École : sans savoirs, pas de « valeurs »

Voici le texte d’un long entretien paru en dernière page de l’Opinion, le 26 janvier 2015, à propos des défis éducatifs lancés à la suite des attentats à Paris, et du plan proposé par le gouvernement.

Propos recueillis par Ludovic Vigogne et Irène Inchauspé.

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Qu’a t-on appris sur l’école à l’occasion des attentats terroristes de début janvier ?

L’opinion a appris ce que beaucoup d’enseignants savaient déjà : ces événements ont servi de révélateur, ils ont fait apparaître la crispation de beaucoup de jeunes, la difficulté de dialoguer avec eux pour résoudre les tensions autour des questions de religion, d’identité, qui se font de plus en plus vives… Ces difficultés sont souvent occultées dans le débat public, mais elles touchent déjà beaucoup d’établissements. Cette rupture devient glaçante, lorsque des élèves refusent, au-delà de tout désaccord, de s’associer à la simple expression du respect des morts, et lancent en classe de véritables déclarations de guerre.

N’a-t-on pas découvert aussi l’impuissance des enseignants ?

Pour parler ensemble, il faut une langue commune… Quand l’école n’a pas transmis aux élèves les moyens de former et de nourrir leur réflexion, ils sont facilement piégés par des raisonnements simplistes, manichéens. Dépourvus de mots, ils sont abandonnés à la puissance des images mises en scène sur le web, qui alimentent ce qu’il y a de plus irrationnel – le complotisme, la fascination pour la violence. Les professeurs sont démunis pour engager avec eux un dialogue raisonné. Ce n’est pas tant le signe de leur impuissance, que celui de l’échec global de l’école… En 2012, une enquête ministérielle comptait 21% de collégiens incapables de « donner sens à une information » ou « d’exploiter des textes même simples ». En 2013, un jeune majeur recensé sur cinq est illettré. Comment s’étonne-t-on encore du résultat ?

Qu’ont appris, eux, les politiques de ces événements ?

Peu de choses… Les responsables politiques sont informés depuis longtemps de l’état de l’école. Nous avons tous sous les yeux les statistiques officielles : en 2013, la dernière enquête PISA recensait en France 22% de collégiens en échec, considérés comme incapables de prolonger leurs études et de « participer de manière efficace et active à la vie de la société ». La même année, notre système scolaire est devenu le plus inégalitaire des pays de l’OCDE. Les politiques savent tout cela !

Que n’ont-ils pas compris ?

Ils n’arrivent pas à faire le lien entre transmission du savoir et intégration à la vie de la société. Contrairement à ce qu’affirme Najat Vallaud-Belkacem, on ne transmet jamais des « valeurs » : aucune contrainte n’obligera la jeunesse à croire aux valeurs de la République. Cela ne marchera jamais. Ce n’est qu’en apprenant à lire, à écrire, à se situer dans l’histoire, à réfléchir à partir de savoirs communs, que l’on construit son lien à la société. L’école peut bien sûr éduquer, mais seulement en instruisant. Faute de l’avoir compris, elle va devenir de plus en plus coercitive… Le plan proposé par la ministre ne s’intéresse même pas à la transmission du savoir ; c’est le projet d’une école qui, ayant renoncé à former les élèves, décide de les formater. La stratégie qui consiste à leur faire des cours de morale, auxquels ils devront adhérer sous peine d’être « signalés », est à la fois contre-productive et inquiétante ! Je crois que l’école ne remplira profondément sa mission éducative, sa fonction d’intégration, que par son travail propre, qui est la transmission du savoir et de la connaissance. Sa mission est d’apprendre à lire, écrire, compter, raisonner. Remettons tout à plat pour y arriver.

Nous avons tous sous les yeux les statistiques officielles : en 2013, la dernière enquête PISA recensait en France 22% de collégiens en échec, considérés comme incapables de prolonger leurs études et de « participer de manière efficace et active à la vie de la société ».

De quand datez-vous l’entrée dans ce cycle infernal ?

J’ai tenté de l’expliquer dans Les Déshérités. L’un des moments décisifs a été le travail de Bourdieu, qui a structuré la formation des enseignants. Il ne fallait pas transmettre notre savoir, nos connaissances, parce que c’était faire violence aux élèves. On retrouve cette vision dans le débat sur la notation, que la Ministre considère comme traumatisante. Ce débat est symptomatique : une génération est en train de détruire l’école par laquelle elle est passée, et qui pourtant ne l’a pas trop desservie… Peut-on sérieusement dire que les millions d’adultes qui ont vécu hier l’expérience de l’apprentissage et de la notation en sont ressortis traumatisés ? Depuis les années 70 pourtant, cette condamnation de la transmission règne sur l’école. Et aujourd’hui, nous nous lamentons des conséquences de nos propres décisions… En refusant de transmettre une culture commune, nous avons suscité la désagrégation que nous constatons maintenant. Et nous n’avons même pas rendu nos élèves plus libres, au contraire : seule la connaissance libère. Tant que l’école renoncera à la transmettre, nous abandonnerons les jeunes à toutes les formes d’oppressions.

La ministre de l’Education veut une fois encore revoir la carte scolaire, est-ce une bonne idée ?

Nous passons notre temps à parler d’organisation, de structures, de moyens ; mais nous ne parlons plus jamais du but de l’enseignement. On demande d’ailleurs aux enseignants de faire tout et n’importe quoi : combattre le sexisme, faire de bons citoyens, lutter contre les inégalités et même contre le réchauffement climatique…Bref, on leur demande de réformer leurs élèves pour résoudre tous les problèmes de la société. Il faudrait revenir encore une fois, avec pragmatisme, à la mission première de l’école : transmettre un savoir. Tout le reste procède de cela. Savoir mettre des mots sur ses difficultés évite la violence, apprendre la littérature et la poésie aide à s’émerveiller de l’autre, maîtriser les principes de la biologie conduit à devenir responsable…

Y a-t-il encore une approche de l’école différente à droite et à gauche ?

Là encore, le débat ne porte plus que sur les moyens : d’un côté, la création de 60 000 postes supplémentaires et, de l’autre, des bureaux pour les enseignants dans les établissements… Mais qui propose encore une vraie vision de l’acte éducatif, du rôle de l’enseignant, de la valeur du savoir ? Tout cela est bien en-deçà des enjeux. Les responsables politiques sont d’ailleurs très éloignés des salles de classes ; ils passent peu de temps dans les établissements scolaires.

Que pensez vous des autres idées : distribuer des livrets de la laïcité, faire chanter la Marseillaise ?

Tout cela sera inutile si on ne se penche pas d’abord sur l’essentiel. En décembre 2005, après les émeutes en banlieues, Gilles de Robien, alors ministre de l’Education, avait expliqué que le premier impératif à en retirer était de remettre au point l’apprentissage de la lecture. C’était pour moi la bonne réaction ; c’est celle qu’il faudrait avoir aujourd’hui. Malheureusement, ce chantier avait été reçu de façon très polémique par les instances pédagogiques, et l’on s’est empressé de le refermer.

