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Répartir l’échec ou reconstruire enfin l’école ?

Fabien Clairefond - François-Xavier Bellamy au sujet des annonces de Pap Ndiaye pour répondre à « l'évitement scolaire »

Tribune parue dans Le Figaro le 16 avril 2023

Rien n’est plus dangereux pour un patient que le médecin qui tenterait de supprimer le symptôme plutôt que la maladie. Pap Ndiaye se souvient-il de cet avertissement de Georges Canguilhem ? Il s’y prend en tous les cas à rebours pour traiter ce grand corps malade qu’est devenue l’Éducation nationale, en annonçant, dans un entretien au Figaro, qu’il se prépare à imposer des ratios de mixité sociale dans les établissements privés. Même si le ministre est trop pudique pour nommer clairement la contrainte, trouvant que « le terme de quota est un peu rigide », c’est bien de cela qu’il s’agit…

Le système scolaire français est devenu l’un des plus inégalitaires au monde

Le mal est en effet profond. Les indicateurs effarants se succèdent sur l’effondrement de notre école. D’après le ministère lui-même, à peine la moitié des élèves de sixième a le niveau de lecture requis pour le collège, et un tiers est en grande difficulté. Sur les matières scientifiques, alors que la France se classait dans le premier tiers de l’OCDE en 2000 selon le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), elle a reculé derrière la plupart des pays européens – très loin des pays asiatiques.

Mais cette faillite collective n’est pas payée au même prix par toute la société française. Les données convergent pour montrer que le système scolaire français est devenu l’un des plus inégalitaires au monde. En 2013, l’enquête Pisa révélait que « l’école française est aujourd’hui celle des pays de l’OCDE où l’origine sociale des enfants pèse le plus lourd dans les résultats scolaires ». Cette trahison absolue de la promesse du mérite, qui constituait pourtant en France le cœur même de l’aspiration démocratique, n’a cessé de s’aggraver depuis.

Punir, sous couvert de grands principes, ceux qui reçoivent encore un enseignement de qualité, c’est avouer qu’on a renoncé à enrayer le déclin de l’enseignement public.

Un jeune majeur sur cinq en grande difficulté de lecture

Il me semble d’ailleurs évident que cette distribution inégalitaire des conséquences de l’effondrement scolaire explique largement l’étrange inertie qu’il suscite. Les milieux dirigeants sachant leurs enfants globalement protégés du naufrage éducatif – voire avantagés par le fait que les élèves issus des milieux défavorisés, et même de la classe moyenne, n’ont plus les moyens de leur contester les places dans les filières les plus valorisées de l’enseignement supérieur. Comment ne sombreraient-ils pas dans un confortable déni ? Combien de ministres, d’élus, de patrons, de journalistes, ont crié au scandale quand, en 2020, l’enquête TIMMS a classé nos élèves derniers d’Europe en mathématiques ?

Ces chiffres, parmi tant d’autres, auraient dû provoquer un électrochoc national. S’il n’en a rien été, c’est parce que nos décideurs ne se représentent pas ce qu’ils veulent dire concrètement pour tant de Français, qui voient leurs enfants condamnés à la relégation scolaire. Toutes nos statistiques en matière d’éducation doivent être lues avec ce prisme : quand le ministère compte chaque année un jeune majeur sur cinq en grande difficulté de lecture, il faut comprendre qu’ils sont en réalité majoritaires dans certains établissements, et totalement absents dans d’autres.

Évitement scolaire : les contraindre ou les comprendre ?

Pap Ndiaye ne peut éviter ce problème, mais il le prend à l’envers. Il dénonce « l’évitement scolaire » qui conduit ceux qui le peuvent à rejoindre l’enseignement privé. Mais plutôt que de les contraindre, l’urgence serait de les comprendre – d’avoir enfin le courage de reconnaître ce qui fait que tant de Français sont prêts à tout pour « éviter » à leurs enfants l’enseignement public. Monsieur le Ministre, cela ne devrait pas être trop difficile pour vous, qui scolarisez vos propres enfants dans l’établissement sans doute le plus sélectif et le plus élitaire qui soit dans l’enseignement privé parisien… Inutile de chercher trop loin : dans le collège de vos enfants, le latin est par exemple obligatoire en cinquième – vous savez, cette langue ancienne qui a été supprimée de l’enseignement public par la gauche dont vous vous revendiquez. Un exemple parmi bien d’autres.

L’enseignement privé est devenu un refuge

Ironie de l’histoire, l’un des rares soutiens qu’avait reçu la réforme de Mme Vallaud Belkacem qui décidait cette suppression, ainsi que la diminution des cours par discipline au profit d’« enseignements pratiques » incertains, avait été l’enseignement catholique – quand toutes les organisations éducatives et les syndicats enseignants combattaient ce nouveau recul. Si l’enseignement privé est devenu un refuge, ce n’est pas parce qu’il cultiverait par lui-même une vision bien plus solide. L’engagement des équipes éducatives y est tout aussi méritoire que dans l’enseignement public, mais les structures n’y sont pas moins défaillantes, et la formation des professeurs y est souvent plus désastreuse encore.

