie, fondée par un prêtre, qui distribue plus de mille repas gratuits par jour, à tous ceux qui en ont besoin, sans leur demander leur identité, leur confession, leur origine. Je crois que tous les Libanais, quelle que soit leur communauté, sont conscients que si les chrétiens quittent le Liban, ce dernier y perdra ce qui fait son équilibre, la richesse de son tissu social, et une part importante de ce qui le fait vivre aujourd’hui.

En septembre 2020, un mois après l’attentat du port de Beyrouth, vous avez appelé à la nécessité de « libérer le Liban des milices, sanctionner la corruption qui brade sa souveraineté, et soutenir la neutralité qui lui rendra la paix ». Pensez-vous toujours que ces trois points soient la priorité pour la stabilité du pays ?

Je n’ai pas changé d’avis, et je crois qu’il est vraiment fondamental de rendre aux Libanais leur souveraineté, de leur rendre la maîtrise de leur destin, de faire en sorte qu’ils ne soient plus les jouets de puissances étrangères qui voudraient leur imposer un avenir écrit pour eux. Il est temps que les Libanais soient enfin respectés par leurs propres institutions, par leurs voisins, par les autres pays du monde. Les Libanais veulent retrouver les moyens de survivre, ils veulent retrouver la possibilité d’accéder à leurs propres économies, ils veulent retrouver la liberté de travailler et la possibilité de vivre dignement du produit de leur travail, ils veulent retrouver une monnaie stable, ils veulent retrouver des institutions fonctionnelles. Mais au cœur de cette crise économique et sociale majeure, il y a aussi, je crois, une crise démocratique, une crise politique, qui est aussi une crise morale et spirituelle. Il faut rendre aux Libanais leur fierté, le respect qui leur est dû.

Certains Libanais ont perdu l’espoir de résoudre tous ces problèmes. Gardez-vous espoir ?

L’optimisme vient quand on a des bonnes raisons de penser que tout ira bien. C’est quand on n’a pas de raison d’être optimiste qu’il faut montrer de l’espérance. Ce n’est pas quand on est en bonne santé et quand on est riche qu’on a besoin d’espérance, c’est quand on est au contraire confronté à d’immenses épreuves ; et de ce point de vue-là, le Liban est aujourd’hui le pays de l’espérance… Il y a peu de raisons d’être optimiste aujourd’hui, en effet, mais je serais prêt à faire malgré tout le pari de l’espérance avec le peuple libanais, qui, lui, d’ailleurs, montre ce courage incroyable.

Si j’ai une raison d’espérer, je la trouve en particulier dans l’éducation. Je suis professeur de philosophie de métier ; c’était important pour moi de passer du temps dans les écoles, au contact du monde éducatif. Au Liban, je suis allé visiter des écoles dans des endroits très différents : à Beyrouth, une école très connue et très ancienne de la ville, mais aussi une autre à Tripoli, à Bab el-Tebbaneh, dans un quartier très pauvre qui a été marqué jusqu’à une période très récente par un affrontement armé entre communautés sunnite et alaouite. J’ai été vraiment impressionné par la joie, la vitalité, l’intelligence de la jeunesse libanaise, par l’élan magnifique qui se prépare dans ces écoles. J’ai été très marqué par ce que j’ai pu percevoir de la qualité de l’enseignement, et notamment celui de la langue française qui nous est commune. Nous sommes à la veille de Noël, cette fête qui nous rappelle que c’est au milieu de la nuit la plus noire que peut survenir la bonne nouvelle… C’est sans doute le bon moment pour se dire que oui, le Liban a des raisons d’espérer.

Qu’allez-vous dire au Parlement européen à propos de cette visite ?

Fort des échanges que j’ai pu avoir ici, je rappellerai l’urgence de changer complètement d’approche dans la crise des réfugiés syriens, pour que l’on cesse d’inciter les gens à vivre indéfiniment du statut de réfugié, car ce serait enkyster dangereusement le problème. L’urgence d’aider les Libanais à retrouver l’accès à leurs propres économies – et il y a des moyens juridiques pour le faire. C’est quand même le seul pays au monde où les gens sont tentés d’aller voler leur propre argent à la banque ! La justice de nos pays doit pouvoir y contribuer. La décision récente de la justice américaine est à ce titre importante.

