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La COP29 à Bakou est un scandale absolu

Photo de François-Xavier Bellamy à la tribune du Parlement européen

Entretien paru dans Le Point, propos recueillis par Emmanuel Berretta. Photo : Alexis Haulot © Union européenne | Source : EP

Le Point : Que pensez-vous de l’organisation de la COP29 à Bakou, en Azerbaïdjan ?

C’est un scandale absolu. La France a fait le bon choix en n’envoyant qu’une délégation purement technique à Bakou. Mais le seul fait que cette conférence pour le climat soit organisée là-bas est déjà en soi une faute grave. Comment le commissaire européen socialiste Nicolas Schmit peut-il dire que cette COP à Bakou est « une opportunité pour parler de démocratie », quand elle revient à cautionner un régime qui assassine ses opposants jusque dans nos pays ?

En effet, l’Azerbaïdjan vient de nouveau de faire parler de lui, ici, après l’ assassinat d’ un opposant à Mulhouse…

J’ai accueilli son frère au Parlement européen au lendemain de l’enterrement. Vidadi Isgandarli était un ancien procureur de 62 ans, réfugié politique en France. Il a été assassiné le 1 er octobre chez lui, à Mulhouse. Ilham Aliev règle ses comptes sur notre sol, sans même s’en cacher. Cet assassinat en est l’illustration : le commando qui est venu tuer cet opposant n’a rien volé. C’est clairement signé. C’est un message envoyé à tous les opposants : même en exil, où que vous soyez, on vous retrouvera. Mahammad Mirzali, qui est devenu un ami, a été victime de plusieurs tentatives d’assassinat sur le sol français.

Vous évoquez aussi d’autres types de menaces sur le territoire français…

Il s’agit aussi de notre propre sécurité, et de la souveraineté de la France. Il est parfaitement établi que l’Azerbaïdjan a été directement impliqué dans les violences meurtrières qui ont touché la Nouvelle-Calédonie. Des moyens ont été déployés pour organiser la désinformation sur les réseaux sociaux, stimuler les destructions, et des contacts ont même eu lieu pour livrer des armes sur place. Les émeutiers affichaient le drapeau azerbaïdjanais avec leurs propres banderoles… Par volonté d’affaiblir la France, le régime d’Aliev a signé des accords avec les dirigeants indépendantistes kanaks. C’est une opération de déstabilisation à grande échelle contre la France. Elle est d’autant plus révoltante que l’Azerbaïdjan a revendiqué son « intégrité territoriale » pour organiser une véritable épuration ethnique contre les Arméniens du Haut-Karabakh.

Il s’agit aussi de notre propre sécurité, et de la souveraineté de la France.

L’Europe prend-elle suffisamment la mesure de ces agissements ?

Non. Nous avons voté un projet de résolution très radicale au Parlement européen le 24 octobre, mais pour l’instant la Commission et les États membres n’agissent pas. Nous exigeons la suspension de l’accord gazier avec l’Azerbaïdjan et des sanctions contre le régime d’Aliev. L’Europe peut le faire reculer, à condition d’être déterminée. Il faut agir maintenant, en particulier pour soutenir l’Arménie, qui est désormais directement menacée. Ce n’est pas seulement une exigence de solidarité, c’est aussi un enjeu de sécurité pour l’Europe qui doit la conduire à tout mettre en oeuvre pour empêcher Aliev de lancer une nouvelle guerre, et pour obtenir le retour des réfugiés du Haut-Karabakh ; nous n’avons pas le droit de les oublier.

Ce n’est pas seulement une exigence de solidarité, c’est aussi un enjeu de sécurité pour l’Europe.

Le gaz azerbaïdjanais ne rend-il pas l’Europe trop conciliante ?

Sans doute. Pourtant Bakou dépend bien plus de son commerce avec l’Europe que nos pays ne dépendent de lui. Le gaz qu’il nous vend est largement russe : nous payons donc le prix fort pour contourner nos propres sanctions… Et c’est ce pays qui deviendrait, le temps d’une COP, capitale de la transition écologique ? C’est pour protéger nos démocraties de ces dépendances dangereuses, en même temps que préserver le climat et faire baisser nos factures d’énergie, que j’ai tant combattu au Parlement européen en faveur de notre filière nucléaire, qui garantit notre souveraineté. Importer notre énergie nous rend vulnérables.

Tous les pays ne sont pas intéressés par le gaz de Bakou, alors comment expliquez-vous cette passivité européenne ?

Nos adversaires jouent sur nos divisions. Pourquoi M. Mariani, député du Rassemblement national au Parlement européen, a-t-il été l’un des seuls à Strasbourg à refuser de voter la résolution d’octobre contre le régime d’Aliev, avant de se rendre à Bakou pour la COP29 ? C’est bien la souveraineté de la France qu’il s’agit de défendre aujourd’hui dans ce combat.

La création d’une dette commune européenne était une fuite en avant inutile et dangereuse

Entretien initialement paru dans Valeurs actuelles, propos recueillis par Marie de Greef. Crédit photo : Groupe PPE

Le déficit français va atteindre 6,1% fin 2024 (contre 4,5% anticipé par le précédent gouvernement). La Commission européenne a-t-elle trop longtemps fermé les yeux sur ce mal français ?

Le vrai électrochoc, c’est d’abord le dérapage, le décalage répété entre les prévisions budgétaires du gouvernement et la réalité. Deux fois de suite, la France a annoncé que son déficit serait bien supérieur à la prévision initiale. L’histoire nous apprendra un jour pourquoi. Il serait parfaitement malhonnête d’accuser la Commission européenne sur ce point : ce sont les dirigeants français qui sont responsables de cette faillite budgétaire.

Pendant la crise du Covid, tous les États se sont endettés. Il avait été convenu en urgence que les règles ordinaires de maîtrise des déficits seraient temporairement suspendues pour permettre aux États membres de réagir à l’immense crise économique provoquée par les mesures sanitaires. Mais une fois la pandémie derrière nous, nos voisins ont baissé leur dépense publique, pendant que la France continuait de s’endetter, complètement à contre-cycle. Le rétablissement des règles budgétaires normales devait conduire mécaniquement à placer le pays en procédure de déficit excessif.