Le privé tire profit de son statut d’oasis scolaire essentiellement parce qu’il réunit majoritairement des foyers plus aisés, plus familiers de la culture scolaire, plus attentifs et exigeants, plus susceptibles de donner un cadre de travail favorable à leurs enfants et de financer les cours de soutien garantissant leur maintien à flot. La France est d’ailleurs, on le comprendra aisément, championne d’Europe de ce business. C’est d’abord pour cette raison qu’il reste plus de chances qu’un enfant y reçoive des connaissances que l’on devrait pouvoir apprendre dans toutes les écoles de France.

Imposer à tous de prendre part au naufrage ? 

Car là est le vrai choix à faire, une fois posé l’aveu d’échec absolu qu’est le constat de « l’évitement scolaire » : décider s’il faut imposer à tous de prendre part au naufrage, ou s’il faut refonder l’enseignement public pour que plus personne ne cherche à le fuir. Bourdieu avait attaqué le principe même de la transmission exigeante d’une culture commune comme moyen offert aux élèves de s’élever au-delà de leur milieu social. Mais par son oeuvre et sa réception presque unanime, il a produit exactement l’école qu’il dénonçait, la plus injuste de toutes. En condamnant l’héritage, l’Éducation nationale a fait tant de déshérités – et notre classe dirigeante s’est si longtemps accommodée de ce scandale moral absolu.

Pap Ndiaye poursuit exactement dans cette voie, en s’attaquant à ceux qui reçoivent encore le plus au lieu de s’inquiéter de ceux qui n’ont plus rien.

Le quinquennat précédent avait déjà vu reculer comme jamais le principe de la liberté scolaire ; celui-ci prend donc le chemin d’une coercition supplémentaire. Avec une telle logique, il faudra finir de détruire tout ce qui tient encore debout pour faire semblant de ne plus voir que l’enseignement public est à terre. Mais de cet effondrement auquel personne ne veut enfin faire face, c’est l’avenir de la France qui ne se relèvera pas.

 

A lire aussi : 30 propositions de François-Xavier Bellamy pour sauver l’école

 

Votre engagement peut tout changer.

Chers amis,

Dans quelques semaines aura lieu l’élection pour la présidence des Républicains. Allons à l’essentiel : je voudrais parler à tous ceux d’entre vous qui n’y croient plus.

Vous êtes de droite, c’est mon cas aussi. Vous croyez à la liberté et à la responsabilité, vous croyez à la nécessaire reconstruction de l’autorité de l’État et à la protection de nos frontières, vous voulez transmettre notre culture autant que transmettre la nature… Vous avez peut-être dans le passé voté pour le RPR, pour l’UMP, pour LR. Aujourd’hui, vous ne le faites plus. Vous avez été déçus, si souvent déçus.

Je comprends votre défiance. Quand j’ai rejoint LR en 2019 pour prendre la tête de liste de l’élection européenne, ce n’était pas parce que j’approuvais tout ce que ce parti avait fait dans le passé. Mais je pensais devoir faire de mes propres déceptions l’occasion d’agir, plutôt que de me lamenter. Et c’est ce qui se joue aujourd’hui encore.

Dans quelques semaines, nous aurons une occasion unique de reprendre la main. Avec Bruno Retailleau, notre projet est très simple : refonder ce parti, tout changer de fond en comble pour qu’il puisse de nouveau respecter ses électeurs, et nous représenter vraiment. Bruno Retailleau n’a jamais cessé d’appeler à cette rupture, et je l’ai vu la défendre, même à contre-courant, dans bien des débats au sein du parti. Aujourd’hui, nous voulons enfin vous redonner le pouvoir ; mais pour cela, il faut que vous veniez nous aider. Nous avons besoin de vous : ce défi qui nous concerne tous est essentiel, parce que si ce parti ne se reconstruit pas, s’il ne redevient pas fidèle à ce qu’il aurait toujours dû être, nous n’arriverons jamais à reconstruire notre pays, qui en a tellement besoin. J’en suis convaincu, et les élections de l’année passée n’ont fait que conforter cette conviction.

Avec Bruno Retailleau, nous voulons rétablir une droite qui soit fidèle à sa mission, fidèle à ce que vous attendez d’elle. C’est le moment d’agir : vous êtes nombreux à m’écrire, depuis longtemps, pour me partager votre désarroi, votre colère, et le fait que vous ne voyez pas d’où viendra la refondation que nous espérons tant.

Si vous m’avez fait confiance dans les batailles menées ces dernières années, alors j’ai besoin de vous aujourd’hui : adhérez aux Républicains – non pas pour dire que vous êtes d’accord avec tout ce que ce que ce parti a fait, mais pour que nous puissions enfin compter sur lui pour défendre ce en quoi nous croyons. Nous avons besoin de vous pour soutenir notre équipe et la refondation que nous mènerons ensemble ; je compte sur vous !

Fx Bellamy

Pour adhérer, parrainer, soutenir
→ rendez-vous sur www.avecretailleau.fr

 

Face à la crise, les ressources de la France

« Face à la crise, les ressources de la France » : conférence-débat organisée par La Croix avec Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie et des Finances, chargée de l’Industrie.

 

 

Ce plan ne prépare pas l’avenir de l’Europe

« Ce plan ne prépare pas l’avenir de l’Europe, il exploite un moment de panique pour sauver par effraction une idéologie périmée depuis longtemps. »

Tribune sur le projet d’emprunt européen, parue le 26 juillet 2020 dans le JDD.