Le retour de l’autorité est aussi prôné…

Nous assistons à un retournement absolu ! Pendant des années, on a expliqué aux enseignants que l’idée d’assumer une autorité trahissait seulement leurs problèmes psychanalytiques, que l’autorité du maître était une oppression pour les élèves… « Il faut, écrivait Bourdieu, ramener toute autorité pédagogique à sa réalité objective de violence. » Voilà ce qui a structuré la formation des enseignants. Aujourd’hui, on redécouvre subitement la nécessité d’une autorité… mais en restant dans l’ambiguïté : la ministre demande aux enseignants d’imposer avec autorité les valeurs de la République, tout en organisant en permanence des débats dans la classe. C’est une injonction contradictoire ! A l’école, les élèves ne viennent pas pour parler, pour exprimer leur opinion : lorsqu’ils n’ont encore rien appris, elle se résume à ce qu’ils ont entendu à la maison ou sur les réseaux sociaux… A l’école, ils viennent recevoir les moyens de former une pensée vraiment personnelle, les connaissances qui nourriront progressivement leur liberté de conscience. En cela, le savoir de l’enseignant fait autorité : il fait grandir.

Les enseignants ne sont-ils pas eux-mêmes réticents au changement ?

Beaucoup d’enseignants voudraient aujourd’hui réfléchir à ces questions. Il y a des expériences, des initiatives, des méthodes qui fonctionnent, qu’il faudrait savoir reconnaître et mettre à contribution. Mais le débat éducatif reste encore piégé par des crispations idéologiques, et le dialogue avec les enseignants est biaisé par une représentation syndicale faussée.

Leur faible rémunération alimente-t-elle aussi ce malaise ?

Il y a d’une manière générale une grande souffrance du monde enseignant, et un sentiment profond de déclassement. Bien souvent, les élèves eux-mêmes perçoivent négativement ce métier. Si les conditions matérielles y contribuent, cela vient d’abord, je crois, du fait que nous avons collectivement perdu le sens de la fécondité essentielle du savoir qui se transmet à l’école.

Etes vous optimiste ?

Non ; mais je ne suis pas pessimiste non plus. L’histoire n’est jamais écrite d’avance. Les récents événements nous l’ont révélé, nous sommes à un tournant décisif : la suite maintenant dépend de nous. Notre école peut relever le défi ; elle l’a d’ailleurs déjà fait. Après 1870, elle a démontré sa capacité à rassembler une France exsangue, profondément divisée par un siècle d’affrontements. Mais aujourd’hui comme hier, ce n’est qu’en faisant de l’école un lieu d’apprentissage efficace que nous pourrons redonner à notre pays la possibilité de l’unité, de la paix et de la liberté.

Le déclin du courage

Alexandre Soljénitsyne

Chronique parue dans le dernier numéro du Figaro Histoire à l’occasion de la réédition par les Belles-Lettres du Discours de Harvard, d’Alexandre Soljenitsyne.

Le 8 juin 1978, l’Université de Harvard accueille en grande pompe un écrivain de renommée internationale, invité à prononcer le discours de clôture de l’année universitaire. Alexandre Soljénitsyne a reçu le Prix Nobel de littérature huit ans plus tôt, et publié en 1973 L’Archipel du Goulag, révélant au monde entier l’ampleur de la répression politique et du système concentrationnaire en Union Soviétique. L’année suivante, obligé de fuir la Russie, Soljénitsyne s’est installé en Suisse, puis aux Etats-Unis. C’est donc un dissident poursuivi par son pays, réfugié sur le continent américain, qui se présente en cette fin d’année dans l’une des plus prestigieuses universités occidentales. Toute l’assistance connaît son combat contre le communisme, dont il a payé le prix fort, en déportation et en exil… Et l’on s’attend donc, logiquement, à voir l’écrivain rendre hommage à l’occident qui l’accueille, et faire l’éloge de la liberté qui y règne.

Pour qui a déjà connu des cérémonies de cette nature, avec leur caractère protocolaire et compassé, il est aisé de deviner la stupéfaction qu’éprouvèrent les auditeurs de cette conférence. Au lieu du compliment habituel, des politesses de rigueur, Soljénitsyne développait une longue méditation historique et philosophique sur le déclin de l’occident. Le public espérait des douceurs, l’orateur lui promet « l’amertume de la vérité. » On attendait Philinte, et c’est Alceste qui vint.

C’est pourtant « en ami » que parle Soljénitsyne. Un ami venu de l’Est, avec le recul que lui donne son regard – un regard sans concessions, et sans facilités. Dans la complexité du monde, il faut refuser les choix binaires ; et ce n’est pas parce qu’on lutte contre le communisme que l’on doit regarder le libéralisme occidental comme le meilleur modèle possible. En somme, affirme Soljénitsyne, les deux systèmes sont deux symptômes d’un même déclin : le bloc soviétique est « une société sans lois », où règne la violence d’un Etat qui opprime les consciences. Le bloc occidental, quant à lui, est traversé par « un juridisme sans âme » ; et si les esprits y sont aliénés, c’est par l’individualisme matérialiste dans lequel il trouve son unique acte de foi.

Deux blocs adversaires, mais au fond deux formes concurrentes d’appauvrissement de l’humanité à l’intérieur même de l’homme, deux formes de menace contre toute vie spirituelle. Et par conséquent, deux royaumes qui ne peuvent, avertit Soljénitsyne, que s’écrouler tôt ou tard, faute de pouvoir susciter un authentique courage chez leurs dirigeants et leurs citoyens. Dans les renoncements successifs de l’occident, le sage russe discerne déjà les signes avant-coureurs de la décadence d’une civilisation. Pour lui, ces renoncements s’appellent Cuba, ou le Vietnam ; pour nous, sans doute s’appellent-ils Mossoul, Kobané et Alep. A chaque fois, nos vieux pays abandonnent le terrain par lâcheté à leurs ennemis mortels, faute de croire encore que la liberté qu’ils ont reçue mérite le courage du sacrifice.

L’avertissement de Soljénitsyne à l’occident qui l’avait accueilli fut reçu comme une insulte, et valut à l’écrivain un long et durable ressentiment. Mais en le relisant, à quelques années de distance, on ne peut qu’être saisi de son caractère prophétique. C’est pourquoi les éditions des Belles Lettres ont fait œuvre utile en rééditant ce discours sous la forme d’un bref opuscule, qu’il est absolument urgent de relire et de méditer… En cette période marquée par la commémoration de la chute du Mur de Berlin, il devient clair en effet que la victoire apparente du monde occidental n’a en rien empêché son déclin ; et l’évidence de sa crise contemporaine, sous toutes les formes qu’elle prend, nous reconduit à une source unique. L’effacement des repères essentiels de la civilisation, la désagrégation de la société dans le consumérisme individualiste, la dissolution de la culture dont nous étions les héritiers au profit des communautarismes divers, et la fragilisation de notre modèle économique dont l’efficacité semblait pourtant incontestable, tout cela provient finalement d’une seule et même cause – de cet écroulement intérieur qui engendre partout « le déclin du courage ».

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Les Déshérités

Les DéshéritésA la veille de la publication des Déshérités, c’est une grande joie de pouvoir vous présenter ici cet ouvrage.

