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La paix aujourd’hui au Liban, ou le chaos au Proche-Orient

Drapeau du Liban

Texte initialement paru dans La Revue Politique et Parlementaire n°1098 (janvier 2021).

« Beyrouth a pris goût de feu et de fumée » ; les mots de Fayrouz annonçaient douloureusement l’explosion qui, en ce soir d’août, allait rendre visible au monde la blessure profonde dont le Liban était touché. Non, cette explosion n’était pas un accident. Elle était un résultat, une conséquence inéluctable. Dans sa violence se condensait l’aboutissement spectaculaire de décennies d’incurie, de compromissions, de lâchetés et de corruption – autant de maux que nos pays occidentaux ne sauraient dénoncer au Liban s’ils ne voient pas combien ils en sont eux aussi atteints…

Nous serions bien mal placés, Français, pour donner des leçons à nos frères du Liban, plus lucides et révoltés que nous ; et leur épreuve douloureuse doit être pour chacun d’entre nous l’occasion de sentir l’urgence du réveil de nos consciences. Cette colonne de fumée dans le ciel bleu aura agi comme un sinistre révélateur. Elle aura montré, avant tout, jusqu’où peut aller la déliquescence de la politique, quand elle perd le sens du bien commun qui seul devrait l’orienter. Avec quelques mois de recul, comment ne pas être frappé de l’ampleur de cet échec collectif… Une capitale ravagée, un port dévasté, des dizaines de milliers de personnes blessées ou privées de leur toit, et 204 morts : quand une tragédie d’une telle ampleur frappe un pays, on ne peut qu’espérer au moins que toutes les forces vives soient à la hauteur des enjeux, que les dirigeants s’unissent pour relever leur pays, que les grandes puissances du monde s’efforcent de les soutenir, que l’exigence de responsabilité redevienne le cœur de la politique. Mais le Liban n’a pas eu cette chance. En cette fin d’année, les Libanais n’ont toujours pas vu leurs élites renoncer aux mauvaises habitudes qui avaient conduit à ce drame. La meilleure preuve en est l’opacité qui entoure l’événement : quatre mois se sont écoulés, et l’enquête sur les causes de l’explosion piétine. Voilà six ans que les autorités recevaient des notes alertant sur le danger majeur que constituaient ces tonnes de nitrate d’ammonium stockées dans le port de Beyrouth. Mais qui sera conduit à répondre de ces années d’inaction, à expliquer cette passivité, à assumer ses responsabilités ? La stratégie d’investigation a longtemps semblé n’avoir pour but que d’éviter toute confrontation précisément avec ceux qui auraient à rendre des comptes. Seuls quelques acteurs mineurs semblent à ce jour avoir été inquiétés. Comment pourtant reconstruire un pays sur les ruines laissées par un crime qui resterait impuni ? Espérons que les toutes dernières évolutions de l’enquête sont la promesse d’avancées significatives dans cette nécessaire recherche de la vérité et de la justice.

Tant que l’opacité perdure, la situation semble partout dans l’impasse. Le « gouvernement de mission » à qui serait revenue la tâche urgente d’engager les réformes qui s’imposent n’a toujours pas vu le jour. De très nombreuses familles libanaises sont ruinées, les dépôts bancaires sont gelés, la pauvreté gagne du terrain, les services publics s’effondrent, mais la priorité pour les responsables politiques semble être de ne pas s’aventurer à déranger des pratiques établies ; est-ce pour éviter que des questions soient enfin posées, de petits arrangements enfin dénoncés, ou des comptes bancaires enfin inspectés ? La Banque centrale du Liban vient de faire échouer la mission d’audit qui la visait. Cet audit aurait permis une évaluation réelle de l’état financier du pays ; il aurait aussi fait toute la lumière sur le blanchiment d’argent, les détournements de fonds publics ou de subventions internationales… Le Hezbollah fermerait-il les yeux sur la corruption d’autres membres de l’oligarchie, qui tolérerait en retour la présence de ses milices armées ? À un tel jeu de donnant-donnant, le grand perdant ne peut être que le peuple libanais… Depuis plus d’un an, d’immenses cortèges de manifestants expriment pacifiquement leur aspiration au changement. Il est temps qu’ils soient entendus.

À l’heure où ceux-ci aspirent plus que jamais à reconquérir leur souveraineté et à relever leur pays mis à genoux par les crises successives, notre devoir en tant que Français et Européens n’est pas d’ajouter une ingérence supplémentaire à celles qui compromettent déjà l’équilibre interne du pays, mais de leur prêter main forte, de leur porter secours s’ils nous le demandent, de mener avec eux, et par les moyens qui sont modestement mais spécifiquement nôtres, l’indispensable lutte contre la corruption.