Diriez-vous que la France a perdu tout ou partie de sa crédibilité à Bruxelles ?

Elle a perdu beaucoup de sa crédibilité, depuis des années. Non seulement à cause de son déficit budgétaire mais aussi, et ce n’est pas assez évoqué, à cause de son déficit commercial, qui me paraît être le symptôme le plus préoccupant de notre fragilité économique. N’oublions pas que les pays européens affichent en moyenne un excédent commercial : ils exportent plus qu’ils n’importent. Pendant ce temps, la France accumule les déficits budgétaires et des déficits commerciaux records : concrètement, cela veut dire que nous ne produisons plus, et que nous finançons notre consommation de produits importés avec de la dette publique. Comment notre État peut-il prétendre ensuite être crédible auprès de ses partenaires européens ?

Si elle veut retrouver sa compétitivité, la France doit baisser le coût du travail, simplifier le code du travail, abroger les 35 heures, diminuer massivement les contraintes sur les activités de production, de l’industrie à l’agriculture… Elle doit redevenir un pays qui valorise le travail au lieu d’entretenir un modèle social fondé sur le déni de réalité.

Selon l’iFrap, la dette européenne va atteindre 1 300 milliards d’euros. Ursula von der Leyen n’est-elle pas en train de faire à Bruxelles ce qu’Emmanuel Macron et Bruno Le Maire ont fait à la France ?

C’est une réalité : l’Union européenne s’est lancée dans une fuite en avant, avec une dette qui ne cesse d’augmenter. La première étape a été le grand emprunt souscrit au moment du plan de relance post-covid. J’ai voté contre ce projet, comme toute ma délégation. Je n’ai cessé d’affirmer que cette dette commune était inutile : puisqu’aucun État membre de l’Union européenne n’a eu de difficultés d’accès au crédit pendant cette période, il n’y avait aucune raison de créer une dette à l’échelle européenne pour les soutenir. Et elle était surtout dangereuse : personne ne sait aujourd’hui comment s’effectuera le remboursement.

La Cour des comptes européenne a confirmé notre analyse, en montrant que beaucoup de ces fonds n’avaient en réalité jamais été engagés.

La Cour des comptes européenne a confirmé notre analyse, en montrant que beaucoup de ces fonds n’avaient en réalité jamais été engagés. Mais même s’il était superflu, cet emprunt va désormais coûter très cher. Il y a eu une forme de lâcheté collective de la part des États-membres ; ils se sont mis d’accord sur un plan de 750 milliards d’euros tombé du ciel, sans décider dès le départ des modalités de son remboursement. Il va maintenant falloir trancher la question pour le prochain budget. Il y a trois mauvaises solutions : demander aux États-membres d’augmenter leur contribution au budget de l’Union – et on imagine ce que cela veut dire pour un pays comme la France qui est en train de se battre avec sa propre dette ; ou bien sabrer de manière très violente dans les politiques structurelles – par exemple diminuer massivement le budget de la politique agricole, en pleine crise majeure pour nos paysans… La dernière option serait d’emprunter à nouveau, ce qui signifierait de poursuivre cette fuite en avant.

Maintenant, ce devrait être le moment de sortir notre pays de ce cercle infernal, pas d’y plonger l’Europe tout entière.

Que pensez-vous du rapport de Mario Draghi, ancien président de la BCE, qui propose d’émettre des Eurobonds pour financer les investissement futurs de l’Union par des capitaux privés ?

Les 400 pages de ce rapport ne se limitent pas à cette proposition, loin de là. Mario Draghi veut favoriser l’union des marchés de capitaux. Je pense aussi que le déclin de la finance européenne par rapport à la finance américaine est un sujet très préoccupant pour le financement de notre économie. Mais je ne crois pas du tout que ce soit en créant de la dette que l’on parviendra à affronter ce problème. S’il suffisait de créer de la dette publique pour permettre la puissance et la prospérité, la France serait le pays le plus riche et puissant d’Europe ; elle est en réalité le plus vulnérable, et ses citoyens paient le record d’impôts et de taxes de l’OCDE. Maintenant, ce devrait être le moment de sortir notre pays de ce cercle infernal, pas d’y plonger l’Europe tout entière.

Entretien à Valeurs Actuelles

Entretien à Valeurs actuelles paru dans le numéro du 20 juin 2024. Propos recueillis par Edouard Roux.

Les derniers jours ont été on ne peut plus éprouvants pour votre parti. Qu’en avez-vous pensé ? Qu’est-ce qu’on ressent, lorsque, après avoir sauvé les meubles aux européennes, on se retrouve dans une telle situation ?

L’important n’est pas le parti, mais le pays. L’annonce de la dissolution a empêché de tirer les enseignements des européennes… Le président de la République a peut-être pris cette décision pour détourner l’attention de sa défaite. Pour nous, ce résultat n’est pas un point d’arrivée bien sûr, mais il peut servir de point de départ. Après 2022, cette campagne aura permis un nouvel élan. Reconstruire la droite sera long et difficile, mais je continue de croire que c’est le devoir qui nous attend si nous voulons vraiment relever la France pour de bon. Cette famille de pensée est la seule qui puisse offrir au pays l’action durable et persévérante qui le sortira de la crise existentielle qu’il traverse.

Vous qui avez parlé de l’importance du clivage gauche-droite au Parlement européen, le voyez-vous advenir au niveau national ? Ou existe-t-il trois blocs distincts ?

Je pense que ce serait une catastrophe, pour notre vie politique, de se laisser enfermer dans l’idée qu’il y aurait trois blocs qui se définissent par le rejet les uns des autres. Le retour du clivage gauche-droite se confirme partout en Europe, dans les grands pays qui nous entourent. Mais face à cette gauche qui affiche sa radicalité, nous ne voyons pas encore se dessiner en France le retour d’une droite capable d’assumer sa responsabilité… Il suffit de lire Marine Le Pen, il y a quelques jours encore, dans Le Figaro : sa première réponse est pour dire que l’alliance avec une partie de LR ne veut pas dire que le RN soit de droite. Après le « en même temps » macroniste, le RN se définit comme « ni de gauche, ni de droite ». C’est la même confusion ; et laisser la droite se fondre dans cette opération serait faire triompher le récit d’Emmanuel Macron, qui a toujours rêvé de faire croire aux Français qu’il n’y aurait plus de place que pour un « bloc central » opposé à tout le reste. J’ai combattu ce piège politique pendant sept ans, j’ai mené toute ma campagne européenne pour refuser ce faux débat et imposer la parole d’une droite qui reprend sa place ; la difficulté du moment ne me fera pas changer de cap.