Au nom de quoi éduquer ? La responsabilité de l’adulte envers l’enfant a-t-elle une légitimité, un sens, une valeur ? Peut-elle avoir une fécondité ? La réponse à ces questions ne va plus de soi ; nous l’avons tellement perdue de vue que nous avons tout simplement cessé de transmettre. La crise de l’éducation, la faillite de l’enseignement, la fragilisation profonde de la famille, sont autant de symptômes d’un même vide : nous ne savons plus quoi transmettre, et pourquoi.

C’est pour tenter de comprendre les causes initiales de cette crise, et pour apporter une réponse aux défis qu’elle nous lance, que je me suis lancé depuis plusieurs années dans un travail de recherche, qui aboutit aujourd’hui à la parution de cet ouvrage. Il se présente comme une enquête, sur les traces d’un séisme dont les conséquences sont multiples – de la déconstruction du genre à l’utopie numérique… Cinquante ans après Les Héritiers de Bourdieu, je voudrais simplement tenter de montrer combien est nécessaire l’héritage culturel, intellectuel, spirituel que nous avons tant déserté, et combien la jeune génération, si souvent abandonnée à elle-même, a besoin d’adultes qui acceptent de lui offrir ce qu’ils ont eux-mêmes reçu de meilleur.

Parce que rien n’est plus urgent que de rompre avec l’ingratitude de notre temps, je voudrais que cet ouvrage soit un humble acte de reconnaissance envers tous ceux qui, parents, enseignants, éducateurs, assument la belle et difficile mission de faire grandir les enfants qui leur sont confiés. A la veille d’une rentrée scolaire particulière, alors que l’éducation se trouve une fois de plus abandonnée aux contingences d’une crise politicienne et à la désinvolture de nos gouvernants, alors que nos écoles sont sans cesse instrumentalisées au service de l’idéologie du moment, je serai vraiment heureux si ce modeste travail permet de remettre en lumière l’effort quotidien et silencieux de tous ceux qui préparent l’avenir en offrant à la génération qui vient l’héritage qui accomplit en chaque homme sa propre humanité.


Les Déshérités, Editions Plon, 240 pages ; parution le 28 août 2014

Pour suivre toute l’actualité de l’ouvrage et prolonger votre lecture, rendez-vous sur le site dédié au livre : www.lesdesherites.fr.

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La France : un aperçu depuis la mer

Photos FXB

Cette date du 14 juillet fait immanquablement penser au défilé parisien ; mais l’attachement à la France résonne aussi dans le monde entier, et sur toutes les mers du globe. J’ai eu le grand privilège de partager aujourd’hui ce moment particulier avec l’équipage du BPC Mistral, qui accueille depuis plusieurs mois les élèves officiers de l’Ecole Navale, embarqués pour leur dernière année de formation dans le cadre de la Mission Jeanne d’Arc. Sollicité pour assurer dans ce cadre quelques conférences de philosophie, je les ai rejoints le temps de la dernière étape de leur traversée.

Depuis la mer, à la fois loin de la France et plus proche d’elle que jamais, je n’ai qu’une intuition à faire partager.

Ce dernier billet vient conclure une année qui, comme les précédentes, et plus qu’elles sans doute, a été rythmée par les incertitudes et les désillusions. Mais je puis faire partager l’expérience vécue encore ces derniers jours ; si le moindre doute devait naître, il suffirait de quelques regards pour le lever : oui, notre pays a encore de l’avenir – encore de l’énergie en réserve, du courage, et de l’espérance.

Il suffirait de croiser le regard de ces élèves officiers, prêts maintenant pour leur premier embarquement. Malgré l’individualisme qui nous mine, il reste encore assez de générosité chez des jeunes français pour mettre leur existence au service d’un héritage à protéger, et d’une histoire à prolonger. Cette générosité, je l’ai retrouvée sur ce bateau, au milieu de l’océan, comme nous la rencontrons chaque jour chez tant de jeunes qui, par leurs études, leur orientation, leurs engagements associatifs, témoignent de cette même capacité à se rendre responsables du trésor commun qu’ils reçoivent. Comment ne pas être émerveillés de voir ces jeunes qui, dans le monde consumériste qui leur est promis, acceptent encore la possibilité de risquer leur vie pour un bien qui les dépasse ?

Malgré le pessimisme ambiant, que l’actualité quotidienne conspire à renforcer, il reste aussi assez de volonté chez leurs aînés pour parier sur l’avenir et s’investir pour le préparer. A bord du Mistral s’opère la magnifique expérience de la transmission, à laquelle chacun contribue – du commandant à l’ancien matelot. Dans les tempêtes que traverse aujourd’hui notre Défense nationale, il faut avoir le cœur solide pour vouloir encore préparer la relève… C’est ce que fait cet équipage, investi sans compter pour transmettre ses compétences aux générations qui, demain, assureront à la France sa sécurité et son indépendance. Au service de cette formation – au service du monde qui vient, une équipe d’officiers remarquables s’investit, avec une vraie passion. Que dit-elle, cette passion, sinon la certitude que notre pays a encore un avenir ?

Comme cet équipage, notre société tout entière est embarquée dans un destin commun, que le fatalisme ni la résignation n’aideront à préparer. Et comme sur ce bateau, si nous voulons que vive la France, il faut prendre notre part pour transmettre aux générations qui viennent, qui ont parfois si peu reçu, ce par quoi elles pourront sauver cet avenir commun. C’est dans cet acte silencieux de don et de reconnaissance que se joue aujourd’hui l’essentiel.

Sur cette question, j’aurai l’occasion de revenir  plus en profondeur à la rentrée prochaine… D’ici là, bon été à tous !

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Pour prolonger la réflexion

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Pour compléter l’entretien reproduit hier sur ce blog, et contribuer à ma façon à la désormais célèbre « journée de la jupe », je reproduis ici un texte publié en 2011 dans les colonnes du Monde. Je répondais alors à une tribune de Caroline de Haas, qui demandait que nous « devenions indifférents à la différence des sexes ».

Trois ans plus tard, ce commencement de débat est devenu un sujet national. Les mois passés lui auront finalement donné sa pleine actualité… Je reprends donc aujourd’hui ce texte, moins marqué par l’anecdote et la polémique, en espérant humblement qu’il pourra contribuer à éclairer, plus efficacement qu’une réaction de court terme, l’enjeu fondamental des questions qui se présentent à nous aujourd’hui.

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« Caroline de Haas nous offre, dans une tribune parue récemment dans le Monde, une longue et laborieuse argumentation destinée à écraser définitivement les derniers « sursauts réactionnaires » – entendez par là l’opinion des malheureux catholiques qui n’ont pas la chance de penser comme elle. Le sous-titre de cet écrit – « Existe-t-il des pseudo-essences féminine ou masculine ? » – annonce parfaitement l’ouverture intellectuelle de la discussion qu’il propose. Quand une question contient autant sa propre réponse, on croirait lire un petit catéchisme totalitaire. (…)

Cette tribune est réellement intéressante pour ce qu’elle révèle d’une confusion fondamentale qui pèse largement sur ces débats de genre. Caroline de Haas veut lutter pour l’égalité de l’homme et de la femme ; combat légitime s’il en est, nécessaire, urgent même, et auquel tout être humain qui n’est pas totalement aveugle ou barbare ne peut que s’associer. Considérer que l’un des deux sexes soit supérieur à l’autre (quel qu’il soit – et combien de fois je me suis senti, en tant qu’homme, ravalé au rang d’être inférieur, primaire, violent, obsédé et dominateur, par des féministes emportées par leur sainte colère !), c’est incontestablement à la fois une erreur objective et une faute morale grave.