L’Europe dispose en la matière de leviers qu’elle n’a pas le droit de laisser inexploités. Elle avait déjà mobilisé plus de 70 millions d’euros en août dernier, et s’apprête à débloquer 100 nouveaux millions. Le versement de ces aides à la reconstruction est enfin soumis à conditions, au rang desquelles figurent l’audit de la Banque centrale et l’avancée de l’enquête sur l’explosion du port. Il est impératif maintenant de les appliquer strictement. De leur côté, les États-Unis se montrent assez offensifs : ayant à disposition l’arme redoutable du dollar et de son extraterritorialité, ils n’ont pas hésité à imposer des sanctions à certains responsables qui se sont rendus complices de corruption. Ensemble, la France et les États-Unis ont préparé la voie à un prêt exceptionnel de 11 milliards de dollars que le FMI accorderait au Liban, mais, là encore, ce versement ne se fera que si certains prérequis sont réunis. On peut se réjouir de constater que l’Europe et la France affichent une intention assez claire de peser dans la partie, et de ne pas laisser la diplomatie ou le Trésor américains jouer seuls de leur influence dans ce pays ami qui a lié son histoire à la nôtre. Jusqu’à une période récente, la France semblait avoir appris à détourner le regard de ses engagements passés et à se désintéresser du sort de son allié de longue date ; il est temps qu’elle remette un point d’honneur à se tenir aux côtés des Libanais. À l’heure où ceux-ci aspirent plus que jamais à reconquérir leur souveraineté et à relever leur pays mis à genoux par les crises successives, notre devoir en tant que Français et Européens n’est pas d’ajouter une ingérence supplémentaire à celles qui compromettent déjà l’équilibre interne du pays, mais de leur prêter main forte, de leur porter secours s’ils nous le demandent, de mener avec eux, et par les moyens qui sont modestement mais spécifiquement nôtres, l’indispensable lutte contre la corruption.

Il nous faut donc bien saisir cette occasion de recourir à une forme de diplomatie financière, pour qu’une manne illégale ne vienne plus financer les milices du Hezbollah et des factions qui ont retiré au Liban sa pleine souveraineté, et pour que s’effectue enfin le renouvellement politique tant attendu par les Libanais. Des groupes dirigés depuis l’étranger, armés et obéissant à un agenda bien distinct des priorités du Liban, ont infiltré la police et de nombreux services publics, en particulier ceux de l’énergie, et ont su étendre suffisamment leur contrôle sur l’État pour détourner à leur profit l’argent de faux contrats. Ces extorsions signifient un pouvoir supplémentaire donné aux puissances locales qui cherchent à faire du Liban leur zone d’influence propre ; et un levier d’influence au sein même de l’Europe – l’implantation, par exemple, de cellules du Hezbollah dans nos pays étant déjà documentée. S’il est un combat qu’il est urgent de mener aux côtés du Liban, c’est celui de la neutralité de ce pays, qui a désespérément besoin de retrouver sa pleine souveraineté, et pour cela de fermer ses frontières aux ingérences extérieures.

Cet enjeu n’est pas secondaire ou symbolique : un Liban qui ne retrouve pas sa souveraineté et reste piégé dans le rôle d’État-tampon ouvert à tous les vents, terrain d’affrontements par procuration de tous les conflits locaux, est un Liban qui ne pourra demeurer debout très longtemps.

Ce serait la perte d’un trésor inestimable, et d’une rare promesse d’avenir : le Liban est un miracle né dans l’Orient compliqué, la terre ancestrale de milliers de chrétiens qui l’ont irriguée de leur présence depuis deux mille ans. S’il s’effondre, livré aux violences fratricides, ciblé par les attaques d’un islamisme déjà conquérant chez ses voisins directs, disparaîtra l’un des derniers espoirs pour une stabilité régionale déjà bien compromise. Le monde doit en avoir conscience : c’est la paix aujourd’hui au Liban, ou le chaos au Proche-Orient.

Photo : C.Hayek/Unsplash

Aucune construction politique, aucune civilisation n’a d’avenir si elle ne maîtrise pas son territoire.

Photo : visite du camp de Kara Tepe, sur l’île grecque de Lesbos, en octobre 2020. © fxbellamy.fr

Entretien initialement paru dans Valeurs Actuelles le 8 octobre 2020.

