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La liberté d’expression est-elle en recul en France ?

« Présent à la Sorbonne pour l’hommage national à Samuel Paty : l’unité de notre pays est nécessaire pour faire face à l’islamisme. Mais elle ne peut signifier le silence devant les reniements qui nous ont rendus vulnérables. »

Extrait d’un entretien initialement paru sur lepoint.fr, propos recueillis par Jérôme Cordelier.

[…]

En tant que professeur, avez-vous eu à subir du terrorisme communautaire face à vos enseignements ?

J’ai eu l’occasion d’enseigner dans des quartiers où la population musulmane était majoritaire. e n’ai jamais eu l’occasion de me sentir en insécurité ; mais il est vrai que j’enseigne en terminale, et que les difficultés se situent essentiellement à l’échelle du collège, du fait de l’obligation scolaire. Comme beaucoup de collègues, j’ai cependant constaté comment une forme de conditionnement religieux pouvait organiser chez des élèves une défiance de principe à l’égard de l’école de la République. Cette attitude est manifeste quand on aborde l’histoire, la biologie et la philosophie.

Le professeur de philosophie est réputé susceptible de chercher à propager l’athéisme. En abordant des points d’enseignements qui peuvent paraître anodins, vous voyez surgir chez vos élèves des réflexes conditionnés. Dans un sondage récent de l’Ifop, 40 % des professeurs déclarent qu’ils s’autocensurent. Ils savent que, s’ils sont accusés d’islamophobie, l’institution ne les soutiendra pas. La consigne du « pas de vague » fait des ravages. L’idée « d’islamophobie » a fait son œuvre. Beaucoup de professeurs préfèrent baisser les yeux face aux intimidations religieuses.

La liberté d’expression est-elle en recul en France ?

Indéniablement, elle l’est, et elle le sera de plus en plus par la peur qu’installent ces attentats répétés. On ne pensait pas qu’un jour quelqu’un puisse mourir en enseignant. Mais le plus inquiétant est que cette liberté d’expression recule aussi à cause de nos propres règles et lois. Anastasia Colosimo l’a très bien démontré dans son livre Les Bûchers de la liberté en soulignant comment nous avions déstabilisé la belle architecture de la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

Depuis 1972, étape par étape, une succession de textes, comme la loi Taubira sur la mémoire de l’esclavage, a démantelé cette liberté. Au motif de la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et le négationnisme, on a multiplié les corsets et les restrictions. Aujourd’hui, ces belles intentions se retournent contre nous. L’accusation d’islamophobie est une manière de rétablir le délit de blasphème. L’université al-Azhar, autorité suprême de l’islam sunnite, juste après la mort de Samuel Paty, tout en feignant de regretter cet attentat, rappelle son souhait de voir s’instaurer une régulation mondiale afin « d’incriminer la diffamation des religions ». L’islamisme reprend le vocabulaire de l’antiracisme pour s’en prendre à notre liberté ! Je suis sidéré, le mot est faible, que l’on veuille ressusciter en France la loi Avia dite contre la haine, qui voulait pénaliser explicitement les propos islamophobes. Le cours de Samuel Paty aurait pu tomber sous le coup de cette loi ! Elle aurait été utilisée pour instruire les accusations contre lui.

Comment proposer comme remède une loi qui restreint la liberté d’expression et n’est rien d’autre qu’un acte de complaisance à la censure que l’islamisme essaie de nous imposer ? Cette loi Avia a été censurée par le Conseil constitutionnel au motif qu’elle enfreignait la liberté d’expression, et certains beaux esprits maintenant proposent de modifier la Constitution pour mettre en place ce nouveau carcan ! Cela reviendrait à pénaliser la jeune Mila, Zineb El Rhazoui, Samuel Paty… Critiquer une religion n’a rien à voir avec le racisme. Mettre le doigt dans cet engrenage, c’est renoncer à notre liberté de penser.

Vous qui ne faites pas mystère de votre foi catholique, craignez-vous une stigmatisation des croyants ?

C’est un risque et une inquiétude, en effet. On ferait une erreur en parlant des religions de façon générale, comme si elles posaient un problème global. Le concept de laïcité est né du christianisme, et on ne pourra lui donner sa pleine validité qu’en reconnaissant nos racines chrétiennes. En réalité, notre problème, c’est la rencontre de l’islam avec un monde pétri de christianisme. Notre défi majeur est de lutter contre l’islamisme en associant à ce combat une grande partie des musulmans paisibles qui cherchent à vivre leur foi en étant respectueux de nos lois. C’est pour cela qu’il faut respecter notre liberté d’expression.

L’islamophobie ne tue que ceux qui en sont accusés.

Extraits d’un entretien initialement publiée dans La Croix. Propos recueillis par Audrey Dufour.

La Croix : En s’en prenant à l’école, cet attentat vise-t-il un symbole du modèle républicain ?

François-Xavier Bellamy : […] C’est une attaque contre le modèle français et sa tradition de l’enseignement dans son ensemble. Le modèle de la laïcité est inhérent à la tradition chrétienne. Le terme provient d’ailleurs du vocabulaire ecclésial. L’idée de la laïcité n’est donc pas spontanément comprise par d’autres religions, comme l’islam, et notre défi aujourd’hui est de partager ces principes fondamentaux avec une population marquée par une autre religion, dans laquelle ces principes n’existaient pas.

Quelle réaction attendez-vous après cet attentat ?

Le moment appelle à une fermeté particulière. Nous sommes tous fatigués des marches compassionnelles. Il est temps de réagir. Et pour commencer, de mettre hors d’état de nuire ceux qui posent des cibles. L’islamophobie ne tue que ceux qui en sont accusés ; nous l’avons déjà vécu avec les attaques contre Charlie Hebdo et nous le revivons aujourd’hui.

L’islamophobie ne tue que ceux qui en sont accusés.