Mais pourquoi faudrait-il, pour être sûr de l’établir définitivement, confondre cette égalité indéniable avec une identité plus que douteuse ? Pourquoi faudrait-il, pour assurer que la femme n’est pas inférieure à l’homme, s’évertuer à démontrer qu’elle n’est pas différente de lui ? Pourquoi fragiliser un combat aussi légitime, une démonstration aussi solide, en voulant le fonder sur un raisonnement aussi absurde ? Oui, l’homme n’est pas une femme, la femme n’est pas un homme. Alors que notre société prend conscience, enfin, de la nécessité de respecter vraiment la nature telle qu’elle est, de renoncer à la modeler selon les excès de son désir de toute-puissance, pourquoi ne pas respecter notre propre nature, telle qu’elle est, sans chercher à la nier ? On condamnerait à raison une entreprise qui, pour exploiter une nappe de pétrole, chercherait à cacher l’existence des différentes espèces qu’elle mettrait en danger ; de la même façon, poursuivre le projet politique de l’homoparentalité, par exemple, n’autorise personne à nier la réalité naturelle de la différence sexuelle. Oui, l’homme et la femme sont différents ; ne soyons pas indifférents à cette dualité essentielle de notre nature, sachons au contraire l’apprivoiser, l’aimer, comme nous apprenons à respecter et à admirer la nature telle qu’elle est.

Egalité ne veut pas dire nécessairement identité ; pour tomber dans cette confusion élémentaire, Caroline de Haas fragilise son beau combat, et tombe souvent à côté de la plaque. Elle veut prouver que nous avons les mêmes cerveaux, également réceptifs à la culture ambiante ; personne n’en doute… Mais nous ne sommes pas que des cerveaux ! L’être humain est un corps, doté de sa part d’animalité, d’instinct, de sensibilité ; et ce corps est sexué. Cette réalité physique ne dépend pas de notre culture. Partageant une égale rationalité, comment ne pourrions-nous pas reconnaître que l’homme et la femme sont génétiquement, organiquement, charnellement différents ? Et de même que la biodiversité est reconnue comme un patrimoine à protéger, pourquoi ne pas regarder cette différence comme un trésor à protéger et à découvrir ?

Reconnaître l’évidence biologique, et l’expérience psychologique, de la différence des sexes, n’empêche pas d’affirmer leur égalité, bien au contraire. Méfions-nous : le combat du gender pour affirmer une identité illusoire pourrait bien constituer, par une ruse de l’histoire, la victoire paradoxale de la phallocratie, et apporter une réussite encore jamais atteinte aux forces d’aliénation de la femme. Lorsque le féminisme en vient à nier l’existence de la femme, on est en droit de se demander qui y gagne dans son long et légitime combat. Lorsque Caroline de Haas exige que la femme soit considérée comme identique à l’homme, elle renonce à construire un modèle d’individualité propre, autonome, et se laisse finalement aliéner par le modèle masculin, succombant à l’ancestrale prédominance qu’elle dénonce. La liberté de la femme ne consiste pas à ne pas pouvoir être elle-même !

Le féminisme du gender partage le projet du machisme le plus inégalitaire : fermer toute possibilité de dialogue. Je n’ai rien à échanger avec celui qui m’est identique, comme avec mon inférieur. Dans l’un et l’autre cas, rien à apprendre, rien à recevoir – rien à donner non plus. Mais de l’être qui est mon égal sans être identique à moi-même, de celui-là seulement, je désire la relation, car elle est la promesse d’une découverte et d’un enrichissement mutuel. Femmes, vous nous fascinez pour ce que vous êtes ; notre différence est le difficile trésor qu’il nous appartient d’apprivoiser ensemble. Pour y parvenir, reconnaître et vivre notre égalité est une nécessité concrète ; mais proclamer notre identité serait notre commun échec. Femmes, ne vous laissez pas aliéner, ne devenez pas des hommes comme les autres ! »

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Face au vide des « valeurs », la recherche de l’absolu

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La revue Esprit consacrait son édition de mars-avril 2014 à un numéro spécial sur le nihilisme. J’ai eu la joie de pouvoir y contribuer par quelques réflexions, que je reproduis ci-dessous. Le numéro complet (auquel ont participé notamment Jean-Louis Schlegel, Michaël Foessel, Olivier Mongin, Rémi Brague, Jean-Luc Nancy, Gaël Giraud…) mérite une lecture approfondie. Il est disponible sur le site de la revue.

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« La société contemporaine ne se reconnaît pas comme une société nihiliste. Nous ne cessons de rapporter nos comportements politiques, sociaux, et même économiques, à des postulats éthiques : comme individus, comme citoyens, comme consommateurs, nous voudrions agir en fonction de nos valeurs, au point que le vocabulaire des valeurs a littéralement envahi le débat public. Rien ne semble plus indiscutable que l’importance des valeurs ; certaines sont contingentes – les instituts de sondage distingueront les « valeurs de droite » des « valeurs de gauche »; de quelques autres, au contraire, on voudrait qu’elles soient unanimement partagées : ainsi des « valeurs de la République », par exemple. Le discours de la défense des valeurs, qu’il soit partisan ou universaliste, donne aux discussions politiques, médiatiques et intellectuelles, une tonalité dogmatique bien paradoxale pour notre société.

Paradoxale, parce que notre époque est en même temps celle du pouvoir absolu de l’ironie. La postmodernité se conçoit comme l’heure du crépuscule de toutes les idoles ; rien ne doit tenir en place de ce qui pourrait nous surplomber. Rien de certain, de sérieux ou de sacré ne saurait être épargné par la corrosion libératrice de l’universelle parodie. La responsabilité politique est dévaluée, la fonction enseignante déclassée, le modèle familial traditionnel dépassé ; tout ce qui pouvait faire fonction d’autorité se trouve progressivement disqualifié. La figure même de l’intellectuel a perdu sa légitimité ; la fonction critique est désormais assumée par l’univers du divertissement, le seul qui puisse encore produire des idoles. La dérision générale s’exerce en particulier sur la religion comme un signe de contradiction posé face à l’affirmation de nos libertés – et en particulier sur la religion catholique, considérée comme la plus dangereuse de toutes puisqu’elle a si longtemps marqué de son emprise une culture que nous voudrions voir enfin laïcisée. Tous les colosses de l’ancien temps sont donc peu à peu abattus ; de performances en pièces de théâtre, de plateaux de télévision en vidéos de grande diffusion, les acteurs médiatiques dissolvent tout ce qui semble encore tenir trop fermement. Rien ne doit rester intouchable, rien ne doit échapper aux coups de marteau que prodigue avec persévérance cette ironie qui ne rit pas.