On entend dire, y compris d’après quelques sondages, que de nombreux militants LR sont enclin à faire alliance avec le RN et cette fameuse « union des droites ». Qu’en pensez-vous?

Je comprends l’impatience de gagner, qui plus est devant l’urgence vitale dans laquelle se trouve le pays, menacé par l’immigration débridée, l’insécurité, l’effondrement de l’autorité. Et je comprends bien sûr la volonté d’union : si je me suis engagé pour renouveler cette famille politique, c’est pour qu’elle puisse réunir de nouveau tous les électeurs de droite. Mais je le redis, il suffit d’écouter Marine Le Pen pour comprendre que ce à quoi nous assistons n’a rien à voir avec une « union des droites », puisque le parti dans lequel il faudrait se dissoudre refuse de se définir comme tel…

La première priorité est d’empêcher que l’extrême-gauche ne l’emporte, et de sortir enfin le pays de la faillite du macronisme. Or pour cela, je reste convaincu que des candidats de droite feront de meilleurs remparts.

Avec une possible dilution de LR dans ce mouvement ?

Le sujet là encore n’est pas l’avenir de LR. La première priorité est d’empêcher que l’extrême-gauche ne l’emporte, et de sortir enfin le pays de la faillite du macronisme. Or pour cela, je reste convaincu que des candidats de droite feront de meilleurs remparts. Je n’ai jamais confondu un premier tour et un deuxième tour… J’ai dit et écrit qu’au deuxième tour, je ferai tout pour faire barrage à cette alliance honteuse des gauches qui prend le risque de conduire au pouvoir l’islamisme, l’antisémitisme, la folie fiscale et la violence politique. Je le répéterai, même si cela me vaut bien des critiques. Après une telle abdication, la gauche morale est disqualifiée à jamais pour faire la leçon au nom d’un « front républicain » qu’elle pratique à géométrie variable. Mais, encore une fois, ne confondons pas le premier et le deuxième tour : dans les duels difficiles qui s’annoncent, un candidat LR qui s’est qualifié aura plus de chance que le RN de battre au deuxième tour le « Front populaire » ou la majorité sortante. De ce point de vue, renoncer à défendre nos couleurs est en réalité contre-productif pour le pays. L’idée qu’il faudrait que la droite vienne se ranger derrière l’étiquette RN au premier tour pour éviter la victoire de la gauche est absurde : c’est le contraire.

Ne confondons pas le premier et le deuxième tour : dans les duels difficiles qui s’annoncent, un candidat LR qui s’est qualifié aura plus de chance que le RN de battre au deuxième tour le « Front populaire » ou la majorité sortante. De ce point de vue, renoncer à défendre nos couleurs est en réalité contre-productif pour le pays.

Pour revenir à vos combats, le PPE (Parti Populaire Européen) est toujours la première force politique en Europe. La dissolution semble avoir complètement vidé de sa substance cette information…

En effet, comme je n’avais cessé de le dire, c’est la droite européenne qui devient la première force politique du continent. Cela nous donne une grande responsabilité. Ce qui m’inquiète, c’est que dans cette agitation générale, personne ne prête attention aux combats cruciaux pour l’avenir du pays qui se jouent dès maintenant à Bruxelles. Le choix du président de la Commission est en ce moment en discussion. Les turbulences que nous vivons en France ne me feront pas oublier mes engagements : je suis déjà au travail, depuis le lendemain de l’élection, pour faire valoir les priorités que nous avons défendues pendant toute la campagne.

Est-ce que Marion Maréchal ou Jordan Bardella vous ont proposé un deal pour les législatives ?

Non.

Avez-vous pu parler à Éric Ciotti ?

Pas depuis le lendemain de l’élection. Il a annoncé cette décision sans l’avoir évoquée d’abord même avec des élus proches de lui. Cela explique aussi que la confiance ait pu être blessée. J’ai fait campagne avec Éric pendant de longs mois, j’ai du respect pour son engagement, et le chemin parcouru ensemble ; il était bien sûr légitime pour proposer la ligne qu’il souhaitait. Mais on ne peut engager une famille politique entière sans avoir discuté en amont des choix stratégiques.

L’alliance LR-RN est-elle contre-nature ? Si l’on prend, à l’époque, l’UDF et le RPR qui se sont attelés, ces deux partis peuvent-ils recréer cette alliance ?

Il ne s’agit pas ici d’une alliance, mais d’une absorption. S’engager à voter tous les budgets d’un gouvernement encore inconnu, c’est abandonner la possibilité de défendre une ligne propre. Or nous avons des divergences, et ce n’est pas artificiel. Quand il s’agit d’économie par exemple, ce n’est pas d’une question purement technique qu’il s’agit. C’est d’une vision de la société, du travail, de la personne ; et c’est aussi d’immigration qu’il s’agit… Vouloir maintenir un modèle social défaillant, soutenir les combats de la gauche sur le RSA ou les retraites, c’est continuer de faire reculer le travail dans ce pays, et alimenter mécaniquement la fuite en avant migratoire qui en découle. Ce ne sont pas de petits sujets…

S’engager à voter tous les budgets d’un gouvernement encore inconnu, c’est abandonner la possibilité de défendre une ligne propre. Or nous avons des divergences, et ce n’est pas artificiel.

Qu’avez-vous pensé de l’entretien de Nicolas Sarkozy dans Le Journal du Dimanche ?