Samuel Paty est mort d’avoir été accusé d’islamophobie. Ce terme et les soupçons permanents qu’il fait porter conduisent à la censure, à la menace, puis à la violence et font reculer notre modèle de société. J’attends donc que le gouvernement s’engage pour une dissolution rapide du CCIF, le Collectif contre l’islamophobie en France, qui joue une stratégie d’intimidation délétère.

Du côté de l’éducation nationale, il faut mettre un terme à cette consigne de « ne pas faire de vague », et soutenir les enseignants face aux difficultés qu’ils rencontrent, leur faire confiance. Il aurait dû être réaffirmé très clairement et immédiatement que cet enseignant n’avait commis aucune faute, que la liberté pédagogique était une liberté non négociable.

Vous êtes vous-même enseignant en philosophie, avez-vous déjà ressenti une forme d’insécurité ou d’autocensure dans vos cours ?

Personnellement jamais, mais je sais que c’est que le cas de beaucoup de mes collègues. Je me souviens notamment de l’un d’entre eux qui avait affirmé que le voile ne serait jamais une obligation en France et a été muté après des plaintes de familles. Un discours religieux dans bien des milieux musulmans cherche à susciter la distance avec les institutions de la République, pour interdire aux enfants une confiance envers la France, qui leur est décrite comme une trahison de leur communauté d’origine. […]

Parler de séparatisme revient à se rassurer à bon compte, en s’imaginant des communautés qui font sécession et se replient sur elles-mêmes. Au contraire, les islamistes ont une ambition de conquête.

La loi sur le séparatisme en préparation par le gouvernement vous semble-t-elle suffisante pour répondre à ces problèmes ?

Parler de séparatisme revient à se rassurer à bon compte, en s’imaginant des communautés qui font sécession et se replient sur elles-mêmes. Au contraire, les islamistes ont une ambition de conquête par la violence et la censure, pour détruire nos libertés et imposer à tous le silence. Quand Jean-Michel Blanquer dit que cet acte est « inqualifiable », c’est faux. Le vrai nom de ce qui est arrivé c’est le terrorisme islamiste ; parler de séparatisme, c’est une nouvelle version du déni qui condamne la République à reculer depuis trop longtemps. Pour faire face à la violence, il faut la nommer et la combattre.

Crédit photo : Daina LE LARDIC / EP 2020

Aucune construction politique, aucune civilisation n’a d’avenir si elle ne maîtrise pas son territoire.

Photo : visite du camp de Kara Tepe, sur l’île grecque de Lesbos, en octobre 2020. © fxbellamy.fr

Entretien initialement paru dans Valeurs Actuelles le 8 octobre 2020.

L’attentat près des anciens locaux de Charlie Hebdo a porté dans le débat public la problématique des mineurs isolés. Il a fallu attendre ce drame pour que l’on s’en préoccupe…
Ce sujet est symptomatique de l’hypocrisie totale de nos politiques migratoires. Beaucoup d’élus départementaux alertent depuis des années sur ces “mineurs non accompagnés”, qui sont en fait très souvent des adultes connaissant parfaitement les failles de notre droit et cherchant seulement à bénéficier de ce statut protégé. Ce détournement manifeste est régulièrement couvert par paresse, lâcheté ou idéologie. Cela coûte deux milliards d’euros chaque année.

Le terroriste du 25 septembre était en effet un « faux » mineur. Que faudrait-il changer pour que ce système ne soit plus dévoyé ?
Il est indispensable que l’âge soit vérifié avant que quelqu’un soit reconnu comme mineur, pour mettre fin à ces mensonges évidents. Le juge qui s’est opposé à cette vérification dans le cas de ce migrant pakistanais devrait d’ailleurs s’en expliquer aujourd’hui… De manière plus générale, il faut réformer ce statut car la situation actuelle, loin de protéger les mineurs, créé une incitation au départ qui les met directement en danger : le gouvernement a d’ailleurs commis une faute très grave en renforçant ce risque, quand il a élargi récemment le regroupement familial aux mineurs. Bien sûr, dans l’urgence, il faut prendre soin d’un enfant isolé qui arriverait chez nous ; mais le seul objectif doit être d’organiser le plus rapidement possible son rapatriement vers sa famille dans son pays d’origine. La seule manière d’éviter que des mineurs ne soient jetés sur les routes de l’exil, c’est de garantir que personne ne restera sur le sol européen s’il n’a pas été autorisé à y entrer légalement. C’est la clé de toute politique qui protège vraiment ; il ne peut y avoir de vraie humanité sans maîtrise de nos frontières.

Que répondez-vous à ceux qui, jusqu’au gouvernement, estiment que l’accueil inconditionnel de ces mineurs relève de “l’honneur de la France” ?
Je leur réponds : allez faire un tour dans les hôtels sociaux où l’on héberge ces mineurs, et dites-moi si cela s’appelle l’honneur de la France. Allez à Lesbos voir les enfants piégés dans l’impasse migratoire, et dites-moi s’il s’agit de l’honneur de l’Europe. Le trafic d’êtres humains organisé par les passeurs, et la misère qu’il suscite, sont permis par la passivité coupable de nos pays, notre incapacité à maîtriser nos frontières, tout cela au nom de ce que les belles âmes, depuis le confort de leurs bureaux parisiens, appellent « l’honneur de la France ».
Bien sûr, il est légitime d’accueillir des gens réellement menacés ; nous n’avons d’ailleurs pas fait assez pour les chrétiens persécutés, ou les afghans qui avaient travaillé avec les soldats français. Mais le droit d’asile n’a rien à voir avec le détournement systématique dont il est l’objet aujourd’hui : sur plus de 150 000 demandeurs d’asile chaque année, 80% sont déboutés ; mais seuls 4 à 6% d’entre eux sont réellement expulsés… Ce n’est pas de la solidarité, juste de l’impuissance.

Vous revenez de Grèce, et plus précisément de l’île de Lesbos, symbole de la crise migratoire. Quel constat y avez-vous établi ?
C’est un immense drame humain. D’abord pour ces milliers de migrants auxquels des passeurs avaient vendu l’espoir, et qui se retrouvent dans une impasse, piégés dans des conditions très précaires et des procédures aberrantes. Et bien sûr une épreuve pour les Grecs, en première ligne face à cette situation. Ils vivent déjà les tensions et les conflits que cette situation prépare à grande échelle.