Dans cette perspective, l’incantation des valeurs apparaît pour ce qu’elle est : un symptôme. Elle est simplement l’expression de notre peur du vide. La destruction jubilatoire des figures de l’autorité s’opère en effet au nom de notre liberté – une liberté qui ne se déploie plus dans un monde balisé, repéré, mais dans l’espace indéfini, sans bornes, où l’individu  contemporain, débarrassé des normes dont il héritait, évolue à présent. Cette expérience originaire, que nous avons recherchée avec tant d’ardeur, nous fascine et nous terrifie. L’ironie supprime toutes les limites qui s’imposaient à notre désir, mais par là elle nous rend incapables de rien désirer vraiment. C’est exactement cette situation que Hans Jonas décrit dans Le Principe responsabilité : « Nous frissonnons dans le dénuement d’un nihilisme dans lequel le plus grand des pouvoirs s’accouple avec le plus grand vide, la plus grande capacité avec le plus petit savoir du à quoi bon. »

Nous voilà libres, de cette liberté d’indifférence qui semble constituer, d’une certaine façon, le projet même de la modernité. Liberté d’indétermination, qui suppose d’affirmer l’indifférence du bien et du mal, et donc un relativisme impensable et impraticable, mais nécessaire à notre indépendance. Comme l’écrivait Descartes, dans une lettre célèbre au Père Mesland, « il nous est toujours possible de nous retenir de poursuivre un bien clairement connu ou d’admettre une vérité évidente, pourvu que nous pensions que c’est un bien d’affirmer par là notre libre arbitre. » Au nom de la liberté de l’individu, ne plus laisser une norme objective s’imposer à l’action ou à la raison : voilà, si tôt et déjà parfaitement exprimé, le principe du relativisme contemporain – ce qui le fonde, et ce qui l’explique. Car ainsi compris, le relativisme que nous partageons n’est pas sceptique : il est nihiliste.

Il correspond en effet au culte du vouloir pour lui-même, du vouloir vide, indéterminé. Une volonté que rien ne précède, « volonté de puissance » ou, plus simplement encore, « volonté de volonté ». Pour la jeunesse européenne, ces expressions de Nietzsche et Heidegger trouvent leur effectuation concrète dans la « mondialisation de l’indifférence » dont le Pape François parlait à Lampedusa ; nos vies sont désormais inscrites dans l’universel marché où chacun peut faire ses choix, en fonction de ses ressources. Le culte individualiste de l’autodétermination a conduit à un mouvement d’ « économisation » du monde, structuré autour de la figure du consommateur : le marché est en effet le lieu du libre choix, qu’aucun jugement a priori ne précède et ne détermine. Tout y est commensurable, mesurable, relatif. Le marché n’admet pas de norme absolue – c’est d’ailleurs là le seul absolu qu’il défende : l’éviction de toute transcendance qui viendrait perturber l’espace du libre échange. Dans cette « économisation » du monde, tout devient affaire de transactions : les relations sociales, l’amour, les corps… Les récents débats de société révèlent bien ce mouvement progressif de dérégulation, la suppression des barrières héritées d’une culture de la transcendance au nom d’un espace accru de liberté, qui s’accompagne bientôt de sa traduction économique.

Dans cette perspective, la rhétorique des valeurs n’est qu’un masque, qui voudrait dissimuler à nos propres yeux l’horizontalité totale de cette axiologie dont la fragilité, dans le relativisme universel, nous angoisse. Comme toutes les autres, les « valeurs de l’humanisme », ou les « valeurs de la République », n’ont aucun fondement dans l’absolu. La valeur est toujours le résultat d’une évaluation ; à l’intérieur du marché, tout prend une valeur – mais une valeur relative, dépendant des besoins du moment, des habitudes du passé et des calculs sur l’avenir. La valeur s’estime et s’ajuste, elle croît et décroît. Que le contexte évolue : le bien qui avait une valeur considérable peut, en un seul instant, ne plus rien valoir du tout. Et puisque, à l’intérieur du marché, rien n’a de valeur absolue, on peut dire en fait que rien ne vaut rien.

La critique de ce nihilisme contemporain serait donc très maladroite si elle s’appuyait à son tour sur le lexique des valeurs. Qu’elle vienne de la philosophie, de la politique ou de la religion, la « défense des valeurs » signe d’une certaine façon la victoire ultime de ce relativisme contre lequel elle prétend s’armer. A titre personnel, je refuse l’idée de m’engager pour promouvoir « mes valeurs »: notre société ne sera sauvée du nihilisme inassumé qui la caractérise que par une parole qui assume le caractère non relatif des buts auxquels elle tend. Je voudrais parler et écrire pour servir en vérité le bien et la justice dans le monde contemporain ; ce ne sont pas « mes » valeurs, mais ce à quoi aspirent nos consciences, et qu’il nous appartient de rechercher ensemble. C’est cette recherche de l’absolu qui peut seule, aujourd’hui, redonner à nos vies le sens qui les sauvera du désespoir, et à nos sociétés la possibilité du dialogue, d’où vient toute authentique relation.

François-Xavier Bellamy »

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Le débat interdit

La théorie du genre existe-t-elle ? A partir de cette question si vivement discutée aujourd’hui, il me semble utile de tenter une réponse – et de formuler une remarque.

Partons de ce qui est certain : le concept de genre existe bel et bien. Apparu dans la littérature universitaire il y a une quarantaine d’années, il s’est déployé dans des directions variées, au point qu’il est aujourd’hui utilisé dans des champs aussi éloignés que la sociologie, la littérature, l’économie ou les politiques publiques.

Quel est le sens de ce concept ? Il sert à ceux qui l’emploient de critère d’interprétation pour décrypter la vie sociale et les relations humaines, à partir d’une idée essentielle : les différences entre hommes et femmes ne sont pas liées à une altérité naturelle, mais produites par une construction culturelle, tout entière organisée pour consolider la domination d’un sexe par l’autre.

Ainsi explicité, le concept de genre recouvre bien une certaine vision du monde – c’est-à-dire, au sens étymologique du terme, une théorie. Le concept même est indissociable de l’hypothèse qui le sous-tend, qui affirme le caractère culturel et construit de la différence entre l’homme et la femme. C’est pour exprimer cette conception particulière qu’il a été forgé par concurrence avec le terme de sexe, supposé décrire une différence biologique que personne ne nie, mais que le concept de genre relègue à un détail insignifiant.

Pardonnez-moi ces précisions quelque peu abstraites ; elles sont nécessaires pour mettre en évidence le contenu réel du concept de genre, et donc du postulat de départ des fameuses « études de genre ».

Les défenseurs de ce concept, qui l’emploient massivement aujourd’hui (on ne compte pas les séminaires, colloques, cours, publications dédiées à des études liées au genre dans tous les domaines de la  recherche)  nient avec véhémence qu’une quelconque « théorie » soit cachée derrière ce concept. Mais cette dénégation n’a tout simplement aucun sens.

Prenons une analogie récente pour le montrer : il y a peu de temps encore, des milliers de chercheurs en histoire, en sociologie, en arts, dans tous les champs de la description du monde, tentaient d’interpréter les phénomènes qu’ils étudiaient du point de vue de la lutte des classes. La vie des sociétés humaines était analysée, à la suite des travaux de Marx notamment, comme un conflit latent entre les classes sociales, opposant ceux qui possèdent les moyens de production et ceux qui les mettent en œuvre.