Je crois qu’il y a aussi beaucoup à faire pour aider le secteur privé à se relever, en l’aidant à accéder à des financements. Aujourd’hui le secteur bancaire libanais est détruit, et il est difficile pour des entrepreneurs de financer leurs projets, alors que le Liban a des atouts économiques considérables. Et avant même que les institutions ne soient réformées, et que le pays n’avance sur le plan politique, il est déjà possible d’aider le secteur privé à se reconstruire – ce qui permettra aussi de recréer de l’activité et de l’emploi pour les jeunes, de leur permettre de rester, de faire venir des devises, et par là de donner de l’oxygène à la société libanaise. Pour cela, il faut faciliter l’accès au crédit ; on peut certainement travailler là-dessus sur le plan juridique et technique. Le Liban est confronté à tant de problèmes : la meilleure manière de les aborder est peut-être de traiter chacun de ces problèmes les uns après les autres, d’apporter des solutions concrètes, plutôt que d’attendre une solution globale éternellement, laquelle est évidemment nécessaire mais n’est pas dans nos cordes aujourd’hui.

La dernière chose que je dirai, en revenant en Europe, c’est que nous avons le devoir de nous tenir aux côtés du peuple libanais, pour l’aider de toutes nos forces, mais aussi pour nous laisser aider par lui. Je suis vraiment venu écouter – je ne veux pas ajouter mon nom à la liste déjà longue des hommes politiques venus d’Europe pour donner des leçons aux Libanais. Il nous faut d’abord écouter les leçons de courage, d’énergie, de lucidité que les Libanais nous donnent, parce que tous les problèmes qu’ils affrontent aujourd’hui sont aussi en germe dans nos pays européens. Nous ne sommes en rien supérieurs au Liban : au regard de la succession de mensonges que les Libanais ont subi sur les questions migratoires, économiques, budgétaires, monétaires, nous ne pouvons que constater que nous ne sommes pas davantage immunisés contre ces illusions dangereuses. Nous devons d’abord écouter les Libanais nous parler de la nécessité de faire face à ces défis, avant qu’il ne soit trop tard.

Allez-vous revenir au Liban ?

Bien sûr ! Aucun résultat ne s’obtient en un seul jour. C’est dans la durée que nous devons travailler ensemble.

Message à la veille de l’élection du président des Républicains

Nous voilà arrivés à la veille de cette élection pour la présidence des Républicains. Ces semaines de campagne auront été intenses : au milieu d’une activité parlementaire toujours soutenue à Strasbourg et à Bruxelles, nous avons parcouru la France, pour rencontrer les électeurs de droite, ceux qui croient encore à ce parti et ceux, nombreux, qui n’y croient plus. Partout, je vous ai entendu partager les mêmes déceptions, les mêmes doutes. Comment ne pas vous comprendre ? Et pourtant, nous avons encore des raisons d’y croire.

La raison d’être de notre parti, c’est de réunir tous les Français de droite, ceux qui croient à la transmission, à la liberté, à l’autorité de l’Etat, à la dignité de la personne. Ils n’ont jamais été aussi nombreux à partager nos convictions, nos aspirations, nos inquiétudes ; ils n’ont jamais été aussi peu nombreux à voter pour le parti qui devrait les représenter. Ce discrédit profond est au cœur de la crise démocratique que traverse notre pays. Nous n’en sortirons pas sans que ce parti ne se remette en question, et ne soit enfin solidement refondé. Pour cela il faudra d’abord revenir aux idées, et retrouver l’essentiel – l’exigence dans la vision, la clarté dans les convictions, la fidélité dans les combats. Il faudra reconstruire un parti travailleur, inventif, méthodique, uni. Et pour commencer, il faudra vous redonner la parole, parce que tout cela n’existe que pour relayer votre voix ; et parce que, pour le dire simplement, vous aurez toujours le courage et la lucidité qui ont souvent fait défaut à ceux qui parlent en votre nom.

C’est ce renouvellement profond que propose Bruno Retailleau – non pas depuis quelques mois, mais depuis des années. En faisant campagne avec lui, avec Julien, Othman, Laurence, Antoine, Pierre, et tant d’autres, j’ai pu mesurer chaque jour encore plus la force de conviction qui l’anime, la liberté et la ténacité avec lesquelles il s’est engagé dans cette bataille. Et sa certitude profonde que ce qui compte d’abord, ce n’est pas de maintenir notre parti, mais de relever notre pays, qui a tant besoin d’une alternative politique crédible, cohérente, enthousiasmante, pour rompre enfin avec la spirale du déclin.