L’Union européenne, tiraillée par les intérêts divergents des nations qui la composent, peut-elle défendre une ligne cohérente sur la question migratoire ?
Si elle n’y arrive pas, elle est vouée à disparaître. Aucune construction politique, aucune civilisation n’a d’avenir si elle ne maîtrise pas son territoire. Mais je voudrais quand même rappeler que l’Europe n’est pas la première responsable en la matière : la plus grande part de l’immigration qui entre chaque année en France est une immigration légale. L’Etat a délivré l’an dernier plus de 300 000 titres de séjour, l’équivalent de la ville de Bordeaux ! Chaque année, ce gouvernement bat un nouveau record, et il en est totalement responsable.

Aucune construction politique, aucune civilisation n’a d’avenir si elle ne maîtrise pas son territoire. Mais je voudrais quand même rappeler que l’Europe n’est pas la première responsable en la matière : la plus grande part de l’immigration qui entre chaque année en France est une immigration légale.

Malgré tout, s’accorder à 27 sur une politique migratoire commune ne vous semble-t-il pas difficile à réaliser politiquement ?
Bien sûr, mais la situation évolue. En 2015, les pays européens ont été violemment divisés sur la crise migratoire. Quand l’Allemagne a accueilli plus d’un million de migrants sur son sol, d’autres pays – comme ceux du groupe de Visegrad – s’opposaient vigoureusement à cette ouverture. Aujourd’hui, la ligne de Viktor Orban l’a clairement emporté. Regardez le pacte sur les migrations, présenté par la Commission européenne : il reste dans ce projet des points qui posent de vrais problèmes, mais fondamentalement, l’option prise par la commission consiste à protéger concrètement les frontières extérieures de l’Europe, et à adopter enfin une vraie politique de reconduites. Un élément crucial : la commission accepte enfin de renoncer à l’idée inopérante et anti-démocratique de la relocalisation obligatoire de quotas de migrants dans les Etats membres. Cela représente une rupture substantielle depuis 2015 – Angela Merkel elle-même ne défend plus ses positions de l’époque.

En 2015, justement, l’Europe avait en quelques sortes “sous-traité” le contrôle de ses frontières à Recep Tayyip Erdogan. Quelle doit-être aujourd’hui l’attitude de l’Europe vis-à-vis de la Turquie ?
L’Europe est coupable de rester aussi passive et silencieuse face à la menace globale que fait peser sur elle l’action d’Erdogan en Grèce, à Chypre, ou contre l’Arménie aujourd’hui. Plusieurs mesures s’imposent immédiatement : arrêter bien sûr une bonne fois pour toutes la procédure d’adhésion de la Turquie à l’UE, cette fiction aberrante que nous dénonçons depuis longtemps, et stopper les financements qui y sont liés ; instaurer des sanctions contre le régime turc et ses principes figures. Face à cette menace, l’alliance des pays européens peut les renforcer en matière de contrôle des frontières, de sécurité et de défense, notamment pour les rendre moins dépendants de l’Otan – dont la Turquie est membre. Nous en sommes loin aujourd’hui.

Le président de la République a présenté récemment un plan de lutte contre “les séparatismes”, salué largement dans la classe politique – y compris à droite. Qu’en avez-vous pensé ?
Pour ma part, je ne trouve malheureusement dans ce discours qu’un mélange de naïveté, d’inconséquence et de pure communication. L’islamisme représente une menace politique vitale : le président propose une réponse juridique… mais pourquoi créer un nouvel arsenal de lois, quand on a renoncé à appliquer celles qui existent déjà, par manque de volonté et de fermeté ? Emmanuel Macron persévère par ailleurs dans cette culture de l’excuse qui consiste à mettre encore et toujours la France en accusation. Il dénonce le « surmoi post-colonial » de la France, qu’il avait déjà accusée de crimes contre l’humanité ; il relie les attentats islamistes au fait que nous n’avons pas donné sa chance à la jeunesse… Mais bien des jeunes vivent dans les territoires déshérités et abandonnés de la France périphérique, qui n’ont d’ailleurs pas bénéficié des financements colossaux des « politiques de la ville » ; et ceux-là ne commettent pas d’attentats ! Il est absurde de penser, par une espèce de matérialisme post-marxiste, que tout s’explique par l’économie et qu’on en vient à tuer des gens à coups de hachoir parce qu’on n’a pas pu intégrer une école de commerce… On ne fera pas reculer le terrorisme en expliquant qu’il y a des raisons qui pourraient le légitimer.

Emmanuel Macron a parlé à plusieurs reprises dans ce discours de la “civilisation islamique”, présente de fait dans notre pays. Est-ce une manière d’acter que notre société est désormais multiculturelle ?
En l’écoutant, je me demandais, songeur, s’il serait prêt à parler de la civilisation chrétienne. Emmanuel Macron avait explicitement refusé, dans son discours aux Bernardins, de reconnaître les racines chrétiennes de notre civilisation. Nous sommes prêts à reconnaître la culture de l’Autre : seule notre propre origine n’est pas admise dans le panthéon diversitaire. Dans ce réflexe multiculturaliste, il y a l’illusion de croire qu’on sauvera le « vivre ensemble » en acceptant de sacrifier sans cesse un peu plus de notre culture, de nos principes et de notre manière de vivre. Mais le déni de soi ne ramènera pas la paix, au contraire, il ne peut susciter que l’éclatement de la société en une juxtaposition de communautarismes revendicatifs.