Je partage son constat que l’union de la droite se fera non par des négociations d’appareils, mais par les électeurs. Pour cela, il faut leur offrir la famille politique claire et renouvelée qui saura les réunir. C’est la condition pour que le pays trouve enfin la majorité cohérente qui rendra à la France les moyens de se relever. Ce défi reste le chantier prioritaire pour moi. Bien sûr, ce ne sera pas l’affaire de quelques jours ; il y faudra de la persévérance. Mais cela seul compte. Ne confondons pas une période hystérique avec une période historique. Pour pouvoir agir au-delà de la confusion du moment, il faudra s’appuyer sur ceux qui auront su garder la tête froide, les idées claires et le sens des priorités de long terme pour l’avenir du pays.

Face au SMIC à 1600 euros de la gauche et la suppression du droit du sol de la droite radicale, que proposez-vous concrètement ? Est-ce audible ?

Nous avons publié un programme en dix points clés pour l’avenir du pays. Notre ligne, tout le monde la connaît ; c’est aussi celle que j’ai défendue pour l’élection européenne. Bien sûr, nous sommes lucides : nous ne pouvons pas faire comme si nous aurons une majorité pour gouverner dans trois semaines. Notre but essentiel, c’est de garantir que des élus de droite, libres et solides, soient le plus nombreux demain à l’Assemblée pour être la corde de rappel, la voix de nos convictions, le socle de la reconstruction.

Et vous, les législatives ? Vous n’avez jamais été tenté ?

Je viens de me présenter à une élection européenne. Il y a une semaine, un peu moins de deux millions de personnes ont choisi de voter pour la liste que je conduisais. C’est leur confiance qui a fait la décision, beaucoup plus que des logiques d’étiquettes ou d’appareils. Je ne vais pas aujourd’hui leur dire que j’abandonne mes engagements parce qu’il y a une nouvelle élection… Je serai simplement engagé chez moi comme suppléant, pour soutenir Arnaud Poulain, qui est élu dans notre ville et me soutient depuis longtemps : en se présentant sous les couleurs de la droite dans cette circonscription très contrastée, il est le seul à pouvoir gagner, face au député macroniste sortant ou à l’alliance de la gauche. Une situation parmi bien d’autres qui explique pourquoi je crois à la nécessité, pour la France, que la droite assume ses couleurs !

Notre but essentiel, c’est de garantir que des élus de droite, libres et solides, soient le plus nombreux demain à l’Assemblée pour être la corde de rappel, la voix de nos convictions, le socle de la reconstruction.

Que va devenir LR, concrètement, au Parlement ? Une sorte de Modem 2.0 ? Une force d’appoint ?

Chaque député que nous ferons élire permettra d’ancrer l’Assemblée de demain à droite. Je suis très inquiet de voir se dessiner la résurrection d’une forme de gauche plurielle, qui allierait les restes du groupe macroniste aux socialistes et aux écologistes. Derrière l’unité de façade du « Front populaire », c’est sans doute ce dont rêvent beaucoup, y compris dans la majorité sortante. Il faudra des élus de droite pour résister à ce projet.

Il y a pourtant, à gauche, des personnalités comme Bernard Cazeneuve, qui refusent cette union…

J’ai de l’estime pour Bernard Cazeneuve, qui refuse le délire qui s’est emparé des socialistes. Voir un ancien président de la République se présenter sous la même bannière qu’un antifa fiché S donne une idée du reniement général à gauche.

La plupart des caciques LR emploient une argumentation de type moral, évoquent une incompatibilité de valeurs : avez-vous conscience que, pour la plupart des électeurs de droite, ces arguments sont incompréhensibles ? Quelles seraient ces fameuses valeurs du RN qui seraient incompatibles avec les vôtres ?

Je l’ai toujours dit : nous ne retrouverons pas la confiance des Français en faisant des leçons de morale. Si la droite a perdu ses électeurs, c’est parce qu’elle a déçu leur confiance ; c’est à elle de se remettre en question. Une fois assumé cela, je n’ai ni l’envie ni la légitimité de mener un inventaire interminable ; seul m’intéresse l’avenir, et le travail pour reconstruire. Si je me suis engagé dans cette formation politique, ce n’est pas parce que j’approuvais tout ce qu’elle avait pu faire : personne ne trouvera jamais un parti parfait pour représenter ses idées, et le RN, qui ne cesse de changer de ligne sur les sujets les plus importants, serait mal placé pour donner des leçons de cohérence. Non ; si je me suis engagé là, malgré toutes les difficultés, c’est parce que je reste certain que c’est en reconstruisant une force politique de droite assumée, crédible, exigeante, fidèle, que nous relèverons la France. Même mes opposants m’accorderont que je n’ai jamais changé de ligne, ni de méthode. Dans le chaos actuel, chacun doit discerner en conscience ; mais demain il faudra que tous les Français de bonne volonté se retrouvent pour refonder cette proposition politique qui sera à la hauteur des défis que le pays doit affronter.

Dans le chaos actuel, chacun doit discerner en conscience ; mais demain il faudra que tous les Français de bonne volonté se retrouvent pour refonder cette proposition politique qui sera à la hauteur des défis que le pays doit affronter.

Abandonner aujourd’hui nos couleurs serait un choix inutile pour le pays


La crise politique que traverse le pays est le résultat direct de la confusion, des reniements et des inconséquences, de tous bords, qui ont écoeuré les Français.

Pour ma part, je n’ai jamais varié : je suis convaincu que notre vie publique ne retrouvera son sens que par la constance et la clarté. Et que la France ne se relèvera que par la reconstruction d’une famille politique de droite, assumée, exigeante, renouvelée, qui saura tirer toutes les leçons des déceptions du passé, pour proposer la seule ligne claire qui puisse sortir le pays de toutes les impasses qui le piègent.

C’est le sens de la campagne que j’ai menée lors de cette élection européenne, qui me conduit aujourd’hui à porter la voix du pays au sein de la droite européenne, qui devient la première force politique en Europe. Nous ne sommes pas condamnés à abdiquer. Je ne renierai pas aujourd’hui l’engagement que j’ai pris devant les Français. Je continuerai de travailler pour refonder la droite à laquelle je crois : déterminée sur la sécurité et la maîtrise des frontières, courageuse dans le combat pour la liberté et contre la folie budgétaire, claire dans sa défense de la souveraineté nationale et dans ses engagements internationaux.