L’attentat près des anciens locaux de Charlie Hebdo a porté dans le débat public la problématique des mineurs isolés. Il a fallu attendre ce drame pour que l’on s’en préoccupe…
Ce sujet est symptomatique de l’hypocrisie totale de nos politiques migratoires. Beaucoup d’élus départementaux alertent depuis des années sur ces “mineurs non accompagnés”, qui sont en fait très souvent des adultes connaissant parfaitement les failles de notre droit et cherchant seulement à bénéficier de ce statut protégé. Ce détournement manifeste est régulièrement couvert par paresse, lâcheté ou idéologie. Cela coûte deux milliards d’euros chaque année.

Le terroriste du 25 septembre était en effet un « faux » mineur. Que faudrait-il changer pour que ce système ne soit plus dévoyé ?
Il est indispensable que l’âge soit vérifié avant que quelqu’un soit reconnu comme mineur, pour mettre fin à ces mensonges évidents. Le juge qui s’est opposé à cette vérification dans le cas de ce migrant pakistanais devrait d’ailleurs s’en expliquer aujourd’hui… De manière plus générale, il faut réformer ce statut car la situation actuelle, loin de protéger les mineurs, créé une incitation au départ qui les met directement en danger : le gouvernement a d’ailleurs commis une faute très grave en renforçant ce risque, quand il a élargi récemment le regroupement familial aux mineurs. Bien sûr, dans l’urgence, il faut prendre soin d’un enfant isolé qui arriverait chez nous ; mais le seul objectif doit être d’organiser le plus rapidement possible son rapatriement vers sa famille dans son pays d’origine. La seule manière d’éviter que des mineurs ne soient jetés sur les routes de l’exil, c’est de garantir que personne ne restera sur le sol européen s’il n’a pas été autorisé à y entrer légalement. C’est la clé de toute politique qui protège vraiment ; il ne peut y avoir de vraie humanité sans maîtrise de nos frontières.

Que répondez-vous à ceux qui, jusqu’au gouvernement, estiment que l’accueil inconditionnel de ces mineurs relève de “l’honneur de la France” ?
Je leur réponds : allez faire un tour dans les hôtels sociaux où l’on héberge ces mineurs, et dites-moi si cela s’appelle l’honneur de la France. Allez à Lesbos voir les enfants piégés dans l’impasse migratoire, et dites-moi s’il s’agit de l’honneur de l’Europe. Le trafic d’êtres humains organisé par les passeurs, et la misère qu’il suscite, sont permis par la passivité coupable de nos pays, notre incapacité à maîtriser nos frontières, tout cela au nom de ce que les belles âmes, depuis le confort de leurs bureaux parisiens, appellent « l’honneur de la France ».
Bien sûr, il est légitime d’accueillir des gens réellement menacés ; nous n’avons d’ailleurs pas fait assez pour les chrétiens persécutés, ou les afghans qui avaient travaillé avec les soldats français. Mais le droit d’asile n’a rien à voir avec le détournement systématique dont il est l’objet aujourd’hui : sur plus de 150 000 demandeurs d’asile chaque année, 80% sont déboutés ; mais seuls 4 à 6% d’entre eux sont réellement expulsés… Ce n’est pas de la solidarité, juste de l’impuissance.

Vous revenez de Grèce, et plus précisément de l’île de Lesbos, symbole de la crise migratoire. Quel constat y avez-vous établi ?
C’est un immense drame humain. D’abord pour ces milliers de migrants auxquels des passeurs avaient vendu l’espoir, et qui se retrouvent dans une impasse, piégés dans des conditions très précaires et des procédures aberrantes. Et bien sûr une épreuve pour les Grecs, en première ligne face à cette situation. Ils vivent déjà les tensions et les conflits que cette situation prépare à grande échelle.

L’Union européenne, tiraillée par les intérêts divergents des nations qui la composent, peut-elle défendre une ligne cohérente sur la question migratoire ?
Si elle n’y arrive pas, elle est vouée à disparaître. Aucune construction politique, aucune civilisation n’a d’avenir si elle ne maîtrise pas son territoire. Mais je voudrais quand même rappeler que l’Europe n’est pas la première responsable en la matière : la plus grande part de l’immigration qui entre chaque année en France est une immigration légale. L’Etat a délivré l’an dernier plus de 300 000 titres de séjour, l’équivalent de la ville de Bordeaux ! Chaque année, ce gouvernement bat un nouveau record, et il en est totalement responsable.