Au terme d’une longue négociation sur le plan de relance européen, les 27 ont accepté de créer le premier emprunt commun en réponse à la crise. Un problème, une dette : la France aura donc réussi à exporter à Bruxelles ses pires réflexes ; et l’Europe est sans doute aujourd’hui le seul endroit où l’on considère comme une victoire politique le fait d’encombrer l’avenir d’un emprunt supplémentaire. Bien sûr, toute crise suppose de dépenser, et toute relance d’investir ; mais les Etats européens ont déjà grâce à la politique de la BCE un accès facile aux marchés avec des taux historiquement bas. Conduire la commission européenne à emprunter à leur place, malgré une base légale très faible et des perspectives incertaines (comme l’a récemment montré le Brexit), c’est se tromper de problème. En réalité, cet emprunt commun n’est pas tant une réponse à la crise économique qui vient, qu’une manière d’utiliser cette crise pour faire avancer un agenda politique : cette nouvelle solidarité budgétaire signe le retour à la vieille illusion d’une « Europe toujours plus intégrée ». Elle offre une résurrection inattendue aux tenants du fédéralisme européen, auxquels les citoyens ont dit non depuis longtemps, mais qui s’offrent l’éphémère ivresse du « moment hamiltonien ».

Le retour au réel sera rude. Le succès apparent que représente cet accord repose sur une somme de malentendus, et il est particulièrement irresponsable de laisser l’ardoise à la génération future, au nom de laquelle cet emprunt est pourtant ironiquement contracté. Pourquoi ne dit-on rien des contreparties en termes de réformes imposées par Bruxelles aux Etats bénéficiaires des fonds, au contrôle budgétaire renforcé qui est nécessairement attaché à cette solidarité financière ? Comment a-t-on pu valider cet emprunt sans arbitrer sur les modalités de son remboursement, en se fondant simplement sur l’hypothétique création de ressources propres – sujet que chacun sait si controversé que le Conseil s’est bien gardé d’en débattre, même s’il était directement lié à l’emprunt qu’il confirmait ? Pourtant, il faudra bien rembourser. « Il n’y a pas d’argent magique », affirmait Emmanuel Macron, et cette formule n’a rien perdu de sa pertinence : pour 37 milliards d’euros, c’est-à-dire une somme très faible eu égard à son poids en terme d’économie comme de population, insignifiante aussi au regard de l’ampleur des moyens nécessaires pour faire face à la crise (le déficit public français sera de 220 milliards d’euros pour la seule année 2020), la France aura donc accepté une tutelle budgétaire renforcée et des engagements financiers disproportionnés pour l’avenir, au risque d’aggraver de façon irréversible le malaise démocratique profond qui touche déjà l’Union européenne.

Le paradoxe de cette triste histoire, c’est que pour arracher un accord sur l’emprunt européen, il a fallu sacrifier au passage l’Europe dont nous avions réellement besoin. Le budget pluriannuel de l’UE sort essoré par les coupes et les rabais concédés pour obtenir le totem de la mutualisation des dettes. Politique agricole, Fonds européen de défense, programmes de recherche et même investissement dans la santé sortiront durablement fragilisés, parfois supprimés ou presque, de ce compromis aberrant. Ce plan ne prépare pas l’avenir de l’Europe, il exploite un moment de panique pour sauver par effraction une idéologie périmée depuis longtemps. Le Parlement européen s’est montré très sévère dans son vote sur cet accord ; il nous reste quelques semaines maintenant pour tenter de remettre où nous le pourrons un peu de raison dans sa mise en oeuvre, au service d’un vrai effort de relance.


Un vrai accord historique aurait consisté, au lieu de s’enthousiasmer parce que nous avons réussi à creuser encore nos…

Publiée par François-Xavier Bellamy sur Jeudi 23 juillet 2020

Europe : changer de paradigme

Tribune écrite avec Sven Simon et cosignée par une quinzaine députés du Parlement. Le texte est paru dans L’Opinion le 9 mai 2020. Voir les signataires

Le 9 mai 1950 à Paris, Robert Schuman, ministre français des Affaires étrangères, proclamait une nouvelle vision pour l’Europe : l’Allemagne et la France devaient partager leur production de charbon et d’acier en créant une autorité commune. Ce n’est pas un hasard si Schuman voulait placer sous cette supervision mutuelle les industries qui étaient considérées comme les armureries des nations européennes. Il était conscient que l’Europe ne pouvait pas être créée « d’un coup » ni « dans une construction d’ensemble ». Elle serait liée « par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. »

Devant les nombreuses crises de l’intégration européenne, et le mécontentement généralisé que suscite le fonctionnement des institutions européennes, ce 70ème anniversaire est l’occasion de réfléchir à nouveau sur la Déclaration Schuman. Dans le contexte de 1950, préserver la paix et renouer avec la prospérité étaient les principaux défis politiques auxquels étaient confrontés les responsables politiques allemands et français. La vision que Schuman proposait de l’Europe ne se réduisait pas à des slogans systémiques abstraits, comme c’est si souvent le cas aujourd’hui entre « État fédéral » et « Europe des nations ». Il a plutôt défini les compétences de la nouvelle communauté en fonction des exigences concrètes de son époque.