Abandonner aujourd’hui nos couleurs serait un choix inutile pour le pays : tout prouve déjà que la majorité actuelle sera défaite, et que nos candidats reconstruiront un groupe de droite fort et cohérent à l’Assemblée nationale, qui votera ce qui ira dans le sens de nos convictions et de l’intérêt de la France, sans qu’aucun accord d’appareil ne soit nécessaire pour cela. Je comprends les incertitudes, les impatiences ; mais je sais qu’en réalité, un tel accord serait contre-productif : il accomplirait en effet ce dont rêve Emmanuel Macron depuis toujours, qui veut faire croire que rien n’existe entre lui et le RN. J’ai combattu ce faux duel pendant des années. Je crois à un débat clair. Je ne vais pas changer d’avis aujourd’hui, alors que le résultat des élections européennes montre justement que nous pouvons retrouver un élan.

Continuer à tracer cette voie n’implique pas pour autant de nier la première menace qui pèse aujourd’hui sur la France, celle d’une victoire de l’extrême-gauche. L’alliance innommable passée hier entre les partis de gauche et la France Insoumise peut conduire demain au pouvoir des élus qui pactisent avec l’islamisme, qui justifient l’antisémitisme, qui soutiennent explicitement toutes les forces du chaos. La droite n’a aucune leçon de morale à recevoir des antifascistes de comédie qui prétendent, comme ils l’ont fait hier à Paris, combattre le RN en arrachant des drapeaux français. Et je le dis avec détermination : partout où il faudra faire un choix, nous devrons toujours faire barrage à cette alliance d’extrême-gauche, et nous préoccuper d’abord de la survie de la France et des principes qui la fondent.

Comme je l’avais promis, je suis aujourd’hui au travail au Parlement européen pour y mener les combats, décisifs pour le pays et pour l’Europe, qui vont s’y jouer dès les jours qui viennent. Cela ne m’empêchera pas de prendre toute ma part à l’effort patient qui nous attend en France pour reconstruire la droite, et pour relever le pays, dans la clarté, la constance et la fidélité, qui sont plus que jamais la condition de la confiance retrouvée.

François-Xavier Bellamy

Lettre aux Français


Chers amis, chers Français,

La campagne s’achève. J’ai tout donné. Mais je ne pouvais pas finir sans évoquer ce qu’il me reste encore à vous dire.

Pendant ces derniers mois, ces dernières années, j’ai vécu de grandes joies, des succès partagés, et des rencontres qui m’ont marqué pour toujours ; comme bien des épreuves aussi, et des moments de doute où j’aurais pu tout arrêter.

Si j’ai continué, c’est simplement parce que j’ai fait comme vous. Parce qu’aujourd’hui chaque Français de bonne volonté, dans son quotidien, doit décider de continuer, quand il y aurait mille raisons d’être épuisé et d’arrêter. Continuer à y croire, à se lever, travailler, faire son devoir, continuer à défendre ses valeurs même à contre-courant, face à l’adversité.

Si je n’ai rien lâché, c’est parce que l’enjeu est essentiel. C’est le pouvoir d’agir demain, plutôt que de continuer à subir tout ce qui arrive au pays. C’est la volonté de transmettre ce que nous avons reçu, et que nous savons profondément fragilisé. C’est l’espérance de sortir du déclin, et de rendre à notre pays, à notre civilisation, l’élan qui les a fondés.

De ce combat, beaucoup se joue maintenant. Vous qui me lisez, vous avez le pouvoir de faire vivre cet effort commun, bien au-delà du 9 juin.

Pour qui allez-vous voter ?

Je pourrais vous dire que le 9 juin, vous allez voter pour que la droite soit le plus grand parti du parlement européen et serve de meilleur rempart aux dérives politiques qui fragilisent notre pays.

Je pourrais vous dire que le 9 juin, vous allez voter pour l’équipe de combattants que j’ai l’honneur d’emmener, et qui iront au front chaque jour pour défendre votre voix.

Mais ce que je veux vous dire surtout, c’est que le 9 juin au soir, ils compteront nos voix. Ce vote sera une épreuve de vérité. Les médias, le pouvoir, tous attendent de savoir : la droite a-t-elle renoncé à ses combats ?

Répondez-leur : il existe une droite forte, fière, prête à parler à tous les Français. Une droite qui vient de loin, qui a le visage de nos parents, de nos grands-parents, de toutes les forces du pays. Une droite qui sait mener des batailles, et qui refuse de s’enfermer, de se laisser exclure des choix qui décideront de l’avenir.

Une droite qui veut relever la France. Rendre à l’Europe son sens. Sortir de l’impuissance de l’État. Retrouver nos frontières, et notre sécurité. Sortir du déclin et de l’appauvrissement, qui n’ont rien d’une fatalité. Et pour cela, d’abord, libérer les Français qui travaillent, et leur rendre leur dignité.

Un ami me demandait hier : crois-tu encore qu’un discours de vérité a une chance de survivre dans la démagogie ambiante ? Oui, mille fois oui, parce que les Français sont revenus de tout, sauf de ce devoir de courage, de loyauté, et de vérité.

Alors je compte sur vous maintenant. Parce que chacun d’entre vous doit compter dans un tel moment. Pour convaincre, pour entraîner, pour rendre une raison d’espérer à ceux qui n’y croient plus. C’est sans doute à quelques voix que va se jouer le sens qui sera donné au vote du 9 juin. Et ces quelques voix, vous seul pouvez aller les chercher – en partageant ce message autour de vous, pour commencer, si comme moi vous refusez de renoncer.

Le 9 juin est aussi votre jour. Je m’en remets à vous.
Je crois en la France, et au sursaut qui nous attend.

À très bientôt,

Supprimer l’image mise en avantFrançois-Xavier Bellamy


Lire aussi : Grand entretien au Figaro – « Il y a une relève à droite qui refuse les débauchages et les reniements »



La France est paralysée par l’irresponsabilité du macronisme

Entretien publié dans le JJD en mai 2024

 

Le JDD. Quel regard portez-vous sur la flambée des violences en Nouvelle-Calédonie ?