Le concept de lutte des classes était fondé sur cette vision politique particulière et engagée. Mais pendant des décennies, des universitaires ont prétendu produire, à partir de ce concept, une littérature, une économie, une histoire rigoureusement scientifiques. C’est exactement la même supercherie que reproduisent aujourd’hui les promoteurs du concept de genre. Interpréter l’histoire, la littérature, la vie sociale, comme les lieux de la domination masculine par la construction des stéréotypes sexués, peut être une hypothèse de travail ; mais il s’agit bien d’une théorie particulière, et à ce titre elle n’a rien d’une évidence incontestable.

Pour ma part, je la crois même parfaitement inexacte – aussi fausse que le marxisme, et tout aussi dévastatrice. Et j’entends bien continuer de la critiquer, sans que cela donne à qui que ce soit le droit de me traiter d’obscurantiste…

Nous touchons là à une remarque qui me semble essentielle.

Il est tout à fait permis de penser qu’il n’y a entre l’homme et la femme aucune différence de nature, de défendre cette conception par la recherche, et même, pourquoi pas, de la promouvoir par l’action politique. C’est ce que fait par exemple Caroline de Haas, ancienne conseillère de Najat Vallaud-Belkacem, à qui j’ai pu répondre dans une tribune parue dans le Monde. Le débat démocratique suppose des visions et des projets assumés loyalement.

Il est en revanche proprement scandaleux d’empêcher le dialogue, d’interdire la critique, en cachant la réalité des intentions que l’on poursuit.

Toute la politique du gouvernement est animée par la conception anthropologique que recouvre le concept de genre – je l’écrivais déjà il y a plus d’un an. Parmi d’autres textes, la loi sur l’égalité entre les hommes et les femmes, qui a été votée dernièrement à l’Assemblée nationale, en porte tout entière la marque. Prenons un seul exemple : pénaliser les couples dans lesquels l’homme ne prend pas comme la femme un congé parental, c’est affirmer que le père et la mère ont exactement la même place à tenir auprès de l’enfant qui vient de naître – et que cette conception pluri-millénaire qui donne au père une responsabilité singulière pour subvenir aux besoins du foyer est un pur stéréotype qu’il s’agit de déconstruire au nom de l’égalité.

Affirmer, comme le fait la loi Taubira, qu’un enfant peut avoir deux pères ou deux mères, c’est dire qu’aucun des deux sexes n’a de fonction particulière dans la procréation, et que la faculté extraordinaire du corps maternel, qui donne chair à un nouvel être, n’est rien qu’une fonction biologique anodine qu’il faut dépasser lorsqu’elle devient une limite pénible à notre désir d’enfant.

Tout cela repose sur une certaine conception du monde. Pourquoi ne pas l’assumer comme telle ? Le politique a le droit de défendre ses idées ; mais il est contraire à l’exigence démocratique de promouvoir une stratégie en la dissimulant à l’opinion. Prétendre que la théorie du genre est une « folle rumeur », qu’elle « n’existe pas », que le discours du gouvernement sur l’égalité est parfaitement neutre et dépourvu de postulats, c’est à l’évidence mépriser la vérité, et du même coup les citoyens.

Puisque le gouvernement s’inspire du concept de genre pour construire sa politique, il a le devoir de l’assumer. Il a le droit de promouvoir une vision de l’égalité fondée sur l’indifférence ; mais il est absolument scandaleux qu’il le fasse dans le silence, en détournant notamment de son but l’Education nationale pour que les élèves apprennent comme une évidence scientifique ce qui n’est qu’une hypothèse idéologique. Nous ne manquons pas d’exemples concrets pour montrer que, malgré tous les démentis, c’est ce qui est en train de se produire dans les salles de classe…

Si le gouvernement se refuse aujourd’hui à assumer cette politique, c’est qu’il sait qu’elle serait très largement rejetée. Nous savons combien l’altérité structure en profondeur ce que nous sommes. Oui, notre expérience humaine est habitée par la magnifique fécondité de la différence, et en particulier de la différence des sexes ; oui, cette altérité naturelle fait partie de nous, de notre origine, de notre identité, de nos relations. Pour le redire encore et toujours, nous marcherons demain avec tout ce que d’autres voudraient nier : la liberté de nos consciences, la lucidité de nos esprits, la paix que nous espérons pour la société, nos cœurs qui veulent encore s’émerveiller de l’autre, et puis nos corps d’hommes et de femmes.

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Faut-il quitter la France ?

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Cette Lettre à un étudiant a été publiée dans le Figaro daté du 12 décembre, dans le cadre d’un dossier sur le départ massif des jeunes Français à l’étranger. Elle prolonge l’échange de tribunes dans le journal Libération, en septembre 2012 (« Jeunes de France, battez-vous ! »), et le débat qui l’avait suivi.

 

En France, être jeune tourne au cauchemar. Puisque le mauvais sort lie notre génération, permets-moi de t’écrire ces quelques mots. Je t’ai suivi comme enseignant, en zep et en prépa ; je t’accompagne comme élu, quand tu cherches une formation ou un emploi. Je te vois douter, sans que tu oses le dire. Comment ne pas te comprendre ? Tu espérais l’aventure et les promesses de la vie, la création, la liberté – mais devant toi, il y a la crise et le chômage de masse. On a refroidi tes rêves à coup de schémas sur papier glacé. Tes parents avaient connu la croissance et l’insouciance, il te reste la dette et le financement des retraites. Il reste la comptine monotone des mauvaises nouvelles – plans sociaux, licenciements, grèves et manifs ; il reste le bavardage des commentateurs habitués, et l’ironie mécanique que ta télévision débite à longueur de journée.

Dans la société de la crise, chacun calcule son intérêt, en société, en affaires, en politique, en amour ; quelle tristesse infinie. Il faudrait inventer un truc original pour dire que ça ne va pas : bloquer quelque chose, faire une marche blanche, monter sur une grue… Mais tout cela est déjà vu. Et puis, à quoi bon ? Devant toi, il y la sclérose généralisée d’un pays qui ne se croit même plus capable d’avancer. Il y a aussi ce conformisme qui ne s’assume pas, mais qui traque la moindre question avec une obsession crispée. Mieux vaut ne pas attirer l’attention. Du coup tu te forces à sourire ; mais quand tu parles de ton avenir, je n’entends que tes inquiétudes.

Comment ne pas comprendre que tu aies envie d’ailleurs ? Toutes les raisons sont réunies pour cela. Dans notre génération, plus de la moitié d’entre nous pense pouvoir vivre mieux en partant à l’étranger. En quelques décennies, les dirigeants français auront donc réussi à faire de la cinquième puissance mondiale une terre d’émigration. Le constat est nécessaire, non pour s’offrir d’inutiles indignations, mais pour considérer lucidement l’origine de cette situation ; car la crise a une origine. Depuis toujours, tu en entends parler comme d’un phénomène climatique : on te dit que la reprise viendra, comme on espère la fin de la tempête. Mais la crise n’est que le résultat de nos propres décisions. Et la reprise ne viendra que de notre conversion.