À quoi ressemblent ces exigences en 2020 ? Aujourd’hui, les Européens doivent combattre pour leur futur rôle dans la mondialisation. L’Union européenne est toujours le plus grand marché unique, et cela n’est pas sans poids politique. Nos valeurs de liberté, d’État de droit et de démocratie attirent toujours, mais notre modèle n’est plus incontesté. Les nouvelles puissances émergentes revendiquent une influence économique et politique, et la Chine en particulier est en concurrence avec l’Occident dans sa promesse de prospérité. En même temps, les processus complexes de négociation pour une fédération d’États, l’incapacité des institutions européennes à se concentrer sur l’essentiel, un lien faible avec la volonté des électeurs et, enfin et surtout, la difficulté de modifier le droit de l’Union ont donné à de nombreux citoyens le sentiment d’un échec de l’Europe. Cela a sapé la légitimité de l’Union européenne, et conduit à une menace existentielle pour une Europe unie.

Les processus complexes de négociation pour une fédération d’États, l’incapacité des institutions européennes à se concentrer sur l’essentiel, un lien faible avec la volonté des électeurs et, enfin et surtout, la difficulté de modifier le droit de l’Union ont donné à de nombreux citoyens le sentiment d’un échec de l’Europe.

Contrairement à l’État-nation, l’Union européenne n’est pas une fin en soi pour la plupart de nos contemporains. Elle est en débat, elle doit prouver sa raison d’être et devra faire ses preuves encore et toujours pour se poursuivre. Elle se mesure en fonction de ses coûts et de ses avantages. La mise en balance de ces facteurs n’est pas nécessairement rationnelle, mais elle s’impose. C’est pourquoi le sujet n’est absolument pas « plus ou moins d’Europe », encore moins les vieilles idées d’un ordre fédéral ou d’une constitution de l’Europe ; la seule question est de savoir à quoi peut servir l’Union européenne pour les européens du XXIème siècle. Elle doit leur permettre de s’affirmer dans un monde de superpuissances agissant unilatéralement, avec lesquelles aucun État européen ne peut rivaliser seul. Par rapport à l’époque de Schuman, nous sommes donc confrontés aujourd’hui à un changement de paradigme : l’Union ne doit pas s’imposer aux pays européens, mais leur donner le poids dont ils ont besoin dans le monde (Kielmansegg). Au lieu de « créer une Union toujours plus étroite », nous avons besoin d’une Union concentrée sur des projets, et qui retrouve une vision stratégique dans la mondialisation.

Le sujet n’est absolument pas « plus ou moins d’Europe », encore moins les vieilles idées d’un ordre fédéral ou d’une constitution de l’Europe ; la seule question est de savoir à quoi peut servir l’Union européenne pour les européens du XXIème siècle.

C’est la raison pour laquelle, en cette Journée de l’Europe 2020, nous demandons que l’Europe se concentre sur le cœur de ce qui fera la concurrence globale entre les systèmes géopolitiques de demain, et que ses compétences soient beaucoup plus clairement délimitées, pour que les européens soient capables demain d’agir à l’échelle mondiale.

Pour l’essentiel, les défis de notre époque sont l’évolution du commerce mondial et les politiques d’investissement, la révolution numérique, la sécurité intérieure et extérieure, l’harmonisation de notre modèle énergétique, la conversion d’une économie sociale de marché vers une transition écologique et durable, le défi migratoire, et la stratégie pour l’Afrique.

Dans ces domaines, qui doivent être définis plus en détail, une approche européenne commune a indéniablement du sens, et sa valeur ajoutée peut être rendue concrètement visible, conformément à l’intuition de Schuman. Toutefois, pour que cette « solidarité d’action » se concrétise, l’Union Européenne doit se concentrer sur ces domaines et être capable de résoudre des problèmes. Sa structure institutionnelle doit être réformée pour cela.

Toutefois, pour que cette « solidarité d’action » se concrétise, l’Union Européenne doit se concentrer sur ces domaines et être capable de résoudre des problèmes. Sa structure institutionnelle doit être réformée pour cela.

Concrètement, cela implique de restructurer la Commission européenne pour en faire une structure efficace, liée à une majorité stable au Parlement Européen, articulée à une opposition visible. Pour être pris au sérieux, le Parlement doit se concentrer beaucoup plus sur les tâches pour lesquelles il a une compétence législative et des fonctions de contrôle. Il doit mûrir dans son fonctionnement, et développer une culture du débat digne d’un Parlement. Cela ne réussira pas sans un échange sérieux et approfondi d’arguments en plénière. Tant que le Parlement Européen ne deviendra pas un lieu d’échange d’idées dans la sphère publique européenne, tant que les orateurs ne seront pas engagés dans l’action mais parleront chacun de leur siège, tant qu’ils ne se considèreront pas et n’auront pas de relations entre eux, la décision au niveau européen restera difficile à accepter.