Aucune construction politique, aucune civilisation n’a d’avenir si elle ne maîtrise pas son territoire. Mais je voudrais quand même rappeler que l’Europe n’est pas la première responsable en la matière : la plus grande part de l’immigration qui entre chaque année en France est une immigration légale.

Malgré tout, s’accorder à 27 sur une politique migratoire commune ne vous semble-t-il pas difficile à réaliser politiquement ?
Bien sûr, mais la situation évolue. En 2015, les pays européens ont été violemment divisés sur la crise migratoire. Quand l’Allemagne a accueilli plus d’un million de migrants sur son sol, d’autres pays – comme ceux du groupe de Visegrad – s’opposaient vigoureusement à cette ouverture. Aujourd’hui, la ligne de Viktor Orban l’a clairement emporté. Regardez le pacte sur les migrations, présenté par la Commission européenne : il reste dans ce projet des points qui posent de vrais problèmes, mais fondamentalement, l’option prise par la commission consiste à protéger concrètement les frontières extérieures de l’Europe, et à adopter enfin une vraie politique de reconduites. Un élément crucial : la commission accepte enfin de renoncer à l’idée inopérante et anti-démocratique de la relocalisation obligatoire de quotas de migrants dans les Etats membres. Cela représente une rupture substantielle depuis 2015 – Angela Merkel elle-même ne défend plus ses positions de l’époque.

En 2015, justement, l’Europe avait en quelques sortes “sous-traité” le contrôle de ses frontières à Recep Tayyip Erdogan. Quelle doit-être aujourd’hui l’attitude de l’Europe vis-à-vis de la Turquie ?
L’Europe est coupable de rester aussi passive et silencieuse face à la menace globale que fait peser sur elle l’action d’Erdogan en Grèce, à Chypre, ou contre l’Arménie aujourd’hui. Plusieurs mesures s’imposent immédiatement : arrêter bien sûr une bonne fois pour toutes la procédure d’adhésion de la Turquie à l’UE, cette fiction aberrante que nous dénonçons depuis longtemps, et stopper les financements qui y sont liés ; instaurer des sanctions contre le régime turc et ses principes figures. Face à cette menace, l’alliance des pays européens peut les renforcer en matière de contrôle des frontières, de sécurité et de défense, notamment pour les rendre moins dépendants de l’Otan – dont la Turquie est membre. Nous en sommes loin aujourd’hui.

Le président de la République a présenté récemment un plan de lutte contre “les séparatismes”, salué largement dans la classe politique – y compris à droite. Qu’en avez-vous pensé ?
Pour ma part, je ne trouve malheureusement dans ce discours qu’un mélange de naïveté, d’inconséquence et de pure communication. L’islamisme représente une menace politique vitale : le président propose une réponse juridique… mais pourquoi créer un nouvel arsenal de lois, quand on a renoncé à appliquer celles qui existent déjà, par manque de volonté et de fermeté ? Emmanuel Macron persévère par ailleurs dans cette culture de l’excuse qui consiste à mettre encore et toujours la France en accusation. Il dénonce le « surmoi post-colonial » de la France, qu’il avait déjà accusée de crimes contre l’humanité ; il relie les attentats islamistes au fait que nous n’avons pas donné sa chance à la jeunesse… Mais bien des jeunes vivent dans les territoires déshérités et abandonnés de la France périphérique, qui n’ont d’ailleurs pas bénéficié des financements colossaux des « politiques de la ville » ; et ceux-là ne commettent pas d’attentats ! Il est absurde de penser, par une espèce de matérialisme post-marxiste, que tout s’explique par l’économie et qu’on en vient à tuer des gens à coups de hachoir parce qu’on n’a pas pu intégrer une école de commerce… On ne fera pas reculer le terrorisme en expliquant qu’il y a des raisons qui pourraient le légitimer.

Emmanuel Macron a parlé à plusieurs reprises dans ce discours de la “civilisation islamique”, présente de fait dans notre pays. Est-ce une manière d’acter que notre société est désormais multiculturelle ?
En l’écoutant, je me demandais, songeur, s’il serait prêt à parler de la civilisation chrétienne. Emmanuel Macron avait explicitement refusé, dans son discours aux Bernardins, de reconnaître les racines chrétiennes de notre civilisation. Nous sommes prêts à reconnaître la culture de l’Autre : seule notre propre origine n’est pas admise dans le panthéon diversitaire. Dans ce réflexe multiculturaliste, il y a l’illusion de croire qu’on sauvera le « vivre ensemble » en acceptant de sacrifier sans cesse un peu plus de notre culture, de nos principes et de notre manière de vivre. Mais le déni de soi ne ramènera pas la paix, au contraire, il ne peut susciter que l’éclatement de la société en une juxtaposition de communautarismes revendicatifs.