François-Xavier Bellamy. La Nouvelle-Calédonie, c’est la France. Les Calédoniens ont dit à trois reprises qu’ils resteraient Français. Ce qui se passe sur le territoire calédonien, c’est aussi ce qui menace le territoire de la métropole : une violence débridée qui cherche à s’imposer par le pillage et la destruction, comme les émeutes de l’an dernier. Après des années de faillite régalienne, l’État est aujourd’hui face au spectre de la guerre civile. Nous sommes de tout cœur avec les familles des gendarmes tombés pour cette terre de France au milieu du Pacifique, et avec les Calédoniens.

Quels sont les facteurs qui ont provoqué ces émeutes ?

Il y a bien sûr une histoire du conflit indépendantiste en Calédonie. Mais la situation actuelle est nouvelle : ceux qui sèment la violence ne formulent pas de revendications politiques claires. Ils disent une haine explicite des Blancs, une volonté de destruction. Les agresseurs, souvent très jeunes, ne parlent même plus du dégel du corps électoral. C’est le point commun avec les émeutes de l’été dernier : ce n’est pas un projet politique, c’est l’effondrement de la politique.

Marine Le Pen est ouverte à un nouveau référendum d’autodétermination « dans quarante ans ». A-t-elle raison de jouer la « pacification » ?

Cette déclaration est réellement révoltante. Après trois référendums, les Calédoniens ont conclu le processus entamé par les accords de Nouméa : ils ont le droit d’écrire leur avenir sans rester encore suspendus à un nouveau scrutin. En reniant son propre vote, Marine Le Pen donne raison à la violence. Que fera-t-elle demain si les banlieues étaient en feu ? Sera-t-elle prête à tout lâcher ? C’est le contraire de la pacification, qui ne peut venir que de l’exemple de la fermeté enfin retrouvée. Le RN est ambigu même sur l’unité de la nation. Il n’a jamais condamné la déstabilisation en Calédonie par l’Azerbaïdjan, dont M. Mariani est proche. Et ses partenaires de l’AFD exigent que la France « donne » Mayotte aux Comores ! Je ne pourrais jamais avoir pour allié une force politique en Europe qui veut qu’un département français soit cédé à un pays hostile.

De son côté, Mélenchon dénonce un retour du « néocolonialisme » en Nouvelle-Calédonie.

On peut ironiser sur le fait que Jean-Luc Mélenchon défend maintenant le droit du sang. Mais moi, ça ne m’amuse pas. La France insoumise ne combat plus des adversaires politiques : elle combat la France. Elle encourage sa fracturation. Elle justifie la violence. Elle transforme des pillards en héros. Elle banalise l’antisémitisme et fait de l’apologie du terrorisme islamiste un argument de campagne. La France insoumise a choisi la sédition.

Voyez-vous un point commun entre les événements récents en Nouvelle-Calédonie, l’Eurovision, l’attaque de la synagogue à Rouen ou Sciences Po ?

La haine de ce que nous sommes. C’est cette haine qui, aujourd’hui, est au cœur de la violence qui monte. La haine de ce que nous représentons, de ce que la France doit incarner, de ce que la civilisation européenne a encore à dire au monde. C’est de cette haine que la France insoumise cherche à faire un réservoir électoral. Cette trahison-là, rien ne pourra jamais l’excuser.

Sur des sujets comme l’insécurité, l’immigration, la Nouvelle-Calédonie, la justice et la dette, la question de la responsabilité politique est rarement abordée. Est-il vraiment si difficile d’admettre ses erreurs ?

Le plus marquant dans les crises actuelles, c’est que personne n’assume jamais rien au sommet de l’État. Tout le monde se défausse. Ce gouvernement ne gouverne pas, il commente. Le ministre de l’Intérieur n’est pas responsable de l’explosion de la violence. Le Stade de France, ce sont les supporters britanniques ; la crise migratoire, c’est le gouvernement italien. Le ministre de l’Économie découvre 16 milliards de dérapage du déficit en faisant mine d’être surpris. Quand a-t-on vu pour la dernière fois un ministre démissionner parce qu’un échec exigeait de prendre ses responsabilités ? Quand un proviseur est menacé de mort par les islamistes, c’est lui qui démissionne pour protéger son lycée : la ministre de l’Éducation se contente de s’indigner. Quand l’assassinat de deux agents de la pénitentiaire montre que le crime organisé a pris le contrôle en prison, le ministre de la Justice ne présente que ses condoléances.

Les ministres ne sont pas responsables de tout.

Non, la situation du pays vient de loin. Mais il y a longtemps maintenant que cette majorité l’aggrave. Emmanuel Macron est là depuis douze ans… Il est peut-être temps d’assumer son bilan. Rien n’arrive par le hasard des circonstances. Les Français savent qu’il faut répondre de ses actes. Si vous êtes chef d’entreprise et que vous faites de mauvais choix, vous assumez la faillite. Il n’y a aucune raison que les seuls qui n’aient jamais à rendre compte de ce qu’ils ont fait, ou de ce qu’ils n’ont pas fait, soient au sommet de l’État. La France est paralysée par l’irresponsabilité du macronisme.

Votre intervention à Sciences Po face aux étudiants propalestiniens a été remarquée. Les observateurs disent que le philosophe bien élevé s’est fâché. Qu’en pensez-vous ?

C’était spontané. Il ne faut jamais reculer. Certains ont dit que j’avais changé, mais c’est pourtant comme ça que j’ai agi tous les jours au Parlement européen : aller au combat, tenir sa ligne, dénoncer le mensonge. Assumer la contradiction en face, à chaque fois que c’est nécessaire. Je l’ai fait dans l’hémicycle face à Ursula von der Leyen, à Emmanuel Macron, à Olaf Scholz, et tous les jours dans les moments moins visibles du travail parlementaire. J’espère ne jamais avoir froid aux yeux quand il s’agit de défendre les Français.

Malgré vos efforts, votre campagne peine à décoller. À la même période il y a cinq ans, vous étiez à 13 % et avez terminé à 8 %. Aujourd’hui, vous êtes entre 7 et 8 %. Craignez-vous de ne pas dépasser les 5 % ?