Cela ne trouve-t-il pas une une traduction concrète sur la question de l’apprentissage de l’arabe ?
C’est un contresens majeur. Dans notre pays, à 18 ans, un jeune sur cinq est en difficulté dans la lecture et l’écriture du français : et on voudrait lutter contre le séparatisme en promouvant l’enseignement de l’arabe ? Le vrai défi qui nous attend, c’est de garantir que chaque enfant qui grandit en France soit authentiquement français, pas seulement pas l’état civil mais par la culture, le sentiment d’appartenance, et d’abord par la langue. Il n’y a aucune raison d’enfermer indéfiniment les enfants de la troisième ou quatrième génération dans une communauté linguistique autonome qui se perpétuerait en France.

Vous dites qu’Emmanuel Macron n’a pas évoqué la civilisation chrétienne. Dans son discours, le mot « France » était également quasi systématiquement remplacé par celui de “République”, comme si les deux étaient synonymes. Faut-il y voir plus qu’un tic de langage ?
C’est le symptôme de la confusion dont je parlais tout à l’heure : nous voulons apporter une réponse juridique à un problème politique. La République est une forme institutionnelle ; il faut faire respecter la loi commune, ni plus, ni moins. Emmanuel Macron veut « faire aimer la république » : mais comme l’avait si bien dit Charlotte d’Ornellas, on ne se passionne pas pour la littérature républicaine, on ne savoure pas la gastronomie républicaine, on n’est pas ému par la beauté des paysages républicains ! C’est le même président qui affirmait qu’ « il n’y a pas de culture française »… L’Etat ne peut susciter aucune adhésion s’il prétend être aimé pour lui-même, s’il n’est pas capable de reconnaître qu’il n’est qu’une forme institutionnelle au service de la perpétuation de cet héritage culturel que nous appelons la France.

Que faudrait-il donc faire pour lutter contre le séparatisme islamiste ?
La première réponse, c’est de faire appliquer la loi partout, sans faiblesse, de punir la première infraction, de sanctionner sans faillir ceux qui défient nos lois – tout cela est d’abord une question de volonté politique. La seconde, c’est de mettre fin à l’immigration massive, et de commencer par mener le travail d’intégration en échec depuis si longtemps. Prétendre lutter contre le séparatisme quand on laisse entrer chaque année en France 450 000 personnes, c’est simplement un mensonge. Enfin, la troisième réponse est l’éducation : s’il nous reste une chance d’éviter la fracturation définitive de notre société, elle passe par la bataille des cœurs. Seule l’éducation peut transmettre de nouveau la culture française à tous les jeunes qui vivent en France, la donner à connaître et à aimer. C’est possible, et je l’ai vécu comme bien des enseignants qui mesurent la valeur de l’héritage qu’ils ont à partager. Mais il y a vraiment urgence…


Europe et politique migratoire : quelques éléments sur le projet de la commission européenne (ajouté le 22/10/20)

« Pour un débat enfin sérieux sur le sujet crucial de la politique migratoire en Europe, et en vue du travail qui nous attend au Parlement pour obtenir des résultats efficaces sur ce sujet, quelques éléments sur le projet présenté récemment par la commission. »

Mineurs étrangers isolés : invité de France Info

Non, vous n’en demandez pas trop si vous rêvez d’une France où on ne risque pas de se faire découper au hachoir au coin de la prochaine rue.

Et l’urgence serait de surveiller les forces de l’ordre ?

En plus d'une heure, le Président n'a pas trouvé le temps d'évoquer Mélanie Lemée, Philippe Monguillot, la violence qui…

Publiée par François-Xavier Bellamy sur Mercredi 15 juillet 2020

La dénonciation permanente de la police ne peut que libérer la délinquance

 

Relation UE-Chine : il est temps de sortir de la naïveté.

« Dès le 28 décembre, le docteur Li Wenliang alertait sur l’apparition d’un nouveau virus dans son hôpital. Pour toute réponse, le gouvernement chinois l’a arrêté et forcé à signer une confession publique. 

Dès la deuxième semaine de janvier, des responsables de l’OMS se sont plaints que la Chine ne transmette pas d’information sur le virus, et retienne des données cruciales pour mesurer sa dangerosité et éviter sa propagation. Des journalistes étrangers ont été expulsés du pays pour avoir évoqué l’épidémie en train de se développer. 

Une leçon pour nous, dans cette période où nos pays occidentaux perdent eux aussi le goût de la liberté d’expression : la capacité à supporter des opinions divergentes est nécessaire si nous ne voulons pas sombrer dans une société d’oppression, mais aussi si nous voulons garder le moyen d’être informés des dangers qui nous menacent. Une démocratie vivante et courageuse protège mieux qu’une dictature qui étouffe toute possibilité d’alerte. 

Si la Chine n’avait pas été un régime totalitaire, si elle avait respecté la liberté d’expression et avait tiré de ces alertes des réponses immédiates pour protéger sa population et prévenir le reste du monde, nous aurions très probablement pu éviter les dizaines de milliers de morts créées par cette pandémie, et la crise économique dévastatrice dont nos pays vont devoir payer les conséquences pour de nombreuses années sans doute. Le parti communiste chinois est directement responsable de ce désastre. 

Cette crise ne conduit pourtant pas le régime chinois à se remettre en question, bien au contraire : il a redoublé ses actions de propagande, y compris dans des pays européens. Il a multiplié avec une espèce d’opportunisme financier les actions dirigées vers des actifs économiques européens… 

Et enfin, nous le voyons aujourd’hui, il a intensifié sa répression, y compris à Hong Kong : il y a quelques jours, le 28 mai, l’Assemblée populaire de Chine a commencé la rédaction d’un projet de loi pour restreindre toutes les libertés des citoyens à Hong Kong. Les services de sécurité chinois pourraient y établir leurs antennes, l’opposition à la politique du gouvernement chinois pourrait être réprimée comme de la subversion ou du terrorisme, et ceux qui oseraient encore s’exprimer librement pourraient être extradés en Chine. Le rouleau compresseur chinois s’abat sur les libertés de Hong Kong au mépris total de l’accord signé avec les Britanniques de 1984. Depuis plusieurs semaines, avec des collègues de plusieurs groupes ici au Parlement, nous alertons sur ce sujet, et je voudrais redire ici mon soutien total aux opposants qui avec un courage incroyable se lèvent encore, avec leur seule voix pour arme, face à l’énorme puissance de la Chine. 