Cela ne trouve-t-il pas une une traduction concrète sur la question de l’apprentissage de l’arabe ?
C’est un contresens majeur. Dans notre pays, à 18 ans, un jeune sur cinq est en difficulté dans la lecture et l’écriture du français : et on voudrait lutter contre le séparatisme en promouvant l’enseignement de l’arabe ? Le vrai défi qui nous attend, c’est de garantir que chaque enfant qui grandit en France soit authentiquement français, pas seulement pas l’état civil mais par la culture, le sentiment d’appartenance, et d’abord par la langue. Il n’y a aucune raison d’enfermer indéfiniment les enfants de la troisième ou quatrième génération dans une communauté linguistique autonome qui se perpétuerait en France.

Vous dites qu’Emmanuel Macron n’a pas évoqué la civilisation chrétienne. Dans son discours, le mot « France » était également quasi systématiquement remplacé par celui de “République”, comme si les deux étaient synonymes. Faut-il y voir plus qu’un tic de langage ?
C’est le symptôme de la confusion dont je parlais tout à l’heure : nous voulons apporter une réponse juridique à un problème politique. La République est une forme institutionnelle ; il faut faire respecter la loi commune, ni plus, ni moins. Emmanuel Macron veut « faire aimer la république » : mais comme l’avait si bien dit Charlotte d’Ornellas, on ne se passionne pas pour la littérature républicaine, on ne savoure pas la gastronomie républicaine, on n’est pas ému par la beauté des paysages républicains ! C’est le même président qui affirmait qu’ « il n’y a pas de culture française »… L’Etat ne peut susciter aucune adhésion s’il prétend être aimé pour lui-même, s’il n’est pas capable de reconnaître qu’il n’est qu’une forme institutionnelle au service de la perpétuation de cet héritage culturel que nous appelons la France.

Que faudrait-il donc faire pour lutter contre le séparatisme islamiste ?
La première réponse, c’est de faire appliquer la loi partout, sans faiblesse, de punir la première infraction, de sanctionner sans faillir ceux qui défient nos lois – tout cela est d’abord une question de volonté politique. La seconde, c’est de mettre fin à l’immigration massive, et de commencer par mener le travail d’intégration en échec depuis si longtemps. Prétendre lutter contre le séparatisme quand on laisse entrer chaque année en France 450 000 personnes, c’est simplement un mensonge. Enfin, la troisième réponse est l’éducation : s’il nous reste une chance d’éviter la fracturation définitive de notre société, elle passe par la bataille des cœurs. Seule l’éducation peut transmettre de nouveau la culture française à tous les jeunes qui vivent en France, la donner à connaître et à aimer. C’est possible, et je l’ai vécu comme bien des enseignants qui mesurent la valeur de l’héritage qu’ils ont à partager. Mais il y a vraiment urgence…


Europe et politique migratoire : quelques éléments sur le projet de la commission européenne (ajouté le 22/10/20)

« Pour un débat enfin sérieux sur le sujet crucial de la politique migratoire en Europe, et en vue du travail qui nous attend au Parlement pour obtenir des résultats efficaces sur ce sujet, quelques éléments sur le projet présenté récemment par la commission. »

Mettre fin au processus d’adhésion de la Turquie

Intervention en séance plénière du Parlement européen sur la #Turquie. L’Europe doit sortir du déni ; et cela commence par mettre fin maintenant à ce processus d’adhésion, qui n’est qu’une fiction absurde.

Publiée par François-Xavier Bellamy sur Jeudi 9 juillet 2020

Relation UE-Chine : il est temps de sortir de la naïveté.

« Dès le 28 décembre, le docteur Li Wenliang alertait sur l’apparition d’un nouveau virus dans son hôpital. Pour toute réponse, le gouvernement chinois l’a arrêté et forcé à signer une confession publique. 

Dès la deuxième semaine de janvier, des responsables de l’OMS se sont plaints que la Chine ne transmette pas d’information sur le virus, et retienne des données cruciales pour mesurer sa dangerosité et éviter sa propagation. Des journalistes étrangers ont été expulsés du pays pour avoir évoqué l’épidémie en train de se développer. 