Les statistiques, écrivait Vaclav Havel dans son premier discours présidentiel, sont souvent utiles pour mesurer la gravité d’une crise. Mais, ajoutait-il, nos résultats inquiétants ne sont pas le plus grave : « Le principal, c’est que nous traversons une crise intérieure, car nous nous sommes habitués à dire une chose tout en pensant autrement. » Avec Bruno et toute son équipe, mais aussi avec vous tous, quel qu’ait été votre choix au premier tour, nous avons devant nous la tâche immense de redonner tout son sens à la parole et à l’action de notre parti, pour réunir demain une majorité de Français et reconstruire notre pays. « Il est permis d’espérer », écrivait encore Havel. C’est pour ce renouvellement et cette espérance que je voterai pour Bruno Retailleau demain.

François-Xavier Bellamy

Promotion de l’activisme d’extrême-gauche et du voile : lettre ouverte à la présidente du Conseil économique et social européen

 

Mme la Présidente du Comité économique et social européen
Christa Schweng

Copie : Mme la Présidente du Parlement européen
Roberta Metsola

 

Strasbourg, le 21 novembre 2022

Madame la Présidente,

Une campagne de communication est actuellement diffusée en ligne par le Conseil économique et social européen pour conclure l’Année européenne de la jeunesse. Accompagnée du hashtag #ThankYOUth, elle est composée de plusieurs vidéos visant à « remercier » les mouvements de jeunesse pour leur implication dans la vie citoyenne des pays européens.

Sur fond de slogans lénifiants et de musique commerciale, le tout exclusivement en anglais, ces vidéos assument en réalité un biais politique absolument inacceptable. Car en fait de mouvements de jeunesse, ceux que vous remerciez sont d’abord, et à sens unique, des militants liés à des organisations de gauche ou d’ultra-gauche, ainsi qu’à l’islam politique.

Un exemple parmi d’autres, la dernière vidéo en date, publiée ce lundi 21 novembre, qui s’ouvre sur ce message : « Nous remercions la jeunesse pour… » ; l’image qui l’accompagne est une manifestation d’Extinction Rebellion à Paris… De quel droit les services de communication que vous supervisez peuvent-ils mettre des moyens publics au service d’un mouvement politique, qui se caractérise, qui plus est, par l’usage de la violence ? Blocages de voies de communication ou de moyens de transport aux conséquences parfois dramatiques, dégradations de bâtiments ou de biens publics, occupations illégales de lieux publics ou privés… : ces délits répétés partout dans les pays européens sont la caractéristique de ce mouvement, qui revendique son choix de mener des actions illégales, et son refus de reconnaître la légitimité des élections et les règles du débat démocratique. De telles dérives méritent des sanctions fermes, non les « remerciements » de nos institutions.

En tout état de cause, il est injustifiable qu’une institution publique comme celle que vous dirigez assume ainsi de promouvoir, par sa communication officielle, des causes idéologiques ou militantes. Mettre des moyens publics au service d’un combat politique partisan est absolument contraire à l’état de droit. Cette situation est d’autant plus révoltante que ces engagements manquent singulièrement de pluralisme : dans d’autres vidéos sont mis en valeur l’organisation Greenpeace, l’activisme trans, le militantisme intersectionnel, ou encore le voile islamique – qui apparaît au moins cinq fois dans une seule vidéo publiée le 25 octobre dernier, alors même qu’aucune autre image ne montre pourtant le moindre signe confessionnel évoquant la religion chrétienne, ou juive… Est-ce volontaire ? Aucune image ne met en scène les mouvements de jeunesse, pourtant nombreux, engagés pour d’autres causes, ou tout simplement pour une autre manière de défendre l’écologie, l’unité de nos pays, ou la dignité humaine.

Votre institution, Madame la Présidente, est financée exclusivement par les moyens publics que vous confient les citoyens de nos pays, qui attendent que vous les représentiez. Vous n’avez pas le droit de laisser leur contribution être détournée au profit d’activistes dans lesquels bien peu se reconnaîtraient. Si vous tenez à « remercier » les promoteurs de l’illégalité, de l’obsession communautariste, de l’islam politique, faites-le si vous voulez ; mais pas en notre nom ! Et pas avec les moyens de communication d’une institution publique, qui n’appartient qu’aux citoyens, ne vit que du résultat de leur travail, et ne devrait en retour travailler que pour le bien commun.