Pour réaliser cette vision d’une Europe unie par sa capacité d’action, nous avons besoin d’un nouveau départ, d’une impulsion comme celle donnée par la Déclaration du 9 mai il y a soixante-dix ans. Robert Schuman a fait preuve d’un courage déterminé lorsqu’il a tendu la main de la réconciliation à l’Allemagne, au sortir d’une guerre mondiale avec cet ennemi héréditaire, sur les ruines des villes européennes. La crise actuelle nous appelle à ouvrir un nouveau chapitre de l’histoire de l’Europe, avec la même clairvoyance. Contrairement aux États-Unis d’Amérique, l’Union Européenne ne veut pas faire de plusieurs, un – e pluribus unum – mais être « unie dans la diversité ». Si nous reconnaissons la fécondité de cette diversité, si nous la mettons en œuvre par la coopération de nos Etats, en utilisant pleinement les économies d’échelle qu’elle permet, alors nous avons toutes les chances que l’Europe récupère le retard qu’elle accuse désormais sur bien des terrains, pour continuer d’être le continent où il vaut le mieux vivre à l’avenir.

Les signataires sont tous membres du Groupe PPE au Parlement européen :

  • Sven SIMON, député de la délégation allemande du Groupe PPE
  • François-Xavier BELLAMY, président de la délégation française du Groupe PPE
  • Eva MAYDELL (délégation bulgare), présidente du Réseau des jeunes membres du PPE
  • Sara SKYTTEDAL (délégation suédoise), présidente de la Délégation pour les relations avec l’Irak
  • Isabel BENJUMEA (délégation espagnole), vice-présidente de la Commission du Développement régional
  • Tom BERENDSEN (délégation néerlandaise)
  • Lena DÜPONT (délégation allemande)
  • Arba KOKALARI (délégation suédoise)
  • Stelios KYMPOUROPOULOS (délégation grecque)
  • Jeroen LENAERS (délégation néerlandaise), vice-président de la Délégation pour les Relations avec les pays du Machrek
  • Lidia PEREIRA (délégation portugaise), vice-présidente du Réseau des jeunes membres du PPE
  • Karlo RESSLER (délégation croate)
  • Sven SCHULZE (délégation allemande), vice-président de la Commission des Transports et du Tourisme
  • Tomislav SOKOL (délégation croate)
  • Barbara THALER (délégation autrichienne)
  • Maria WALSH (délégation irlandaise)
  • Tomáš ZDECHOVSKÝ (délégation tchèque), vice-président de la Commission de l’Emploi et des Affaires sociales

Classement PISA, systèmes scolaires en Europe, réforme du bac

Émission Europe Hebdo sur Public Sénat présentée par Marie Brémeau, à revoir sur https://www.publicsenat.fr/espace-replay

Interventions de François-Xavier Bellamy durant le débat en plateau :

Voir aussi :

Public Sénat – Baccalauréat : l’Allemagne prend un chemin « exactement inverse » à la France pour François-Xavier Bellamy

Réforme des retraites

Interventions de François-Xavier Bellamy relatives à la réforme des retraites

Sud Radio, mars 2020 (mise à jour) :

Agence France Presse :

« Le gouvernement a réussi cette prouesse incroyable de crisper la France à un point extraordinaire sans pour autant avoir mis sur la table un vrai projet pour cette réforme des retraites », a affirmé M. Bellamy sur Sud Radio.

Dénonçant une «réforme technocratique», M. Bellamy a estimé que « derrière le rêve de construire un système universel à points (…) en réalité on va produire des inégalités considérables, des injustices considérables, on va créer une immense tension et en même temps on va réussir à faire une réforme qui coûte de l’argent aux finances publiques ».

Sud Radio :

« Nous sommes l’un des pays d’Europe où nous vivons le plus longtemps à la retraite, explique François-Xavier Bellamy. Il est nécessaire de faire en sorte que nous puissions travailler un peu plus longtemps : nous ne voulons pas baisser le niveau des pensions ni augmenter le niveau des cotisations. Je ne crois pas à ce mythe d’un système universel qui fonctionnerait pour tous exactement de la même manière ». Concernant les régimes spéciaux, « il faut corriger les inégalités qui existent aujourd’hui à cause des corporatismes qui ont bloqué notre pays pendant trop longtemps ». Reporter l’application de la réforme après la génération 1973 « serait la pire des solutions, estime-t-il. Soit on fait une bonne réforme qui doit s’appliquer maintenant, soit on fait une mauvaise réforme et il est scandaleux de la faire porter aux générations qui viennent ».

Public Sénat :
Grand entretien pour l’émission Forum de Radio J :

France Info (janvier 2020)

Une barrière écologique pour contribuer à rééquilibrer la mondialisation

Entretien paru dans Les Échos, propos recueillis par Pierre-Alain Furbury et Etienne Lefebvre (extrait).

Entretien avec Les Échos

[…]

Le but, c’est construire une Europe qui fasse la preuve de son efficacité. Notre projet correspond, je crois, à l’aspiration d’une grande majorité de Français qui savent que l’Europe est nécessaire mais qu’il faut la changer.

Sur le plan économique, concrètement, comment réorienter l’Europe ?

Je rêve d’une Europe qui contribue à rééquilibrer la mondialisation, qui en soit un acteur offensif. L’Europe doit défendre son industrie, elle ne peut pas être qu’une terre de services. Nous proposons la création d’une « barrière écologique » pour défendre notre marché commun, en imposant des quotas carbone sur les importations, au même titre que ceux que paient nos entreprises, et le respect des mêmes normes que celles fixées à nos industriels et nos agriculteurs.

Faut-il revoir le droit de la concurrence, comme le préconise l’axe franco-allemand ?