Une leçon pour nous, dans cette période où nos pays occidentaux perdent eux aussi le goût de la liberté d’expression : la capacité à supporter des opinions divergentes est nécessaire si nous ne voulons pas sombrer dans une société d’oppression, mais aussi si nous voulons garder le moyen d’être informés des dangers qui nous menacent. Une démocratie vivante et courageuse protège mieux qu’une dictature qui étouffe toute possibilité d’alerte. 

Si la Chine n’avait pas été un régime totalitaire, si elle avait respecté la liberté d’expression et avait tiré de ces alertes des réponses immédiates pour protéger sa population et prévenir le reste du monde, nous aurions très probablement pu éviter les dizaines de milliers de morts créées par cette pandémie, et la crise économique dévastatrice dont nos pays vont devoir payer les conséquences pour de nombreuses années sans doute. Le parti communiste chinois est directement responsable de ce désastre. 

Cette crise ne conduit pourtant pas le régime chinois à se remettre en question, bien au contraire : il a redoublé ses actions de propagande, y compris dans des pays européens. Il a multiplié avec une espèce d’opportunisme financier les actions dirigées vers des actifs économiques européens… 

Et enfin, nous le voyons aujourd’hui, il a intensifié sa répression, y compris à Hong Kong : il y a quelques jours, le 28 mai, l’Assemblée populaire de Chine a commencé la rédaction d’un projet de loi pour restreindre toutes les libertés des citoyens à Hong Kong. Les services de sécurité chinois pourraient y établir leurs antennes, l’opposition à la politique du gouvernement chinois pourrait être réprimée comme de la subversion ou du terrorisme, et ceux qui oseraient encore s’exprimer librement pourraient être extradés en Chine. Le rouleau compresseur chinois s’abat sur les libertés de Hong Kong au mépris total de l’accord signé avec les Britanniques de 1984. Depuis plusieurs semaines, avec des collègues de plusieurs groupes ici au Parlement, nous alertons sur ce sujet, et je voudrais redire ici mon soutien total aux opposants qui avec un courage incroyable se lèvent encore, avec leur seule voix pour arme, face à l’énorme puissance de la Chine. 

Malheureusement, l’Europe ne leur apporte pas le soutien qu’elle leur doit. Notre civilisation a inventé la démocratie, elle reste terriblement silencieuse aujourd’hui. Silencieuse même devant l’intimidation et le mensonge que la Chine lui impose presque ouvertement. Un fait récent, largement ignoré : fin avril, le Service européen d’action extérieure, la « diplomatie » européenne, publie un rapport sur la crise du coronavirus. Trois fonctionnaires affirment que des passages entiers de ce rapport ont été retirés avant publication : ils décrivaient les méthodes de désinformation utilisées par la Chine sur l’origine de l’épidémie. Et ces passages ont été supprimés… sous la pression de Pékin. Les ambassadeurs des 27 Etats membres ont accepté eux aussi de retirer un passage entier d’un texte qu’ils signaient le 6 mai dernier dans un organe de presse chinois, un passage qui indiquait simplement que l’épidémie avait commencé en Chine. Incroyable soumission aux diktats de ce pays… Des pays attachés à leur souveraineté et conscients de leur responsabilité démocratique auraient dû retirer leur texte au lieu de céder à un tel chantage, et de se rendre ainsi complices des mensonges qui piègent aujourd’hui un milliard trois cent millions de citoyens chinois ! 

Pourquoi nos pays sont ils prêts à trahir, à subir, et à se taire ? 

Il y a longtemps que l’Europe cède du terrain. Pour partie par naïveté. Pour partie aussi parce qu’elle y trouve un intérêt matériel évident, à courte vue. Nous avons tous dans nos poches des produits fabriqués en Chine. Le fait évident que la Chine exploite par exemple même le travail forcé dans ses prisons ne nous a pas fait reculer. Je me souviens de ces cartes postales vendues en décembre dernier dans des supermarchés de Londres, dans lesquelles plusieurs acheteurs avaient eu la surprise de trouver des appels au secours de détenus de Shanghaï. Qui leur a répondu ? La chaîne de supermarché a précipitamment retiré les produits, et nous avons continué d’acheter chinois : la conscience européenne se dissout dans le calcul. 