La crise, toute la crise, provient de l’individualisme qui, dans nos sociétés, a fini par dissoudre l’idée même de bien commun. De la prospérité des Trente Glorieuses, les occidentaux voulaient tirer les dividendes. Ils ont souvent voté pour ceux qui leur promettaient le plus, le mieux – sans trop y croire, bien sûr ; mais il suffisait de laisser l’ardoise à l’avenir. Les périodes de croissance sont propices aux illusions égoïstes. Aujourd’hui, c’est exactement le même mensonge qui t’appelle à déserter. Toi qui en paies les conséquences, referas-tu la même erreur ?

L’individualisme a transformé les citoyens en consommateurs. L’économie occidentale pourrait ne jamais s’en remettre. La mondialisation est féconde, quand elle relie les nations pour mieux faire valoir leurs atouts respectifs. Elle est destructrice, quand elle dissout tous les liens pour inscrire les individus dans un espace neutre où chacun cherchera seul son propre profit. Si nous partons en espérant gagner plus ailleurs, nous poursuivrons exactement la même fuite en avant qui a piégé nos aînés, vers une crise toujours plus globale, et des injustices toujours plus graves.

Il n’y a qu’un seul remède, si simple, au fond : c’est de ressusciter la politique, c’est-à-dire la volonté de servir ensemble une réalité qui excède la somme de nos intérêts individuels, et qui donne sens à notre effort commun. L’individualisme anéantit la cité ; de là vient l’impuissance dont nos dirigeants semblent affligés. Le même cynisme de l’abdication résignée te conseille maintenant de te barrer. Ne laisse personne te dire qu’il n’y a pas de place pour toi dans ton pays : nous n’avons pas le droit de nous laisser exclure. C’est ensemble que nous vaincrons toutes les difficultés, pourvu que nous sachions reconquérir, avec toutes les générations, le sens de notre responsabilité partagée. Le pessimisme des experts ne nous empêchera pas de réussir : l’avenir n’est jamais écrit d’avance. Voilà l’acte de renaissance de la volonté politique.

Elle suppose que soit retrouvé le lieu de son exercice. Cette cité qui fait notre lien, cette communauté d’histoire, de langue, de culture et de territoire, qui seule peut rassembler nos individualités distinctes en une unité qui les dépasse, qu’est-elle, sinon notre pays ? Cette forme politique n’est pas dépassée : jamais plus que dans ce monde globalisé, on n’a mesuré concrètement la nécessité de la proximité, sa pertinence économique, sociale, écologique. C’est dans cette proximité qu’est, pour nous, la France, que se joue la seule refondation possible. Notre pays n’est pas fini – si nous sommes capables de consacrer ensemble notre effort et nos talents à lui redonner un avenir. Alors, pars au bout du monde, si c’est pour mieux servir demain. Mais souviens-toi que, dans la crise que nous traversons, les plus belles destinations seront des impasses, si elles ne nous servent qu’à fuir. Jouer aux mercenaires nous a coûté assez cher : il est temps de devenir des citoyens – c’est à dire, dans les épreuves que nous traverserons, des résistants.

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À Cédric

Nous nous sommes peut-être croisés il y a quelques jours encore, au coin d’une rue ou à la terrasse d’un café. Ou bien peut-être sur le « plateau », dans ce quartier de Satory où tu vivais, comme tant d’autres de tes collègues, pour être toujours disponible quand on avait besoin de toi. Lequel de ces visages étais-tu ? Je ne le saurai jamais. Jeudi soir, pendant un exercice d’action navale au large de la presqu’île de Giens, la mer a eu le dessus. Nous ne nous croiserons plus.

Tu étais gendarme au GIGN. De ceux que l’on appelle quand plus personne ne peut rien faire. De ceux qui savent que, derrière eux, il n’y a pas de solution de secours. Depuis que tu avais rejoint le groupe, tu t’es toujours entraîné dans les conditions les plus exigeantes, les plus difficiles, pour être capable, le jour venu, d’intervenir en toutes circonstances. S’exercer au pire : c’est le prix que paie quotidiennement ton unité pour être un dernier recours – la veille qui dure quand personne n’a pu rester, la main qui se tend quand personne n’a pu venir. Tu n’as pas mégoté toi non plus devant l’exigence de l’exercice. Tu es mort pour être prêt.

Comme un signe, la mer t’a pris, elle qui est si souvent dans le monde la tombe silencieuse des morts anonymes. Il aura fallu la solidarité obstinée de tes frères d’armes, qui t’ont cherché une nuit entière, pour qu’elle veuille bien rendre ton corps. Encore une petite victoire dans l’ombre… Tu seras parti dans le silence. Les journalistes, qui savent – et ils ont bien raison – commémorer les leurs quand ils meurent en mission, se sont contentés de recopier une brève dépêche. Les politiques n’ont pas été beaucoup plus attentifs. Mais ce n’est pas grave. Toi qui étais un expert des transmissions, tu sais qu’il n’est pas nécessaire de faire beaucoup de bruit pour transmettre l’essentiel. Tu es parti comme un grand pro, discret, comme tes collègues le sont toujours ; tu es parti comme un grand soldat.

Tu te moquais bien de toute l’indifférence du monde, sinon tu n’aurais jamais fait ce métier. Porter l’uniforme, c’est déjà un défi à l’indifférence. Comment pourrait-elle t’atteindre ? Ce qui compte n’est pas d’être remercié, ce qui compte, c’est de servir. Voilà tout ce qui nous reste, Cédric. Nous avions le même âge tous les deux, vingt-huit ans. Aurais-je été capable de ton courage ? Voilà la question que tu nous laisses. La seule qui compte.

Que ferons-nous de ton sacrifice ? Ce matin, c’est le 11 novembre. Pour la première fois, cette année, aucun poilu ne survit pour commémorer ces millions d’anonymes qui, comme toi, ont donné leur vie comme un rempart au moment du plus grand danger. Ils sont tous morts, ceux de 14. Un siècle après eux, Cédric, tu as pris leur suite. Que ferons-nous de ta vie donnée ?

Cher Cédric, je ne te connaissais pas. Mais ce matin, devant le monument aux morts, c’est aussi à toi que nous penserons. A ta famille, à tous ceux qui t’ont aimé et qui te pleurent, et qu’un pays entier devrait prendre dans ses bras dans cet instant. Nous penserons aussi à Jean-Nicolas, un autre jeune versaillais de vingt-cinq ans, tombé pour la France, il y a trois ans, en Afghanistan. Votre don est une exigence pour nous, qui restons. Nous avons grandi avec vous, et nous héritons aujourd’hui de notre vieux pays fatigué, désorienté et inquiet – de notre vieux pays magnifique aussi, puisqu’il sait encore susciter une générosité comme la vôtre. Je voudrais vous promettre que nous ne la laisserons pas inféconde. Que nous referons ensemble une France qui soit à votre hauteur.

Je voudrais te promettre, Cédric, à toi et à tes collègues, qui demain reprendront l’entraînement, que nous ferons tout pour que la France puisse mériter votre engagement.

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Vous pouvez laisser un mot d’hommage à Cédric sur la page ouverte à cet effet par le GIGN.