Depuis des années, nos institutions se sont manifestement liées à des organisations politiques radicales, qui veulent les mettre au service d’une propagande bien peu respectueuse des règles élémentaires de la démocratie – et surtout bien peu fidèle aux principes qui ont fondé l’Europe, comme le respect du droit, l’attachement à la démocratie, ou encore l’égalité entre les femmes et les hommes. Il est temps de mettre fin à cette dérive coupable. Vous savez sans doute que le Parlement européen a voté un amendement imposant à la Commission européenne de ne plus jamais financer de campagne de promotion du hijab. Cette règle devrait valoir, bien sûr, pour toutes les institutions européennes, et pour toute communication contraire à l’esprit européen. J’espère que vous ferez retirer rapidement cette campagne si préoccupante à cet égard.

Naturellement, je me tiens à votre disposition si vous le souhaitez pour échanger avec vous sur ce sujet ; je serais très heureux de vous rencontrer en particulier pour mieux comprendre comment ces campagnes de communication sont conçues. Nous avons beaucoup de progrès à faire pour la transparence des décisions prises par nos institutions en la matière.

Je vous prie de croire, Madame la Présidente, en l’assurance de mon entier dévouement.

 

François-Xavier Bellamy

Député au Parlement européen
Président de la délégation française du PPE

Ocean Viking : au bout des bons sentiments, la mort.

Texte initialement paru dans Le Figaro.

La décision d’accueillir l’Ocean Viking et ses 234 passagers à Toulon a été déterminée et défendue au nom de principes humanitaires. Elle constitue pourtant un choix infiniment dangereux, du point de vue de ces mêmes principes. On pourrait parler du risque qui découlerait pour la société française d’une logique d’accueil non contrôlée, dans un pays qui hérite déjà d’une longue irresponsabilité en matière de politique migratoire, et d’une faillite massive de l’intégration. Mais faisons même abstraction de ces questions ; le plus grave, c’est que cette décision est absolument contraire à l’impératif absolu qui la justifie pourtant, celui de sauver des vies.

D’abord, à l’usage de ceux qui font semblant de ne pas comprendre, rappelons un fait évident : personne de sensé n’a jamais demandé qu’on laisse qui que ce soit mourir en mer. Le devoir de porter assistance à une personne humaine en danger est bien sûr inconditionnel ; et en mer, l’obligation de secourir les passagers d’un navire qui fait naufrage est consacrée par plusieurs conventions internationales. Il ne saurait être question de remettre en question cet impératif moral et juridique absolu. Mais qu’une personne ait été secourue à quelques milles des côtes du continent africain, ne saurait la conduire à débarquer sur le sol européen. Comment ne pas voir les conséquences qu’aurait un tel principe ?

À partir du 20 octobre, l’Ocean Viking effectue plusieurs sauvetages en Méditerranée. Il passe alors à 60 milles de Sfax, le deuxième port de Tunisie – il n’arrivera en Sicile qu’après une navigation de plus de 800 milles, et naviguera encore 700 milles jusqu’à Toulon. Ce qui est en cause ici, ce n’est donc pas le principe du sauvetage en mer, ni même le principe de l’asile : Sfax dispose de bureaux du Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) des Nations-Unies, avec des équipes habilitées à enregistrer des demandes d’asile… Si l’Ocean Viking ne s’y est pas arrêté, comme les conventions internationales auraient dû l’y conduire, et malgré la situation très difficile que vivaient les passagers à son bord, c’est pour une seule raison : SOS Méditerranée ne veut pas seulement sauver des vies, mais aider des migrants à entrer en Europe. Ce faisant, elle concourt au trafic des passeurs, comme d’autres ONG qui échangent même avec ces réseaux criminels pour pouvoir récupérer des embarcations. De nombreuses enquêtes ont documenté ces pratiques, et Frontex a publié des vidéos montrant les passeurs transbordant des migrants en mer à proximité du navire de « sauvetage » prêt à les embarquer.

Jusque là, jamais la France n’avait cédé à ce chantage. Les élus de la majorité, qui s’indignent aujourd’hui de la moindre critique, se souviennent-ils qu’Emmanuel Macron avait refusé d’accueillir l’Aquarius, alors arrivé devant Marseille – et qu’il avait fustigé « le cynisme absolu » des ONG qui « font le jeu des passeurs » ? Le seul réflexe constant de nos dirigeants semble être d’insulter copieusement l’Italie lorsqu’une telle situation survient. Ce pays, où 90 000 migrants sont arrivés par la mer depuis le début de l’année, tient pourtant la seule position responsable. Oui, le secours en mer est un devoir ; mais l’Ocean Viking ne risquait pas le naufrage lorsqu’il est entré dans nos eaux territoriales : il était possible de faire monter des équipes médicales à bord, d’apporter l’avitaillement nécessaire, d’extraire les malades en situation d’urgence, sans autoriser pour autant le débarquement sur le sol français.