Malheureusement, l’Europe ne leur apporte pas le soutien qu’elle leur doit. Notre civilisation a inventé la démocratie, elle reste terriblement silencieuse aujourd’hui. Silencieuse même devant l’intimidation et le mensonge que la Chine lui impose presque ouvertement. Un fait récent, largement ignoré : fin avril, le Service européen d’action extérieure, la « diplomatie » européenne, publie un rapport sur la crise du coronavirus. Trois fonctionnaires affirment que des passages entiers de ce rapport ont été retirés avant publication : ils décrivaient les méthodes de désinformation utilisées par la Chine sur l’origine de l’épidémie. Et ces passages ont été supprimés… sous la pression de Pékin. Les ambassadeurs des 27 Etats membres ont accepté eux aussi de retirer un passage entier d’un texte qu’ils signaient le 6 mai dernier dans un organe de presse chinois, un passage qui indiquait simplement que l’épidémie avait commencé en Chine. Incroyable soumission aux diktats de ce pays… Des pays attachés à leur souveraineté et conscients de leur responsabilité démocratique auraient dû retirer leur texte au lieu de céder à un tel chantage, et de se rendre ainsi complices des mensonges qui piègent aujourd’hui un milliard trois cent millions de citoyens chinois ! 

Pourquoi nos pays sont ils prêts à trahir, à subir, et à se taire ? 

Il y a longtemps que l’Europe cède du terrain. Pour partie par naïveté. Pour partie aussi parce qu’elle y trouve un intérêt matériel évident, à courte vue. Nous avons tous dans nos poches des produits fabriqués en Chine. Le fait évident que la Chine exploite par exemple même le travail forcé dans ses prisons ne nous a pas fait reculer. Je me souviens de ces cartes postales vendues en décembre dernier dans des supermarchés de Londres, dans lesquelles plusieurs acheteurs avaient eu la surprise de trouver des appels au secours de détenus de Shanghaï. Qui leur a répondu ? La chaîne de supermarché a précipitamment retiré les produits, et nous avons continué d’acheter chinois : la conscience européenne se dissout dans le calcul. 

Notre passivité est pourtant non seulement un renoncement moral, mais aussi une erreur stratégique. En France en particulier, nous consommons depuis longtemps maintenant plus que nous ne sommes capables de produire : notre balance commerciale avec la Chine est déficitaire de 30 milliards par an. Cela implique que nous devenons dépendants, et que notre économie est vouée à être progressivement rachetée par des acteurs étrangers. La Chine a développé une stratégie claire de conquête par le commerce, baptisée les nouvelles route de la soie : elle investit en particulier dans les infrastructures de transport dans le monde entier, en Afrique par exemple, mais aussi en Europe. La part des investissements chinois dans ce domaine est passée de 20 % en 2016 à plus de 50 % dans les années suivantes. 5 des 10 ports les plus importants en Europe, qui sont des points d’entrée essentiels dans notre marché, ont été ciblés par des investissements chinois. Avec notre complaisance étonnante : le port du Pirée par exemple, détenu en majorité depuis 2016 par le chinois Cosco Shipping, a reçu 140 millions d’euros de la banque européenne d’investissement l’année dernière… 

La crise actuelle ne va rien arranger bien sûr : elle fragilise beaucoup d’entreprises européennes, qui deviennent ainsi beaucoup plus vulnérables à des stratégies opportunistes de rachat. Dans cette situation, il est urgent de réagir et de sortir l’Europe de sa léthargie. 

Nous devons être prêts à protéger notre tissu industriel, et en particulier nos entreprises stratégiques, et les Etats doivent pouvoir agir pour cela. Habituellement les règles européennes interdisent aux Etats d’intervenir pour soutenir une entreprise : ces règles ont été suspendues pendant cette crise, et nous voulons qu’elles restent suspendues aussi longtemps qu’il le faudra. 

Nous devons retrouver un climat économique plus sain en Europe, mais cela suppose de mettre fin à la concurrence déséquilibrée que nous imposons à nos entreprises, en restant aveugles au contexte mondial. La commission européenne a refusé par exemple la fusion d’Alstom et Siemens l’an dernier, au motif que cette entreprise deviendrait trop importante en Europe. D’accord ; mais alors comment pouvons nous autoriser le géant chinois CRRC, qui bénéficie du monopole en Chine, et qui est largement soutenu par des aides d’Etat dans son pays, à prendre des marchés en Europe ? Il est totalement avantagé par les règles que nous imposons à nos propres entreprises, et qui ne s’appliquent pas à lui ! Je crois à la liberté de l’économie, à condition que les règles soient les mêmes pour tous… Nous ne pouvons sur ce sujet nous en prendre qu’à notre propre naïveté. Il faut que l’Europe soit cohérente ! 

En attendant ce rééquilibrage, face à l’urgence actuelle, notre président de groupe Manfred Weber a fait une proposition que je soutiens totalement : il faut imposer au moins un moratoire d’un an pour empêcher toute entrée chinoise au capital d’une entreprise européenne. Il serait absolument scandaleux que la Chine tire bénéfice de la crise économique mondiale qu’elle a au moins contribué à causer. 

Enfin, pour éviter que l’épidémie ne resurgisse, nous devons exiger une enquête indépendante sur l’origine et la gestion de cette crise sanitaire dans le monde. Cette enquête, nous devons la mener pour dissuader tout Etat à l’avenir de dissimuler une menace globale ; mais nous la devons aussi à la mémoire de tous ceux qui sont morts et pour les familles endeuillées. Nous la devons pour la cause de la vérité, et l’Europe ne sera pas fidèle à son histoire et à sa vocation si elle ne donne pas pour priorité essentielle à sa diplomatie d’imposer cette exigence. Si nous nous renions, si nous ne respectons pas nos propres principes fondamentaux, comment pouvons-nous espérer être respectés ? 