Notre passivité est pourtant non seulement un renoncement moral, mais aussi une erreur stratégique. En France en particulier, nous consommons depuis longtemps maintenant plus que nous ne sommes capables de produire : notre balance commerciale avec la Chine est déficitaire de 30 milliards par an. Cela implique que nous devenons dépendants, et que notre économie est vouée à être progressivement rachetée par des acteurs étrangers. La Chine a développé une stratégie claire de conquête par le commerce, baptisée les nouvelles route de la soie : elle investit en particulier dans les infrastructures de transport dans le monde entier, en Afrique par exemple, mais aussi en Europe. La part des investissements chinois dans ce domaine est passée de 20 % en 2016 à plus de 50 % dans les années suivantes. 5 des 10 ports les plus importants en Europe, qui sont des points d’entrée essentiels dans notre marché, ont été ciblés par des investissements chinois. Avec notre complaisance étonnante : le port du Pirée par exemple, détenu en majorité depuis 2016 par le chinois Cosco Shipping, a reçu 140 millions d’euros de la banque européenne d’investissement l’année dernière… 

La crise actuelle ne va rien arranger bien sûr : elle fragilise beaucoup d’entreprises européennes, qui deviennent ainsi beaucoup plus vulnérables à des stratégies opportunistes de rachat. Dans cette situation, il est urgent de réagir et de sortir l’Europe de sa léthargie. 

Nous devons être prêts à protéger notre tissu industriel, et en particulier nos entreprises stratégiques, et les Etats doivent pouvoir agir pour cela. Habituellement les règles européennes interdisent aux Etats d’intervenir pour soutenir une entreprise : ces règles ont été suspendues pendant cette crise, et nous voulons qu’elles restent suspendues aussi longtemps qu’il le faudra. 

Nous devons retrouver un climat économique plus sain en Europe, mais cela suppose de mettre fin à la concurrence déséquilibrée que nous imposons à nos entreprises, en restant aveugles au contexte mondial. La commission européenne a refusé par exemple la fusion d’Alstom et Siemens l’an dernier, au motif que cette entreprise deviendrait trop importante en Europe. D’accord ; mais alors comment pouvons nous autoriser le géant chinois CRRC, qui bénéficie du monopole en Chine, et qui est largement soutenu par des aides d’Etat dans son pays, à prendre des marchés en Europe ? Il est totalement avantagé par les règles que nous imposons à nos propres entreprises, et qui ne s’appliquent pas à lui ! Je crois à la liberté de l’économie, à condition que les règles soient les mêmes pour tous… Nous ne pouvons sur ce sujet nous en prendre qu’à notre propre naïveté. Il faut que l’Europe soit cohérente ! 

En attendant ce rééquilibrage, face à l’urgence actuelle, notre président de groupe Manfred Weber a fait une proposition que je soutiens totalement : il faut imposer au moins un moratoire d’un an pour empêcher toute entrée chinoise au capital d’une entreprise européenne. Il serait absolument scandaleux que la Chine tire bénéfice de la crise économique mondiale qu’elle a au moins contribué à causer. 

Enfin, pour éviter que l’épidémie ne resurgisse, nous devons exiger une enquête indépendante sur l’origine et la gestion de cette crise sanitaire dans le monde. Cette enquête, nous devons la mener pour dissuader tout Etat à l’avenir de dissimuler une menace globale ; mais nous la devons aussi à la mémoire de tous ceux qui sont morts et pour les familles endeuillées. Nous la devons pour la cause de la vérité, et l’Europe ne sera pas fidèle à son histoire et à sa vocation si elle ne donne pas pour priorité essentielle à sa diplomatie d’imposer cette exigence. Si nous nous renions, si nous ne respectons pas nos propres principes fondamentaux, comment pouvons-nous espérer être respectés ? 

La Chine est un grand pays, héritier d’une histoire exceptionnelle, qui a mûri une civilisation magnifique. Mais avec le parti communiste chinois, qui a imposé et maintenu son pouvoir depuis plus de soixante ans au prix de dizaines de millions de victimes, nous n’avons ni les mêmes intérêts, ni la même idée du monde de demain, ni la même vision de l’homme et de la société. Bien sûr, il ne s’agit pas de traiter la Chine en ennemie ; mais les européens doivent se rappeler d’urgence que l’histoire est faite de rapport de forces, et que préserver la paix et la liberté l’exigent aussi. Le gouvernement chinois assume de défendre ses objectifs et ses principes ; si nous n’en sommes plus capables, nous serons balayés, à un moment où pourtant le monde a besoin plus que jamais des principes de liberté et de dignité absolue de la personne humaine que la civilisation européenne a mûris. » 



 