Ce précédent gagné par SOS Méditerranée aura un large écho. M. Darmanin a assuré que cette décision était prise « à titre exceptionnel » ; mais pourquoi le serait-elle, si le porte-parole du gouvernement assure que « la France ne serait pas la France » si elle n’accueillait pas ce bateau ? Cette réaction se répètera donc à chaque arrivée similaire. Dans un monde connecté, nul doute que l’information circulera largement ; et elle constituera une publicité supplémentaire pour la promesse des passeurs – qui, rappelons-le, ne s’adressent pas d’abord à ceux qui sont dans la misère et la détresse absolue, mais à ceux qui peuvent recueillir assez de moyens pour payer le prix élevé qu’ils exigent en échange de leur route d’exil et de mort.

Il n’y a qu’un seul moyen d’assurer que demain, plus un seul être humain ne trouve la mort en Méditerranée pour avoir cherché à atteindre l’Europe : c’est de garantir enfin ce principe simple, qu’il doit être impossible de s’établir en Europe si on a cherché à y entrer illégalement. Dans toute autre situation qu’une crise majeure dans un pays limitrophe, la demande d’entrée en Europe doit pouvoir être instruite hors de nos frontières. Un réfugié afghan ou iranien, menacé dans son pays, n’arrive jamais directement en Europe ; il passe par des États sûrs et stables, d’où il doit pouvoir effectuer une demande d’asile. Par notre incapacité manifeste à faire respecter nos frontières, nous conduisons des étrangers, dont l’immense majorité n’est pas éligible à l’asile, à risquer leur vie dans les mains des passeurs – et, paradoxe terrible, nous refusons trop souvent d’accueillir ceux qui auraient légitimement droit à notre solidarité.

Il n’y a qu’un seul moyen d’assurer que demain, plus un seul être humain ne trouve la mort en Méditerranée pour avoir cherché à atteindre l’Europe : c’est de garantir enfin ce principe simple, qu’il doit être impossible de s’établir en Europe si on a cherché à y entrer illégalement.

Il est facile de combattre le mal quand il apparaît pour lui-même : comment ne pas haïr la violence et le crime quand ils s’assument explicitement ? Mais autrement plus difficile est de refuser le mal quand il se présente sous les apparences du bien. Peu d’esprits sont assez fous pour vouloir l’enfer ; mais beaucoup sont assez inconséquents pour proclamer ces bonnes intentions qui en pavent souvent le chemin. On peut semer la détresse et la mort tout en se disant généreux – et même, sans doute, en se croyant généreux. L’histoire demandera des comptes à ceux qui s’enivrent aujourd’hui de leur propre supériorité morale en proclamant les fausses évidences qui causent de vrais drames. À ceux qui font la leçon tout en se dégageant eux-mêmes de l’inquiétude des conséquences. À ceux, en particulier, qui prétendent exercer une responsabilité politique, mais restent confortablement à la surface des questions les plus difficiles, même quand elles engagent la vie ou la mort d’innocents. Si nous nous contentons longtemps encore d’habiller notre impuissance de beaux sentiments, nous aurons à répondre des tragédies qu’elle continuera d’entraîner. La crise migratoire est largement devant nous ; il est temps que la France et l’Europe se donnent enfin les moyens de leur responsabilité.

L’histoire demandera des comptes à ceux qui s’enivrent aujourd’hui de leur propre supériorité morale en proclamant les fausses évidences qui causent de vrais drames. À ceux qui font la leçon tout en se dégageant eux-mêmes de l’inquiétude des conséquences. À ceux, en particulier, qui prétendent exercer une responsabilité politique, mais restent confortablement à la surface des questions les plus difficiles, même quand elles engagent la vie ou la mort d’innocents.

Un travail de vérité sur notre héritage, et de clarté sur notre ligne

Tribune co-signée avec Bruno Retailleau et Julien Aubert (texte initialement paru dans L’Express).

Si la droite est en passe de disparaître de l’échiquier politique, c’est parce qu’elle a perdu depuis longtemps la confiance des Français. Nous ne nous résignons pas à la fatalité ; mais un changement de nom ou de slogans ne suffira pas à enrayer notre déclin. Aux électeurs de droite, qui vont devoir désigner le prochain président des Républicains, nous disons ceci : il est temps de mener enfin, en vous rendant la parole, un travail de vérité sur notre héritage, et de clarté sur notre ligne.