La Chine est un grand pays, héritier d’une histoire exceptionnelle, qui a mûri une civilisation magnifique. Mais avec le parti communiste chinois, qui a imposé et maintenu son pouvoir depuis plus de soixante ans au prix de dizaines de millions de victimes, nous n’avons ni les mêmes intérêts, ni la même idée du monde de demain, ni la même vision de l’homme et de la société. Bien sûr, il ne s’agit pas de traiter la Chine en ennemie ; mais les européens doivent se rappeler d’urgence que l’histoire est faite de rapport de forces, et que préserver la paix et la liberté l’exigent aussi. Le gouvernement chinois assume de défendre ses objectifs et ses principes ; si nous n’en sommes plus capables, nous serons balayés, à un moment où pourtant le monde a besoin plus que jamais des principes de liberté et de dignité absolue de la personne humaine que la civilisation européenne a mûris. » 



 

Veillée d’armes

Texte initialement paru sur FigaroVox le 14 mars 2020.

C’est une étrange veillée d’armes : tout a changé, mais rien ne se voit. Malgré les premières mesures prises par les autorités et l’omniprésence de l’épidémie dans les médias et les conversations, la vie continue comme avant pour l’immense majorité des Français. Sans doute les derniers moments d’insouciance, suspendus, irréels – le silence avant l’épreuve.

Selon toute probabilité, c’est en effet une grande épreuve qui attend notre pays, comme le monde autour de nous. Non que la maladie en elle-même soit beaucoup plus dangereuse que d’autres: ceux qu’elle touchera s’en sortiront pour la plupart en quelques jours, sans conséquences, et même pour certains sans symptômes. Mais une petite partie aura besoin de soins intensifs, de réanimation ; et elle peut très vite représenter un grand nombre de personnes dans l’absolu, si la population touchée est très nombreuse. La rapidité de la contagion laisse présager que le nombre des malades ayant besoin de soins intensifs dépassera prochainement les capacités de traitement de notre système de santé.

Alors commencera la grande crise à laquelle il faut être prêts, celle que connaît l’Italie depuis quelques jours déjà. Elle n’a eu droit qu’à notre indifférence, et parfois même à un regard bien condescendant de la France ; pourtant le système hospitalier, en particulier dans les régions du nord, les plus touchées, y est très comparable au nôtre. Aujourd’hui, nos collègues italiens du parlement nous décrivent la guerre qu’ils vivent, et qu’ils mènent courageusement. L’Espagne y entre à son tour. Pour nous, c’est sans doute une question de jours.

Cette bataille pèsera d’abord sur ceux qui seront au front dans les semaines à venir, les professionnels de santé, formés et entraînés pour protéger la vie humaine. Médecins, infirmières, sapeurs pompiers, ils témoignent depuis des mois des difficultés qu’ils rencontrent dans leur travail quotidien, à cause des insuffisances budgétaires et des calculs de court terme, mais aussi par le fait des comportements inciviques et consuméristes qui n’ont cessé d’augmenter. Le moment que nous vivons doit rappeler plus que jamais que l’individualisme n’est simplement pas une option. Chacun d’entre nous doit s’obliger au respect inconditionnel des soignants, qui assument la tâche difficile de gérer l’urgence vitale et de prendre des décisions ; il nous faut tout faire pour les soutenir, avec la reconnaissance que nous devons à leur compétence et à leur engagement. L’issue de la bataille qu’ils vont mener dépendra en grande partie du sens civique que nous saurons retrouver pour leur permettre d’être efficaces, et de l’exigence collective avec laquelle nous agirons. En Chine, la dictature a répondu à l’urgence avec ses moyens de coercition ; montrons que la démocratie n’implique pas le désordre, et qu’il suffit à un peuple libre de connaître le sens du devoir pour faire face avec discipline à une épreuve comme celle-ci.

Cette crise touchera aussi notre économie bien sûr, et en particulier les artisans, commerçants, petites et moyennes entreprises qui font vivre notre société mais dont l’équilibre est souvent déjà précaire. L’urgence est de garantir que toutes ces activités pourront reprendre lorsque nous sortirons des quelques semaines de glaciation que notre pays va probablement traverser. En plus des réponses apportées par le gouvernement, face à cette crise globale, il faudra aussi déployer une stratégie très forte à l’échelle du continent ; c’est le moment ou jamais de démontrer que la coopération européenne peut nous renforcer, loin des erreurs du passé qui nous placent aujourd’hui dans une situation de dépendance industrielle, et donc de fragilité sanitaire.

Enfin, l’épreuve va mettre en tension notre tissu social tout entier – et je crois qu’il ne faut pas taire cette inquiétude. Cette crise intervient dans une France dont les fractures sont immenses, et qui alimente depuis longtemps déjà la défiance, le ressentiment, la violence. Nous avons laissé naître une société à plusieurs vitesses, dans l’aménagement territorial, l’accès à l’éducation, à l’emploi, à la santé… Nous aimons rappeler les «valeurs de la République», mais derrière les incantations et les gestes politiques, nos échecs et nos inconséquences ont fait beaucoup de déshérités ; en perdant le sens de ce qui nous relie, nous avons fini par nous enliser dans l’indifférence et le chacun pour soi, et la politique même s’est peu à peu dissoute dans le conflit d’intérêts, de classes ou de communautés. Bien sûr, nous savons encore nous retrouver dans la facilité de la fête pour un grand succès sportif, ou bien faire bloc à l’occasion des sursauts collectifs, de plus en plus éphémères, provoqués par le terrorisme. Mais comment tiendrons-nous cette fois-ci ?

Il est urgent de vivre de nouveau comme un peuple, c’est-à-dire comme des personnes qui se savent liées les unes aux autres par une communauté de destin.