Bien sûr ! Qui ne voit pas que ce droit est devenu obsolète face aux géants chinois et américains ? Nous croyons à la concurrence, aux vertus du libre-échange, mais à condition d’avoir les mêmes règles que les autres. Le manque de réciprocité sur les appels d’offres dans les marchés publics est par exemple incompréhensible.

L’Europe est-elle trop libérale ?

Elle est surtout trop naïve. Nous sommes encore par certains aspects les idiots du village mondial, même si les choses commencent à bouger, comme le montre le dispositif de contrôle des investissements directs étrangers que les Républicains au Parlement européen ont contribué à mettre en oeuvre. Il faudrait étendre ces garde-fous par exemple aux rachats de terres agricoles par les investisseurs chinois. Il y a une prise de conscience collective, surtout depuis les menaces de guerre commerciale de Trump et l’échec de la fusion Alstom-Siemens. C’est le moment d’agir.

Faut-il une harmonisation fiscale au niveau européen ? Peut-on continuer la course au moins-disant entre les Etats ?

On ne peut continuer à tolérer le dumping fiscal de certains Etats. L’action de la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, va dans le bon sens quand elle sanctionne les aides d’Etat déguisées et lutte contre la concurrence déloyale. Il faut aller plus loin et tendre vers une harmonisation fiscale, notamment sur l’impôt sur les sociétés. Comme pour la TVA aujourd’hui, il serait souhaitable d’avoir un taux minimum et un plafond, avec une liberté pour les Etats au sein de ce corridor.

Nous proposons la création d’une « barrière écologique » pour défendre notre marché commun, en imposant des quotas carbone sur les importations, au même titre que ceux que paient nos entreprises, et le respect des mêmes normes que celles fixées à nos industriels et nos agriculteurs.

Mais attention, pour être crédible, la France doit se réformer. On ne peut pas parler de convergence fiscale quand on est champion du monde de la pression fiscale. Emmanuel Macron est un peu le cancre au fond de la classe qui dirait à ses voisins ce qu’ils doivent faire.

En matière sociale, a-t-il raison de plaider pour un bouclier social avec un SMIC européen ?

Mais là encore, la France n’est pas audible parce qu’elle n’a pas fait les réformes nécessaires, et cela conduit, malheureusement, à la réponse sèche de la nouvelle présidente de la CDU allemande . Pourtant, sur le fond, l’Allemagne aurait tort de refuser toute convergence sociale. Il faut aller vers une harmonisation des règles, et nous défendons une révision plus forte de la directive sur le travail détaché, une pratique qui, dans les conditions actuelles, nourrit la défiance des Français. Il faut non seulement garantir un salaire égal pour un travail égal, mais aussi que l’entreprise acquitte les mêmes charges sociales. Il faut également renforcer les contrôles qui sont dans ce domaine beaucoup trop faibles, et intégrer le transport routier dans la négociation, à venir, car Emmanuel Macron avait clairement abandonné ce secteur.

Faut-il taxer les Gafa ?

Oui, car rien ne justifie que des multinationales paient moins d’impôts que nos entreprises. Mais je ne crois pas à une réponse purement nationale qui risque de fragiliser nos propres acteurs : il faut une taxation au niveau européen. Par ailleurs, la position structurellement dominante des Gafa doit conduire à une riposte plus globale. Il s’agit de défendre nos valeurs, préserver nos démocraties et le droit à la vie privée. L’agence de protection de la démocratie prônée par Emmanuel Macron passe totalement à côté de ces sujets et n’est pas à la hauteur de l’enjeu.

L’économie suffit-elle pour réduire le désamour entre les citoyens et l’Europe ?

Cela ne suffit pas, même si ce serait déjà beaucoup. L’Europe n’est pas une organisation comme les autres : c’est une histoire, des racines – gréco-latines, judéo-chrétiennes, l’héritage des Lumières -, une civilisation qui a encore quelque chose à dire au monde. Le grand dessein, il est là. Commençons par retirer de nos billets d’euros ces ponts qui n’existent pas et ne mènent nulle part, pour y mettre le patrimoine européen qui fait notre lien commun. Il faut aussi impérativement donner à chaque jeune, y compris les plus défavorisés, l’occasion d’un échange en Europe dans son parcours scolaire.

L’Europe doit-elle se mêler des sujets de société ?

Non. L’Europe n’a pas par exemple à définir la politique familiale ou la manière dont l’Etat français doit assurer le maintien de l’ordre. Mais parce qu’elle est une civilisation, elle porte en elle-même une exigence quant à ce qu’est la dignité humaine. Il faut porter à travers l’Europe une initiative concertée sur le refus de la marchandisation du corps, de l’eugénisme, de la tentation de l’homme augmenté, de la technicisation de l’humain.

[…]

 

Sur une décision importante.

Chers amis,

Après un moment de silence sur cette page, ce simple mot pour évoquer avec vous une actualité politique et une décision qui m’attend, et répondre à vos nombreux messages sur ce sujet.

Il y a quelques semaines, j’ai appris que mon nom était évoqué au sein des Républicains pour mener la liste de ce mouvement aux prochaines élections européennes.