Cela exige d’abord de considérer enfin lucidement le passé. Reconnaissons clairement l’évidence : la crise que traverse notre pays n’a pas commencé en 2017, ni en 2012. Ni même en 2007… Certes, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy ont chacun apporté à la France. Dans les crises, ils ont su maintenir son rang : le Président Chirac en refusant la guerre en Irak, le Président Sarkozy en agissant face à la crise financière de 2008. L’humanité du premier et l’énergie du second ont incontestablement marqué les Français. Et pourtant, comment ne pas le reconnaître : si la droite avait été, au pouvoir, vraiment à la hauteur de ses promesses, et de sa responsabilité, la France irait mieux aujourd’hui. Et la droite aussi…

Si la droite avait été, au pouvoir, vraiment à la hauteur de ses promesses, et de sa responsabilité, la France irait mieux aujourd’hui. Et la droite aussi…

Faire un travail d’inventaire sérieux et paisible, ce n’est ni sombrer dans une repentance stérile, ni manquer de respect à ceux qui nous ont précédés ; c’est garder toutes les leçons qui s’imposent, pour retrouver la confiance des Français.

Pendant les douze années de Jacques Chirac à l’Elysée, la droite aura manqué du courage qu’il fallait pour affronter des risques devenus depuis, à force de lâchetés accumulées, des dangers existentiels – le défi migratoire, le déclin éducatif, la déconstruction culturelle… Trop de dénis, trop d’abandons l’ont éloignée des classes populaires, comme le redoutait déjà Philippe Seguin. La fracture de Maastricht n’a pas été refermée, ni même considérée, au point que la famille gaulliste a donné l’impression d’abandonner la cause de la souveraineté nationale. Pour répondre à la montée des inquiétudes, il ne pouvait suffire de théoriser le front républicain : la vraie réponse à la défiance ne consiste pas à construire des barrages, mais à se remettre en question.

L’espoir qui s’est levé après la campagne exaltante de Nicolas Sarkozy, en 2007, a été lui aussi déçu. Beaucoup a été fait durant ces cinq années, mais rien n’a vraiment été assumé jusqu’au bout : la droite a défiscalisé les heures supplémentaires, mais elle n’a pas mis fin aux 35 heures. Elle a instauré des peines planchers, mais supprimé la double peine. Elle a diminué le nombre de fonctionnaires, tout en augmentant la bureaucratie, en créant par exemple les ARS qui ont embolisé le système de soins. La droite avait promis la rupture, elle a fait la demi-mesure. Au renoncement s’est ajouté le reniement quand avec le Traité de Lisbonne, le « non » souverain de 2005 a été contourné. La crise démocratique qui, nous en sommes convaincus, s’est cristallisée à ce moment-là ne sera pas résolue par des « conventions citoyennes » ou des « conseils de la refondation« , mais en redonnant la parole au peuple par référendum, sur l’immigration notamment, et en retrouvant le respect absolu qui est dû à cette parole.

Ces faiblesses, l’UMP devenue LR les a masquées par une communication répétitive, par des éléments de langage épuisés d’avoir été répétés depuis quinze ans. Nous refusons ce marketing médiocre qui consiste à aligner de supposés « marqueurs« . Il ne suffit plus de se payer de mots. Inventons de vraies solutions, plutôt que de répéter de vieux slogans. Puisque nous parlons sans cesse de la valeur travail, remettons-nous à travailler, sur nos idées, notre vision du monde, nos ambitions pour la France de demain, mais aussi notre manière de les proposer aux Français, nos méthodes et nos modes d’action, notre place dans un débat public qui a tellement changé, la formation des jeunes qui nous rejoindront, et surtout la démocratie dans notre formation politique.

Pour point de départ de ce travail, nous proposons une ligne reposant sur trois piliers.

Pour point de départ de ce travail, nous proposons une ligne reposant sur trois piliers. La dignité humaine d’abord. Vivre dignement, c’est vivre de son travail, et non de l’assistanat. C’est vivre du mérite et de l’effort, qui doivent redevenir les valeurs cardinales de notre école. C’est vivre en sécurité, avec la certitude que l’ordre sera assuré, que les peines seront exécutées, qu’aucune impunité ne peut être tolérée. Vivre dignement, c’est enfin vivre librement, sans la tutelle infantilisante d’un Etat qui réglemente tout et surtranspose les normes européennes ; sans l’ingérence grandissante de l’idéologie dans la vie et la conscience de nos enfants. Que l’Etat s’occupe des affaires de la France, les Français s’occuperont très bien des leurs !