La suite de l’histoire dépend de nous. Cette crise va mettre à l’épreuve non seulement notre capacité de résistance, mais plus encore notre volonté d’unité. Il est urgent de mettre de côté les divisions, les soupçons, les calculs. Les responsables politiques devront être exemplaires pour cela, en ne refusant aucun des efforts qui seront demandés à tous. Il est urgent de vivre de nouveau comme un peuple, c’est-à-dire comme des personnes qui se savent liées les unes aux autres par une communauté de destin. Nous allons avoir une occasion, douloureuse mais peut-être salutaire, de redécouvrir ce qu’écrivait Saint-Exupéry, engagé volontaire, dans Pilote de guerre«Chacun est responsable de tous. Chacun est seul responsable. Chacun est seul responsable de tous.»

Saurons-nous tout faire pour protéger autrui – y compris nous imposer une prudence que le sentiment de toute-puissance inspiré par notre univers technologique nous a fait depuis longtemps oublier ? Serons-nous assez généreux pour être simplement attentifs aux plus fragiles d’entre nous ? Assez humbles pour faire confiance à l’autorité et à l’expérience ? Assez libres et courageux pour ne jamais baisser les bras, même quand tout semblera contre nous ? De notre réponse dépend aujourd’hui l’issue de cette bataille ; mais en réalité, elle décidera aussi, bien au-delà, l’avenir de notre pays.

Un petit organisme de quelques dizaines de nanomètres est venu perturber brutalement nos sécurités, nos projets, nos habitudes, nos économies. Il va sans doute mettre à nu nos fragilités, et mettre à l’épreuve comme rarement notre société tout entière ; mais il révèlera aussi, j’en suis sûr, une force vitale partagée dont nous ne nous pensions plus capables. Toutes les crises sont à la fois un instant de vérité, et une obligation de choisir. Nous voulons encore vivre, et faire vivre l’esprit qui, en dépit de toutes nos défaites, continue de nous animer: c’est le moment de le montrer.

Cinq ans après

Il y a cinq ans s’achevaient les attentats de janvier 2015. De Charlie Hebdo à l’Hyper Cacher, 17 victimes, et tant de blessés, tant de familles éprouvées pour toujours. Cinq ans après, malgré les défaites de l’Etat islamique, nous sommes loin d’avoir remporté ce combat. La menace est intacte. Le terrorisme islamiste frappe toujours en France.

Seulement, désormais, un criminel antisémite est relaxé parce qu’il a pris du cannabis avant de tuer… Derrière le délire, on préfère ne pas voir le djihad. Mais comment peut-on vaincre un ennemi qu’on a du mal à nommer ? La liberté d’expression recule. Hier, tout le monde était Charlie. Aujourd’hui, on interdit un colloque universitaire sur le terrorisme, on a peur de jouer une pièce sur l’œuvre de Charb, et Zineb El Rhazoui est menacée de mort en public par un « humoriste » – mais qui réagit encore ? Non, nous ne sommes pas face à une « violence aveugle », mais à un ennemi assumé.

Cinq ans après…

Nous ne retrouverons la liberté et la sécurité que par une stratégie claire contre le terrorisme islamiste, et en refusant enfin la moindre lâcheté. Cinq ans après, nous le devons à toutes les victimes.

Poursuivre la coopération plutôt que le fantasme de l’armée européenne

Tribune du général Bertrand Ract-Madoux et de l’amiral Pierre-François Forissier initialement parue dans Le Figaro à l’occasion de la campagne pour l’élection européenne 2019.

Poursuivre la coopération plutôt que le fantasme de l’armée européenne

Au moment où deux de nos jeunes camarades des forces spéciales viennent de donner leur vie pour sauver leurs compatriotes, nous voulons tout d’abord saluer l’engagement de notre jeunesse au sein des armées françaises et penser à leurs familles et à leurs camarades. Cette situation rappelle l’intensité des menaces auxquelles nous sommes confrontés. Dans ce contexte, l’Union européenne est confrontée à des enjeux stratégiques majeurs: terrorisme, sortie du Royaume-Uni, rôle des États-Unis avec l’Otan… Ces facteurs ont produit des effets certains sur notre sécurité et nourrissent l’urgence d’une clarification européenne en matière de défense. La campagne des élections européennes offre l’occasion d’étudier cet enjeu fondamental.

Il n’est pas imaginable de céder aux fantasmes d’une armée européenne

Tout d’abord, il n’est pas imaginable de céder aux fantasmes d’une « armée européenne », en laquelle aucun expert en matière de défense ne croit… et qu’a pourtant encore proposée Nathalie Loiseau. Les armées, ce sont d’abord des hommes et des femmes prêts à aller jusqu’au… Lire la suite en ligne

 

© Le Figaro

« En l’honneur de l’honneur… »

En l'honneur de l'honneur

Texte paru dans le Figaro du 26 mars 2018.

« En l’honneur de l’Honneur, la beauté du devoir… » — Apollinaire

Les actions humaines ne sont pas des événements aléatoires. Un phénomène physique peut s’expliquer par ses circonstances immédiates ; mais pour comprendre le choix d’un homme, il faut le relier à une histoire, dont aucun geste n’est détachable. Ce n’est pas sur le champ de bataille, dit Aristote, que l’on devient courageux : nos actes sont toujours le résultat d’une disposition cultivée peu à peu. Dans la décision la plus spontanée, s’exprime en fait une intention – à travers elle un projet, une certaine idée de la vie, et la conception du monde dans laquelle elle a pu mûrir ; et par là, toute une culture, au sein de laquelle s’est formée peu à peu la vie intérieure dont notre action n’est finalement que l’émanation visible.