J’ai été bien sûr étonné de cette nouvelle inattendue. Comme vous le savez, après avoir tenté de servir notre pays en prolongeant mon engagement local par une candidature législative, j’ai poursuivi les différentes missions qui m’étaient confiées, auprès de mes élèves, à travers ce métier d’enseignant que j’aime tant, dans mon mandat avec l’équipe municipale à Versailles, ou encore au service des jeunes les plus déshérités au sein d’une association que je dirige bénévolement pour les reconduire vers l’emploi. Cherchant à contribuer, autant que je le puis, à notre vie collective si profondément désorientée, j’ai poursuivi l’aventure lancée avec la belle équipe des Soirées de la Philo, dont le développement partout en France témoigne du besoin de réfléchir et de retrouver un sens, que nous sommes si nombreux à éprouver. Enfin, beaucoup d’entre vous ont partagé avec moi la création de Servir, avec la volonté de repartir ensemble des questions de fond, avec simplicité et sérieux, pour imaginer des solutions concrètes à la crise que nous traversons.

Bref, ce n’est pas la tâche qui manque ! Au milieu de ces activités, je ne pouvais m’imaginer que la perspective de ce nouvel engagement pourrait se présenter.

A l’heure actuelle, la réflexion se poursuit ; les instances des Républicains n’ont pas non plus pris leur décision, et je respecte parfaitement ce temps nécessaire. L’enjeu de ce rendez-vous électoral est immense, dans le moment si singulier que vit notre pays. La fragilité du tissu social dont témoignent les événements récents, l’étendue impressionnante de la défiance envers la vie politique et les institutions chargées de nous représenter – au moment même où nous devons trouver ensemble la force nécessaire pour faire les choix courageux qui sont la condition de notre avenir ; et bien sûr, le carrefour où nous sommes arrivés dans l’histoire de l’Europe : tout cela fait que ce rendez-vous électoral aura une importance décisive pour notre avenir.

Dans cette période de réflexion, j’avais pris le parti de ne pas m’exprimer sur le sujet, mais l’intensification de l’attention médiatique me pousse à partager avec vous cette question. Je mesure l’importance de la responsabilité que représente ce choix ; je ne m’engagerai dans un tel défi que si je peux espérer y être utile à notre pays, en contribuant au renouvellement profond dont nous avons besoin. C’est l’unique critère que j’ai à l’esprit et au cœur dans cette décision.

Je mesure l’importance de la responsabilité que représente ce choix ; je ne m’engagerai dans un tel défi que si je peux espérer y être utile à notre pays, en contribuant au renouvellement profond dont nous avons besoin. C’est l’unique critère que j’ai à l’esprit et au cœur dans cette décision.

Je vous en dirai plus bientôt. D’ici là, même si certains le voudraient, je ne répondrai pas au petit jeu stérile des critiques et des caricatures qui, malgré l’ampleur de l’enjeu, n’a pas attendu… Cela n’a aucune importance. Pour l’instant il faut ménager les jours qui viennent pour prendre la meilleure décision, avec sérénité, afin de pouvoir l’assumer ensuite avec une vraie détermination ; si ce défi doit être relevé, alors viendra le temps de l’action, et le moment de tout donner pour réussir. Quoiqu’il arrive j’espère que nous serons nombreux aux rendez-vous qui nous attendent, quels qu’ils soient, car jamais l’énergie d’un seul ne pourra suffire à reconstruire ! Je vous suis déjà infiniment reconnaissant des signes de soutien et de confiance que vous m’envoyez ou que beaucoup d’entre vous publient sur les réseaux sociaux, et qui me touchent profondément.

Il me reste à saisir cette occasion pour souhaiter à chacun d’entre vous, de tout cœur, une très belle et heureuse année, ainsi qu’à vos familles et à tous ceux qui vous entourent. Souhaitons qu’elle soit, autant que possible, une année de paix et de vérité pour notre pays, qui en a tant besoin ; et espérons qu’elle nous donnera l’occasion d’y contribuer, dans chacun de nos engagements. Pour ce qui me concerne, la vie continue avec le travail du quotidien, et je poursuis mon itinéraire pour répondre aux invitations suscitées par Demeure… Je vous tiendrai au courant ici des prochaines rencontres.

Bonne année, et à très bientôt !

Fxb

Sauver l’école, pour tous !

Tribune publiée dans le Figaro daté du 7 juin 2016.

L’enseignement privé va bien : c’est ce qui ressort du dernier congrès de l’APEL (Association de parents d’élèves de l’enseignement libre), qui s’est conclu ce dimanche dans une ambiance d’optimisme quasi unanime. Tout semble réuni pour favoriser le secteur privé sous contrat, à commencer par l’effondrement de l’enseignement public. L’échec manifeste des dernières réformes scolaires constitue la principale clé de l’attractivité des établissements privés, qui ont la chance d’éviter les mesures que l’Etat impose à leurs voisins du public. Ils ont ainsi été à l’abri de la calamiteuse réforme des rythmes scolaires, et leur liberté de recrutement constitue dans bien des territoires un échappatoire au piège de la carte scolaire. L’apparente santé du privé est donc essentiellement la conséquence de la descente aux enfers que subit l’enseignement public.