Deuxième pilier : la souveraineté de la Nation. Réindustrialiser, refaire une grande filière nucléaire, protéger notre agriculture contre les accords de libre-échange, réaffirmer notre souveraineté juridique face aux juges européens : c’est tout cela qu’exige le combat pour la souveraineté. Celle-ci ne sera pas complète sans la maîtrise de nos finances publiques, car une nation qui ne tient pas ses comptes ne tient pas son rang.

Enfin, les valeurs de notre civilisation judéo-chrétienne doivent redevenir l’âme de notre combat politique, pour faire échec à l’islamisme ou au wokisme, et leur opposer la générosité exigeante de l’assimilation et de la transmission. Seule une politique de civilisation peut refaire la France ; seule la reconnaissance de ses racines peut redonner sens à l’Europe : ses héritages ont fait sa grandeur, son amnésie ferait son malheur. C’est sur les singularités et les démocraties nationales que les Européens pourront trouver l’unité authentique dont nous avons besoin pour faire valoir, dans un monde instable, nos principes et nos intérêts.

Faire enfin l’inventaire, parler enfin clair : telle est notre ligne, la refondation que nous proposons. Non, rien n’est perdu pour la droite. Mais tout est à reconstruire. À nous de prouver aux Français que demain, nous pourrons être dignes de leur confiance.

Promotion du hijab : lettre ouverte aux coprésidents de la Conférence sur l’avenir de l’Europe

Mme la Vice-présidente Dubravka Šuica
Commission européenne

M. le Secrétaire d’État Clément Beaune
Présidence française du Conseil de l’Union européenne

M. le Député Guy Verhofstadt
Parlement européen

 

Bruxelles, le 14 février 2022

Madame la Vice-présidente,
Monsieur le Secrétaire d’État,
Monsieur le Député,

Une campagne actuellement diffusée par les institutions européennes pour promouvoir la participation à la Conférence sur l’avenir de l’Europe est accompagnée de visuels divers dont un en particulier me paraît poser un problème majeur.

Il met en scène une jeune femme portant un hijab, qu’accompagne le message « Faites entendre votre voix, l’avenir est entre vos mains ». En tant que co-présidents de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, vous avez la responsabilité éditoriale de la communication qu’elle produit. À ce titre, il me semble nécessaire de vous poser plusieurs questions précises.

1) Souhaitez-vous que la Conférence sur l’avenir de l’Europe soit l’occasion d’une nouvelle étape dans la promotion du voile islamique par les institutions européennes ? Après le co-financement par la Commission européenne d’une campagne indiquant que « la joie est dans le hijab », ce nouveau visuel concourt à la légitimation institutionnelle, par des instances officielles, au moyen de financements publics, d’une norme religieuse prescrite aux femmes par des autorités musulmanes. Sur cette photographie, le hijab apparaît d’ailleurs porté conformément aux exigences rigoristes de l’islam radical, de manière à ne pas laisser apparaître une seule mèche de cheveux. Comment ne pas voir là une absolue confusion des genres ?

2) La présidence de la Conférence sur l’avenir de l’Europe est-elle indifférente aux problèmes graves posés par ce symbole ? Contre le principe, fondamental dans notre civilisation, de l’égalité de l’homme et de la femme, le port du voile est aujourd’hui imposé, y compris par la contrainte et la violence, dans bien des pays musulmans, et trop souvent hélas dans de nombreux territoires au sein même de nos pays européens. La revendication de « liberté » qui sert de prétexte à la banalisation du voile ne peut masquer cette réalité : des femmes sont agressées, menacées, condamnées parfois aux peines les plus lourdes, pour avoir osé retirer le voile. Citons seulement le cas de l’iranienne Nasrin Sotoudeh, lauréate du Prix Sakharov, qui a été une nouvelle fois condamnée en 2019 à douze ans de prison et 148 coups de fouet pour être apparue tête nue, et pour avoir défendu des femmes refusant de porter le hijab – ce même hijab que mettent ensuite en valeur nos institutions européennes… Comme co-présidents de cette Conférence, considérez-vous que votre responsabilité soit de normaliser ce qui reste un signe d’oppression pour des millions de femmes dans le monde ?