Ce vendredi matin, le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame est parti prendre son poste, comme il le faisait chaque jour depuis sa première mission, vingt ans plus tôt. Il ne pouvait se douter qu’il partait pour la dernière fois. Mais le don de soi ne s’improvise pas ; et c’est la somme de générosité cultivée dans les jours ordinaires qui s’est soudain condensée, face au danger, dans cette initiative inouïe. Sans même connaître le détail des faits, il est certain que l’officier n’a pas dû réfléchir longtemps : un tel choix, dans le feu de l’action, ne peut être que simple, aussi simple qu’il semble humainement impossible ; comme le geste virtuose d’un grand sportif, d’un grand artiste, paraissent simples, parce qu’ils sont en fait l’expression d’une habitude longtemps travaillée. Arnaud Beltrame, lui, avait choisi pour métier de servir : il s’était formé, entraîné et exercé pour cela. Sans avoir eu la chance de le connaître, il suffit de lire les quelques lignes qui racontent son geste pour comprendre que cet homme, en dépassant son devoir d’officier, a simplement été au bout de ce choix qu’il avait fait – et qui l’avait fait. Un tel acte ne naît pas par hasard, il ne s’invente pas sur le coup. Et il ne serait jamais arrivé, s’il n’avait pas été préparé par l’effort de toute une vie ; par l’esprit de tout un corps, celui de la Gendarmerie Nationale, de la communauté militaire ; et finalement, par l’âme de tout un peuple.

C’est sans doute pour cette raison qu’instinctivement, à travers lui, toute la France se sent touchée. Un esprit froid pourrait trouver cela étrange. Il y a eu d’autres victimes, à Carcassonne et à Trèbes, qui ne méritent pas moins notre deuil. Et puis, pour un siècle marqué par l’impératif de la rentabilité et par l’obsession numérique, l’acte de cet officier n’enlève rien à la défaite, puisque le terroriste a tué : Arnaud Beltrame a donné sa vie pour une autre. C’est une vie pour une vie. A la fin, le compte est le même : en termes de big data, l’événement est invisible. Pour l’éthique utilitariste qui prévaut si souvent aujourd’hui, son geste n’a servi à rien ; et j’ai même pu lire que certains finissaient par le critiquer : après tout, il y aura d’autres terroristes demain, et un gendarme bien formé serait plus utile vivant.

Mais voilà, nous avons le sentiment inexprimable que cet homme nous a sauvés. Tous. Pas seulement cette femme innocente arrachée à la violence, mais nous tous, à travers elle. Et je crois qu’en effet malgré les apparences, Arnaud Beltrame a, par le don de sa vie, remporté une victoire absolue contre la haine islamiste – et contre ce qui, dans nos affaissements intérieurs, avait permis à cette haine de se tracer un passage.

Victoire contre le terroriste : son but était d’arracher des vies pour créer la peur, et la soumission qu’elle prépare. Mais on ne prend rien à celui qui donne tout… Collectivement, à travers cet officier, notre peuple tout entier n’est plus une victime passive ; il nous rend l’initiative. Mourir n’est pas subir, dès lors qu’on sait pour quoi on meurt. Après tout, les djihadistes n’admirent rien tant que les martyrs.

Mais nos martyrs, eux, servent la vie. Et en nous le rappelant, Arnaud Beltrame, comme ses frères d’armes qui se sont risqués avec lui, nous sauve aussi de nous-mêmes, et de nos propres oublis… Nous avions fini par construire un monde où ce don était impensable : une société atomisée, faite de particules élémentaires entrant en contact ou en concurrence au gré de leurs calculs ; une société de consommateurs préoccupés de leur seul bien-être, composée de castes et de communautés d’intérêts plus que de citoyens conscients du commun essentiel qui les lie ; une société où la politique même pouvait se dissoudre dans le projet terminal de « l’émancipation de l’individu ». Mais dans cette société obsédée par la revendication des droits, le sacrifice d’Arnaud Beltrame deviendrait bientôt impossible ; car pour qu’un tel abandon advienne, il nous faut d’abord savoir que le sens de la vie humaine se trouve dans le don que chacun fait de lui-même. Non dans le contrat et l’échange bien calculés, qui enferment chaque homme dans sa solitude, mais dans ce que nous apportons à des œuvres qui nous dépassent. Non dans l’émancipation de tout lien, mais dans la force des engagements qui nous relient, et qui entraînent tout de nos vies.

Mourir n’est pas subir, dès lors qu’on sait pour quoi on meurt. Après tout, les djihadistes n’admirent rien tant que les martyrs. Mais nos martyrs, eux, servent la vie.

La maison est plus que les matériaux qui la composent, écrit Saint-Exupéry dans la Lettre au Général X. Un peuple est plus qu’une juxtaposition d’individus qui « vivent ensemble ». Cela, nous l’avons appris, comme d’autres, par ce que notre civilisation a cultivé de singulier ; pour faire un Arnaud Beltrame, il a fallu des siècles de civilité, de littérature, de philosophie, de science et de foi… En désertant cet héritage, nous traversons ensemble, au beau milieu de notre prospérité matérielle, un véritable « désert de l’homme ». Et la soif qu’il a fait naître, notamment chez les plus jeunes auxquels nous n’avons pas su transmettre, laisse proliférer la source empoisonnée de l’islamisme – ce succédané morbide de transcendance, dont le délire va jusqu’à faire du martyr un meurtrier. Face à son bourreau, un gendarme désarmé nous sauve tous, en nous rappelant qui nous sommes : de ceux qui sont prêts à mourir, non pour tuer, mais pour sauver.

Bien sûr, il nous reste encore beaucoup de chemin à faire avant que soient vaincus tous les avatars de cette haine qui veut nous détruire. Beaucoup, même, avant que nous soyons enfin tous capables de dénoncer notre adversaire, l’islamisme, dans sa violence terroriste comme dans ses tentatives politiques. Il nous faudra bien plus d’exigence, de vigilance, de lucidité, que la somme des lâchetés publiques qui ont permis à un délinquant condamné de rester sur le sol français jusqu’à cet ultime méfait. Mais, mon Colonel, avec ceux qui vous épaulaient et qui prennent votre relève, vous nous avez déjà montré comment atteindre la victoire que nous vous devons maintenant, parce qu’à travers votre engagement, nous reconnaissons simplement ce qu’il nous faut redevenir ; et de cela, simplement, nous vous serons, pour toujours, infiniment reconnaissants.

Matinale de France Inter, le 26 mars 2018