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« Pour l’avenir qui me lira… »

La manifestation du 24 mars n’avait reçu, de la part de la majorité, que des mensonges et des insultes (un bref rappel ici). Cette fois-ci, le rassemblement n’a pas encore eu lieu, que déjà le gouvernement se répand en caricatures absurdes. L’énergie que nos ministres consacrent à dissuader les opposants de venir est en soi un bon indice du succès populaire qui semble se préparer…

La stratégie de culpabilisation passe cette fois-ci par un argument spécieux : manifester contre une loi votée par le parlement ferait de nous des factieux, opposés à la démocratie. Cette idée ne doit effrayer personne, et surtout pas des élus. Une loi injuste reste injuste, fût-elle votée ou appliquée. Comme je l’expliquais dans un précédent billet, c’est notre attachement à la loi démocratique qui doit nous obliger, en conscience, à témoigner inlassablement lorsqu’un texte injuste est voté.

Cette exigence n’est pas nouvelle, et nous pouvons l’appuyer sur l’autorité des grandes consciences qui ont marqué notre histoire. Je voudrais citer ici la célèbre Lettre à la jeunesse d’Emile Zola, qui exprime, en pleine affaire Dreyfus, son désespoir devant la façon dont les politiques et la presse caricaturaient son combat. Il nous rappelle qu’un parlement peut commettre une injustice, que cette erreur doit être réparée au nom même de l’institution qui l’a commise, que la démocratie est un bien trop précieux pour que la jeunesse se la laisse dérober. Son « cri de vérité et de justice » ressemble étonnamment au nôtre aujourd’hui. Il laisse son témoignage à notre présent, nous donnons le nôtre à l’avenir !

 

Lettre à la Jeunesse (1897) .

(…) « Je le demande, où trouvera-t-on la claire intuition des choses, la sensation instinctive de ce qui est vrai, de ce qui est juste, si ce n’est dans ces âmes neuves, dans ces jeunes gens qui naissent à la vie publique, dont rien encore ne devrait obscurcir la raison droite et bonne ? Que les hommes politiques, gâtés par des années d’intrigues, que les journalistes, déséquilibrés par toutes les compromissions du métier, puissent accepter les plus impudents mensonges, se boucher les yeux à d’aveuglantes clartés, cela s’explique, se comprend. (…) Mais quelle excuse aurait la jeunesse, si les idées d’humanité et de justice se trouvaient obscurcies un instant en elle !

Dans la séance du 4 décembre, une Chambre française s’est couverte de honte, en votant un ordre du jour « flétrissant les meneurs de la campagne odieuse qui trouble la conscience publique ». Je le dis hautement, pour l’avenir qui me lira, j’espère, un tel vote est indigne de notre généreux pays, et il restera comme une tache ineffaçable. « Les meneurs », ce sont les hommes de conscience et de bravoure, qui, certains d’une erreur judiciaire, l’ont dénoncée, pour que réparation fût faite. (…) « La campagne odieuse », c’est le cri de vérité, le cri de justice que ces hommes poussent, c’est l’obstination qu’ils mettent à vouloir que la France reste, devant les peuples qui la regardent, la France humaine, la France qui a fait la liberté et qui fera la justice. (…)

Eh bien, oui ! Tout a pu être conquis, mais tout est par terre une fois encore. Avoir été en proie au besoin de vérité, est un crime. Avoir voulu la justice, est un crime. L’affreux despotisme est revenu, le plus dur des bâillons est de nouveau sur les bouches. Ce n’est pas la botte d’un César qui écrase la conscience publique, c’est toute une Chambre qui flétrit ceux que la passion du juste embrase. Défense de parler ! Les poings écrasent les lèvres de ceux qui ont la vérité à défendre, on ameute les foules pour qu’elles réduisent les isolés au silence. Jamais une si monstrueuse oppression n’a été organisée, utilisée contre la discussion libre. Et la honteuse terreur règne, les plus braves deviennent lâches, personne n’ose plus dire ce qu’il pense, dans la peur d’être dénoncé comme vendu et traître. Les quelques journaux restés honnêtes sont à plat ventre devant leurs lecteurs, qu’on a fini par affoler avec de sottes histoires. (…)

Ô jeunesse, jeunesse ! Je t’en supplie, songe à la grande besogne qui t’attend. Tu es l’ouvrière future, tu vas jeter les assises de ce siècle prochain, qui, nous en avons la foi profonde, résoudra les problèmes de vérité et d’équité, posés par le siècle finissant. Nous, les vieux, les aînés, nous te laissons le formidable amas de notre enquête, beaucoup de contradictions et d’obscurités peut-être ; (…) et nous ne te demandons que d’être encore plus généreuse, plus libre d’esprit, de nous dépasser par ton amour de la vie normalement vécue, par ton effort mis entier dans le travail, cette fécondité des hommes et de la terre qui saura bien faire enfin pousser la débordante moisson de joie, sous l’éclatant soleil. (…)

Jeunesse, jeunesse ! Souviens-toi des souffrances que tes pères ont endurées, des terribles batailles où ils ont dû vaincre, pour conquérir la liberté dont tu jouis à cette heure. Si tu te sens indépendante, si tu peux aller et venir à ton gré, dire dans la presse ce que tu penses, avoir une opinion et l’exprimer publiquement, c’est que tes pères ont donné de leur intelligence et de leur sang. Tu n’es pas née sous la tyrannie, tu ignores ce que c’est que de se réveiller chaque matin avec la botte d’un maître sur la poitrine, tu ne t’es pas battue pour échapper au sabre du dictateur, aux poids faux du mauvais juge. Remercie tes pères, et ne commets pas le crime d’acclamer le mensonge, de faire campagne avec la force brutale, l’intolérance des fanatiques et la voracité des ambitieux. La dictature est au bout.

Jeunesse, jeunesse ! Sois toujours avec la justice. Si l’idée de justice s’obscurcissait en toi, tu irais à tous les périls. Et je ne te parle pas de la justice de nos codes, qui n’est que la garantie des liens sociaux. Certes, il faut la respecter, mais il est une notion plus haute, la justice, celle qui pose en principe que tout jugement des hommes est faillible et qui admet l’innocence possible d’un condamné, sans croire insulter les juges. N’est-ce donc pas là une aventure qui doive soulever ton enflammée passion du droit ? Qui se lèvera pour exiger que justice soit faite, si ce n’est toi qui n’es pas dans nos luttes d’intérêts et de personnes, qui n’es encore engagée ni compromise dans aucune affaire louche, qui peux parler haut, en toute pureté et en toute bonne foi ?

Jeunesse, jeunesse ! Sois humaine, sois généreuse. Si même nous nous trompons, sois avec nous, lorsque nous disons qu’un innocent subit une peine effroyable, et que notre cœur révolté s’en brise d’angoisse. Certes, les gardes-chiourme restent insensibles, mais toi, toi, qui pleures encore, qui dois être acquise à toutes les misères, à toutes les pitiés ! (…) Qui donc, si ce n’est toi, tentera la sublime aventure, se lancera dans une cause dangereuse et superbe, tiendra tête à un peuple, au nom de l’idéale justice ? .

– Où allez-vous, jeunes gens, où allez-vous, étudiants, qui battez les rues, manifestant, jetant au milieu de nos discordes la bravoure et l’espoir de vos vingt ans ?

– Nous allons à l’humanité, à la vérité, à la justice ! »

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Les Lettres à la Jeunesse sont publiées aux éditions des Mille et une Nuits.

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