Cette situation devient un scandale lorsque, non contents de bénéficier de cet état de fait, les dirigeants du privé encouragent les réformes qui minent l’enseignement public, pour trouver ensuite dans leur autonomie les moyens d’en amortir chez eux les effets dévastateurs… Les dernières évolutions imposées par le ministère (réforme du collège et réforme des programmes) ont eu, on le sait, peu de partisans enthousiastes. La quasi-totalité des syndicats enseignants comme beaucoup de parents d’élèves, de nombreux intellectuels de premier plan et le Conseil supérieur de l’éducation lui-même s’y sont opposés. Il aura fallu que ce soit l’enseignement dit « libre » qui donne de la voix pour soutenir le ministère, plutôt sur le mode de l’enthousiasme spontané que du soutien argumenté. L’APEL a dit « accueillir avec beaucoup d’espoir la volonté de la ministre de réformer le collège » – et pour fonder tant d’espoir, s’est contentée d’un lien sur son site internet renvoyant à l’argumentaire du gouvernement. Pour une telle « liberté », que ne nous ôte-t-on tout à fait la peine de penser, aurait dit Tocqueville… Alors que la contestation montait, la présidente de l’APEL a décidé, en guise de concession aux parents mécontents, de créer, cela ne s’invente pas, des « comités de suivi » de la réforme du collège – est-ce pour « suivre les réformes » qu’une mobilisation historique a sauvé l’école libre en 1984 ?

Sur le terrain, si le privé suit toujours le ministère, il le suit pourtant de loin. À la rentrée prochaine, de nombreux établissements privés proposeront aux familles toutes les options que la réforme du collège a pu supprimer avec la bénédiction de l’APEL… L’incohérence n’est pas d’offrir le meilleur enseignement, mais de le garder pour soi après avoir encouragé sa destruction pour les autres. Les classes bilangues ? Le latin et le grec ? Proposés en option hors contrat, c’est à dire de façon payante, en plus des frais d’inscription. La baisse des dotations horaires attribuées par le ministère ? On trouvera toujours une solution pour la compenser sur fonds propres s’il le faut. Et naturellement, les nouveaux dispositifs pédagogiques, comme les fameux enseignements pratiques interdisciplinaires, seront adaptés pour se conformer à la vigilance des parents, soucieux de l’acquisition des savoirs fondamentaux par leurs enfants, et capables de les accompagner pour cela – y compris financièrement, en recourant au business en pleine croissance des cours supplémentaires… Les équipes pédagogiques de ces établissements ont bien raison de rivaliser d’inventivité pour continuer d’offrir le meilleur à leurs élèves. Bien sûr, ce ne sera pas possible partout : bien des établissements privés accueillent dans des secteurs paupérisés des jeunes de tous les milieux. Sans moyens conséquents, ils subiront le désastre comme les autres. Mais partout ailleurs, combien de collèges privés trouveront dans ces dernières réformes l’occasion de capter pour de bon toutes les familles un peu favorisées, prêtes à payer pour éviter à leur enfant un naufrage qui condamne définitivement les élèves du public – auxquels on retire tout ce qui pouvait constituer des occasions de survie scolaire ?

Si loin de l’aspiration des parents et du travail des professeurs, qui se battent avec raison pour garder un enseignement de qualité, les représentants du privé auront donc essentiellement contribué à noyer encore un peu plus les collèges publics, qui perdent là leurs derniers leviers d’attractivité. C’est un scandale pour tout citoyen ; ce devrait être aussi un scandale pour tout chrétien, car l’idéal de l’enseignement catholique est à l’évidence profondément dévoyé lorsqu’il multiplie les propositions commerciales pour faire un marché de tout l’héritage dont il a lui-même encouragé la déconstruction. Les élèves issus d’un enseignement public en ruines, à l’exception de quelques sanctuaires intouchables, semblent désormais définitivement empêchés de vaincre leur relégation scolaire, culturelle, sociale, à cause d’une réforme imposée au nom de « l’égalité » par des responsables politiques de gauche, avec le soutien de cet enseignement privé où beaucoup d’entre eux inscrivent d’ailleurs leurs enfants, parce qu’il consolide comme jamais son monopole en matière de reproduction des élites.

C’est de l’avenir de la société qu’il s’agit – et aussi de l’avenir de l’enseignement libre, car l’hypocrisie risque de devenir si intenable qu’elle conduira tôt ou tard à l’explosion d’un système si manifestement injuste. Le ministère doit tirer des leçons de la situation, non pas en tentant par la coercition d’empêcher le privé de sauver le latin ou de contourner les EPI, mais en rendant cette chance à tous les élèves. Il est encore temps de retirer ces réformes : l’enseignement public peut et doit être un lieu d’excellence, partout, au service de tous les élèves, et pour accompagner toutes les formes de réussite !

Il est urgent aussi que l’enseignement privé se ressaisisse : derrière l’autosatisfaction de façade, il y a le versant intérieur de ce scandale démocratique – l’incroyable monopole statutaire d’une association de parents qui, dans une fiction de démocratie, se protège de sa base derrière ses statuts, et prend position au nom des centaines de milliers de familles qui la font vivre sur le terrain sans même les avoir consultées… Puisque le renouvellement ne vient pas de l’intérieur, l’espoir vient des périphéries – par exemple de la fondation d’une nouvelle association de parents d’élèves authentiquement attachés au sens pédagogique de la transmission, ou du développement des écoles Espérance Banlieues qui, retrouvant l’inspiration et l’audace perdues par les administrations jumelles du public et du privé, remettent une liberté pédagogique authentique au service des plus déshérités.

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