Non. Ce que je retiens de 2019, c’est que tout s’est joué dans les derniers jours. La dernière ligne droite sera décisive. L’important pour moi n’est pas le score des partis, mais d’avoir le plus d’élus possible là où les combats se joueront pour l’avenir du pays. Le PPE sera la première force politique en Europe dans les cinq années à venir : c’est là qu’il faudra compter pour obtenir le changement de cap dont nous avons besoin. Le RN a gagné deux fois l’élection européenne, et il n’en a rien fait. Son succès serait la garantie du statu quo. Avec trois fois moins d’élus, c’est nous qui avons combattu la décroissance agricole, protégé le nucléaire, empêché la relocalisation des migrants, interdit à la Commission de promouvoir le hijab. Je me bats pour que nous ayons le plus de poids demain, là où il faudra être pour gagner les batailles nécessaires.

Vous êtes en concurrence avec Marion Maréchal. Pourquoi les électeurs de droite devraient-ils vous choisir vous ?

C’est Reconquête qui rêve de ce duel. Mon adversaire, c’est la gauche et le macronisme qui fragilisent le pays. Comment parler d’union des droites quand on cible d’abord la droite ? Comment parler de clarté quand on s’entoure de professionnels du reniement, comme M. Peltier, qu’Éric Zemmour appelait « le traître de comédie » ? L’électorat de droite doit se réunir dans le parti qui a pour mission historique de le représenter. S’il n’a pas toujours été à la hauteur de cette mission, c’est une raison de plus pour reconstruire avec nous. Déserter ce parti qui devient la première force politique d’Europe, ce serait renoncer à agir, trahir nos idées et abandonner les Français.

 

Propos recueillis par Jules Torres

Nous ne sommes pas les représentants d’un Etat fédéral européen, mais d’une alliance de démocraties

Intervention de François-Xavier Bellamy en séance plénière au Parlement européen, le 17 janvier 2024

 

Monsieur le Président,

Je voudrais revenir au fond. Puisque les conclusions du Conseil évoquent la réforme des traités – effectivement indispensable –, revenons sur le vote que notre Parlement a vécu il y a quelques semaines, sur un projet portant réforme des traités de l’Union européenne.

Le fait est que nous nous engageons exactement dans la mauvaise direction, en voulant d’abord transférer toujours plus de compétences à l’Union européenne – comme une compétence exclusive sur l’environnement –, en voulant créer la possibilité pour la Commission européenne de lever de la fiscalité à la majorité qualifiée – c’est-à-dire sans l’accord de tous les États membres, et nous nous y sommes opposés, quand nos collègues de Renew et de la gauche l’ont soutenu –, ou bien en voulant retirer aux États leur souveraineté sur leur mix énergétique – qui est aujourd’hui garanti par les traités.

Le but de l’Europe est de renforcer nos démocraties pour les rendre plus souveraines. S’engager dans la bonne direction, c’est sans doute retrouver le sens de ce que les citoyens attendent.

C’est au fond un affaiblissement général des États membres qui se dessine, avec l’idée de passer un grand nombre de décisions de la majorité qualifiée à la majorité simple, ou bien que le Conseil ne pourrait même pas prendre part à la décision sur la composition du Parlement européen, ce qui ne se fait dans aucune démocratie du monde.

Chers collègues, nous ne sommes pas ici les représentants d’un État fédéral : nous sommes une association de démocraties, et le but de l’Europe est de renforcer nos démocraties pour les rendre plus souveraines. S’engager dans la bonne direction, c’est sans doute retrouver le sens de ce que les citoyens attendent.

Merci beaucoup.


La pêche, enjeu stratégique de sécurité, de souveraineté, de puissance économique

Colloque du 6 décembre 2023 au Parlement européen

 

L’avenir de la pêche n’est pas seulement une affaire d’économie locale pour nos littoraux ; c’est un enjeu stratégique pour nos pays – et en France, deuxième domaine maritime du monde, un levier géopolitique essentiel.

Cet événement, organisé par Gabriel Mato et François-Xavier Bellamy, députés du groupe PPE membres de la commission de la pêche, a permis d’éclairer les enjeux d’économie, d’environnement, de sécurité alimentaire, d’action géopolitique liés à cette filière essentielle.


Le Marin – L’avenir de la pêche débattu au Parlement européen :

« Nous sommes confrontés à des défis internationaux comme l’Europe n’en a pas connu depuis des décennies.

En ce moment, la pêche est souvent reléguée au deuxième plan, traitée comme une activité folklorique ou suspecte, regardée avec distance alors que c’est un atout essentiel. 

En ce moment, la pêche est souvent reléguée au deuxième plan, traitée comme une activité folklorique ou suspecte, regardée avec distance alors que c’est un atout essentiel, a martelé l’eurodéputé français. Tous s’accordent sur un point : après le Brexit, le covid et la guerre en Ukraine, la filière vit une situation sans précèdent. Elle est confrontée à de nombreux défis : les importations qui représentent 70 % du poisson consommé, l’absence de visibilité sur les quotas, la modernisation de la flotte, la valorisation du poisson, la pêche illicite non déclarée et non réglementée (INN) notamment en Guyane, mais aussi les directives européennes peu adaptées à la réalité du terrain. »


España no se rinde

Intervention lors de la séance plénière de novembre, à Strasbourg

 

« Quelle tristesse absolue de voir aujourd’hui l’Espagne, un si grand pays, otage de si misérables manœuvres.

Dans mon pays aussi, en France, nous avons eu une loi d’amnistie, après des divisions historiques extrêmement douloureuses. Mais elle avait été annoncée avant les élections, et non improvisée après. Elle avait été débattue en public, avec les citoyens, et non préparée en secret avec des condamnés. C’était l’avenir d’un pays qui était en jeu, et non la survie d’un gouvernement fragile.

J’ai une question très simple pour nos collègues socialistes ici présents, pour les amis de Pedro Sánchez : l’un d’entre vous a-t-il défendu cette rupture d’égalité entre les citoyens du peuple espagnol, avant le vote de ce même peuple espagnol ? C’est une question très simple. Pourquoi, chers collègues socialistes, répétez-vous qu’il ne s’agit là que d’une question interne, et qu’elle ne concerne en rien l’Europe ? Vous avez toujours été si virulents, si insistants lorsque vous critiquiez la Hongrie ou la Pologne à propos de l’état de droit ! Et c’est bien de l’état de droit dont nous parlons en ce moment.