3) La Conférence sur l’avenir de l’Europe souhaite-t-elle mobiliser spécifiquement la participation d’une communauté religieuse, en lui promettant que « l’avenir est entre ses mains » ? Avec quels partenaires un tel visuel a-t-il été conçu ? Des universitaires et chercheurs reconnus ont mis au jour, au cours des dernières années, les stratégies déployées par des organisations islamistes comme les Frères musulmans pour bénéficier de fonds européens, orienter des programmes de recherche, agir sur les institutions et leur communication – à l’instar de l’association Femyso ou de différents comités nationaux « contre l’islamophobie », porteurs d’un agenda politico-religieux clairement identifié. Des organisations de ce type touchent-elles des subventions dans le cadre de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, ou de la part d’institutions européennes ? Il est clair qu’un tel processus peut être instrumentalisé par des groupes de pression d’horizons variés ; la présidence de la Conférence s’est-elle donné les moyens de se prémunir notamment de l’entrisme d’organisations islamistes, dans le contexte du combat actuel à travers toute l’Europe pour la sécurité de nos pays, la défense de nos principes et la préservation du mode de vie européen ? Existe-t-il des lignes rouges qui disqualifient certaines organisations dans le cadre de ce débat ?

Compte tenu de la gravité de ce sujet, une dernière question se pose enfin : dans quel délai cette affiche sera-t-elle retirée ?

En vous remerciant par avance pour l’attention que vous porterez à ces questions, et sûr que vous aurez, en tant que co-présidents de la Conférence sur l’avenir de l’Europe, un message à adresser à toutes les femmes pour qui retirer le voile consiste à risquer sa liberté, sa sécurité ou sa vie, je vous prie d’agréer, Madame la Vice-Présidente, Monsieur le Secrétaire d’État, Monsieur le Député, l’expression de ma haute considération.

François-Xavier Bellamy

Député au Parlement européen
Président de la délégation française du PPE

 


Débat avec Emmanuel Macron au Parlement européen

 

Monsieur le Président de la République,

Vous venez d’ouvrir cette présidence avec de grandes promesses, mais il faut vous dire la vérité : personne ici n’y croit vraiment. Non seulement parce que le calendrier que vous avez cautionné servira plus votre campagne présidentielle que l’action européenne, mais surtout parce que vous vous êtes tellement contredit, vous avez tellement joué, en détournant jusqu’au sens des mots les plus importants… Vous avez – pardon de le dire – souvent menti. Comment vous croire ?

Vous dites vouloir maîtriser les frontières de l’Europe, mais hier vous dénonciez comme une « lèpre nationaliste » les pays qui appelaient à l’aide pour protéger leurs frontières face à la crise migratoire. Vous parlez d’environnement et d’autonomie stratégique, mais la France importe aujourd’hui du gaz et du charbon parce que vous avez fermé Fessenheim et miné notre industrie. Vous parlez aujourd’hui d’appartenance européenne tout en déclarant que les racines de l’Europe n’importent pas. Mais où puiser alors la sève pour irriguer notre avenir ? Vous promettiez la fin des clivages, et vous laisserez la France comme l’Europe fracturées comme jamais.

Ici aussi, nous savons que votre « en même temps » n’est qu’un artifice rhétorique pour dissimuler des incohérences calculées. Comme l’écrit Pierre Manent, la contradiction « entre les ambitions – ou les prétentions – de l’Europe, et sa réalité, est devenue un fait politique majeur ». Cette contradiction, vous l’incarnez aujourd’hui. Et nous, nous devons la résoudre.

Bien sûr, avec notre groupe, notre délégation, nous ferons tout pour rendre ces six mois aussi utiles que possible pour nos pays. Mais en vérité, Monsieur le président, l’essentiel n’est déjà plus là. L’essentiel est de dire à vous tous, Français, Européens, qui nous regardez : une autre politique est possible.

Ici aussi, nous savons que votre « en même temps » n’est qu’un artifice rhétorique pour dissimuler des incohérences calculées. 

Une politique qui vous prenne au sérieux, qui préfère la sobriété de l’action à l’obsession de la communication. Une politique qui ne prétende pas renforcer l’Europe en affaiblissant les États qui la constituent ; qui ne croit pas que la solidarité européenne consiste à vous surendetter ; qui ne prétende pas défendre l’état de droit en marchandant votre liberté et votre souveraineté ; qui ne vous méprise pas au premier désaccord venu ; qui vous respecte et se donne les moyens de vous faire respecter par les grandes puissances du monde. Vous ne demandez pas trop si vous espérez tout cela. Et nous avons le devoir de préparer ensemble le relèvement de nos pays, de l’Europe, de préparer la relève à laquelle vous avez droit. Merci beaucoup.

L’essentiel est de dire à vous tous, Français, Européens, qui nous regardez : une autre politique est possible. Une politique qui vous prenne au sérieux, qui préfère la sobriété de l’action à l’obsession de la communication. Nous avons le devoir de préparer ensemble la relève à laquelle vous avez le droit.