Les moyens d’agir dans le contexte géopolitique qui se dessine

Sur la chaîne d’assemblage Rafale du site Dassault Aviation de Mérignac

À l’occasion d’un déplacement à Mérignac, dans la Gironde, pour visiter le plus important des sites du groupe Dassault Aviation, où sont assemblés en particulier les différents modèles de Falcon et le Rafale, François-Xavier Bellamy a été interrogé par Jefferson Desport, journaliste spécialiste des questions de défense pour Sud Ouest et TV7 Bordeaux. La création du Fonds européen de défense, dont François-Xavier Bellamy est responsable pour le PPE (en tant que shadow rapporteur), doit permettre d’investir dans cette filière industrielle décisive, « pour notre économie et nos emplois, mais aussi pour retrouver l’autonomie stratégique qu’il nous faut maîtriser si nous voulons pouvoir agir dans le contexte géopolitique qui se dessine. Et nous avons tous les atouts pour cela, si nous voulons nous en donner les moyens : notre pays peut être fier des talents, de l’énergie et des savoir-faire exceptionnels sur lesquels il peut compter, ici comme dans bien d’autres domaines… »

Industrie de défense et autonomie stratégique : entretien avec TV7

(12 minutes)

François-Xavier Bellamy | TV7 – Industrie de défense et Autonomie stratégique

🎙️ Invité de TV7 Bordeaux, pour discuter des enjeux d'autonomie stratégique en Europe, et des perspectives du lancement du Fonds européen de défense, dont je suis chargé du suivi pour le PPE au Parlement européen.

Publiée par François-Xavier Bellamy sur Samedi 7 mars 2020

 

Entretien avec Sud Ouest

(Extraits) […]

La France, l’Allemagne et l’Espagne travaillent à la construction d’un futur avion de combat européen, le Scaf. Un pas vers une défense européenne ?

Parler d’une armée européenne, c’est une illusion. Il s’agit de construire des coopérations qui nous permettront d’être autonomes, du point de vue de nos matériels, par exemple. C’est par le concret que l’Europe peut progresser.

Considérez-vous comme Emmanuel Macron que l’Otan est en  » état de mort cérébrale  » ?

La stratégie de l’Otan manque de cohérence. Mais la forme de cette phrase a rendu inaudible un diagnostic nécessaire. De nombreux pays de l’Est, sous le joug soviétique il y a encore trente ans, sont aujourd’hui défendus par l’Alliance atlantique. Plutôt que donner l’impression qu’on veut leur retirer cette protection, construisons en parallèle les conditions concrètes de notre autonomie stratégique européenne.

Comparé au poids du parapluie américain, c’est un chemin de crête…

Les Américains sont nos alliés, pas nos suzerains. Nous devons créer les moyens de cette autonomie, sans pour autant prétendre écarter l’Otan, sinon nos partenaires européens ne nous suivront pas. La phrase d’Emmanuel Macron a fait reculer notre cause.

Retour sur la session plénière d’octobre 2019 au Parlement européen

 

Ajout (2 décembre 2019) :

Poursuivre la coopération plutôt que le fantasme de l’armée européenne

Tribune du général Bertrand Ract-Madoux et de l’amiral Pierre-François Forissier initialement parue dans Le Figaro à l’occasion de la campagne pour l’élection européenne 2019.

Poursuivre la coopération plutôt que le fantasme de l’armée européenne

Au moment où deux de nos jeunes camarades des forces spéciales viennent de donner leur vie pour sauver leurs compatriotes, nous voulons tout d’abord saluer l’engagement de notre jeunesse au sein des armées françaises et penser à leurs familles et à leurs camarades. Cette situation rappelle l’intensité des menaces auxquelles nous sommes confrontés. Dans ce contexte, l’Union européenne est confrontée à des enjeux stratégiques majeurs: terrorisme, sortie du Royaume-Uni, rôle des États-Unis avec l’Otan… Ces facteurs ont produit des effets certains sur notre sécurité et nourrissent l’urgence d’une clarification européenne en matière de défense. La campagne des élections européennes offre l’occasion d’étudier cet enjeu fondamental.

Il n’est pas imaginable de céder aux fantasmes d’une armée européenne

Tout d’abord, il n’est pas imaginable de céder aux fantasmes d’une « armée européenne », en laquelle aucun expert en matière de défense ne croit… et qu’a pourtant encore proposée Nathalie Loiseau. Les armées, ce sont d’abord des hommes et des femmes prêts à aller jusqu’au… Lire la suite en ligne

 

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