Le fait que la loi s’impose à la politique – et non des intérêts politiques de court terme, à un ordre juridique confirmé par le peuple – est le pilier même de la démocratie depuis que ses fondements ont été établis il y a 25 siècles avec la naissance de l’esprit européen. Voilà pourquoi nous sommes ici aujourd’hui. Nous qui écrivons la loi, nous n’avons pas le droit de la détruire. Parce que cela aurait un nom : la corruption.

Un dernier mot à tous ceux qui en Espagne sont en ce moment engagés pour défendre l’état de droit et la liberté :

Queridos amigos españoles, ¡ánimo! España no se rinde. »

À lire également : chronique de Manfred Weber et de François-Xavier Bellamy parue dans l’Opinion le 19 novembre 2023

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Il serait impensable pour les institutions européennes de simplement fermer les yeux sur le cas de l’Espagne.

Sept. Voilà le nombre de voix pour lequel Pedro Sanchez a accepté de troquer ses derniers principes démocratiques, et au passage ses promesses de campagne, contre l’assurance de rester Premier ministre. Car pour obtenir ces sept voix jeudi dernier à la chambre des députés espagnole, le Premier ministre socialiste a dû offrir aux séparatistes catalans une loi d’amnistie sur mesure, pire même, une loi d’impunité.

En lavant les délits commis « dans l’intention de revendiquer, promouvoir ou obtenir la sécession ou l’indépendance de la Catalogne », il donne, en effet, un blanc-seing aux pourfendeurs de l’unité de l’Etat ibérique. Il offre également une victoire hautement symbolique à leur chef, le fugitif Carles Puigdemont, installé en Belgique depuis six ans et faisant l’objet d’un mandat d’arrêt en Espagne.

Enfin, il montre le vrai visage d’un politicien prêt à tout pour conserver son pouvoir et celui de sa famille socialiste, nouant des alliances douteuses sous le faux prétexte de garantir la paix sociale entre la Catalogne et Madrid. La démocratie en Espagne repose sur des bases saines. Son système juridique et judiciaire est efficace. En ce sens, gageons que l’annulation soudaine de milliers de condamnations d’indépendantistes entrainera une cascade de procédures devant le Tribunal constitutionnel.

Néanmoins, le pays ne peut seul faire face aux conséquences de cette loi d’amnistie.

En effet, alors que sous l’impulsion de Donald Tusk, la Pologne affirme son attachement à l’Etat de droit, il serait impensable pour les institutions européennes de simplement fermer les yeux sur le cas de l’Espagne.

Quand le Conseil général du pouvoir judiciaire, organe clé chargé d’assurer l’indépendance de la justice, tire la sonnette d’alarme, nous devons l’écouter.

Quand des dizaines d’associations, de représentants d’entreprises, de fonctionnaires s’inquiètent de la situation, nous devons les écouter.

Quand, enfin, des milliers d’Espagnols défilent dans tout le pays, nous devons les écouter. Fermeté. Face à ces appels de détresse, la Commission européenne ne doit pas faire du « deux poids deux mesures ». Elle doit se montrer ferme et dénoncer cette loi d’amnistie, notamment ses dispositions concernant l’indépendance de la justice. Les principes mêmes d’Etat de droit, sur lesquels sont fondés l’Union européenne et l’ordre constitutionnel espagnol, exigent le respect absolu de la séparation des pouvoirs et une réponse à la hauteur des enjeux pour le pays, mais également pour l’intégrité de l’Europe.

Car ne nous y trompons pas. Certes, Sanchez a réussi à conserver le pouvoir, mais le prix à payer sera tôt ou tard l’organisation d’un nouveau referendum d’indépendance en Catalogne. Avec des conséquences hautement imprévisibles…

Manfred Weber est député allemand au Parlement européen, président du groupe Parti populaire européen (PPE) François-Xavier Bellamy est vice-président exécutif des Républicains, député au Parlement européen, ou il préside la délégation française du Parti populaire européen (PPE)


À lire également : entretien au quotidien El Mundo

España no se rinde

Summum jus, summa injuria : à propos de l’arrêt de la CJUE sur le contrôle des frontières

Intervention de François-Xavier Bellamy au Parlement européen le 4 octobre 2023 à l’occasion du débat sur le futur « Pacte asile et migration ».


« Le 13 septembre, 120 bateaux débarquent à Lampedusa. En quelques heures, des milliers de personnes entrent illégalement sur le sol européen.

Le 21 septembre, la Cour de Justice de l’Union européenne répond au Conseil d’Etat français : un État-membre n’a pas le droit de refouler hors de ses frontières une personne qui cherche à les franchir illégalement. Avant d’envisager une éventuelle expulsion – tenez-vous bien –, il faut laisser un délai à l’intéressé pour quitter volontairement le territoire national. Le seul droit qui reste à nos États est donc de prier poliment les gens de ne pas franchir illégalement leur frontière ; et quand ils les franchissent par milliers, – 330 000 l’an dernier selon Frontex –, il nous reste la possibilité de les inviter à ne pas rester. Chers collègues, ce n’est qu’une preuve de plus que le droit européen s’est retourné contre le droit. Summum jus, summa injuria : le maximum de la procédure, le maximum de la complexité, le maximum de la jurisprudence, atteint le maximum de l’injustice.

Summum jus, summa injuria : le maximum de la procédure, le maximum de la complexité, le maximum de la jurisprudence, atteint le maximum de l’injustice.

Injustice contre les victimes des réseaux de passeurs, qui ont fait de l’impuissance européenne la clé de leur business sordide.

Injustice contre les citoyens de nos pays, dont les démocraties sont privées de tout moyen de décider de qui elles accueillent ou non, et de maîtriser leur destin.

Injustice contre la loi elle-même parce que cette injustice en matière migratoire fait du monde entier une zone de non-droit.

Cher collègues, Monsieur le Commissaire : il est urgent de remettre le droit à l’endroit. »